Citation
« Survivants, nous nous battons sur tous les fronts pour retrouver la dignité humaine, en faisant face
aux conséquences de ce qu’on a vu et subi. On vit par devoir. Nous sommes la preuve vivante du crime
face à celui qui l’a perpétré. Notre vie l’empêche d’avoir le dernier mot ». (p.150)
Au lendemain du génocide perpétré contre les Tutsi, entre avril et juillet 1994, le Rwanda est exsangue. En quittant le
pays - principalement pour le Zaïre -, les responsables laissent derrière eux un pays en ruines, vidé d’une partie de sa
population. Le génocide des Tutsi fut à plus d’un titre un événement hors norme, fruit d’un programme politique de
destruction d’une population en raison de sa supposée appartenance ethnique. Un crime d’une rare fulgurance et
intensité. En moins de 100 jours, ce sont près d’un million de Tutsi qui sont assassinés.
Comment dire le génocide ? Comment rendre compte des sévices qui accompagnèrent les massacres ? « Je n’arrivais
pas à décrire ce que j’avais vu et vécu ni à dire l’innommable » (p.26) écrit Dady de Maximo Mwicira-Mitali, rescapé du
génocide. L’auteur de cet ouvrage vit aujourd’hui au Danemark. Militant des droits humains (membre depuis 2015 du
conseil d’administration du Centre d’art sur la politique migratoire -CAMP-Danemark-), entrepreneur social et culturel,
journaliste, cinéaste et créateur de mode, il est aussi animateur d’émissions de radio [2].
Dady de Maximo Mwicira-Mitali a 12 ans lorsque, le 25 avril 1994, sa vie s’effondre. Rare survivant aux côtés de sa
mère, de son frère aîné et de sa soeur (décédée en 2014) quand le reste de la famille a été massacré. Rescapé, mais
violé par dix-huit adultes. Une « vie raccourcie » et des « blessures indélébiles » (p.151). Un enfant de 12 ans. «
Imaginez les cris de douleur d’un enfant auquel aucun secours n’est accordé » (p.49) nous enjoint-il.
L’ouvrage de Dady de Maximo Mwicira-Mitali est un témoignage qui laisse entendre comme rarement la réalité brute
du génocide. Il faut, au passage, souligner et saluer le remarquable travail d’édition réalisé par Florence Prudhomme
[3] : complété par une chronologie, un glossaire, une sélection d’ouvrages, un index des noms et un index des lieux, le
texte est jalonné de notes de bas de pages dans lesquelles, outre des références bibliographiques, l’éditrice et
l’auteur apportent de précieux compléments d’informations [4].
Un livre-mémorial
Mais ce livre n’est pas qu’un témoignage. C’est surtout le résultat d’une longue quête des traces destinées à faire
pièce au néant. Dans le Rwanda post-génocide, le deuil semble impossible : « la tradition veut que les morts soient
enterrés en toute dignité » (p.48). Pour les rescapés, il s’agit aussi de retrouver les disparus, les corps. Des enquêtes
sont lancées. Charniers et fosses communes sont exhumés : en 1996, 800 sites contenant plusieurs charniers avaient
été recensés [5]. Ce ne sont parfois que des fragments, ossements, morceaux de tissu ou objets, progressivement
rassemblées dans les mémoriaux qui jalonnent aujourd’hui le pays. Mais tous les charniers n’ont pas encore été
découverts. Et puis, il y a le sort de ces milliers de suppliciés et noyés, jetés dans les rivières du Rwanda comme la
Nyabarongo qui donne naissance à la rivière Akagera et se jette dans le lac Victoria. Le nombre de victimes ainsi
noyées (« jetées dans l’eau » : gutabwa mu mazi) est estimé à près de 45.000 soit un peu plus de 4% des victimes du
génocide [6]. Si nombre de corps se sont perdus dans les marécages et marais, des milliers d’entre eux ont été
repêchés en Ouganda par les pêcheurs riverains.
En 2004, dix ans après le génocide, Dady de Maximo Mwicira-Mitali se lance dans son projet, dans une mission plutôt :
sortir ces corps noyés de leur anonymat, leur rendre leur nom, leur visage, leur voix, leur dignité. « En 2004, j’ai eu
vingt-deux ans. Pour moi, le moment était venu de montrer au monde le sort des victimes jetées dans les cours d’eau
et les lacs durant le génocide. La raison en est simple : leur cas était rarement évoqué, il demeurait oublié et pour
ainsi dire occulté » (p.49). Comme l’écrit Florence Prudhomme dans sa préface : « Dady leur fait don d’un livremémorial
» (p.18).
Le raccourci
Sur les traces de ces corps emportés, c’est donc à un double cheminement que nous invite Dady de Maximo Mwicira-
Mitali : celui autobiographique du jeune enfant qu’il était -et dont l’enfance s’est figée et brutalement achevée- ; celui
historique cherchant à articuler la violence génocidaire aux prémices des massacres et pogroms subis par les Tutsi
depuis les années 1960.
A la rencontre des témoins, des rescapés, on descend avec lui les cours d’eau jusqu’en Ouganda. Comme le dit si
justement Florence Prudhomme se dessine alors la topographie et l’archéologie du génocide : « Dady est emporté par
le flux de la Nyabarongo, peuplé d’ombres, de disparus, de morts. Il suit leur trace sur l’eau, leur empreinte invisible, il
suit le cours du fleuve. Il s’arrête dans les villages qui surplombent la rivière à Butamwa, à Ndiza, à Rukumberi, à
Runda, à Nyange. Pour chaque victime, il refait le trajet de la mort dans son intégralité, il le situe dans le paysage, il
s’arrête, il redit l’anéantissement de chacun, il le voit. Il interroge les rares survivants des familles décimées, il décline
l’identité de ceux qui ont disparu, il les cite un par un, il reconstitue leur généalogie » (p.17-18).
On suit avec lui le « raccourci », synonyme euphémisé dans la langue des génocidaires de ces cours d’eau, perçus par
eux comme le chemin le plus rapide jusqu’en Abyssinie, prétendu pays des origines selon l’idéologie raciste hamitique
[7]. L’auteur rappelle les propos tenus par Léon Mugesera (conseiller et responsable du parti présidentiel MRND et
condamné en 2016 à la prison à perpétuité pour son rôle d’incitation au génocide) lors d’un discours aux accents
apocalyptiques de novembre 1992 : « Ne sais-tu donc ni entendre ni lire ? Moi je te fais savoir que votre pays, c’est
l’Ethiopie et que nous vous ferons passer la Nyabarongo pour que vous parveniez le plus vite possible là-bas » (cité
p.88).
« Mieux vaudrait encore retourner à Ndiza »
L’ouvrage commence par suivre un chemin chronologique, porté par une interrogation sur les liens possibles entre les
massacres antérieurs et le génocide. Dady de Maximo Mwicira-Mitali, postule à plusieurs reprises l’idée d’une
continuité en évoquant le génocide comme « l’acte final d’une pièce écrite depuis longtemps » (p.26), les « répétitions
du génocide » (p.28) ou en écrivant un peu plus loin : « L’histoire du pays des mille collines m’a appris que les tueries
des miens s’étaient répétées de manière cyclique » (p.48). Cèderait-il ici à une relecture téléologique, à « l’illusion
rétrospective de la fatalité » ?
Il s’agit d’abord pour lui de déchirer le voile du silence qui a pu recouvrir ces massacres antérieurs en donnant la
parole aux témoins, notamment à Tatien Ndolimana Miheto et Havugimana Emmanuel qui étaient enfants lors des
tueries dont ont été victimes les Tutsi (essentiellement dans le sud du pays) en 1963. La mobilisation de la mémoire
des massacres antérieurs montre quelle rupture représente l’irruption de la violence. Dans ces témoignages,
l’évocation de l’histoire et de la mémoire longue de ces pogroms qui firent environ 15.000 victimes n’occulte pas pour
autant la spécificité du génocide : « ceux qui étaient plus âgés que moi savaient qu’il n’y avait rien de très nouveau
dans le processus enclenché en 1994, si ce n’est l’ampleur de la cruauté et le caractère systématique, organisé et
mûrement préparé de l’extermination » (p.25).
Le travail des historiennes et historiens a montré comment ces massacres -tout en s’en distinguant- préfigurent à plus
d’un titre le génocide de 1994 ; comment les récits partagés de l’expérience des persécutions antérieures ont pu
guider les stratégies de survie adoptées au cours du génocide [8]. Que l’on songe aux lieux de refuge comme la
paroisse de Cyanika évoquée par Havugimana Emmanuel (p.41) [9]. Mais en 1994 ces lieux réputés sûrs se
refermèrent comme des pièges.
Pour Dady de Maximo Mwicira-Mitali, convoquer le souvenir des massacres antérieurs c’est enfin réinscrire son
expérience individuelle dans la filiation et résoudre l’énigmatique formule de sa mère pour qui « Mieux vaudrait
encore retourner à Ndiza » (p.47). Ndiza est une colline de la commune de Nyakabanda au bas de laquelle coule la
Nyabarongo. En 1973, plusieurs familles tutsi furent persécutées ici. Et Mukamitali Marie Claire, alors âgée de 14 ans,
fut jetée dans la rivière. Elle en réchappe miraculeusement : « la rivière n’a pas voulu d’elle ». Comme l’écrit Florence
Prudhomme, « Cette scène, cette énigme maternelle, est une scène originaire (…). L’horreur vécue par sa mère
devient la sienne » (p.13).
Des « questionnements persécutifs »
Au fil des pages, l’auteur laisse entrevoir, au-delà de l’affliction et de la souffrance, l’indignation : « Je suis stupéfait
quand j’entends certains dire qu’il n’y a pas eu de génocide ! Que pensent ceux qui avaient le pouvoir de l’arrêter
mais qui n’ont rien fait (…). Honte à ceux qui n’ont pas réagi pendant le génocide » (p.113 et 118).
Nombre de questions restent sans réponse et se font suppliques comme cette adresse à Dieu : « Dieu, pourquoi as-tu
permis que cela nous arrive ? Pourquoi ? Pourquoi ces malheurs, pourquoi ces souffrances ? Où étais-tu, que faisais-tu
? (…).
Ces questions me persécutent toujours » (p.134).
La dernière partie de l’ouvrage (« La vie raccourcie ») s’attaque aux spécificités du génocide des Tutsi, aux multiples
transgressions à l’oeuvre. Au-delà de l’assassinat, le témoignage de Dady de Maximo Mwicira-Mitali, comme ceux qu’il
a récoltés, permettent d’approcher les sévices, les tortures, les viols subis par les victimes. Des actes d’une cruauté
inouïe, destinée à aller au-delà même du meurtre des hommes, des femmes et enfants en cherchant à effacer les
traces de la présence tutsi au Rwanda, à souiller les victimes, à profaner les tombes, piller et détruire leurs biens [10].
« Le sang coulait partout (…), nous étions pourchassés (…). Le génocide des Tutsi visait leur extermination totale (…).
La mort était partout » (p.128).
Le propos est bien souvent insoutenable, insupportable. Au fil des pages, le « raccourci » est décliné sous de multiples
dimensions. Raccourci que cette volonté de faire le « plus de mal possible avant la mort » (p.123). Raccourci que ces
viols, que ces blessures infligées à ce corps jugé trop élancé, ce corps fruit d’une fantasmagorie raciste qu’il faut
désormais rabaisser (p.129). Raccourci que cette « mort atroce et fulgurante » (p.142). Raccourci comme « le chemin
le plus rapide vers les derniers moments de la vie » (p.142).
Dady de Maximo Mwicira-Mitali pose des mots sur cette cruauté manifeste exercée sur les corps, sur la volonté de
souiller, d’animaliser pour mieux exprimer l’altérité profonde de cet Autre érigé en figure irréductible de l’ennemi à
abattre. Les viols systématiques et collectifs, accompagnés de mises en scène publiques et de multiples mutilations
des parties génitales, viennent tout à la fois signifier l’exclusion mais aussi l’exaltation viriliste des combattants.
Inscrit dans un imaginaire raciste fantasmant la femme tutsi au corps réputé fin et gracile et aux moeurs légères, le
viol traduit la domination, la reconquête. Traduction également du retournement des liens sociaux et vicinaux qui
expliquent la fulgurance du génocide en faisant du voisinage le lieu d’une redoutable efficacité meurtrière.
Paroxysme d’une violence portée par une idéologie exterminatrice, les viols sont commis devant les proches. « Les
tueurs n’avaient pas honte de déshabiller une maman âgée devant ses enfants. Certaines ont été abusées par des
jeunes qui avaient été jadis leurs élèves. Mettre à nu une maîtresse d’école était en soi une torture inconcevable, une
mise à mort programmée » (p.126). La violence qui s’est ainsi immiscée au coeur des sphères familiales a touché
jusqu’à l’intimité des couples et à la filiation en s’en prenant aux enfants, aux bébés. « La question des enfants plus
jeunes que moi est la plus cruelle, il m’est impossible d’y répondre. Je pense à tous ceux que j’ai vus de mes propres
yeux, alors que je m’enfuyais à perdre haleine.
La mort des enfants me fait hurler de douleur » (p.143)
Kwibuka – Se souvenir
Une obsession anime Dady de Maximo Mwicira-Mitali. Il faut redonner un nom, un visage aux victimes anonymes, aux
disparus. « Jusqu’à ce jour, je ne cesse d’entendre leurs cris. Ils nous demandent de les consoler, de leur venir en aide.
Ils nous demandent de parler d’eux dans ce monde où personne ne les entend. Nous ne connaîtrons jamais la paix
tant que des êtres humains appelleront au secours depuis l’au-delà. J’ai voulu être la voix de ceux qui ont perdu la vie,
de ceux dont nous ignorons l’ultime destination » (p.57).
Il égrène les noms des disparus de sa famille. Au fil de son voyage jusqu’en Ouganda, il raconte ce que fut le parcours
de survivants rencontrés : Nyirabavakure Verena, Murekeyisoni Diane, Mukawera, Mukankubito Alphonsine, Mutayoba
Deo, Murasira Danon Frédéric, son ami assassiné en 2006, Mukantwali Mélanie, Mukeshinana Marie. Il raconte le
destin tragique de leurs familles respectives. Les parents, frères, soeurs, enfants tués. Clôturant des chapitres par
l’adresse Kwibuka, il reconstitue les généalogies, décline l’identité de celles et ceux qui ont disparu. Un à un. Il salue
les sauvetages réalisés par exemple sur la colline de Songa sous la conduite de Sinzi Tharcisse. Il adresse des prières,
retrouvant l’étymologie première de la geste religieuse -religare¬- afin de relier les vivants aux morts. Arrivé sur les
rives du lac Victoria, il relate les témoignages de ces pêcheurs qui des mois durant virent s’échouer les corps qu’ils
repêchèrent. Et fait, pas à pas, le décompte des corps, des sépultures, retraçant la chronologie des mémoriaux
instaurés sur place [11].
Dady de Maximo Mwicira-Mitali confie aux lectrices et lecteurs le résultat de cette (en)quête. Que ces noms soient lus,
entendus, connus. Ce travail de deuil, de mémoire, d’une mémoire vivante d’un passé toujours présent, n’est pas sans
évoquer la démarche de Rithy Panh pour redonner un tombeau aux siens [12]. Contre l’effacement et contre
l’abstraction qui fait le lit du négationnisme, redonner un nom, redonner un visage, retrouver un fragment, c’est
retrouver les traces, retrouver les faits, saisir le génocide dans toute sa réalité et matérialité [13]. « Ce ne sont pas
des cadavres anonymes qui se sont noyés accidentellement, sans raison. Ce sont des êtres humains qui avaient un
nom, un prénom, un visage. Ils étaient tutsi. Ils ont été jetés dans les rivières après avoir été torturés. Au-delà du
simple décompte des cadavres, nous avons le devoir d’écrire leur supplice (…). Il faudrait dire pour chacun comment
était son cadavre, le lieu où il est tombé, comment il a été assassiné, quelle a été sa vie et quelle a été sa mort. Les
cadavres ne doivent pas rester anonymes. Ce sont des êtres humains, leur parcours a été définitivement interrompu
par ceux qui ont « raccourci » leur vie. Et le sol du Rwanda a été inondé de sang » (p.123 et 138-139).
© Historiens & Géographes - Tous droits réservés. 24/04/2021
Notes
[1] Professeur au lycée de la Versoie, Thonon-les-Bains, APHG Grenoble
[2] Dady de Maximo Mwicira-Mitali est également le réalisateur du film By the Shortcut, Par le raccourci, Iy’ubusamo
(2008).
[3] Philosophe, Florence Prudhomme a fondé en 2004 l’ONG Rwanda avenir. Autrice de Rwanda, l’art de se
reconstruire (Ateliers Henry Dougier, 2015), elle a créé en 2014 l’atelier de mémoire et publié avec Michelle Muller les
Cahiers de mémoire, Kigali, 2014 et 2019 (Classiques Garnier).
[4] L’ouvrage est complété d’une postface d’Antoine Mugesera : ancien sénateur et ancien président d’Ibuka-Rwanda,
il est l’auteur de plusieurs ouvrages consacrés à l’histoire du Rwanda et des discriminations et violences faites aux
Tutsi.
[5] « Rapport préliminaire d’identification des sites du génocide et des massacres d’avril-juillet 1994 au Rwanda »,
Commission pour le mémorial du génocide et des massacres au Rwanda, Kigali, février 1996 (cité dans la préface p.20
et par Hélène Dumas, « Comment juger un génocide ? », Politique étrangère, 2015/4, p.39-50).
[6] République du Rwanda, MINALOC, Dénombrement des victimes du génocide. Rapport final, Kigali, avril 2004
(chiffres cités dans Florent Piton, Le génocide des Tutsi du Rwanda, Paris, La Découverte, 2018, p.127).
[7] L’opposition hutu-tutsi fut en effet le fruit d’une histoire longue du racisme et d’une construction ethno-raciale
(l’idéologie hamitique) élaborée en contexte colonial et érigée en système politique dans le Rwanda indépendant.
Dans le cadre de cette taxinomie raciale, les Tutsi étaient considérés comme de « faux nègres » - les Hamites - aux
ascendances mythiques égyptiennes ou éthiopiennes, par opposition aux « vrais Africains » bantous. Lire à ce sujet
l’incontournable ouvrage de Jean-Pierre Chrétien et Marcel Kabanda, Rwanda. Racisme et génocide. L’idéologie
hamitique, Paris, Belin, 2016 [2013]. Voir aussi Raphaël Nkaka, L’emprise d’une logique raciale sur la société
rwandaise (1894-1994), thèse de doctorat en histoire, sous la direction de Pierre Boilley, université Paris-I, 2013.
[8] Sur ces massacres : J.-P.Chrétien, M.Kabanda, op. cit., p.168-178 ; F.Piton, op. cit., p.47-50. Hélène Dumas montre
dans ces travaux l’irruption de ces violences dans les récits autobiographiques des témoins sans que cela ne
débouche sur une homologie entre les massacres antérieurs et le génocide (même si ce type de discours est plus
fréquent chez les anciens exilés) : Le génocide au village. Le massacre des Tutsi au Rwanda, Paris, Seuil, 2014, p.92-
93. Sur le lien entre mémoire des persécutions et stratégies de survie : ibid p.93-113 et H. Dumas, Sans ciel ni terre.
Paroles orphelines du génocide des Tutsi (1994-2006), Paris, La Découverte, 2020, p.66-67.
[9] Lire à ce sujet Marcel Kabanda, « Rwanda, les massacres de 1963. Le témoignage de G.D. Vuillemin », Afrique,
terre d’histoire. Au coeur de la recherche avec Jean-Pierre Chrétien, Paris, Karthala, 2007, p.415-434 (merci à Florent
Piton pour la référence).
[10] Ce que l’anthropologue Véronique Nahoum-Grappe appelle « l’usage politique de la cruauté » (in Françoise
Héritier (dir.), De la violence, I, Paris, Odile Jacob, 1997). Lire à ce propos le chapitre que lui consacre H. Dumas : «
Théâtres de la cruauté », Sans ciel ni terre, op. cit., p.111-135 et à laquelle nous empruntons les grandes lignes
explicatives qui suivent.
[11] Des mémoriaux où, semble-t-il à l’initiative d’ONG, des stèles mentionnent certes le nombre de victimes (1669 à
Malembo, 2149 à Ddimo par exemple), mais des victimes de prétendus « conflits rwandais ». Ultime offense faite aux
victimes du génocide des Tutsi que cette expression déréalisante, entretenant la confusion entre victimes et
bourreaux et le cliché de prétendus massacres « inter-ethniques ». Suite à une visite en 2009 en Ouganda d’une
commission du Parlement rwandais, les corps des 11 000 victimes échouées sur les rives du lac Victoria (selon un
nouveau décompte officiel) ont été exhumés et réinhumés sur trois sites : à Ggolo, Lambu et Kasensero (p.119 et
postface d’Antoine Mugesera, p.158).
[12] Rithy Panh, Les tombeaux sans nom, film-documentaire, Catherine Dussart Productions, Anupheap Production,
Arte France, 2018. Voir aussi l’ouvrage qui accompagne ce film, cité par F. Prudhomme dans sa préface : Rithy Panh,
Christophe Bataille, La paix avec les morts, Paris, Grasset, 2020.
[13] Hélène Dumas, Rwanda-France : au plus près de la matérialité du génocide des Tutsi, AOC, 11 mars 2021 [en
ligne] :https://aoc.media/analyse/2021/03/1...