Citation
Le rapporteur public du Conseil d’État désavoue le gouvernement dans l’affaire des archives « secret défense » et prend position sur le projet de loi PATR.
Le Conseil d’État a examiné aujourd’hui en audience publique les recours du collectif « Accès aux archives publiques » dirigés contre les dispositions de l’IGI 1300 imposant une déclassification préalable à toute communication d’archives publiques « secret défense » que le code du patrimoine déclare pourtant communicables de plein droit après cinquante ans.
Le rapporteur public, Alexandre Lallet, a conclu à l’annulation de ces dispositions dans des termes extrêmement sévères pour le gouvernement. Il a estimé que la nécessité de cette déclassification n’existait « que dans l’esprit du secrétariat général à la défense et à la sécurité nationale », qu’elle avait été « inventée pour les besoins de la cause » au moment même où s’ouvraient les archives de la guerre d’Algérie, et qu’elle avait « un arrière-goût désagréable de subterfuge ». Il a également déploré le coût représenté par l’application de ces mesures de déclassification inutiles.
Historiens contemporanéistes et archivistes ont donc vu leurs activités essentielles entravées depuis plusieurs années sans raison légale. Ils regrettent tous les travaux qui n’ont pu être menés, ainsi que la perte de temps qu’a représenté pour eux ce combat juridique.
Dans la suite de ses conclusions, le rapporteur public a donné le cadre constitutionnel dans lequel pourrait néanmoins, à titre exceptionnel, continuer d’être protégés, au-delà de cinquante ans, des documents restés « sensibles ». Il a posé des barrières beaucoup plus étroites que celles qui figurent dans l’article 19 du projet de loi relatif à la prévention des actes de terrorisme et au renseignement, actuellement en cours de discussion au Sénat : cette protection ne peut concerner que les matériels et les infrastructures de défense, et donc pas les activités de renseignement, et seulement en cas de « menace grave pour les intérêts fondamentaux de la nation ».
Cela signifie que l’article 19 du projet de loi en cours de discussion excède, en l’état, le cadre juridique rappelé par le rapporteur public. Il risquerait, de ce fait, la censure du Conseil constitutionnel.
Le collectif « Accès aux archives publiques » se félicite des conclusions du rapporteur public. Il s’agit là d’une prise de position majeure. Elle poussera certainement le Parlement à reconsidérer la rédaction de l’article 19 du projet de loi pour l’adapter à ce cadre juridique nouveau, voire à décider si, compte tenu de la sévérité de ces conclusions, cet article a toujours lieu d’être.