Fiche du document numéro 26331

Num
26331
Date
Lundi 9 mars 2020
Amj
Taille
345680
Titre
Transcription de l'intervention d'Hubert Védrine au colloque « L'Afrique des Grands Lacs : 60 ans de tragique instabilité »
Sous titre
Hubert Védrine : « le rapport Mucyo, c’est quand même la mise en cause la plus monstrueuse de la politique française depuis la Guerre ».
Fonds d'archives
Type
Langue
FR
Citation
Hubert Védrine : « le rapport Mucyo, c’est quand même la mise en cause la plus monstrueuse de la politique française depuis la Guerre »

Transcription de l’intervention d’Hubert Védrine au colloque qui s’est tenu le 9 mars 2020 au Sénat sur le thème : « L’Afrique des Grands Lacs : 60 ans de tragique instabilité ».

Titre de l’intervention d’Hubert Védrine :
« Regard géopolitique sur l’Afrique des Grands Lacs »

Lien :
https://www.youtube.com/watch?v=Ng_Vh_nnM9k

*

HUBERT VEDRINE, LORS DE SON INTERVENTION AU SENAT LE 9 MARS 2020.
NB. – Les principaux bégaiements ont été supprimés.

[Début de la transcription à 00’ 05’’]

D’abord je voudrais dire que je trouve très important que ce colloque ait lieu, ait pu avoir lieu. Parce que depuis qu’il y a des controverses, quand même violentes – c’est la plus violente des controverses sur un des sujets concernant la politique étrangère de la France à un moment donné –, c’est quand même la plus violente. Et à aucun moment – à aucun moment ! – une confrontation sérieuse, méthodique, objective n’a pu avoir lieu, en fait. Donc je trouve que c’est très important. Et je salue le courage et l’entêtement, l’opiniâtreté d’Alain Guyon et des autres organisateurs – je pense qu’il n’était pas seul – qui ont eu l’idée de ce colloque. Surtout que, je pense, c’est intelligent de le remettre en perspective historique, pas être le nez uniquement sur le pic de la tragédie, et de raisonner en termes d’Afrique des Grands Lacs. C’est très important parce qu’il y a une grande ignorance en fait en France, là-dessus. Il y a la focalisation au Rwanda avec les biais dont on va parler. Mais il y a une grande ignorance sur ce qui s’est passé avant, sur la situation en 62, sur l’héritage de la colonisation belge, RDC, Rwanda, Burundi. Ignorance encore plus grande sur la politique des pays voisins comme l’Ouganda et autres. Donc de toute façon, même s’il y avait pas la…, le sujet très douloureux et terrible, sur le génocide, lui-même, de toute façon c’est intéressant ! De toute façon c’est utile que les Français, les…, des diplomates, des militaires, des experts, des journalistes se replongent sur cette question.

[01’ 45’’]

Deuxième point, tout le monde le sait, il y a eu des pressions considérables pour ce que ce colloque n’ait pas lieu. Pas des arguments contre ! C’est normal les arguments contre, précisément si on arrive à organiser une rencontre où il y a des arguments dans un sens et dans l’autre. Mais c’était pas le cas. Il y a eu énormément de démarches au niveau des sénateurs qui ont accepté d’organiser ou d’intervenir, au niveau du Sénat proprement dit. Et c’était pas des pressions, encore une fois, avec des arguments ! C’est des pressions avec des…, un peu selon les méthodes staliniennes [sourire] consistant à empêcher de parler ceux dont on ne veut pas entendre la thèse ! [S’adressant à Judi Rever] Comme vous Madame, par exemple, mais d’autres aussi. Alors ça, c’est absolument intolérable, c’est intolérable ! En plus on est dans une époque où – à un moment, dans plusieurs parties du monde occidental –, où on voit bien que monte, dans des milieux où on s’attendait pas à ça, une espèce de tendance à la censure, tendance au maccarthysme, tendance à l’étouffement des voix contraires ! C’est pas qu’occidental, encore une fois, c’était stalinien aussi. Mais c’est insupportable, ça, au sens précis ! Donc il ne faut pas le supporter, il ne faut pas l’accepter. Donc l’idée qu’il puisse y avoir une rencontre où on entend des points de vue… Alors, un jour j’espère, il y aura une confrontation plus large, mais en tout cas, là, ça donnait l’occasion, au sujet des Grands Lacs, d’entendre des voix qui ne sont pas si entendues en France parce que des efforts considérables sont faits pour pas leur donner, pour qu’ils ne soient pas édités, qu’ils n’aient pas accès à la…, au débat public, etc. Donc, encore une fois, c’était important qu’il y ait ce colloque et que ces paroles soient entendues.

[03’ 31’’]

D’autant que les arguments employés sont détestables. Quel est l’argument qu’on a vu dans des articles, dans des pétitions – signées par je ne sais qui –, dans des démarches variées ? C’est : négationnisme. Mais c’est honteux, c’est absolument honteux ! Quand on sait ce qu’a été la Shoah et quand on sait ce que veut dire négationnisme ! C’est des gens qui disaient : « Y a pas eu de chambres à gaz ! ». A propos des controverses terribles sur le…, depuis le génocide, personne – à ma connaissance, hein ! –, personne n’a jamais dit ou écrit qu’il n’y avait pas eu de génocide des Tutsi, jamais ! Donc l’accusation de négationnisme, elle est honteuse, honteuse ! Alors évidemment il y a eu des débats, mais les débats n’ont pas lieu sur le génocide, sur l’existence du génocide ! Les débats ont eu lieu sur, par exemple, comment peut-on qualifier les 3 à 4 millions de morts au Congo après que le FPR ait pris le contrôle du Rwanda ? Il y a eu la guerre qui s’en est suivie, au départ alliée avec l’Ouganda puis après en opposition. Donc il y a des rapports de l’ONU, nombreux, qui parlent de 3 à 4 millions, soit de morts directes, soit de famine, soit de maladies, etc., etc. Bon, il y a un débat qui a lieu sur comment faut-il qualifier ces morts-là ? Ça n’a rien à voir avec le génocide lui-même. Ce n’est pas parce qu’il y a eu un débat que, par exemple, à un moment donné, les églises belges, pardon les églises de RDC, du Congo, disaient : « Oui, il y a eu un double génocide ». Bon. On peut en débattre. D’autres : « Non, mais ce n’est pas un double génocide, c’est d’une nature différente ». Mais jamais ça ne remettait en cause le génocide proprement dit ! Donc il y a une confusion qui est malhonnête !

[05’ 13’’]

Donc les débats tels que je les ai suivis, depuis que – un peu par force – j’ai dû me réintéresser au sujet alors que, à l’époque où j’étais secrétaire général, ce n’était pas un sujet central pour moi. J’ai pas joué de rôle particulier, j’ai pas de politique particulière là-dessus. C’est après, c’est après la montée des mises en cause périodiques – qui reviennent sans arrêt, comme le paludisme [sourire], bon – que j’ai dû m’intéresser au sujet. Donc les débats ont eu lieu sur l’origine : qu’est-ce qui a déclenché, qu’est-ce qui a conduit au génocide ? Ça, c’est un débat historique que personne n’a le pouvoir d’interdire ou d’empêcher ! C’est le…, le débat est là-dessus. Controverses ! D’où par exemple : est-ce qu’en 90, l’attaque du FPR et le déclenchement de la guerre civile s’est fait pour empêcher un génocide ou est-ce que c’est cette attaque-là, compte tenu de ce qu’elle entraîne après, qui finit par entraîner une évolution génocidaire d’une partie du système en face ? C’est des débats qui sont très, très pénibles sur le plan humain mais qui doivent pouvoir avoir lieu. Donc en aucun cas – en aucun cas –, l’accusation de négationnisme n’est fondée. Et si elle est…, ceux qui ont tenté d’empêcher ce colloque l’ont employée, c’est parce qu’ils sont un peu à court d’arguments. Ou alors ils auraient accepté la confrontation méthodique, sérieuse. Donc ça traduit quand même une inquiétude et une panique.

[06’ 33’’]

Il y a une petite nuance à faire sur : révisionnisme. Mais dans le langage général, quand on emploie le terme pour disqualifier les gens dont on ne veut pas entendre la voix, on mélange les deux. Mais révisionnisme, l’histoire c’est une révision permanente, sans arrêt. Même encore sur 14-18, il y aura toujours des gens pour dire : « – Finalement, le bilan se discute », « – Clémenceau a eu tort », « – Non, il a eu raison », « – Non, il a eu tort ». Bon. C’est sans fin, ça. Et ce que montrent un certain nombre de…, d’intervenants, c’est que la façon dont on a présenté la politique française de l’époque était injuste et qu’il faut donc la réviser. Mais c’est pas une révision sur le génocide ! Et ça ne porte pas sur le fait, atroce, du génocide ! Bon. Donc, il faut…, c’est tout à fait remarquable qu’il y ait eu des initiateurs et que le Sénat, c’est tout à son honneur, ait accepté d’abriter cette rencontre. Il faut que toutes les voix se fassent entendre, puissent être entendues. Sans censure.

[07’ 31’’]

Alors un mot sur la politique française. Mais je ne suis pas venu spécialement pour reparler de politique française, le sujet est beaucoup plus vaste. Tant mieux d’ailleurs. La question de l’Afrique des Grands Lacs, c’est vraiment très, très important. Et…, mais quand même, je suis là, j’ai été en effet secrétaire général de 91 à 95. Donc je n’étais pas là en 90, quand François Mitterrand a pris la décision initiale de…, face à l’attaque déclenchée quelques mois – c’est pas un hasard – après le discours de La Baule. Le discours de La Baule de François Mitterrand, c’est un encouragement à la démocratisation de l’ensemble de l’Afrique. Bon. Donc, là, il y a groupe ultra-minoritaire qui comprend qu’il n’arrivera jamais à prendre le pouvoir par les urnes, en fait. D’où l’attaque, à mon avis ! Et donc l’attaque a lieu en 90. La décision de Mitterrand à l’époque – il était en voyage dans le Golfe, je ne sais pas ce qu’il a dit le jour même, en fait, ça m’a été raconté par les collaborateurs et les militaires qui étaient auprès de lui –, le résumé, c’est : si on laisse une micro-minorité – parce que les Tutsi de l’Ouganda, c’était même pas tous les Tutsi –, si on laisse une micro minorité, appuyée sur l’armée d’un pays voisin, déclencher quelque chose qui va tourner inévitablement à de grands massacres, compte tenu du passé, 62 et la suite, la garantie française ne vaut plus rien. La garantie française de stabilité de paix, du Sénégal à Djibouti – qu’il y ait des accords contraignants ou pas, ça c’est un autre sujet –, elle vaut plus rien. Donc ce n’est pas possible, donc faut empêcher ça. D’où les premières interventions à partir de 90. 90, 91 et 93.

[09’ 06’’]

Mais ! Le deuxième volet, qui est toujours systématiquement oublié par ceux qui ne s’intéressent qu’à ce qui met en cause la France, c’est le volet politique : on empêche les attaques mais on va obliger à un accord, à un compromis. Donc, l’aboutissement de la politique française de Mitterrand, puis de Mitterrand, Balladur, Juppé – parce que je ne parle pas de Mitterrand en particulier, je parle de la France ! – c’est le…, ce sont les accords d’Arusha. Qui sont impensables s’il n’y avait pas eu l’intervention militaire pour dissuader les attaques. Et après on arrive à Arusha – qui n’existe pas s’il n’y a pas cette contrainte –, et consistant à organiser un partage du pouvoir qui est très, très, très, très favorable au FPR. Puisque les…, tout le monde à en tête les répartitions ethniques. Et à Arusha, c’est allé très loin puisqu’on envisageait – je parle sous le contrôle de meilleurs spécialistes que moi – jusqu’à 40 % de l’armée qui aurait été tutsi après.

[10’ 05’’]

D’ailleurs, une incidente : moi qui trouve insensé, extravagant, que les accusations permanentes, répétées sans fin – et même pas toujours télécommandées puisqu’il y a un masochisme français qui est quand même puissant aussi –, là, je pense qu’il y a une vraie erreur ! Mais c’est pas du tout l’erreur qu’on reproche à la France d’habitude. La vraie erreur, c’est d’avoir cru – ou fait semblant de croire, je ne sais pas – qu’après Arusha, que les parties prenantes allaient mettre en œuvre l’accord. Alors que c’est évident que le FPR ne voulait pas se contenter de ça et qu’une très grande partie des Hutu ne voulait rien lâcher. Donc s’il y a une erreur… Mais on ne pourrait en discuter, sérieusement, que le jour où le rapport Mucyo était retiré, le jour où on arrête de dire que la France a coopéré avec un régime qui a préparé un génocide, ce qui est le condensé des accusations. Là, ça mérite en tout cas discussion : est-ce qu’il ne fallait pas faire une analyse complètement différente et au contraire faire en sorte qu’il y ait une présence internationale considérable pour encadrer et obliger à la mise en œuvre des accords pendant au moins deux ou trois ans avec des protagonistes qui en fait n’allaient pas jouer le jeu ? Je n’ai pas la réponse mais c’est pour vous montrer que je suis tout à fait ouvert à des interrogations sur la politique française de cette époque. Et même si les gens disent : « Après tout, Mitterrand a eu tort en 90, il fallait laisser les massacres se dérouler. Ça aurait été absolument atroce mais on ne serait pas en train, des décennies après, de se demander quel était le rôle de la France », pourquoi pas, ça peut se discuter. Sur toutes les interventions on peut dire : « Il fallait y aller, pas y aller. On aurait dû y aller, là on n’a pas été ». Bon. Ça, c’est normal ! C’est de l’ordre…, c’est pas agréable à entendre, c’est pas facile à traiter mais c’est possible, ce sont des échanges possibles ! Mais la question, sur est-ce qu’on…, est-ce qu’après Arusha, fallait pas s’organiser autrement, est escamotée parce que la violence des accusations les font passer au second plan, en fait. En tout cas on pourrait se poser la question.

[11’ 59’’]

Mais donc je suis pas là pour reprendre toute l’affaire. Ce qui m’étonne c’est que, par la suite, pas tout à fait au début – puisque, par exemple, moi j’ai eu l’occasion de rencontrer deux fois le Président Kagame quand j’étais ministre : une première fois seul, une deuxième fois avec mon collègue britannique de l’époque, Jack Straw ; et on a eu une vraie discussion, très franche, très, très, très directe mais…, entre guillemets on va dire « constructive » pour l’avenir, – mais ce qui m’étonne, c’est qu’à partir du moment où le Rwanda a craint les conclusions possibles du juge Bruguière [sourire]… On peut débattre sur le juge Bruguière mais, manifestement, il y a eu une crainte à Kigali sur ses conclusions possibles. Et donc le rapport Mucyo est une réponse à ça. Et ce que je trouve extraordinaire à partir de là – donc, ça doit être en 2008 quelque chose comme ça, 2008 –, c’est que…, c’est la non-réaction de la France ! C’est quand même la mise en cause la plus monstrueuse de la politique française depuis [sourire] la Guerre, carrément. Peut-être la guerre d’Algérie, mais en fait, c’est plus compliqué. Donc à partir de là, ceux qui ont monté ce rapport ont eu une sorte de divine surprise : c’est qu’il se trouvait, en France, des gens pour relayer l’accusation sans vérifier rien, d’ailleurs. Et donc, il n’y a pas simplement des gens instrumentalisés ! Mais il y a une sorte… – je le disais tout à l’heure rapidement –, un masochisme à français. Il y a des gens prêts à croire, à dire que : « Oui, l’armée française, la France de Mitterrand, Balladur, Juppé, de l’amiral Lanxade et du général Quesnot, et compagnie étaient capables de choses comme ça. Donc il s’est trouvé un certain pourcentage de gens dans différents milieux – ils sont pas très nombreux, au total c’est une cinquantaine de personnes qui répètent la même chose tout le temps –, mais ils ont trouvé que c’était pensable ! Bon, à la limite, qu’ils s’engagent avec des convictions, pourquoi pas. Mais ce qui n’est pas tolérable, c’est que les mêmes groupes se sont organisés depuis pour que jamais des voix discordantes ne soient entendues. Sauf que le verrouillage en France ne peut pas empêcher des Camerounais, des Canadiens, des Anglais, des Belges de parler. De parler, de travailler, de réfléchir, d’investiguer et d’arriver à des conclusions différentes, différentes !

[14’ 18’’]

Je rerépète que la controverse est acceptable naturellement. Mais ce qui n’est pas tolérable, c’est les procédés qui ont dominé dans notre pays, depuis maintenant 15, 20 ans là-dessus, et d’empêcher les voix discordantes d’être entendues. Et de se dérober sans arrêt à la controverse vraie. Et vous avez tous en tête des dizaines, pour ne pas dire des centaines, d’interviews un peu biaisées, d’émissions biaisées, etc. D’autant que les attaquants [sourire] ont pris une technique assez efficace, qui est celle de la guérilla : c’est-à-dire qu’ils surgissent en disant : « Le télégramme numéro 22 704 prouve que… ». Des choses comme ça. Ou : « Il est démontré que le 17 mars à 15 h 30, ceci, cela ». Et après l’échange ne peut pas avoir lieu parce que c’est dans des émissions courtes où on a…, personne ne comprend rien à tout ça et il n’y a que des gens très, très spécialisés qui écoutent. L’échange n’a jamais lieu ! C’est impossible de dire que, dans ces cas-là, de dire [sourire] : « Mais les fondamentaux sont exacts [sic], ça a été démenti 12 fois, vous l’avez pas dit ». On ne peut pas. Bon, ça, c’est ça la guérilla. Donc ils disent ça puis ils repartent dans la jungle épaisse où la controverse – la suite de la controverse au bon sens du terme – n’a pas lieu. C’est tout ça dont il faut tourner la page.

[15’ 31’’]

Et j’espère que cette rencontre, que le Sénat a l’honneur d’abriter – quels que soient les points de vue, je sais qu’il y a eu en fait des vraies nuances dans les expressions, il peut y en avoir encore, mais il faut que ça continue ! –, j’espère que c’est que le début, en fait, d’un processus d’explications sur la tragédie du génocide rwandais, mais tout le reste ! Parce que toute l’histoire de la République démocratique du Congo, toute l’histoire du Burundi – il y a un livre très émouvant, un joli film sur le…, vous savez le jeune homme qui a écrit à partir de la situation vue depuis le Burundi – sur la politique de l’Ouganda. Tout ça, c’est extrêmement intéressant et c’est pas fini ! C’est des questions qui se posent après. Je pense que d’ailleurs il ne faut pas se…, pour ceux qui vont se réintéresser à ça, maintenant et sérieusement – parce que jusqu’ici, en France, si on a…, on n’a pas de vrais spécialistes de l’Afrique des Grands Lacs ; combien : un, deux, trois peut-être, maximum –, bon, j’espère que ceux qui vont se réintéresser à ça vont s’intéresser aussi à la politique des autres ! Christian Quesnot a fait allusion à la politique américaine, on peut être d’accord avec ce qu’il a dit ou pas. Moi, je suis assez d’accord avec ce qu’il a dit mais il peut y avoir d’autres points de vue qui expliquent la politique américaine autrement. En tout cas, on ne peut pas comprendre ce qui s’est passé depuis des décennies sans…, dans cette région, sans analyser la politique israélienne, la politique américaine, la politique de l’Afrique du Sud – parce qu’il n’y a pas que les puissances extérieures qui ont une politique en Afrique, il y a des puissances en Afrique qui ont une politique africaine –, la Grande-Bretagne naturellement, la Belgique. C’est pour ça d’ailleurs que, quand il y a les débats sur les archives… [sourire], il me semble qu’aucun pays n’a autant ouvert les archives que la France, déjà. Les autres, d’après ce que je vois, quasiment pas ou très peu. Et alors…, on est dans la sphère de la preuve impossible. Parce que chaque fois que les procureurs autoproclamés ne trouvent pas la preuve de ce qu’ils racontent depuis des années dans les archives ouvertes, ils disent : « Ah, ah ! C’est la preuve que les vraies archives sont cachées ! ». Et quant à la fin des fins, il n’y aura toujours pas, ils diront : « C’est qu’ils les ont détruites ! ». Enfin, vous voyez, bon. C’est l’affaire de la preuve impossible. En philosophie, c’est bien connu.

[17’ 36’’]

Donc moi j’appelle à ce que cette rencontre soit non pas la conclusion mais le début d’un processus, qu’on prenne en compte le comportement de l’ensemble des pays concernés et des acteurs africains et non africains et qu’on avance dans cette direction. Le seul but, le seul but qui doit nous réunir tous, quelles que soient les différences d’analyse, c’est que cette avancée dans la compréhension, par des historiens, par des experts, puis par des politiques, en aidant mieux à comprendre les engrenages meurtriers qui ont existé, devrait aider les peuples de la région à mieux préparer la suite. Parce que, à la fin des fins, c’est ça le sujet principal. C’est : comment faire en sorte dans l’avenir que des…, ces peuples martyrisés connaissent un avenir de paix. Mais à ce moment-là, il faut clarifier jusqu’à un certain point… Historiquement, il faut savoir tourner la page de certains moments, bien sûr. Mais là, on n’est pas tout à fait dans cette situation. Donc il reste à atteindre encore un certain degré de clarification pour que l’ensemble des peuples concernés puissent regarder l’avenir avec plus de confiance. Ça sera mon dernier mot. C’est-à-dire que la question française elle est importante pour des Français, bien sûr. Mais ceux qui pensent à ça en France ne pensent pas qu’à la France, ne pensent pas qu’au jugement porté – injuste jusqu’ici, et qui sera évidemment un jour corrigé – sur la politique française. C’est beaucoup plus large que ça. Et compte tenu du fait que c’est votre titre, moi, c’est en pensant à l’avenir des peuples d’Afrique centrale que je suis venu participer à vos travaux [applaudissements].

[Fin de la transcription à 19’ 18’’]

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