Fiche du document numéro 28376

Num
28376
Date
Samedi 27 mars 2021
Amj
Taille
32377
Titre
La responsabilité de la France au Rwanda continue de diviser la famille socialiste
Sous titre
Le rapport rendu vendredi 26 mars par une commission d’historiens sur la responsabilité de la France rouvre un des dossiers les plus sensibles de l’héritage de François Mitterrand
Nom cité
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Source
Type
Article de journal
Langue
FR
Citation
Le rapport sur la responsabilité de la France dans le génocide des Tutsis du Rwanda de 1994, remis vendredi 26 mars au président Macron, est venu réveiller un traumatisme jamais guéri au sein de la famille socialiste. Près de vingt-sept ans après les faits, le sujet demeure l’un des dossiers les plus sensibles de l’héritage de François Mitterrand.

Dans ses conclusions la commission de 14 historiens présidée par Vincent Duclert porte un regard très sévère sur la politique de la France au Rwanda entre 1990 et 1994, menée par François Mitterrand et son entourage « aveuglés idéologiquement ». Elle constitue une « faillite » et elle porte des responsabilités « accablantes » dans le génocide des Tutsis.

Plusieurs fois ministre durant les deux septennats du président socialiste jusqu’en 1993 (et la victoire de la droite aux législatives qui amène alors la deuxième cohabitation), Paul Quilès prend acte de cet énorme document de 1 200 pages mais avant d’en considérer tous les tenants, il insiste sur l’autre principal enseignement. « Le rapport écarte toute complicité de la France », souligne l’ancien proche du président. « Cela va à l’encontre de ce que répètent en boucle depuis des années tous ceux, notamment des journalistes, qui portent un jugement sans connaître la complexité du dossier ».

« L’honnêteté » du rapport, selon Hubert Védrine



Réaction sur un même ton d’Hubert Védrine, secrétaire général de l’Élysée au moment du génocide, qui salue auprès de l’AFP « l’honnêteté » du rapport, tout en déplorant des critiques « très nombreuses et sévères » qui « ne tiennent aucun compte du fait que la France n’a fait que réagir à partir de 1990 à l’attaque du FPR » tutsi.

L’absence de réaction à chaud des principaux responsables du Parti socialiste témoigne de la sensibilité d’un sujet qui, déjà à l’époque, divisait la garde rapprochée de François Mitterrand et le parti de la rue de Solférino. « En 1994, le jour même de son installation comme premier secrétaire du parti, Henri Emmanuelli me convoque pour parler du sujet, se souvient Pervenche Berès, qui était alors secrétaire nationale à la coopération et au développement et avait publié une note critique sur l’opération Turquoise. L’échange que nous avons eu montrait que le sujet le préoccupait beaucoup. »

Des « zones d’ombre »



Après le départ de l’Élysée de François Mitterrand puis son décès en janvier 1996, le dossier Rwanda est demeuré en partie tabou. La Mission d’information parlementaire conduite par Paul Quilès en 1998 n’a pas levé les critiques. Il reste encore aujourd’hui des « zones d’ombre », relève Pervenche Berès, notamment sur les raisons qui ont conduit le président socialiste à s’aligner sur son homologue hutu Juvénal Habyarimana, explique l’ancienne députée européenne.

Dans leur rapport publié vendredi, les historiens soulignent « la relation forte, personnelle et directe » entre les deux hommes et aussi l’obsession de Paris de faire du Rwanda un territoire de défense de la francophonie face aux ambitions de la diplomatie anglo-saxonne en Afrique.

Avec le temps, les critiques plus tranchées se sont manifestées à gauche. En 2014, pour le vingtième anniversaire du génocide, Le mouvement des jeunes socialistes (MJS) publie un communiqué estimant que « la France doit reconnaître l’ensemble de son rôle dans le soutien au régime génocidaire entre 1990 et 1994 ». Une prise de position qui provoquera une discussion tendue entre les responsables du MJS et l’ancienne garde rapprochée de Mitterrand.

Les travaux au point mort au PS



Le ton monte en 2019. Dans une interview au Monde, Raphaël Glucksmann, tête de liste du parti Place publique (PP) allié au PS pour les élections européennes, déclare que « François Mitterrand a porté de la manière la plus radicale et la plus abjecte la politique de la France au Rwanda ». Une position qui suscite la colère parmi les historiques. Le premier secrétaire du PS Olivier Faure s’accorde avec Hubert Védrine et Paul Quilès. « Après les élections européennes, le PS prendra l’initiative d’un débat contradictoire et public sur les responsabilités dans le génocide rwandais. Nous demanderons notamment l’ouverture des archives de tous les pays et institutions qui furent parties prenantes au conflit, de sa genèse à sa conclusion », confie à Jeune Afrique Olivier Faure à l’issue de la rencontre.

Depuis, le dossier n’a pas avancé, assure le site d’actualité quelque mois plus tard. « Je le regrette, commente Paul Quilès. C’est le manque d’intérêt et la méconnaissance du dossier qui suscitent les approximations, y compris chez les responsables du parti. François Mitterrand s’était impliqué pour faire aboutir des accords d’Arusha de 1993 et s’ils ont échoué, ce n’est pas la faute de la France ».

Quoi qu’il en soit, c’est le rôle des autorités françaises au moment du génocide qui suscite aussi l’indignation. Ce rapport « apporte un peu de vérité sur une immense faute politique », regrette Bernard Kouchner, ancien ministre de la Santé et de l’Action humanitaire sous François Mitterrand (1992-1993). Il s’était rendu au Rwanda pendant le génocide et assure avoir appelé deux fois le président François Mitterrand pour le prévenir. « Les gens de l’Élysée n’ont rien voulu voir », affirme à l’AFP l’ancien ministre. Bientôt vingt-sept ans après, « cela reste encore un sujet chaud » admet Pervenche Berès.

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fgtquery v.1.9, 9 février 2024