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En se rendant à Kigali, le président français entend achever la réconciliation des deux pays même si des zones d’ombre
subsistent encore, vingt-sept ans plus tard, sur la période du génocide. Mais Emmanuel Macron veut aussi s’adresser à la jeunesse de France.
Citation
C’est son premier déplacement à
l’étranger après de longs mois de
crise sanitaire. En se rendant au
Rwanda avant de rejoindre l’Afrique du
Sud en cette fin de semaine, Emmanuel
Macron veut marquer une nouvelle
étape dans un processus de rapprochement
entamé il y a trois ans et demi avec
le pays des Mille Collines.
Son discours au mémorial du génocide
de Gisozy, ce jeudi, revêtira « une
solennité particulière », indique l’Elysée.
« Le président s’adressera aux victimes
mais aussi aux rescapés ».
Emmanuel Macron avait déjà entrepris
un travail mémoriel sur l’Algérie.
Dès sa campagne de 2017, il avait surpris
en qualifiant la colonisation de
« crime contre l’humanité ». Arrivé au
pouvoir, il avait reconnu la responsabilité
de l’État dans l’assassinat du mathématicien
communiste Maurice Audin
puis dans la mort du dirigeant nationaliste
Ali Boumendjel. Ce même souci de
réconcilier les mémoires l’anime pour le
Rwanda. Le rapport d’une commission
d’historiens, présidée par Vincent Duclerc,
a conclu récemment aux responsabilités
lourdes et accablantes de la
France dans le génocide sans toutefois
retenir la complicité. « Il y a eu un aveuglement
coupable », a récemment admis
l’ancien président Nicolas Sarkozy
en visant son lointain prédécesseur socialiste
François Mitterrand, à l’Elysée à
l’époque du génocide.
Un subtil point d’équilibre
Emmanuel Macron pourrait aller plus
loin mais a priori sans s’écarter d’un
subtil point d’équilibre : reconnaître la
responsabilité de la France mais sans
présenter d’excuses formelles. Se livrer
à une véritable repentance heurterait
une partie de la France à un an de la
prochaine présidentielle.
Car si ce voyage revêt d’abord une dimension
historique internationale, il
n’est pas exempt de portée politique. En
s’adressant aux Rwandais, Emmanuel
Macron veut aussi parler à la jeunesse
de France issue de l’immigration. Des
minorités qui dénoncent les discriminations
et soulèvent des questions identitaires.
Dans une interview fleuve au magazine
Zadig, le locataire de l’Elysée le dit
explicitement. « Nous sommes vus
comme des humiliants car nous ne reconnaissons
pas les mémoires singulières.
Moi-même j’ai été perçu comme
tel », regrette-t-il. En s’adressant directement
à la jeunesse issue de l’immigration,
il ajoute : « Vous êtes une chance
pour le pays ». Ni négation de l’histoire
passée ni autoflagellation : telle est la
ligne de crête d’un chef de l’État qui
sans être encore officiellement candidat
à sa réélection se plonge déjà vigoureusement
dans la campagne en visant particulièrement
la jeunesse.