Fiche du document numéro 27417

Num
27417
Date
Vendredi 18 octobre 2019
Amj
Taille
90960
Titre
Annette Wieviorka : « Pourquoi j’ai renoncé à siéger à la Commission sur le rôle de la France au Rwanda »
Sous titre
La Commission de recherche sur les archives françaises relatives au Rwanda et au génocide des Tutsis a été rendue publique jeudi 17 octobre. Elle correspond en tout point à celle annoncée par « La Croix », le jeudi 10 octobre à une différence notable : le retrait de la grande historienne de la Shoah, Annette Wieviorka. Propos recueillis par Laurent Larcher
Nom cité
Type
Article de journal
Langue
FR
Citation
Pourquoi vous êtes-vous retirée de cette commission ?

Annette Wieviorka : Je vais être très claire : l’énormité du travail m’y a fait renoncer. Il s’agit de dépouiller toutes les archives militaires, diplomatiques, présidentielles de la France au Rwanda sur quatre années. C’est juste considérable. Il aurait fallu que j’y consacre tout mon temps et mon énergie. Pour l’avoir déjà vécu avec la mission d’étude sur la spoliation des Juifs de France, dite « Mission Mattéoli » – trois ans d’un travail jour et nuit sur un sujet qui était le mien – je sais ce que cela signifie comme effort, comme engagement, comme mobilisation. Je ne m’en sens plus capable. Je dois aussi admettre mon ignorance du Rwanda. Il aurait fallu que j’investisse aussi du temps dans la lecture de toute la bibliographie.

Voyez-vous, je suis partie avec une pile de livres sur le sujet pendant mes congés, cet été. Je n’en n’ai pas lu un. Il y a aussi la charge émotive qu’il faut savoir supporter. Je suis bien placée pour savoir ce qu’elle est quand on aborde la question d’un génocide. Je ne me suis pas sentie prête à plonger dans un autre abîme. D’autant que j’ai des travaux en cours, des livres à poursuivre ou à écrire sur la Chine, sur l’histoire de ma famille et que je ne suis plus toute jeune. Enfin, le travail de la commission nécessite beaucoup de réunions. Je n’aurai pas eu la faculté de pouvoir être assidue. Alors, comment valider un travail auquel vous n’avez pas participé pleinement ?

Pourquoi avez-vous accepté de siéger dans cette commission en avril 2019 ?

A.W : Je vous le dis simplement, j’ai été flattée que l’on insiste tant à me voir siéger dans cette commission. Il est vrai aussi que c’était intellectuellement tentant, il y avait la gourmandise de pouvoir accéder à des archives dont l’accès nous est habituellement fermé. C’était une bêtise.

En tant qu’historienne que pensez-vous du manque de spécialiste du sujet dans cette commission ?

A.W : À cela, je voudrais répondre deux choses. Je fais confiance à cette commission pour qu’elle livre son rapport à temps, d’ici donc, le mois d’avril 2021. Nous pourrons tous juger de son travail à la lecture de ce rapport. Je peux d’ailleurs vous dire qu’effectivement nous avons reçu les autorisations nécessaires pour consulter toutes les archives. L’engagement du président Emmanuel Macron a été respecté. Ensuite, il y a tout de même des spécialistes d’histoire militaires et des opérations extérieures de la France. Ce n’est pas rien.

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