Fiche du document numéro 29111

Num
29111
Date
Jeudi 4 novembre 2021
Amj
Taille
27507
Titre
Le président du Sénat congolais se montre indulgent envers la colonisation belge
Lieu cité
Mot-clé
Source
Type
Page web
Langue
FR
Citation
Nous recevant en marge de la visite de parlementaires belges à Kinshasa, le président du Sénat congolais Modeste Bahati Lukwebo a accepté de commenter le rapport présenté par les experts chargés de présenter le travail de la commission décolonisation. Pour lui en effet, « il importe d’être réaliste et de rappeler toutes les facettes de l’entreprise coloniale. Certes, il y a eu des contraintes, la chicotte a été utilisée, mais en même temps les ressources du Congo ont été mises en valeur. L’impunité n’existait pas et les lois étaient appliquées ; les enfants étaient obligés d’aller à l’école et sanctionnés s’ils n’y allaient pas… ». Se souvenant d’un passé qui n’est pas si éloigné, le numéro deux de l’Etat congolais regrette que les experts aient omis de souligner les aspects positifs de la colonisation : « il n’y avait pas que les questions politiques. Il ne faudrait pas oublier que des plantations ont été créées, que de nouvelles villes sont apparues, dotées d’un plan d’urbanisation. Bukavu en est un exemple : créée par les Belges, la ville était très belle, très attrayante pour les touristes. Aujourd’hui elle est ravagée par les érosions, les maisons s’effondrent ou sont ravagées par des incendies : c’est un effet de la guerre, de la mauvaise gouvernance. Bravant les règlements, les gens ont construit dans des parcelles qui ont été loties, on a coupé les arbres. Au fil du temps, beaucoup de Congolais se souviennent de l’époque coloniale avec nostalgie et beaucoup seraient tentés de dire "c’était mieux avant" ajoutant que les nouveaux dirigeants n’ont pas valu mieux que les Belges ! Ces derniers veillaient à ce que les règles soient appliquées et obligeaient les gens à travailler, mais pour leur bien… Si on veut se développer, il faut de la discipline… ».

L’ancien colonisateur devrait-il présenter des excuses ? « Oui, il faudrait s’excuser pour les excès qui ont été commis, mais aussi faire la balance entre le positif et le négatif. Tout n’était pas mauvais, il faut avoir le courage de le dire. Et de nombreux compatriotes ont regretté que Patrice Lumumba ait manqué de respect envers le roi Baudouin ».

Animé par un esprit positif à l’égard de la Belgique, M. Bahati attend beaucoup d’un réchauffement des relations avec l’ancienne métropole, en particulier au niveau des Parlements : « nous serions intéressés par des séminaires de formation, entre autre d’assistants parlementaires, d’agents administratifs, d’experts en matière juridique ».

Sachant que Bruxelles attache beaucoup d’importance au respect du calendrier électoral, M. Bahati est formel : « l’échéance de nouvelles élections en 2023 sera respectée, c’est pour cela que nous tenions à ce que soit mise en place sans tarder la Commission électorale indépendante. Il n’y aura pas de glissement et, visant la transparence, nous demanderons que soient disponibles les PV des délibérations des bureaux électoraux tandis que les observateurs pourront opérer en toute liberté ».

Sur le plan militaire, le président du Sénat, originaire de Kabare au Sud Kivu se montre optimiste : « nous voulons en finir avec les groupes armés, les éradiquer définitivement. Pour cela nous veillons à ce que les moyens alloués soient bien utilisés, et plusieurs officiers supérieurs vont faire l’objet de procès… Il faut injecter du sang neuf dans notre armée, c’est pour cela qu’une relance de la coopération belge serait bienvenue. Pour combattre les ADF (ndlr : rebelles musulmans d’origine ougandaise opérant dans l’Ituri), nous songeons à demander le soutien de l’armée ougandaise ».

Alors que la grève des enseignants paralyse toujours les écoles, le président du Sénat reconnaît que la décision d’imposer la gratuité et donc la fin de la participation des parents aux frais scolaires aurait mérité davantage de mesures d’accompagnement : « l’Etat aurait dû pouvoir suppléer au manque à gagner des enseignants, mais pour cela il faut que les moyens suivent : l’Etat doit pouvoir mobiliser davantage de recettes. Nous songeons à des "recettes innovantes" comme, par exemple, demander une contribution de 5 dollars à chaque citoyen pour financer l’enseignement, percevoir quelque chose sur la "taxe Covid" (ndlr : les tests obligatoires qui coûtent de 20 à 50 dollars chacun…), affecter à l’enseignement la taxe perçue sur les téléphones portables… Nous allons aussi bénéficier des sommes récupérées par l’Inspection générale des Finances, qui traque tous les détournements et organise le traçage des ressources disponibles… ».

Propos recueillis à Kinshasa par Colette Braeckman

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