Fiche du document numéro 28032

Num
28032
Date
Samedi 27 mars 2021
Amj
Taille
242909
Sur titre
Rwanda
Titre
La France n’a rien fait pour empêcher le génocide des Tutsis
Sous titre
Le rapport Duclert pointe le rôle central de François Mitterrand. La France « est restée aveugle face à la préparation » du génocide des Tutsis du Rwanda de 1994.
Nom cité
Nom cité
Source
Type
Article de journal
Langue
FR
Citation
On le savait depuis longtemps
mais cette fois les responsabilités
politiques et militaires françaises
sont clairement établies dans un
rapport « accablant ». A la demande du
président Emmanuel Macron, 14 historiens
ont épluché durant deux ans les archives
secrètes françaises (politiques et
militaires) avant, pendant et après le génocide
rwandais de 1994. Et leurs
conclusions sont sans appel.
Avec, au centre de la machine infernale,
le rôle joué par François Mitterrand
accusé, avec son cercle proche, d’avoir
soutenu « aveuglément » un régime raciste,
corrompu et violent en dépit de
toutes les alertes lancées depuis Kigali,
Kampala, Bruxelles et Paris. « La France
est demeurée aveugle face à la préparation
du génocide des Tutsis du Rwanda
de 1994 et porte des responsabilités
lourdes et accablantes dans la tragédie »,
assène dans ses conclusions la commission
présidée par Vincent Duclert.
Il souligne cependant que « rien ne
vient démontrer » que Paris s’est rendu
« complice » du génocide qui a fait au
moins 800.000 morts selon l’ONU entre
avril et juillet 1994.
Au nom de la défense
de la francophonie
Télégrammes diplomatiques, notes
confidentielles et lettres à l’appui, le rapport
Duclert dessine une politique africaine
décidée au sommet par le président
socialiste de l’époque, François
Mitterrand, et son cercle proche, un entourage
motivé par des « constructions
idéologiques » ou la volonté de ne pas
déplaire au chef de l’Etat. Il raconte des
décideurs « enfermés » dans une grille
de lecture « ethniciste » post-coloniale
et décidés à apporter, contre vents et marées,
un soutien quasi « inconditionnel »
au régime « raciste, corrompu et
violent » du président Habyarimana
face à une rébellion tutsie considérée
comme téléguidée depuis l’Ouganda anglophone.
« Cet alignement sur le pouvoir rwandais
procède d’une volonté du chef de
l’Etat et de la présidence de la République
», écrivent les historiens, en insistant
sur « la relation forte, personnelle et
directe » qu’entretenait Mitterrand avec
le président rwandais.
Cette relation, doublée d’une obsession
de faire du Rwanda un territoire de
défense de la francophonie face aux rebelles
tutsis réfugiés en Ouganda, a justifié
« la livraison en quantités considérables
d’armes et de munitions au régime
d’Habyarimana, tout comme l’implication
très grande des militaires
français dans la formation des Forces armées
rwandaises » gouvernementales.
Qu’elles viennent de l’attaché militaire
français à Kigali, des ONG, de certains
diplomates ou des services de renseignement,
ces mises en garde sont ignorées
ou écartées par le président et son cercle.
« On peut se demander si, finalement,
les décideurs français voulaient vraiment
entendre une analyse qui venait
contredire la politique mise en oeuvre au
Rwanda », écrivent les chercheurs.
Le rapport souligne notamment la
lourde responsabilité de l’état-major
particulier de Mitterrand, dirigé par le
général Christian Quesnot et son adjoint
le colonel Jean-Pierre Huchon. Avec
l’aval, tacite, du président : « Aucun document
ne montre une volonté du chef
de l’Etat de sanctionner ces militaires ou
de les retenir dans leurs initiatives »,
pointe le rapport.
Qui a commandité l’attentat ?
Lorsque les premiers massacres commencent,
dans la nuit du 6 au 7 avril
1994, après l’attentat contre l’avion du
président Habyarimana transportant
également le président burundais (dont
le rapport ne désigne pas les commanditaires,
objet d’une controverse depuis
près de 30 ans), cela n’entraîne pas « une
remise en cause fondamentale de la politique
de la France, qui demeure obsédée
par la menace du FPR ». Et même si le
chef de la diplomatie de droite Alain
Juppé est le premier à parler de « génocide
» à la mi-mai 1994, la grille de lecture
reviendra rapidement à des « massacres
interethniques » et une « guerre
civile ».
Il y a une « obstination à caractériser le
conflit rwandais en termes ethniques, à
définir une guerre civile là où il y a une
entreprise génocidaire », concluent les
historiens.
La publication de ce rapport de mille
pages pourrait en tout cas marquer un
tournant dans la relation entre les deux
pays, empoisonnée depuis plus de 25 ans
par les violentes controverses sur le rôle
de la France au Rwanda.

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