Né dans le quartier Saint-Joseph, à Colmar, Pierre Erny avait d’ailleurs raconté il y a 20 ans sa jeunesse colmarienne dans un ouvrage passionnant, « La maison du sculpteur », écrit avec une précision extraordinaire, décrivant comme si c’était hier, par le filtre ethnographique, son milieu familial avant, pendant et après la Seconde Guerre mondiale. Au lycée Bartholdi, à Colmar, il partagea son quotidien avec Tomi Ungerer dont le terrain de jeu, à Logelbach, était situé à quelques encablures du fief colmarien de la tribu Erny
Premiers pas d’instituteur en Afrique noire
Contre l’avis de sa famille, il entre au séminaire des Missionnaires d’Afrique (Les Pères Blancs) où il s’imprègne d’un enseignement théologique mais aussi philosophique, d’abord dans le Morbihan puis en Algérie, jusqu’en 1954. C’est en Afrique noire encore sous le joug colonial qu’il fait ses premiers pas d’instituteur, en Haute Volta (Burkina Faso). Avide de connaissances et mû par un désir de mieux comprendre le monde et en particulier l’altérité, il reprend ses études. Il se plonge corps et âme dans les sciences humaines : psychologie, éducation, ethnologie, à l’université de Strasbourg.
Cette dernière comprend un département d’ethno encore en chantier, dirigé alors par Dominique Zahan. Ce département sera souvent qualifié « d’africaniste » tant ses enseignants universitaires étaient centrés sur ce continent aux multiples facettes, terrain d’études très prisés.
L’appel de l’Afrique noire est alors plus fort, en pleine vague de décolonisation ; en 1963, Pierre Erny reprend ses valises avec son épouse Antoinette pour le Congo-Brazzaville. En 1964, il est nommé au CNRS mais la recherche pure n’a jamais été sa tasse de thé. Sa thèse de 3e cycle est consacrée à l’enfant congolais, son milieu familial, ses expériences enfantines, etc.
Une relation particulière avec le Rwanda
Ce ne sera pas la première ni la dernière puisqu’il n’aura de cesse d’étudier l’enfance africaine, par le prisme des sciences religieuses ou l’anthropologie à la française. En 1970, il est envoyé par le ministère de la Coopération à Lubumbashi où il enseigne la psychologie et l’ethnologie devant des milliers d’étudiants congolais. En tant que professeur, très apprécié par son auditoire pour son écoute, son empathie et son ouverture d’esprit rare (lié à son approche pluridisciplinaire des sciences humaines), il poursuivra sa « carrière » au Zaïre et au Rwanda, de 1973 à 1976.
Pierre Erny entretiendra une relation particulière avec le Rwanda, sans doute le pays africain qu’il aimait le plus. D’ailleurs, après le génocide des Tutsis en 1994, il écrira un ouvrage de référence, trop peu lu, pour proposer des clefs de compréhension du « calvaire » d’un peuple. Ses « éclairages » sur le génocide, nourris par une connaissance fine du pays et de ses ethnies, ne seront pas ceux communément admis par ailleurs… Son retour à Strasbourg, à l’université Marc-Bloch, sonne la fin de ses longs séjours familiaux, en Afrique Noire. En 1984, il succède à Viviana Pâques, en tant que directeur du département d’ethnologie. Il le restera jusqu’en 1993.
Son « sport » quotidien : l’écriture
Ses cours magistraux attiraient de très nombreux étudiants qui appréciaient ses connaissances encyclopédiques des religions du monde, des sociétés africaines. Pierre Erny dirigea de très nombreuses thèses, collaborant à des dizaines d’ouvrages. Après sa retraite, en 2000, à l’âge de 67 ans, il poursuivit son « sport » quotidien : l’écriture. Il est l’auteur d’une trentaine de livres, essentiellement consacrés à l’Afrique noire.