Fiche du document numéro 28326

Num
28326
Date
Dimanche 9 mai 2021
Amj
Taille
86106
Sur titre
Niort
Titre
Rwanda : survivante du génocide, la deux-sévrienne Espérance Brossard livre son témoignage
Sous titre
À l’occasion de la sortie de son livre, entretien avec la Deux-Sévrienne Espérance Mutuyisa-Brossard, survivante du génocide des Tutsis, au Rwanda.
Type
Article de journal
Langue
FR
Citation
À l’occasion de la sortie de son livre, entretien avec la Deux-Sévrienne Espérance Mutuyisa-Brossard, survivante du génocide des Tutsis, au Rwanda. © Photo NR

Son récit, c’est celui de dizaines de milliers de victimes. À travers son premier ouvrage Mon histoire rwandaise, publié aux éditions l’Harmattan, la Deux-Sévrienne Espérance Mutuyisa-Brossard livre un témoignage poignant sur le génocide des Tutsis, au Rwanda. Entre colonisation et indépendance, exil et massacre, mensonges d’État et combats judiciaires. Rencontre avec une femme digne malgré l’horreur. Joyeuse malgré la haine.

« Il fallait que j’accouche de ce récit pour le transmettre »



Qu’est-ce qui vous a donné envie d’écrire ce livre ?

En tant que présidente d’honneur de l’association Ibuka France (“Souviens-toi” en kinyarwanda) qui œuvre pour la mémoire, la justice et le soutien aux rescapés, je peux dire qu’un énorme travail a été fait en France pour lutter contre les négationnistes. Malgré tout, il persiste. En 2018, la journaliste Natacha Polony a déclaré dans une émission que les responsabilités de cette tuerie étaient partagées. Factuellement, c’est faux. Il y a eu un génocide exercé sur les Tutsis. Point. Ce n’était pas une guerre civile et il n’y a pas eu de génocide envers les Hutus. Ça a été établi par le Tribunal pénal international pour le Rwanda. Constater qu’encore en 2018, des personnes d’une telle envergure peuvent laisser entendre délibérément qu’il y avait eu une guerre civile, a fini de me convaincre d’écrire ce livre. Cette histoire, je la porte en moi depuis trop longtemps. Il fallait que j’accouche de ce récit pour le transmettre.

Vous avez passé une bonne partie de votre vie au Rwanda, mais vous n’étiez pas sur place pendant le génocide…

J’ai grandi dans un petit village, au sud du Rwanda. Mes deux parents étaient instituteurs. En grandissant, j’ai commencé à me rendre compte des difficultés de vivre sous le gouvernement des Hutus. J’ai notamment dû aller étudier au Burundi, car dans mon pays ce n’était pas possible à cause de qui j’étais. Je rentrais pendant les vacances. Il fallait se cacher à la douane… Au moment du génocide, j’ai 33 ans. Je vis avec mon mari coopérant au Mali. Je suis une survivante. En juillet 1994, il ne restait plus un seul Tutsi en vie au Rwanda. J’ai perdu ma mère et mes deux sœurs. J’y suis retournée quelques mois après, il y avait encore des cadavres dans les rues. Ça sentait la mort. Il y avait des charniers partout. J’ai retrouvé ma maison ravagée. J’ai cherché les corps des miens pour pouvoir les enterrer dignement. Quand je les ai retrouvés, j’ai fait une syncope.

Dans cet ouvrage, on retrouve votre histoire mais également tout un pan historique. Comment s’est déroulée l’écriture de ce récit ?

Je mûris ce projet depuis près de cinq ans. Mais comme je ne suis pas écrivain, j’ai sollicité l’aide de mon ami Cédric Rodon, historien de formation, pour m’aider à mettre en forme ces souvenirs. Je lui ai raconté mon histoire à l’oral et à l’écrit et il s’est chargé de tout ordonner et de dégager des axes logiques et chronologiques. Il a réussi à faire sortir des choses enfouies en moi. Ça m’a fait mal d’aller dans les détails. Parfois, je pleurais. Mais il le fallait pour que le livre soit complet. Mettre tous ces souvenirs sur papier a eu un effet thérapeutique pour moi.

À qui s’adresse ce livre ?

Aux miens. Aux victimes du génocide des Tutsis au Rwanda. Mais également à mes enfants métisses. Il faut qu’ils sachent. Mon histoire, c’est leur histoire. Il s’adresse aussi aux personnes œuvrant pour l’association Ibuka. Et aux Français pour qu’ils comprennent la part de responsabilité de la France dans ce génocide.

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fgtquery v.1.9, 9 février 2024