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La région des Grands Lacs est instable depuis le génocide de 1994 au Rwanda et les guerres meurtrières de 1996 à 1997, et de 1998 à 2003 qui ont fait des millions de victimes. Les Forces Démocratiques de Libération du Rwanda (FDLR) est l’une des principales factions armées impliquées actuellement dans les attaques menées dans l’Est de la République démocratique du Congo (RDC). Ce mouvement a été fondé en mai 2000 et est composé en grande partie d’anciens membres de l’armée et de miliciens Interahamwe, dont nombre de chefs sont accusés d’avoir pris part à l’organisation et au déroulement du génocide. Cependant, l’aile politique des FDLR nie ces faits ainsi que les allégations de meurtre de civils. Les FDLR ont jusqu’au 30 septembre pour désarmer volontairement ou y seront contraints par la force.
Citation
Voici quelques extraits de l’entretien accordé le 9 septembre par Anastase Munyankekwe, porte-parole des FDLR.
QUESTION: En mars dernier, les FDLR ont signé un accord à Rome, en Italie, s’engageant non seulement à désarmer volontairement et sans condition, mais également à rentrer au Rwanda. Pourquoi le mouvement n’a-t-il pas tenu ses engagements ?
REPONSE: Les FDLR n’ont signé aucun accord. Elles ont publié une déclaration à Rome, s’engageant à désarmer volontairement et à rentrer au Rwanda. Mais, cela à certaines conditions : nous avons demandé au gouvernement rwandais de nous faire participer à la vie politique pour que nous puissions exercer nos activités politiques une fois rentrés dans notre pays. Jusqu’à présent, rien n’a été fait dans ce domaine. Nous avions également demandé qu’un comité international de suivi soit mis en place avec lequel nous aurions discuté des modalités de notre désarmement et celles de notre rapatriement. Le comité n’a jamais vu le jour.
Q: Par qui le comité de suivi aurait-il été mis en place ?
R: Avant de publier la déclaration, nous en avons parlé avec le gouvernement de la RDC. Nous nous étions mis d’accord sur la forme et le contenu de notre déclaration avec le médiateur (la fondation San Egidio). Les trois parties (le gouvernement de RDC, les FDLR et la fondation San Egidio) ont convenu de la création du comité. Jusqu’à présent, personne ne semble vouloir prendre en considération notre requête. Il est inconcevable de rentrer au Rwanda avant d’être sûrs qu’un comité soit mis en place et que l’on soit autorisé à participer à la vie politique.
Q: Comment expliquez-vous que l’ancien commandant en chef des FDLR, le général Paul Rwarakabije, soit rentré au Rwanda (en novembre 2004) et qu’il fasse désormais partie de l’armée nationale ?
R: Paul Rwarakabije est rentré au Rwanda parce qu’il est un faible d’esprit. C’est quelqu’un qui ne tient jamais ses engagements. Oui, c’est vrai il est dans l’armée, mais qu’y fait-il au juste ? Quelles sont ses attributions ? Après d’obscures négociations tenues à Kigali, il a pris avec lui une centaine de soldats (des combattants des FDLR). Nous savions qu’il était corrompu et qu’il pouvait affaiblir les FDLR mais il n’y est pas parvenu. Où sont ceux qui l’ont suivi ? La plupart d’entre eux sont en prison. Un colonel a même réussi à s’enfuir en Zambie.
Q: Que répondez-vous aux allégations de la Mission des Nations unies en RDC (MONUC) et des autres organisations de défense des droits de l’homme selon lesquelles les FDLR ont tué des civils dans l’Est de la RDC ?
R: Nous nous demandons tous pour qui travaille la MONUC. Même hier (jeudi), un officier de la MONUC a annoncé (à la BBC) que les FDLR avaient tué douze civils dans l’Est de la RDC. Mais cela est faux. Dans cette région, il y a beaucoup de groupes armés, dont les Rasta [des dissidents des FDLR], les Jackson, les Mayi-Mayi, et un autre groupe commandé par un officier rebelle de l’armée de la RDC, connu sous le nom de Colonel 106.
Nous les suspectons de s’allier à Kigali pour salir l’image des FDLR. Avant même de mener une enquête, la MONUC a annoncé que les FDLR étaient les coupables. Le mois dernier, la MONUC a prétendu que les FDLR avaient tué, à Walungu, dans la Province Sud-Kivu, treize personnes, dont le gouverneur député de la province. Nous avons contesté cette accusation. Après avoir mené une enquête, la MONUC a découvert qu’il n’y avait pas eu de meurtre.
Q: On a également dit que la plupart des combattants des FDLR étaient impliqués dans le génocide de 1994. Que répondez-vous à cela ?
R: S’il y a des personnes parmi nous qui étaient impliquées dans le génocide, elles doivent comparaître devant la justice. Mais ces personnes ne doivent pas être celles qui figurent sur les listes du gouvernement rwandais. Sur ces listes, les opposants au gouvernement sont suspectés de génocide et les collaborateurs sont au contraire considérés comme innocents. Paul Rwarakabije, lui-même, était sur ces listes, mais si maintenant il est innocent c’est parce qu’il coopère. Ils parlent de Interahamwe. Qui est Interahamwe, et qui ne l’est pas ? Ils parlent de Hutus extrémistes ou modérés, mais ils ne parlent jamais de Tutsis extrémistes ou modérés, comme si ces deux catégories n’existaient pas parmi la communauté tutsie. Nous avons des troupes, et nous avons demandé au tribunal pénal international pour le Rwanda de nous envoyer les listes des suspects et les preuves de leur culpabilité. Nous sommes vraiment prêts à coopérer.
Q: Quels liens existe-t-il entre les FDLR et la MONUC, et entre les FDLR et le gouvernement de la RDC ?
R: La mission de la MONUC est claire: nous rapatrier coûte que coûte. En ce qui concerne le gouvernement de la RDC, nous l’avons rencontré à Rome (en mars 2005) et il avait un rôle à jouer : s’assurer de la mise en place du comité de soutien. Nous ne comprenons pas sa position actuelle qui consiste à nous forcer à rentrer chez nous, mais sans mesures d’accompagnement. La meilleure solution serait de rencontrer une nouvelle fois le gouvernement.
Q: Les FDLR ont jusqu’au 30 septembre pour désarmer ou devront faire face à une possible action militaire. Quels sont vos projets entre aujourd’hui et la date fixée ?
R: Nous ne pouvons pas rentrer au Rwanda dans les conditions actuelles. Nous ne comprenons pas pourquoi ils ont choisi le désarmement forcé. Nous n’avons jamais lancé des attaques au Rwanda ni en RDC, et nous n’en avons jamais eu l’intention. Nous voulons désarmer et rentrer dans notre pays quand les deux conditions établies dans la Déclaration de Rome seront remplies. Si le comité de suivi avait été mis en place, nous aurions peut-être désarmé et serions rentrés dans notre pays. La communauté internationale refuse d’assumer ses responsabilités. Si la MONUC attaque nos troupes, nous considèrerons l’action comme étant le meurtre des derniers survivants et témoins du massacre des réfugiés hutus commis en 1996-1997 par l’armée rwandaise. Il n’y a aucune différence entre être tué au Rwanda et être tué en RDC. Nous préférons être tués par la communauté internationale que par nos propres compatriotes.
Q: Il y a deux hommes à la tête des FDLR et deux commandants en chef. Comment expliquez-vous ces divisions ?
R: Un certain Christophe Hakizabera veut devenir le président des FDLR malgré les règles régissant notre mouvement. Dans l’Est de la RDC, le major Séraphin Bizimungu, également connu sous le nom Amani ou Mahoro, s’est autoproclamé nouveau commandant en chef des forces armées. Le 25 juin, les FDLR ont élu Ignace Munyeshyaka comme président et le général Sylvestre Mudacumura comme commandant en chef dans l’Est de la RDC.
Q: Quelles sont les chances de dialogue entre les FDLR et le gouvernement rwandais ?
R: La communauté internationale fuit ses responsabilités. Des dialogues ont eu lieu partout, en RDC et au Burundi par exemple. Quand le gouvernement rwandais dit « nous ne voulons pas dialoguer », personne ne s’y oppose.
Q: La situation au Burundi inspire-t-elle les FDLR ?
R: Ce qui se passe au Burundi est merveilleux. Nous espérons que le Président Pierre Nkurunziza sera assez sage et qu’il aura conscience qu’il y a un problème non résolu à côté (au Rwanda). Nous espérons que des élections pacifiques auront également lieu en RDC.