Fiche du document numéro 27879

Num
27879
Date
Jeudi 5 juillet 2007
Amj
Taille
238221
Sur titre
Procès Rwanda / Cinq heures de délibération pour un verdict de culpabilité
Titre
Ntuyahaga, bourreau des paras
Nom cité
Mot-clé
Résumé
Former FAR Major Bernard Ntuyahaga, prosecuted before the Brussels Assize Court, was found guilty of the death of 10 Belgian peacekeepers but not of Prime Minister Agathe Uwilingiyimana.
Source
Type
Article de journal
Langue
FR
Citation
YOLANDE MUKAGASANA, partie civile, a perdu son mari, ses trois enfants et sa soeur dans le génocide : son émotion éclate après l’énoncé du verdict de culpabilité
à l’encontre du major Bernard Ntuyahaga. PHOTO FRANÇOIS WALSCHAERTS/BELGA.

OUI, LE MAJOR a tué
les dix casques bleus belges.
Mais aussi de très nombreux
civils rwandais à Kigali.

Hier, c’était un jour de fête
au Rwanda. On y commémorait
la fin du génocide
de 1994. A Bruxelles, au même
moment, douze jurés, cinq
hommes et sept femmes, se penchaient
sur le sort de l’ex-major
Bernard Ntuyahaga des Forces
armées rwandaise, poursuivi devant
la cour d’assises pour différents
homicides, dont celui des
dix casques bleus belges.
A 17h30, devant une salle comble,
la chef du jury, la main sur le
cœur, a lu le verdict des jurés :
Bernard Ntuyahaga est coupable
de la mort de Bruno Bassine,
Alain Debatty, Christophe Dupont,
Yannick Leroy, Stéphane
Lhoir, Thierry Lotin, Bruno
Meaux, Louis Plescia, Christophe
Renwa et Marc Uyttebroeck,
tous engagés par l’ONU pour
maintenir la paix au Rwanda.
Au terme de quelque cinq heures
de délibération, les jurés ont
aussi dit le major responsable de
la mort de plusieurs de ses voisins
ainsi que d’autres civils, dont
son ancienne maîtresse, à une
barrière. Trois « non » ont également
retenti. Non, il n’est pas
coupable de la mort de la Première
ministre Agathe Uwilingiyimana,
non il n’a pas tué ou tenté de
tuer à Butare, alors qu’il était le
commandant du camp N’goma.
Le jury s’est encore montré partagé
sur deux questions qui évoquaient
un nombre indéterminé
de meurtres et de tentatives, à Kigali.
La courte majorité (7/5) qui
se dégageait des jurés a été renforcée
par l’appui de la Cour. Donc,
Bernard Ntuyahaga est également
coupable d’une série d’autres
homicides volontaires à Kigali,
entre avril et juin 1994.
L’homme dans le box, l’accusé
qui n’a pas bronché au long des
dix semaines de procès, celui que
l’on peut qualifier de « coupable
», n’a pas manifesté la moindre
émotion à l’énoncé de ce verdict.
Un verdict qui a surpris quelques
observateurs sur un point :
le fait que la mort des dix casques
bleus ait été dissociée de celle
d’Agathe. Seuls les jurés savent
pourquoi ils ont tranché ainsi, et
ils ne devront jamais s’en expliquer.
Certes, les Belges assuraient
une certaine protection à
la Première ministre contre les
agressions armées diverses. Mais
il y avait tant d’autres militaires,
miliciens et gendarmes sur place
capables de commettre ce crime.
Puis, au moment de sa mort, Bernard
Ntuyahaga était déjà reparti
avec les casques bleus pour les
conduire au camp de la mort.
Le jury s’était retiré à 11h30,
avec pour mission de débattre de
la culpabilité de l’accusé, puis de
passer au vote secret. Sur chacune
des 23 questions. Pour ce faire,
les jurés se sont installés dans
une pièce à part, isolée du monde
extérieur. Avec pour seul outil
pour alerter la Cour : un sifflet.
Un coup, la délibération est terminée
; deux, les jurés ont besoin
d’un complément d’informations
sur la procédure à suivre.
Les représentants du peuple
ont aussi pu bénéficier de tout le
dossier. Quelque 60.000 pages
où se trouvent tous les devoirs
d’enquête, tous les témoignages,
toutes les investigations d’ailleurs
longuement évoquées à l’audience.
Si la délibération n’a pu commencer
en début de matinée,
c’est que la défense de Bernard
Ntuyahaga a de nouveau voulu intervenir
en dernière minute. Cette
fois, Me Luc De Temmerman a
déposé six projets de plaintes
qu’il comptait déposer, un jour,
contre des témoins qui ont défilé
devant la cour. Le dépôt de ces
pièces ouvrait la voie à un nouveau
débat. Mais toutes les parties
se sont montrées sobres, quoiqu’agacées.
Me Uyttendaele : « Quand on
multiplie de tels coups et incidents,
on fait aveu de faiblesse.
La défense fait n’importe quoi
pour exister. Ne tombez pas dans
ce piège, le dossier est extrêmement
clair. » « C’est déloyal », a
lancé Me Walleyn, « un nouvel artifice
de procédure » selon Me Lemal,
« une dernière tentative de
duperie » pour Me Clément de
Cléty, et « c’est une menace à la
mémoire du génocide », a ponctué
Me Lurquin. Enfin, le procureur
fédéral, Philippe Meire, a repris
le thème de ses répliques :
« C’est du vent et encore du vent.
Il y a un souffle de déloyauté
dans ce geste. Il est temps de siffler
la fin de la récréation. »
Juste avant de clore les débats,
la présidente, Karin Gérard,
avait, comme il se doit, donné la
parole à l’accusé. « Tôt ou tard, a
ajouté Bernard Ntuyahaga, la vérité
finira par triompher. J’y
crois. Je reste patient et je continue
à garder l’espérance. Merci.
».

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