Fiche du document numéro 2657

Num
2657
Date
Samedi 3 décembre 1994
Amj
Auteur
Taille
85108
Titre
L'ancien président rwandais aurait été tué par des hutus
Source
Type
Article de journal
Langue
FR
Citation
De notre correspondant

Après deux missions d'enquête au Rwanda et dans les pays voisins, la
Commission d'experts de l'ONU, composé de trois juristes africains et
présidée par le Togolais Atsu-Kofi Amega, a rendu son rapport.
«Après un examen approfondi, la Commission d'experts a conclu à
l'existence de preuves accablantes attestant que des actes de
génocide ont été commis à l'encontre du groupe tutsi par des éléments
hutus agissant de manière planifiée, systématique et méthodique. Le
génocide a été commis avec la participation d'escadrons de la mort
appelés « réseau 0 », mis en place par l'ancien régime du président
Juvénal Habyarimana. » Telles sont les conclusions de l'enquête des
experts de l'ONU.

Transmis cette semaine à Boutros Boutros-Ghali, le rapport évalue à
au moins 500.000 morts le nombre de victimes des massacres qui ont
commencé le 6 avril dernier. Les enquêteurs ont entre leurs mains une
cassette audio sur laquelle, Léon Mugasera, l'un des responsables du
Mouvement révolutionnaire national pour le développement(MRND) du
président Habyarimana exhorte, dans une conférence du parti en 1992,
« à tuer les Tutsis et à jeter les corps dans les cours d'eau du pays ». Une cassette qui, précise le rapport, « sera extrêmement utile
pour prouver qu'il y a eu l'intention criminelle de commettre un
génocide ».

Les experts reviennent longuement sur la mort du président
Habyarimana et mettent en évidence le rapide enchaînement des
événements, si rapide, en fait, que le rapport laisse entendre -sans
le dire explicitement- qu'Habyarimana aurait peut-être été tué par
des extrémistes de son camp. Ainsi, les experts relèvent que dans les
« trente à quarante-cinq minutes qui ont suivi l'attentat, avant même
que la nouvelle ait été annoncée par la radio nationale, des barrages
ont été mis en place à certains grands carrefours et les rues de
Kigali ont commencé à se remplir de cadavres ». Les experts ajoutent
« un autre fait encore plus probant à savoir que « la garde
présidentielle a mis en place des barrages routiers qui ont empêché
les membres de la mission des Nations unies pour l'assistance au
Rwanda d'atteindre l'aéroport afin de mener une enquête sur
l'assassinat du président ».

Les trois enquêteurs ont également affirmé qu'il y avait de sérieuses
raisons de penser que des éléments tutsi (avant la prise de prise de
pouvoir par le FPR, ndlr) « s'étaient livrés à massacres, à des
exécutions sommaires, à des violations du droit international
humanitaire et à des crimes contre l'humanité à l'égard des Hutus ». Les experts ajoutent qu'ils restent préoccupés par la violence
que continuent de perpétrer certains soldats du FPR, même si, faute
de temps, ils s'estiment « incapables de trouver des indices qui
attesteraient que ces massacres ont été commandités ou approuvées par
les autorités en place ».

Pierre Haski

Tue 29 Nov 1994

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