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HUBERT VEDRINE DANS LE STUDIO DE FRANCE CULTURE, LE 15 AVRIL 2021.
NB. – Les principaux bégaiements ainsi que les acquiescements de complaisance ont été supprimés.
[Début de la transcription à 00’ 06’’]
Guillaume Erner : Il y a quelques jours était publié le rapport Duclert sur l’action de la France au Rwanda, c’était le 26 mars dernier. Je me suis entretenu avec l’auteur de ce rapport, ici-même. Dans ce très long document – plus de 1 000 pages – Vincent Duclert et ses co-auteurs établissaient la responsabilité de la France, et non sa complicité, dans le génocide des Tutsi. Voilà pour la vision délivrée par ce document. Mais qu’en est-il de la manière dont cette période historique, celle qui va, disons, de 1990 au génocide de 1994, a été vécue depuis l’Elysée ? Pour en parler, je reçois celui qui a été secrétaire général de l’Elysée à l’époque. Hubert Védrine, bonjour.
[00’ 45’’]
Hubert Védrine : Bonjour.
[00’ 46’’]
Guillaume Erner : Hubert Védrine, je vous propose d’essayer de retracer les principales étapes de ce génocide et de voir comment, donc, celui-ci a été vécu depuis l’Elysée pour que vous donniez votre regard sur l’établissement des faits, sur cette responsabilité. On va évoquer les mots et puis vous me direz comment, vous, vous voyez ces mots sur cette action historique. Quels ont été les principaux signaux d’alerte, pour vous, à l’époque ?
[01’ 17’’]
Hubert Védrine : Alors, d’abord je vous remercie de cette invitation parce que je suis heureux de venir ici ce matin pour participer à ce qui est cette très, très, très longue, disons, bataille mémorielle – qui à mon avis est loin de son terme. Et pour essayer d’établir une analyse objective et équitable – ce qui à mon sens n’est toujours pas le cas d’ailleurs – en la remettant dans son contexte de l’époque, 90, on va en parler. Et son contexte plus large puisqu’il y a six ou sept pays qui sont concernés par ce sujet. La France étant absolument le seul pays, pour le moment, qui a fait l’effort méritoire d’ouvrir très, très, très largement quasiment toutes ses archives. Déjà sous le gouvernement Jospin avec la mission…, la commission Quilès-Cazeneuve et puis maintenant avec le rapport Duclert. Alors les signaux, dans la question que vous me posez, en réalité, c’est dès le début – dès le début ! –, dès l’attaque du FPR, qui était un mouvement organisé en Ouganda pour rassembler les réfugiés tutsi qui étaient en Ouganda après les massacres atroces de 62. Donc quand il y a une attaque du FPR à l’époque…
[02’ 17’’]
Guillaume Erner : Alors, le FPR… Il faut que l’on s’attache à définir les termes, Hubert Védrine, pour que ce soit bien compréhensible.
[02’ 23’’]
Hubert Védrine : Oui, c’est le Front patriotique rwandais qui est une organisation créée en Ouganda par des réfugiés tutsi des massacres atroces de 62. Parce que la Belgique avait laissé un chaos absolu, au Congo, au Rwanda, Burundi. Ils sont partis en Ouganda. Donc c’est ce mouvement qui s’organise pour aider les réfugiés à rentrer chez eux, c’est le programme. Et en 90, il y a une attaque de ce mouvement, aidé par l’armée ougandaise. Ce que le Président Museveni ougandais n’a jamais nié et contesté. Donc en 90, il y a la décision d’origine dont on peut discuter d’ailleurs. Le Président Mitterrand à l’époque…, il n’y a pas de lien particulier avec le Rwanda : c’est une ancienne colonie Belge, elle est entrée dans la communauté…
[03’ 01’’]
Guillaume Erner : Pas de lien particulier mais avant tout des liens avec la France assez lointains puisque l’un des premiers accords que l’on trouve, par exemple, entre la France et le Rwanda, il est signé par VGE…
[03’ 13’’]
Hubert Védrine : En 75, oui. Mais avant, même le général de Gaulle avait accepté que les anciennes colonies belges entrent dans la vaste communauté, voyez…, francophone…
[03’ 19’’]
Guillaume Erner : Donc nous sommes proches du Rwanda et nous sommes proches en particulier du président Habirayama [sic]…
[03’ 24’’]
Hubert Védrine : Non pas en particulier, non. Ça, c’est…, ça, j’ai vu ça c’est une invention complète.
[03’ 27’’]
Guillaume Erner : VGE signe cet accord avec Habirayama [sic]…
[03’ 29’’]
Hubert Védrine : Oui. Ce n’est pas une proximité personnelle, ça. Et pas non plus avec François Mitterrand. En tout cas il y a un accord de coopération notamment en matière de gendarmerie. Toujours est-il qu’en 90 le Président Mitterrand pense que si un…, une toute petite minorité appuyée par l’armée d’un pays voisin peut prendre le pouvoir par la force dans un pays où on considère… – il y a tout un débat sur la validité des critères ethniques –, mais tout le monde à l’époque considère que c’est 85 % de Hutu…
[03’ 51’’]
Guillaume Erner : On reviendra sur ce débat. Enfin, juste pour poser les choses en quelques mots, Hubert Védrine…
[03’ 56’’]
Hubert Védrine : Oui. Non, c’est pour vous dire que…
[03’ 57’’]
Guillaume Erner : Là aussi sur ce partage ethnique entre Tutsi et Hutu : il est lié à l’époque de la colonisation allemande puis belge. Donc on est à la fin du XIXème siècle…
[04’ 07’’]
Hubert Védrine : Je ne crois pas que les critères ethniques soient apparus avec les colonisateurs, hein. Et je ne crois pas que ça ait disparu après. Enfin, ça, c’est un autre sujet. J’ai une interprétation dans le rapport Duclert qu’il faut…
[04’ 15’’]
Guillaume Erner : Sujet important, disons que…
[04’ 16’’]
Hubert Védrine : Tout à fait surprenante, en tout cas.
[04’ 17’’]
Guillaume Erner : L’une des thèses considère que la vision ethnique a été plaquée sur un contexte…, social, disons, tandis que d’autres considèrent qu’il y a une partition ethnique.
[04’ 29’’]
Hubert Védrine : A ma connaissance, il n’y a que le…, la commission Duclert qui dit ça. Il n’y a aucun spécialiste de l’Afrique là-dedans. Bon, ça fait rigoler tous les spécialistes de l’Afrique. En tout cas, c’est leur thèse…
[04’ 39’’]
Guillaume Erner : Il y a d’autres… Bon. On ne va pas polémiquer là-dessus mais il y a une autre vision du partage…
[04’ 41’’]
Hubert Védrine : Puisque vous me posez la question sur 90, l’intervention de 90, de Mitterrand, elle est double : il faut empêcher la prise du pouvoir par la force parce que ça peut se traduire par des…, un bain de sang monstrueux – compte tenu des souvenirs de 62, légitimes. Mais il faut l’autre volet : il faut utiliser cette intervention pour imposer un compromis politique. Ce qui sera obtenu à Arusha, à l’été 93. Donc, dans la lecture où Mitterrand dit…
[05’ 05’’]
Guillaume Erner : Les accords d’Arusha, c’est… Arusha, c’est un accord qui est fait en Tanzanie, qui est considéré comme étant le seul pays à même de mettre les différentes parties en accord ? Vous êtes… ?
[05’ 18’’]
Hubert Védrine : Oui, mais il y a plusieurs pays qui étaient, qui ont cont… – pays africains –, qui ont contribué aux accords d’Arusha, qui ont commencé à être négociés avant la…, le changement, à Paris, de la cohabitation, conclus sous la cohabitation, notamment avec un travail important d’Alain Juppé. Mais c’est un processus qui est engagé depuis le début. Puisque vous me parliez de 90. Dès 90… Je veux dire, il n’y a pas besoin de signaux d’alerte après. Les fameux signaux d’alerte, que je ne sais qui n’aurait pas vu… C’est… Il y a des milliers de notes qui tournent dans tous les sens. Mais c’est la décision d’origine ! Pour Mitterrand, c’est dès 90 qu’il y a un risque énorme. Et ça conduit aux accords d’Arusha en 93 ! Où tout le monde avait cru que la question était réglée. Donc, voilà mon… Vous me posez la question de mon souvenir. Mon souvenir, c’est ça : 90-93. Je n’ai joué aucun rôle particulier à l’époque mais à la longue [sourire], je suis devenu une sorte de spécialiste du sujet en ayant revu tout le monde et tout relu. 90-93.
[06’ 08’’]
Guillaume Erner : Alors, donc, ces accords d’Arusha, ils sont importants, qu’est-ce qu’ils stipulent, Hubert Védrine ?
[06’ 14’’]
Hubert Védrine : Bah, ils sont importants parce que les pays qui ont accompagné ces accords, dont la France – pas que la France, hein, il faut rendre hommage à d’autres pays africains et à d’autres pays occidentaux qui ont poussé à ces accords –, ils décident, ils imposent que l’armée future du nouveau Rwanda va être composée à 40 % de Tutsi. 40 % ! Alors qu’à l’époque, l’évaluation commune, c’est que les Tutsi sont 12, 13 % du Rwanda. 40 %. C’est le contraire exact du soutien à un régime honni, vous voyez ? C’est tout à fait déséquilibré, disons, dans le sens tutsi. Et il y a un gouvernement de transition, qui est prévu, dans lequel le Premier ministre sera issu de l’opposition, le FPR aura cinq postes sur 21… Donc c’est un accord, on va dire, plutôt favorable aux Tutsi. C’est pour ça, d’ailleurs, qu’une partie des Hutu…, une partie des Hutu le refusent. Et alors qu’une partie des Tutsi veulent tout le pouvoir et pas la moitié. Donc c’est des accords très importants, dont, pour des raisons que je ne m’explique pas, on a très, très, très, très peu parlé ces dernières années.
[07’ 11’’]
Guillaume Erner : Quel est le rôle de la France dans cet accord ? Parce que le rôle de la France, là aussi, est discuté. Comment voyez-vous la place de notre pays dans la manière dont cet accord est finalisé, Hubert Védrine ?
[07’ 26’’]
Hubert Védrine : Alors d’abord, il n’y a pas de négociation politique si on est en pleine guerre civile. Donc, s’il n’y a pas l’intervention de 90 pour bloquer l’attaque et la guerre civile, il n’y a pas l’obligation de négocier politiquement. Donc c’est l’intervention initiale qui oblige à négocier, même si dans chaque camp certains veulent soit tout prendre soit rien donner. Après c’est un rôle important, d’accompagnement ou d’incitation ou de soutien. Mais la France, il faut être honnête, n’est pas la seule, n’est pas la seule à rechercher un accord Arusha. Il y a plusieurs pays africains, l’Union africaine est tout à fait favorable. Donc la France joue un rôle important dès 92 puis 93 – et in finish avec Alain Juppé, ministre, puisqu’il y a la cohabitation à partir de mars 93 –, donc c’est un rôle important.
[08’ 06’’]
Guillaume Erner : Rôle important ou rôle d’observateur ? Parce que, là aussi, c’est discuté. Est-ce que l’on peut véritablement considérer que la France a eu un rôle décisif dans les signatures…, dans la signature des accords d’Arusha ?
[08’ 17’’]
Hubert Védrine : Bah, disons que si la France n’était pas militairement présente pour empêcher…, pour bloquer l’engrenage de la guerre civile, il n’y a même pas de négociations d’Arusha ! Donc, ça, c’est un élément fondamental. Après, si par exemple il y avait eu une relation personnelle – comme on le lit dans le rapport – entre le Président Mitterrand et le Président Habyarimana, le Président Mitterrand aurait bloqué. Il aurait dit : « On ne va pas imposer à Habyarimana de donner 40 % de l’armée alors qu’ils sont 12 % ». Il ne l’a jamais fait ! Donc il y a un accord, il y a une approbation générale. Et dans le détail, les diplomates français ont contribué. Mais je ne veux pas attribuer à la France seule les mérites d’Arusha. Je voudrais simplement que dans le cadre [sourire] d’une approche plus objective que ces dernières années, on rappelle que la France a accompagné ce mouvement de façon importante, et efficace et utile. Et qu’il y a le double volet : le volet militaire et le volet politico-diplomatique. Et Arusha, ça a été présenté comme un succès, à l’époque.
[09’ 08’’]
Guillaume Erner : Alors…, à l’époque oui. Mais après, les différentes visions de l’accord d’Arusha évoluent. Alors je lis par exemple dans la Mission d’information parlementaire : « La diplomatie française n’a pas fait une analyse suffisante des arguments, des méthodes et de l’idéologie de ceux qui dans le gouvernement rwandais et dans l’entourage du Président Habyarimana refusaient a priori tout accord avec le FPR ». C’est-à-dire que, si on essaie d’expliquer aux auditeurs l’une des questions qui se posent, et je vais vous laisser évidemment y répondre, Hubert Védrine, eh bien, elle consiste à dire que cet accord d’Arusha était peut-être un bon accord en théorie mais qu’en pratique, il ignorait un certain nombre d’éléments radicaux et que ces éléments radicaux ont finalement été ceux qui ont facilité le génocide.
[09’ 53’’]
Hubert Védrine : Attendez, ça c’est après ! Quand la France est repartie ! Parce que les conditions pour rester après Arusha n’étaient pas réunies. Mais en tout cas, la pression de la France, elle est continue depuis 90-91. Il y a des attaques du FPR. Des attaques ! Il y a des enquêteurs qui disent que le FPR massacrait en avançant ! C’est des…, ça fait partie des livres qui sont considérés comme négationnistes alors qu’ils ne le sont pas, parce qu’aucun livre ne nie le génocide. C’est pour éviter…
[10’ 16’’]
Guillaume Erner : Alors, là aussi, il faut expliquer aux auditeurs sinon…, ça va être difficilement compréhensible. C’est-à-dire que le FPR, qui est donc…
[10’ 21’’]
Hubert Védrine : Bah, absolument. Je leur dis quand même que… Attendez ! Je leur dis quand même qu’il y a 15, 20, 25 livres ou articles qui disent le contraire de ce qui est raconté en majorité dans les médias français ces dernières années. Des livres de toutes origines, dans tous les pays du monde, y compris l’Afrique.
[10’ 35’’]
Guillaume Erner : Mais alors ces livres sont généralement considérés… Puisqu’il y a par exemple eu des auteurs, Judi Rever qui est considérée comme étant négationniste mais pour sortir de…
[10’ 45’’]
Hubert Védrine : Alors qu’elle parle du génocide tout le temps ! C’est même…, moi, je suis choqué qu’on parle de négationniste. Attendez ! Le négationnisme c’est Faurisson ! Qui dit : « Il n’y a pas de chambres à gaz ». Aucun des livres dont je parle et qui ne sont pas assez lus en France ne conteste le génocide des Tutsi ! Aucun. Ils l’expliquent autrement.
[11’ 00’’]
Guillaume Erner : Ce que l’on pourrait dire, en revanche, c’est qu’ils le relativisent…, ils le relativisent très largement.
[11’ 03’’]
Hubert Védrine : Non, non ! Ils le contextualisent mais ils ne le relativisent jamais ! Y compris les Congolais ! C’est eux qui posent la question de savoir comment qualifier les massacres qui ont eu lieu au Congo. Mais ils n’ont…, même ceux-là... Ce n’est pas un débat franco-français, ce débat, c’est un débat congolais en quelque sorte. Mais même ceux-là n’ont jamais contesté le génocide des Tutsi !
[11’ 19’’]
Guillaume Erner : Mais alors, le problème, si vous voulez, c’est que, chez Judi Rever, il y a par exemple l’idée que le FPR se serait livré à des provocations en essayant de camoufler un certain nombre de ses actions pour hâter le génocide contre leur propre peuple. Et c’est cela qui est perçu comme étant particulièrement scandaleux dans les thèses de Judi Rever.
[11’ 38’’]
Hubert Védrine : Soit c’est vrai soit ce n’est pas vrai, faut en discuter avec les autres auteurs. Je vous dis, il y a 20 à 25 livres sur ces questions. Des livres belges, canadiens, camerounais, congolais, etc. Mais aucun d’entre eux ne conteste le génocide des Tutsi.
[11’ 51’’]
Guillaume Erner : Mais si on voulait faire un parallèle historique…
[11’ 53’’]
Hubert Védrine : Enfin, ce n’est pas mon sujet principal parce que je vais plutôt [sourire]…
[11’ 55’’]
Guillaume Erner : Non mais vous en parlez. Donc je suis obligé de vous répondre.
[11’ 57’’]
Hubert Védrine : Non, mais je vais…, je voulais réexpliquer quel était le sens de l’action de la France, surtout.
[12’ 01’’]
Guillaume Erner : Bien sûr, mais juste pour en terminer avec cela parce que c’était à mon avis une question importante. Si on essaie de faire un parallèle – et je mets toutes les précautions nécessaires parce que les parallèles entre les génocides sont compliqués mais… –, l’une des thèses pour le génocide des Juifs qui a été considérée comme étant négationniste est la thèse d’Ernest Nolte, l’historien allemand qui considérait, non pas que le génocide des Juifs n’avait pas existé, mais que celui-ci s’expliquait comme une sorte de guerre préventive des Allemands contre la menace judéo-bolchévique incarnée par les Juifs. De la même façon, on pourrait considérer que la thèse de Judi Rever considère qu’il y a dans le FPR un certain nombre de provocations qui aurait justifié un génocide préalable des Hutu.
[12’ 43’’]
Hubert Védrine : Invitez Judi Rever à un débat, qu’est-ce que vous voulez que je vous dise ? Je ne suis pas l’auteur de son livre. Mais il n’y a que ce livre, hein.
[12’ 48’’]
Guillaume Erner : Je voulais juste expliquer pourquoi cette thèse…
[12’ 51’’]
Hubert Védrine : Invitez un Congolais, par exemple, à débattre avec elle. Vous voyez ?
[00’ 00’’]
Guillaume Erner : Cette thèse était considérée comme scandaleuse, et en tout cas historiquement inexacte pour mettre de côté les jugements moraux.
[12’ 59’’]
Hubert Védrine : Moi je pense que…, moi je pense que l’utilisation, qui me choque, hein, du terme « négationniste » quand il n’y en a pas, c’est un argument employé parce que le contenu n’est pas contestable, n’est pas réfutable, vous voyez ? C’est tout un débat sur le…, sur les génocides.
[13’ 08’’]
Guillaume Erner : Alors mettons le de côté pour s’en tenir à votre vision des faits, Hubert Védrine, lorsqu’il y a ces accords d’Arusha qui sont conclus, ces accords d’Arusha stipulent que l’armée française doit partir et que les livraisons d’armes doivent se poursuivre [sic].
[13’ 25’’]
Hubert Védrine : Non, attendez. Ce n’est pas le centre. L’important dans les accords, c’est donc une répartition qui est assez favorable aux Tutsi. D’autre part, la France se dit : « Ça y est, on a réussi ». D’ailleurs, il y a des félicitations des Etats-Unis et des autres. Et il y a même une lettre du président du FPR de l’époque, depuis la Belgique, où il est installé, qui félicite la France tout en rappelant qu’il faut qu’elle parte. Ce que la France souhaite ! Puisque la France pense qu’elle a atteint son but. Et à ce moment-là, il y a la décision de mettre en place une force des Nations unies ! Ce qui est l’objectif pour une opération réussie. Ça va être la MINUAR ! Qui va arriver quelques semai…, trois, quatre mois après. A partir de là, il n’y a plus que 30 conseillers techniques français. Mais la France s’est retirée. C’est important parce que, quand va arriver l’attentat contre l’avion et le début du génocide, la France n’est pas là. La question qui va se poser sera : est-ce que la France doit revenir et dans quelles conditions ? C’est ce à quoi qu’on a vu des…, c’est à ce propos qu’on a vu des interventions récentes d’Alain Juppé, d’Edouard Balladur, etc. Bon. Donc, après Arusha, s’il avait fallu… – et c’est une question que moi je me pose –, quand on voit qu’il y a une partie des Hutu qui ne veulent rien lâcher, et qu’une partie du FPR veut tout conquérir. En réalité, avec le recul mais c’est facile à dire avec le recul, c’est désolant qu’il n’y ait pas eu une vraie communauté internationale – et c’est un terme courant mais elle n’existe pas en réalité – qui se dise il faut rester, il faut être là très, très nombreux, pas que la France ou quelques Belges, vous voyez. Mais toute une présence. Mais en réalité les protagonistes, notamment le FPR, ne veulent pas. Il faudrait un mandat des Nations unies. On ne l’a pas. D’ailleurs on aura beaucoup de mal à l’avoir, même en 94 pour faire l’opération humanitaire. Donc un des vrais regrets qu’on peut avoir, ce n’est pas une faute ni une excuse ou quoi que ce soit parce que la France est le seul pays au monde qui ait tenté d’arrêter le…, l’engrenage. Mais il y a la question…
[15’ 09’’]
Guillaume Erner : A cette époque !
[15’ 10’’]
Hubert Védrine : A cette époque. Oui mais même, enfin…, après avec l’opération Turquoise.
[15’ 12’’]
Guillaume Erner : Je veux dire, après il y a beaucoup d’autres pays qui vont être…, qui vont tirer le signal d’alarme plus fort que nous.
[15’ 19’’]
Hubert Védrine : Non, mais le signal d’alarme on n’en a pas besoin puisque c’est la justification de l’intervention dès 90 ! Il n’y a pas besoin qu’un général ou un diplomate dise : « On n’a pas écouté ma note, il y en avait des centaines », tout ça… C’est la décision de 90 ! Et en 93, on peut se dire à Arusha, la course de vitesse a réussi. Contre le pire, on a réussi à les obliger – avec d’autres, tous les pays d’Afrique, l’Union africaine, etc. –, il y a eu un compromis. Après il y a la mise en œuvre du compromis. La France reste présente, mais diplomatiquement. Elle accompagne les négociations, laborieuses, pour Arusha qui vont durer d’août, que je ne me trompe pas, 93 jusqu’à avril 94.
[15’ 56’]
Guillaume Erner : Absolument mais alors vous voulez dire qu’à ce moment-là, à l’Elysée, François Mitterrand, dans l’entourage de François Mitterrand, on considère que le pire est écarté parce que cet accord est un bon accord, Hubert Védrine ?
[16’ 07]
Hubert Védrine : Ce n’est pas un bon accord, mais c’est le meilleur accord possible… Et de toutes façons, il n’y a pas moyen de faire autrement. Pour rester après, encore une fois, il faudrait un mandat des Nations unies. Or, on verra en 94 à quel point les Etats-Unis ne veulent pas donner un mandat précis. Personne ne le demande. En tout cas le FPR à la fois félicite et rappelle qu’aux termes des accords [sourire], il faut que l’armée française parte. Et d’ailleurs, je pense qu’il n’y aurait pas eu d’accords d’Arusha, ça n’aurait pas été signé finalement, si la France ne s’était pas engagée à partir. Ce qui la soulageait ! Il n’y avait pas d’intérêts vitaux à rester, hein !
[16’ 37]
Guillaume Erner : Hubert Védrine, on va continuer cette séquence chronologique dans une vingtaine de minutes pour essayer de comprendre qu’est-ce qui s’est produit après. Et pourquoi le rapport Duclert parle d’une responsabilité de la France, et non d’une complicité, dans le génocide des Tutsi. En attendant, il est 8 h 00 sur France Culture.
[…]
[17’ 00’’]
Guillaume Erner : Et pour évoquer le rôle de la France au Rwanda pendant le génocide des Tutsi, pour tenter de comprendre ce qui s’est produit depuis l’Elysée, nous sommes en compagnie d’Hubert Védrine. Vous étiez, Hubert Védrine, secrétaire général de l’Elysée de 1991 à 1995. Et vous avez insisté sur le rôle des accords d’Arusha qui ont eu lieu en 1993 tandis que le génocide des Tutsi a débuté en 1994. Aujourd’hui différents responsables politiques français s’expriment. Alors Edouard Balladur a déclaré hier sur RFI : « N’attendez pas de moi la moindre repentance » au sujet, donc, du comportement de la France au Rwanda, tandis qu’Alain Juppé, lui, livrait un autre discours puisqu’il expliquait, notamment, que « La France n’avait pas réalisé – je le cite – qu’un génocide submergeait le Rwanda. Nous n’avons pas imaginé que nos forces déployées pour assurer la protection de nos ressortissants, peu nombreux au demeurant, auraient pu tenter de s’opposer à ce génocide ». Entre ces deux déclarations, où vous situez-vous, Hubert Védrine ?
[18’ 11’’]
Hubert Védrine : Alors, d’abord je voudrais rappeler que nous réagissons les uns et les autres au rapport Duclert mais qu’il faut distinguer, dans les réactions, dans le rapport, les analyses…, pardon, des archives, les conclusions, les interviews de Monsieur Duclert après, et l’interview depuis Kigali. Ce n’est pas tout à fait la même chose, il ne demande pas exactement la même chose. Donc il faut s’en tenir au rapport, je pense. Alors, par rapport à ce que vous indiquez, ce que…, ce sur quoi Alain Juppé a insisté, c’est sur un moment particulier. On est en avril 94, l’avion a été abattu, les massacres…
[18’ 47’’]
Guillaume Erner : L’avion, pardonnez-moi, c’est… ?
[18’ 49’’]
Hubert Védrine : Oui, vous avez raison, pardon. L’avion qui ramenait les deux Présidents du Burundi, du Rwanda, d’une négociation à Dar es Salam…
[18’ 55’’]
Guillaume Erner : Cet avion a été abattu. Il est abattu par deux missiles. On ne sait toujours qui…
[18’ 59’’]
Hubert Védrine : Toujours pas. Toujours pas, d’ailleurs, le…, il y a un livre récent, très intéressant, du général Delort qui commandait l’opération Noroît. Et j’espère que lui ne sera pas boycotté [sourire] comme tous les autres livres parce qu’il est très équilibré là-dessus. Lui-même, maintenant, il continue à penser qu’il y a les deux thèses, vous voyez. Les extrémistes…
[19’ 15’’]
Guillaume Erner : Les deux thèses sont…
[19’ 16’’]
Hubert Védrine : Extrémistes hutu, qui refusent le compromis imposé par la France. Et extrémistes tutsi, qui infus…, qui refusent le compromis imposé par la France. Bon. Donc, ce que…, ce sur quoi Alain Juppé s’est exprimé, avec une émotion visible, et sensible, c’est ce moment d’avril 94 où la France n’est plus là, elle est partie après Arusha. Simplement, elle envoie une opération pour évacuer les ressortissants, y compromis les étrangers qui le souhaitent [inaudible]…
[19’ 44’’]
Guillaume Erner : L’opération Amaryllis.
[19’ 45’’]
Hubert Védrine : Dite « Amaryllis ». Donc on évacue, ça dure quelques jours ! Et c’est une petite force qui n’est pas faite pour intervenir dans une guerre civile.
[19’ 52’’]
Guillaume Erner : Mais Amaryllis aurait pu se transformer en force de protection, ou en tout cas faire en sorte qu’Amaryllis empêche le génocide.
[19’ 59’’]
Hubert Védrine : Alors… Ça aurait été une opération coloniale, sans aucun mandat.
[20’ 03’’]
Guillaume Erner : Vous dites que ça aurait été une opération coloniale parce qu’elle n’avait pas de mandat de l’ONU.
[20’ 06’’]
Hubert Védrine : Je voudrais vérifier…, préciser que, quand Alain Juppé dit « Nous »… Vous avez dit la France. Il ne dit pas la France ! Dans son texte il dit : « à condition », « Nous ». C’est la collectivité internationale. Et il dit : « à condition d’avoir le soutien des parachutistes belges, qui étaient partis, des commandos italiens, qui étaient partis, des marines américains… ».
[20’ 22’’]
Guillaume Erner : Oui mais si on devait lire la totalité de la tribune, Hubert Védrine, Alain Juppé dit aussi : « La France, par solidarité avec nos amis belges, s’est associée à une mesure qu’aujourd’hui la vérité impose de qualifier d’acte de lâcheté internationale ».
[20’ 35’’]
Hubert Védrine : Oui, il s’agit de la résolution, juste après, la résolution du 21 avril 94 qui réduit encore – et il fallait faire l’inverse – les effectifs de la MINUAR qu’on avait installée après que, nous, nous soyons partis après Arusha. Et comme les Belges disent : « De toute façon, on s’en va », le Conseil de sécurité prend acte du fait que la MINUAR est encore réduite. Au moment où il fallait faire exactement l’inverse. Donc, ce qu’exprime Alain Juppé, qui a été interprété à mon avis à tort comme une sorte de…, d’acte de contrition français – ce que conteste Edouard Balladur qui n’est pas du tout sur cette ligne…
[21’ 08’’]
Guillaume Erner : Pas du tout sur cette ligne…
[21’ 09’’]
Hubert Védrine : Pas du tout ! Donc la contradiction est très limitée parce que…
[21’ 11’’]
Guillaume Erner : Pas du tout sur cette ligne en expliquant que la France ne doit pas être le seul pays à battre sa coulpe dans cette affaire rwandaise.
[21’ 17’’]
Hubert Védrine : Evidemment, et comme les autres pays…, aucun autre pays n’a ouvert ses archives : la Grande-Bretagne, les Etats-Unis, le…, l’Ouganda, le FPR, le Rwanda, etc. Donc c’est évident qu’il y a une sorte de concentration disproportionnée sur la seule France qui a eu le mérite d’ouvrir. Mais en termes de…
[21’ 34’’]
Guillaume Erner : Mais on ne peut pas, d’un autre côté, se prévaloir des turpitudes des autres pays, Hubert Védrine, au prétexte que d’autres n’auraient pas fait repentance…
[21’ 40’’]
Hubert Védrine : Bien sûr.
[21’ 40’’]
Guillaume Erner : Pourquoi ne ferions-nous pas repentance ?
[21’ 41’’]
Hubert Védrine : Non, non mais je ne dis pas que les autres doivent faire repentance, parce que moi je ne suis pas sur ce mélange de concept religieux et politique, hein.
[21’ 45’’]
Guillaume Erner : Je pose juste la question.
[21’ 47’’]
Hubert Védrine : Je dis simplement qu’on aura une vision complète du sujet quand les autres pays protagonistes auront accepté d’entrer dans une…, un échange, une ouverture, ce que Paul Quilès – qui avait présidé la commission sous Jospin – avait demandé au secrétaire général des Nations unies, il y a longtemps. Mais, je voudrais dire que comme la commission Duclert, là je parle du rapport lui-même, hein, a bien été obligée de constater qu’il n’y avait pas de complicité. Et d’autre part, n’a pas critiqué Turquoise…
[22’ 14’’]
Guillaume Erner : Alors Turquoise, il faut rappeler ce qu’est Turquoise : Turquoise succède à Noroît, à la MINUAR…
[22’ 19’’]
Hubert Védrine : Non, non, non, non, non ! Holà là, non ! Non, Noroît c’est fini après Arusha.
[21’ 22’’]
Guillaume Erner : Oui, oui ! Bien sûr ! Mais je faisais la suite et la séquence des différentes opérations françaises sur le sol rwandais.
[22’ 27’’]
Hubert Védrine : Après l’attentat… Ce n’est pas français, c’est les Nations unies, Turquoise. Parce que…
[22’ 30’’]
Guillaume Erner : Mais ce sont des soldats français avec un mandat de l’ONU.
[22’ 32’’]
Hubert Védrine : Et quelques contingents africains. Après le…, donc, le début des massacres, la France… Il y a un arbitrage de Mitterrand, précisément entre Balladur et Juppé. En disant, bon… Juppé voulait qu’on revienne, tout de suite. Balladur dit : « Non ! Non ! ». Il est tout à fait hostile aux interventions extérieures. Et il imposte, et il a raison, que ça soit dans le cadre d’un mandat des Nations unies. Le Président Mitterrand est d’accord. Il arbitre. Donc on va dire au Conseil de sécurité qu’on est prêt à revenir faire une opération humanitaire. Mais il faut un mandat des Nations unies. Et là bizarrement, et il y a très peu d’enquêtes là-dessus, les Etats-Unis vont attendre deux mois ! Deux mois !
[23’ 05’’]
Guillaume Erner : Qu’est-ce que vous voulez dire ?
[23’ 06’’]
Hubert Védrine : Ils vont attendre jusqu’à fin juin, avant de donner leur accord.
[23’ 09’’]
Guillaume Erner : Je comprends la période. Mais, je veux dire, quel est votre sous-entendu ?
[23’ 11’’]
Hubert Védrine : Ils vont attendre deux mois pour donner leur accord à l’opération des Nations unies. Et on a…, on aura à ce moment-là, la résolution, je crois 929, pour y aller. Le sous-entendu, c’est que…
[23’ 21’’]
Guillaume Erner : Alors, je vais faire une hypothèse, Hubert Védrine, sur votre sous-entendu.
[23’ 24’’]
Hubert Védrine : Alors allez-y. Moi j’ai une explication, mais allez-y [sourire].
[23’ 27’’]
Guillaume Erner : Parce que, en fait, l’idée, si on veut essayer de dire les choses à gros traits pour que les auditeurs les moins rompus à ce dossier comprennent. Ce que l’on considère c’est que finalement, François Mitterrand, poursuivant une politique menée depuis longtemps, y compris par Valérie Giscard d’Estaing, considérait qu’il fallait défendre la zone d’influence française…, la zone d’influence française qui était incarnée dans son esprit par les Hutu – je ne parle pas nécessairement des Hutu génocidaires, mais par Habirayama [sic]…
[23’ 57’’]
Hubert Védrine : Habyarimana, oui.
[23’ 58’’]
Guillaume Erner : Exactement. Et, donc, il s’agissait de défendre cette zone-là, Hubert Védrine, contre finalement les Tutsi, contre Kagamé, et contre un pouvoir qu’ils considéraient comme étant plus proche du pouvoir anglo-saxon.
[24’ 14’’]
Hubert Védrine : Mais ce n’est pas une guerre linguistique ! Sinon…
[24’ 17’’]
Guillaume Erner : Anglo-saxon, comprenant aussi les Etats-Unis.
[24’ 19’’]
Hubert Védrine : Sinon il faudrait…, sinon il faudrait bombarder la Commission européenne, hein ! Si on faisait des guerres pour la langue. Non ! Cette une ag… Ce que Mitterrand n’avait pas accepté en 90 – comme au Koweït, comme aux Malouines, comme au Tchad ! –, c’est le renversement du pouvoir par la force. D’où l’intervention pour imposer une négociation politique, qui aboutira, grâce à un groupe de pays, à Arusha. Mais ce que je voulais dire, c’est…, comme le rapport était obligé de constater…, enfin de constater, c’est l’évidence, il n’y a pas de complicité. Et il n’a rien trouvé à redire à Turquoise. Il me semble que certaines personnes enragent de ça. Et voudraient démontrer une responsabilité. Or si on a fait Arusha…
[24’ 56’’]
Guillaume Erner : Vous n’avez pas répondu à ma question !
[24’ 58’’]
Hubert Védrine : J’y vais. Eh bien, j’y arrive.
[24’ 59’’]
Guillaume Erner : Non, mais… Vous voyez bien ce que je veux dire lorsque je parle, finalement, de la représentation que François Mitterrand avait, finalement, de l’influence de la France dans cette zone. C’est ce qu’on appelle aussi le complexe de Fachoda, où on considère que, finalement, la France réitère l’affrontement contre l’Angleterre, contre les Etats-Unis…
[25’ 17’’]
Hubert Védrine : Mais vous me posez la question mais je vous réponds que non. A mon avis, ce n’est pas du tout la raison de l’intervention de la France en 90. Et si c’était le cas, on n’aurait pas abouti à Arusha. Et si toutes les histoires sur l’amitié entre les deux Présidents, une vision ethnique – comme si c’était la France qui avait inventé la vision ethnique –, enfin toutes ces choses extravagantes, là, il n’y aurait pas Arusha après.
[23’ 37’’]
Guillaume Erner : Je poursuis mes questions, après Arusha…
[25’ 39’’]
Hubert Védrine : Mitterrand aurait empêché l’accord Arusha ! Qui est tellement favorable aux Tutsi.
[25’ 43’’]
Guillaume Erner : Alors l’accord d’Arusha, pardonnez-moi…
[25’ 44’’]
Hubert Védrine : Mais laissez-moi répondre après sur la question de la responsabilité, hein ?
[25’ 47’’]
Guillaume Erner : L’accord d’Arusha, il n’est pas tant discuté. Ce qui est discuté, c’est par exemple le fait que la France ait livré des armes, continué à livrer des armes, livré des armes pendant le génocide, Hubert Védrine ?
[25’ 59’’]
Hubert Védrine : Alors, attendez, là. Je vais me reporter au rapport Duclert, qui comporte quand même quelques éléments exacts, malgré tout [ricanement] : « D’après les documents à notre disposition, il n’y a plus de cessions onéreuses ou gratuites au-delà de mars 93 ». Ça c’est le rapport Duclert.
[26’ 15’’]
Guillaume Erner : Mais alors, ce fait est, a priori…
[26’ 18’’]
Hubert Védrine : Mais peut être que vous voulez allez au-delà du rapport Duclert parce que vous avez des informations spéciales ?
[26’ 21’’]
Guillaume Erner : Je n’ai pas d’informations particulières mais, en revanche, lorsque l’on voit les livraisons d’armes, a priori, celles-ci sont considérées comme ayant poursuivi…, s’étant poursuivies après cette date. Pourquoi dans ce cas-là le rapport Duclert dit-il le contraire ? Est-ce que vous considérez qu’après 1993, il n’y a eu aucune livraison d’armes, Hubert Védrine ?
[26’ 43’’]
Hubert Védrine : Moi je n’ai pas d’autres informations. Moi je ne me suis jamais occupé de ces questions d’armes. Et…, je vois dans le rapport Duclert, ils ont eu accès à tout, d’après ce que je sais, hein. Il n’y a pas de livraisons d’armes. Donc je pense que les fausses pistes, c’est tous les trafics d’armes en Afrique. Puis en plus, l’abominable génocide des Tutsi a eu lieu, pas entièrement mais très largement avec des machettes, hein. Donc c’est un faux sujet.
[27’ 05’’]
Guillaume Erner : Deuxième fait qui, là aussi, est un fait qui est largement discuté et considéré comme étant, disons, un fait soulignant la responsabilité de la France dans ce génocide, le fait qu’un certain nombre de personnes – et notamment la veuve de l’ancien Président, qui est considérée comme étant une femme qui a largement incité au génocide – se soient réfugiés en France, Hubert Védrine ?
[27’ 31’’]
Hubert Védrine : Mais, faites une enquête sur les coups d’Etat, les putschs et les guerres civiles en Afrique : à chaque fois les puissances principales d’avant ont évacué toutes les…, toutes les familles présidentielles, hein.
[27’ 42’’]
Guillaume Erner : Là, nous les avons accueillis…
[27’ 43’’]
Hubert Védrine : Ce n’est peut-être pas bien, mais oui, oui. Et alors ?
[27’ 47’’]
Guillaume Erner : Eh bien, on considère, donc, que nous avons protégé des génocidaires…
[27’ 50’’]
Hubert Védrine : Non ! Mais ça, c’est…, c’est un autre débat.
[27’ 51’’]
Guillaume Erner : Parce qu’on aurait pu les accueillir et par exemple les juger, ou faire en sorte que ces personnes soient jugées dans les tribunaux compétents ?
[27’ 57’’]
Hubert Védrine : Mais ça, ça relève des tribunaux ! C’est une question judicaire. Il y a eu beaucoup de génocidaire qui ont été jugés en France, hein, peut-être plus qu’ailleurs, en fait… Donc ça c’est un autre sujet. Mais vous m’interrogez sur l’évacuation. L’évacuation… D’ailleurs l’opération Amaryllis a évacué beaucoup de Tutsi aussi, hein…, des Hutu et des Tutsi. Mais je voudrais répondre sur la responsabilité. Puisque, donc, puisqu’il n’y a pas de complicité, on voit qu’il y a une volonté d’imposer une responsabilité. Je réponds : responsable de quoi ? D’être intervenu en 90 ?! A ce moment-là, il faut que les critiques de la France disent clairement qu’il ne fallait pas intervenir, laisser la guerre civile atroce se dérouler. Il y aurait eu un procès en non-intervention. Ou alors carrément soutenir le FPR ?! Qui est présenté d’une façon cocasse comme étant non pas un parti tutsi mais un parti…, un petit parti démocratique d’opposition. Donc, il y a une…
[28’ 45’’]
Guillaume Erner : Parce qu’il y avait des Hutu modérés au sein du FPR.
[28’ 47’’]
Hubert Védrine : Oui, bien sûr. Enfin, c’est comme après la guerre, à Prague ou ailleurs, les communistes n’étaient pas seuls pour prendre le pouvoir, ils avaient des compagnons de route. Il faut regarder ce que sont devenus les Hutu compagnons de route, par la suite.
[28’ 59’’]
Guillaume Erner : Eh bien, les Hutu modérés ont été tués dans le génocide, au début du génocide.
[29’ 01’’]
Hubert Védrine : Oui, bien sûr. Moi, je parle de la stratégie politique, de l’attaque. Donc est-ce que la France est responsable en 90 ? La discussion… Ça peut se discuter, peut-être fallait-il ne pas y aller, laisser les drames se dérouler, sans nous. Après, responsable d’avoir fait Arusha ?! Enfin d’avoir contribué fortement aux accords d’Arusha ? Franchement non ! C’était l’aboutissement de l’intervention de 90. Il y a un débat que nous avons évacué tout à l’heure tous les deux : pourquoi est-ce qu’on ne pouvait pas essayer de rester après Arusha ? Mais c’est le FPR qui a posé comme condition à sa signature que les Français partent ! Donc j’avais lu une interprétation extravagante que les Français étaient partis pour laisser faire le génocide. Mais c’est monstrueux ! Enfin, d’abord c’est totalement débile, mais en plus c’est monstrueux. C’est le FPR qui a posé comme condition. Alors après on tombe sur le…, l’après le…, l’attentat. Ce qu’Alain Juppé met en avant, avec un regret viscéral, que je comprends tout à fait : si…, si, si, si la communauté internationale avait existé, si en avril 94 on avait été là, il aurait fallu essayer de rester en pleine guerre civile ! Il aurait fallu demander un mandat des Nations unies. Et là on retombe sur ce que j’ai dit sur les Etats-Unis qui, sans doute échaudés – c’est l’époque Clinton, hein – par une intervention en Somalie qui s’était très, très, mal terminée avec 30 cadavres de Marines trainés dans les rues, donc ils disaient : « L’Afrique, terminé ». Donc responsable de quoi, finalement ?
[30’ 22’’]
Guillaume Erner : Alors je vais vous poser la question, dans ce cas-là, autrement. Je vais qualifier cette responsabilité de responsabilité cognitive.
[30’ 28’’]
Hubert Védrine : Ça veut dire quoi ?
[30’ 29’’]
Guillaume Erner : C’est ce qu’a dit le rapport Duclert. Responsabilité cognitive, ça veut dire que, finalement, la France, François Mitterrand – son entourage, que sais-je, l’armée – ne s’est pas rendu compte qu’il y avait un génocide en cours. Et là aussi, je ne veux pas faire de parallèle terme à terme mais lorsqu’il a été question, par exemple, du génocide des Juifs, eh bien, il est évident que si certaines décisions avaient été prises plus tôt – bombarder les rails menant à Auschwitz, ce genre de choses –, ce génocide ne se serait pas passé de la même façon. Si la France ne s’est pas rendu compte, ou n’a pas voulu se rendre compte, qu’il y avait un génocide, il était évidemment impossible, dans cette hypothèse, de l’empêcher. Est-ce que ce n’est pas cela, la responsabilité de la France, Hubert Védrine ?
[31’ 13’’]
Hubert Védrine : Alors, pffouu… D’abord moi je conteste la compétence et la qualité et la qualification des membres de cette commission pour s’ériger en juge de tout ça, avec une prétention qui est quand même incroyable, bon. Mais admettons…
[31’ 24’’]
Guillaume Erner : Mettez la commission de côté. Prenez le thème.
[31’ 26’’]
Hubert Védrine : Admettons, okay. Non, non, mais d’accord. Admettons, tout doit se discuter. Après, votre parallèle n’est pas valable parce qu’il n’y a pas l’équivalent d’accords d’Arusha dans la marche à la guerre et à la Shoah. Y’a pas ça. Peut-être la conférence d’Evian.
[31’ 39’’]
Guillaume Erner : Qui a été un échec et qui a précipité les Juifs dans…
[31’ 41’]
Hubert Védrine : De toute façon les parallèles sont quand même très, très, très périlleux.
[31’ 44’’]
Guillaume Erner : Bien sûr ! Mais je voulais juste utiliser le parallèle pour parler de responsabilité cognitive.
[31’ 48’’]
Hubert Védrine : Alors mais je…, je réponds à votre question : Mitterrand, dès 90, connaissant l’Afrique et les massacres atroces de 62 contre les Tutsi, comprend que si un petit parti, petit groupe, va prendre le pouvoir par la force, les Hutu ne vont pas se laisser faire, il y aura un bain de sang ! Il n’a pas besoin d’avoir des avertissements un an après, deux ans après, trois ans après. C’est pour ça qu’on est là ! Donc le cognitif, je… [sourire], si l’on reprend ce terme, il a la connaissance de ça, il le sait ! Après c’est une course de vitesse ! Et chaque fois qu’il y a des avertissements montrant que le FPR veut vraiment prendre le pouvoir sur tout et que les Hutu…, une partie des Hutu, deviennent génocidaires parce qu’ils ne vont jamais laisser les Tutsi gouverner, c’est évident ! C’est une confirmation. Ce n’est pas un renversement d’analyse, c’est une confirmation. La réponse de la France c’est : « Accélérons le processus de l’accord politique qui conduit à Arusha ». Donc je trouve que ces objections variées, finalement, elles sont contredites par le contenu des accords d’Arusha.
[32’ 45’’]
Guillaume Erner : Lorsqu’il est question du rôle de la France, dans le rapport Duclert mais pas seulement, Hubert Védrine, il est question d’un François Mitterrand décidant seul avec son état-major particulier, et, finalement, décidant sans discussion avec ses propres conceptions de l’Afrique. Est-ce que c’est ainsi que les choses se sont déroulées ?
[33’ 05’’]
Hubert Védrine : Non, d’ailleurs, l’amiral Lanxade, qui était chef d’état-major particulier puis chef d’état-major des armées, hein, puisqu’il y a la période avant la cohabitation et après, a écrit un papier dans Le Monde – depuis, il a essayé d’en refaire passer, mais enfin il a… [sourire], les journaux ne passent pas souvent ses papiers – pour expliquer qu’au contraire, en contradiction avec la pratique du domaine réservé depuis le début de la Vème République, sous la guerre du Golfe, Mitterrand avait installé…, le Président Mitterrand avait installé un Conseil restreint pour que tous les avis soient entendus avant la décision finale qui appartient au Président, comme c’est normal sous la Vème République, et d’ailleurs dans les autres pays aussi. Donc, ça c’était la guerre du Golfe. Et l’amiral Lanxade a rappelé dans un article du Monde, il y a je crois deux ans, hein, deux ans, qu’au moment de…, du Rwanda – mais il y a aussi la Bosnie, il y a la Yougoslavie, il y a plein d’autres sujets ; on a du mal à comprendre ça maintenant, on est focalisé sur le Rwanda mais il y a plein d’autres sujets en même temps –, eh bien, Jacques Lanxade, avec mon appui, moi, secrétaire général, c’est ce qu’il a écrit, on a convaincu Mitterrand, d’ailleurs facilement, qu’il fallait cette procédure. Cette procédure qui était par ailleurs souhaitée par Pierre Joxe pour d’autres raisons. Où tous les ministres, tous les chefs militaires, tous les… – toutes les compétences sont là –, sont entendus en Conseil restreint. D’ailleurs la…, les membres de la commission Duclert ont eu accès à ces archives. Donc c’est pas du tout une décision…, un processus solitaire, c’est une décision à la fin : le Président dit oui ou non. Par exemple, 90 : oui ou non. Après, les accords d’Arusha, on les accepte ou on ne les accepte pas. Si Mitterrand avait été l’ami d’Habyarimana, il n’aurait jamais accepté les accords d’Arusha, tels qu’ils sont. Donc, oui, il y a une décision au final du Président, c’est normal ça. Comme sous la…, avec ses successeurs, sur tous les grands sujets, mais ce n’est pas un processus de préparation et de décision solitaire.
[34’ 47’’]
Guillaume Erner : Toujours dans ce même registre, on considère que le chef de l’état-major particulier de François Mitterrand était très hostile au FPR qu’il considérait comme étant le danger principal dans la région, Hubert Védrine ?
[35’ 00’’]
Hubert Védrine : Oui parce qu’ils sont chargés du volet militaire de la politique. Ils ne sont pas chargés de la négociation qui va conduire à Arusha. Donc d’un point de vue militaire, quel est leur mission ? Noroît, hein. Mais le général Delort encore une fois…
[35’ 10’’]
Guillaume Erner : Noroît, c’est la première mission française.
[35’ 12’’]
Hubert Védrine : Oui, vous avez raison de le rappeler, je suis trop dedans. L’opération Noroît, c’est de 90 à 93. Empêcher l’attaque du FPR et de l’armée ougandaise ! Donc ils ont un point de vue militaire. Et ils voient un FPR qui attaque, qui est très, très, fort, qui est très bien dirigé et qui commet des massacres en avançant, d’ailleurs. Ce qui est maintenant vraiment documenté. Donc il y a une espèce de radicalisation de tout le système hutu, dont certains se résignent, sous la pression de la France, à accepter le compromis – quand même ! – et d’autres refusent, se radicalisent. Ça donne le Hutu Power, ça donne la Radio des Mille Collines, ça donne la volonté d’exterminer les Hutu [sic] avant qu’ils aient, eux-mêmes, exterminé. N’oubliez pas qu’au même moment, il y a des massacres au Burundi en sens inverse ! Où c’est des Hutu qui sont massacrés par des Tutsi. Donc tout ça, c’est une espèce de marmite diabolique. Et la réponse de la France, c’est d’accélérer le processus d’accord politique. Alors, si le…, la ligne de la France, globalement, avait été celle uniquement de la ligne des militaires les plus engagés dans la…, le soutien à l’armée rwandaise pour contrer l’attaque du FPR, il n’y aurait jamais eu d’accords d’Arusha. Même réponse. Ce n’est qu’un volet…, qu’un volet de notre politique, vous voyez ?
[36’ 19’’]
Guillaume Erner : Mais alors, ce qui est étonnant, justement, Hubert Védrine…, ce qui est étonnant, c’est que le chef de l’état-major particulier de François Mitterrand est très hostile au FPR tandis que dans le même temps la DGSE, elle, fait des notes pour mettre en garde contre ce que pourraient faire les Hutu – à juste titre évidemment – et explique qu’il y a des projets génocidaires qui sont finalement présents dans l’idéologie, dans les discours et dans les pensées.
[36’ 45’’]
Hubert Védrine : Alors, les projets – je vais répondre sur la DGSE –, les projets génocidaires, on les connaît ! C’est le résultat de la guerre civile et des attaques du FPR. Donc il y a une partie du système en face qui devient dingue, qui devient génocidaire. On l’attendait. Mais sur…
[36’ 56’’]
Guillaume Erner : Pardonnez-moi, ça n’est pas la même chose une guerre civile et un projet de génocide.
[36’ 59’’]
Hubert Védrine : Oui, mais je ne mets pas les choses sur le même plan ! Sauf qu’il y a…
[37’ 02’’]
Guillaume Erner : Je ne vous ai pas accusé de les mettre sur le même plan.
[37’ 03’’]
Hubert Védrine : Il y a un enchaînement, quand même. Sur la DGSE, je vous incite à vous reporter à la déposition de Monsieur Silberzahn, qui a dirigé la DGSE, devant la commission Quilès. Il ne faut pas croire que le rapport Duclert part de zéro, hein. Il y a un travail géant fait par la commission Quilès-Cazeneuve. Monsieur Silberzahn a expliqué, devant la commission Quilès, qu’il n’avait pas d’agents DGSE au Rwanda, que ses sources principales étaient l’Ouganda, le FPR ou les Belges. Et qu’il avait peut-être un ou deux agents à…, occasionnels, au Rwanda mais, exc…, je prends un euphémisme, dont l’indépendance n’était pas tout à fait assurée. Donc il n’y a rien ! Ça ne veut rien dire, ces notes !
[37’ 47’’]
Guillaume Erner : Mais sauf qu’a posteriori, elles se révèlent extrêmement…
[37’ 50’’]
Hubert Védrine : La commission Duclert en fait un… Eh bien, il y a un point de vue FPR dans les notes. C’est ce que dit Silberzahn.
[37’ 57’’]
Guillaume Erner : Mais le point de vue du FPR s’est révélé exact puisque c’est effectivement…
[38’ 00’’]
Hubert Védrine : Non, pourquoi ?
[38’ 01’’]
Guillaume Erner : Parce qu’il y a eu un génocide…
[38’ 03’’]
Hubert Védrine : Mais, le génocide du fait des Rwandais ! Pas du fait de la France ! La politique de la France, elle aboutit à Arusha. Donc, là, vous me parlez d’un…
[38’ 11’’]
Guillaume Erner : Je voulais dire que les notes de la DGSE mettaient en garde contre les Hutu et leur projet génocidaire et c’est ce qui s’est réalisé ensuite.
[38’ 19’’]
Hubert Védrine : Oui, mais, s’il n’y avait pas eu ce risque d’une évolution génocidaire, la France n’aurait pas été là pour essayer d’imposer malgré tout un accord politique ! Ou alors il faut revenir à ce que je disais sur l’intervention de 90 : « C’est tellement compliqué, regardez, on a même du mal longtemps après, qu’il ne fallait pas y aller du tout ». Ça, c’est un débat qu’on peut avoir, qu’on pourrait avoir. Et d’ailleurs que…, dès lors que l’accusation – à la fois infamante et débile – de complicité est tombée, on peut peut-être avoir ce genre de débat pour la suite : il semble, peut-être, qu’en 90, il fallait laisser faire en fait. Laisser faire. Mais les notes de la DGSE d’inspiration ougandaise, en fait, n’ajoutent rien sur ce qu’on sait déjà ! On le sait ! C’est pour ça que la France est là ! C’est pour ça qu’il faut faire Arusha ! Mais en revanche ça débouche sur une autre question que j’ai posée, qui est très compliquée à traiter : pourquoi est-ce qu’il n’y a pas eu une réaction mondiale après Arusha pour imposer une sorte de monitoring des accords ? Mais c’est le même…
[39’ 10’’]
Guillaume Erner : Un mot de conclusion à ce sujet, Hubert Védrine.
[39’ 12’’]
Hubert Védrine : Je redis, c’est le FPR qui avait posé comme condition à sa signature aux accords d’Arusha que la France s’en aille. Pourquoi ?
[39’ 19’’]
Guillaume Erner : D’après vous ?
[39’ 21’’]
Hubert Védrine : Eh bien, ils avaient d’autres plans au-delà d’Arusha. Comme les autres qui, de leur côté, ne voulaient pas appliquer, en fait.
[39’ 27’’]
Guillaume Erner : Mais… Même pas de regrets sur Amaryllis et sur la transformation d’Amaryllis en une force qui aurait pu empêcher le génocide ?
[39’ 36’’]
Hubert Védrine : Mais même Alain Juppé, dans son texte émouvant – qui est assez différent du texte d’Edouard Balladur, qui récuse toutes ces accusations en bloc –, Alain Juppé fait la liste de ceux dont il aurait fallu qu’ils restent. Qu’ils restent pour bloquer la guerre civile ?! Sans mandat de l’ONU ?! Donc moi je partage les regrets. Tout ce que les co…, regrets, mais c’est atroce. C’est tellement atroce ce génocide des Tutsi que je comprends très bien la tonalité d’Alain Juppé. Bon. Mais, pour rester, il aurait fallu un soutien international, il fallait que l’Union africaine existe, qu’il y ait des forces d’interposition. Ce n’est pas la France seule. Et puis il y a les Belges…, s’étaient tirés tout de suite. Y’avait rien. La MINUAR qui avait été mise en place pour nous succéder s’était décomposée sous nos yeux. Donc des regrets immenses, oui, oui, oui ! Mais ça n’a rien à voir avec une mise en cause d’une responsabilité, c’est autre chose !
[40’ 24’’]
Guillaume Erner : Hubert Védrine, merci d’avoir été avec nous ce matin.
[40’ 28’’]
Hubert Védrine : Merci pour votre invitation.
[Fin de la transcription à 40’ 28’’]