Fiche du document numéro 29198

Num
29198
Date
Lundi 4 juillet 1994
Amj
Hms
20:00:00
Auteur
Taille
28905
Sur titre
Journal de 20 heures
Titre
La situation se tend au Rwanda pour l'armée française qui veut créer une zone protégée malgré l'opposition du FPR, qui vient de prendre Kigali et Butare
Sous titre
Tous les Tutsi qui restent dans la région de Kibuye vivent désormais en cachette. Dans toute la zone, des patrouilles de l'armée française vont à leur recherche.
Nom cité
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Lieu cité
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FPR
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ZHS
Résumé
- The situation is tense in Rwanda for the French army which wants to create a protected zone despite the opposition of the RPF, which has just taken Kigali and Butare.

- François Mitterrand is in South Africa.

- The capital Kigali has just fallen into the hands of the RPF. The fighting has mainly taken place in Kigali for about two weeks at night. The Patriotic Front of Rwanda likes to operate in very discreet commandos after having heavily shelled the city for a month. That's the way he did it this morning. Several commandos launched into town. It seems that the government troops lacked ammunition, were cornered on their last two positions. These last two positions were a barracks of the gendarmerie, on one of the hills overlooking the city. And it was above all the presidential guard, this elite troop that has been trained by the French army for three years now. And who was therefore absolutely at the end of his rope. The RPF troops first wanted to liberate the Church of the Holy Family. And it is extremely symbolic since it is in this church that 800 Tutsi refugees lived in the permanent fear of being killed by the Hutu militias which still prevail in the city. The city had been deserted for the past two weeks, only a few militiamen could be seen there. The rest of the population lived in caves, in terror of the bombardments. The RPF holds two-thirds of Rwandan territory. It owns the two main cities: the capital Kigali and Butare.

- The RPF took the town of Butare this morning, which is located in the southwest of the country. He continues his march towards the Zairian border, that is to say in an area hitherto considered as protected by the French army, which still wants to continue to do its humanitarian work. But the RPF was categorical: "This humanitarian zone is doomed to failure", he just said an hour ago.

- The Chief of Staff of the Armed Forces, Admiral Lanxade, gave his version of the incident at the end of the afternoon during which, yesterday [July 3], French soldiers were shot at. A patrol was returning from the border with Burundi. She had escorted there 600 orphans who were fleeing Rwanda. She met RPF troops who let them pass. But further on, a group of uncontrolled or poorly controlled soldiers opened fire, more out of stupidity than out of real provocation.

- There is therefore no reason, according to Admiral Lanxade, to exaggerate this event. On the other hand, he insisted: France has created, in the south of the country, a safety zone where all refugees will be protected. Hence the order given to French soldiers to oppose any armed intrusion into this safe zone. Jacques Lanxade: "The border of the humanitarian zone passes east of Gikongoro. And we told the RPF that we did not want it to enter this zone. French soldiers are there to mark the limits of this zone. And I don't think they have to oppose the RPF militarily. Because I don't believe that the RPF will cross".

- In this humanitarian protection zone there is the town of Kibuye. At the Saint-Jean church, the Hutu faithful pray, as if nothing had happened. On the side of the hill, a mass grave. 2,000 Tutsis were killed here and no one bothered to have them buried, not even the Hutu priest who has occupied the church since the massacre. Father Jean-François: "When you go to church, little by little, the bad smell leaves to leave a certain good smell".

- All the Tutsi who remain in this region are now living in hiding. They know that the French are there: every day, one or two manage to make contact with the French army, which is a kilometer away. Army patrols throughout the area are looking for them. Here they found a baby. His parents were killed. A Hutu family took him in but was afraid to keep him. He will join 1,000 other Tutsi grouped together in a clearing in Bisesero. The French who protect them arrived a little late but one thing is certain: since they have been there, the Hutus, established on the hills, no longer dare to attack them.

- The government until then in place in Rwanda, which now seems to be losing all its strongholds, does not want to go into exile. 17 political parties have pledged to promote dialogue between the RPF and this ousted government.

- France asked the fighters to stay away from the town of Gikongoro, where hundreds of thousands of people are refugees. The French soldiers have been ordered to stay in this town.

- According to Minister Alain Juppé, there is no hostility in principle on the part of the RPF to the concept of a safe humanitarian zone. As for the Communist group, it asked for the minister to be heard before the Assembly. And the PS regretted the slowness of the UN to come to support the efforts of France.
Source
TF1
Fonds d'archives
INA
Type
Transcription d'une émission de télévision
Langue
FR
Citation
[Patrick Poivre d'Arvor :] Mesdames, Messieurs bonsoir. La situation se tend au Rwanda pour l'armée française qui veut créer une zone protégée malgré l'opposition du FPR, qui vient de prendre Kigali et Butare.

[…]

Et puis dans ce journal, François Mitterrand en Afrique du Sud.

[…]

Pour commencer, donc, le Rwanda car sa capitale Kigali vient tout juste de tomber aux mains du FPR. Le FPR qui ne veut pas de la zone humanitaire souhaitée par les Français dans le Sud-Ouest du pays. Nous allons y revenir tout de suite. Mais tout d'abord, euh, au téléphone Loïck Berrou.

[Loïck Berrou en direct par téléphone de "Nairobi (Kenya)" : "Euh, bonsoir Patrick. Euh, en effet nous avons appris la nouvelle ce matin très tôt. Et elle nous a grandement surpris puisque la journée d'hier [3 juillet] avait été extrêmement calme. Les combats se déroulent pour l'essentiel à Kigali depuis une quinzaine de jours la nuit. Euh, le Front patriotique du Rwanda aime bien opérer en commandos très discrets après avoir pilonné largement la ville depuis un mois. C'est ainsi qu'il a procédé ce matin. Plusieurs commandos se sont lancés en ville. Il semble que les troupes gouvernementales manquaient de munitions, étaient acculées sur leurs deux dernières positions [diffusion d'images de soldats des FAR et du FPR]. Ces deux dernières positions, c'était une caserne de la gendarmerie, sur l'une des collines qui surplombe la ville. Et c'était surtout la garde présidentielle, cette troupe d'élite qui est entraînée…, qui a été entraînée par l'armée française depuis trois ans maintenant. Et qui donc était absolument à bout dans ses derniers retranchements. Donc les…, les troupes du FPR ont lancé ce matin plusieurs commandos en ville. Cette ville qu'ils avaient pilonné à l'artillerie depuis trois semaines. Ils ont d'abord tenu à libérer l'église de la Sainte-Famille. Et c'est extrêmement symbolique puisque c'est dans cette église que 800 réfugiés vivaient dans la crainte -- réfugiés tutsi --…, vivaient dans la crainte permanente de se voir, euh…, tuer par les milices hutu qui sévissent encore en ville. Puisque la ville était désertée cette…, ces deux dernières semaines. On n'y voyait plus que quelques miliciens. Le reste de la population vivait terré dans les caves, dans la terreur des bombardements. Le FPR, donc, s'est emparé ce matin de Kigali à l'aube. Le FPR détient les deux-tiers du territoire rwandais. Le FPR détient les deux principales villes : la capitale Kigali ; la seconde ville d'importance, Butare. C'est une victoire qui était annoncée. Mais c'est une victoire qui n'est pas encore tout à fait totale".]

[Patrick Poivre d'Arvor :] Oui, vous le disiez Loïck, euh, le FPR a…, a pris donc ce matin la ville de Butare qui se trouve dans le Sud-Ouest du pays. Il continue sa marche vers la frontière zaïroise, c'est-à-dire dans une zone jusqu'alors considérée comme protégée par l'armée française, qui veut continuer quand même à faire son travail humanitaire. Mais le FPR a été catégorique : "Cette zone humanitaire est vouée à l'échec", vient-il de dire il y a une heure. Jean-Pierre Ferey.

[Jean-Pierre Ferey :] Le chef d'état-major des armées, l'amiral Lanxade, a donné en fin d'après-midi sa version de l'incident au cours duquel, hier [3 juillet], des soldats français ont essuyé des coups de feu [on voit notamment des soldats français lourdement armés se déployer près d'un bâtiment]. Une patrouille revenait de la frontière avec le Burundi. Elle y avait escorté ces enfants : 600 orphelins qui fuyaient le Rwanda. Elle a rencontré des troupes du FPR -- Front patriotique rwandais -- qui les ont laissés passer. Mais plus loin, un groupe de soldats incontrôlés ou mal contrôlés a ouvert le feu, plus par bêtise que par vraie provocation [on voit les soldats français procéder à l'évacuation des orphelins].

Il n'y a donc pas lieu d'après l'amiral Lanxade d'exagérer cet évènement. Par contre il a insisté [diffusion d'une carte du Rwanda montrant la ligne de front ; un petit cercle rouge autour de la ville de Gikongoro s'affiche en clignotant] : la France a créé, au sud du pays, une zone de sûreté où tous les réfugiés seront protégés. D'où l'ordre donné aux soldats français de s'opposer à toute intrusion armée dans cette zone de sûreté [on voit le général Raymond Germanos et l'amiral Jacques Lanxade en pleine conférence de presse].

Amiral Jacques Lanxade, "Chef d'état-major des Armées" : "La zone, euh…, humanitaire, la limite de cette zone passe dans l'Est de Gikongoro. Et nous avons indiqué au FPR que nous ne souhaitions pas qu'il entre dans cette zone. Les soldats français sont là pour marquer, euh, les limites de cette zone. Et je ne pense pas qu'ils aient, euh…, à s'opposer militairement au FPR. Car je ne crois pas que le FPR franchira".]

Il n'empêche : la nature de la mission des soldats français a quelque peu changé. Ils devaient éviter le contact, maintenant ils doivent faire face.

[Patrick Poivre d'Arvor :] Dans cette zone de protection humanitaire il y a la ville de Kibuye. C'est là où nous étions il y a tout juste une semaine. Et je vous montrais devant l'église un endroit fraîchement remblayé par les bulldozers. C'était hélas un charnier. On en a eu la cruelle confirmation aujourd'hui avec ce reportage de Nahida Nakad et de Sébastien Renouil.

[Nahida Nakad :] L'église Saint-Jean à Kibuye. En s'en approchant nous sentons une insupportable odeur de mort. Les fidèles hutu prient, comme si de rien n'était. Sur le flanc de la colline, un charnier [gros plan sur un pied de cadavre qui dépasse de la terre]. 2 000 Tutsi ont été tués ici et personne n'a pris la peine de les faire enterrer, même pas le prêtre hutu qui occupe l'église depuis le massacre [on voit les paroissiens en train de chanter et danser en tapant dans leurs mains].

[Nahida Nakad, s'adressant au Père Jean-François : - "Est-ce que ça ne vous gêne pas de prier sur une odeur de mort ?". Père Jean-François : - "En tout cas l'odeur, pour le moment, ce n'est pas encore… En tout cas, quand on fréquente l'église, petit à petit, l'odeur…, la mauvaise odeur part pour laisser… une certaine bonne odeur. Ce que je dirais".]

Durant la messe le Père Jean-François a lu un message de l'armée française : un appel à l'arrêt des massacres [on voit les gens en train de prier dans l'église].

[Nahida Nakad, face caméra, devant l'église Saint-Jean de Kibuye : "Tous les Tutsi qui restent dans cette région vivent désormais en cachette. Ils savent que les Français sont là : tous les jours, un ou deux réussissent à prendre contact avec l'armée française qui est à un kilomètre d'ici [elle regarde vers sa droite]".]

Dans toute la zone, des patrouilles de l'armée vont à leur recherche. Ici, ils ont trouvé un bébé. Ses parents ont été tués. Une famille hutu l'a accueilli mais avait peur de le garder [on voit le jeune enfant s'agripper au bras d'un soldat français]. Il ira rejoindre 1 000 autres Tutsi regroupés dans une clairière à Bisesero. Les Français qui les protègent sont arrivés un peu tard [on voit des enfants blessés et en très mauvais état]. Mais une chose est certaine : depuis qu'ils sont là, les Hutu, implantés sur les collines, n'osent plus les attaquer [on aperçoit des gens au sommet de la colline].

[Patrick Poivre d'Arvor :] Encore un mot sur ce dossier pour vous dire que le gouvernement jusqu'alors en…, en place au Rwanda, euh, qui semble désormais -- vous l'avez entendu -- perdre toutes ses places fortes ne veut pas s'exiler. 17 partis politiques se sont engagés à favoriser un dialogue entre le FPR et ce gouvernement déchu.

Je vous rappelle, donc, que la France a demandé aux combattants de se tenir à l'écart de la ville de… Gikongoro où…, où sont réfugiés des centaines de milliers de personnes et que les militaires français ont reçu l'ordre de rester dans cette ville.

Selon le ministre Alain Juppé, il n'y a pas d'hostilité de principe de la part du FPR au concept de Zone humanitaire sûre. Quant au groupe communiste, il a demandé son audition -- l'audition du ministre -- devant l'Assemblée. Et le PS a regretté la lenteur de l'ONU pour venir seconder les efforts de la France.

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fgtquery v.1.9, 9 février 2024