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La Libre Afrique.be a reçu copie d’un document de la Commission nationale de lutte contre le génocide (CNLG) au Rwanda, signé de son secrétaire exécutif Jean Damascène Bizimana, réclamant « l’extradition » par la Belgique du commissaire du parti FDU-Inkingi pour la Belgique, Marcel Sebatware.
La Commission rwandaise indique qu’après avoir été un protégé du puissant Joseph Nzirorera, figure du régime ethniste hutu de Juvenal Habyarimana, et un membre du parti extrémiste hutu CDR (Coalition pour la défense de la République) à l’époque du génocide, ainsi que le patron de la société publique Cimerwa à Bugarama, Marcel Sebatware a été, le 3 janvier 2008, « jugé et reconnu coupable de génocide au Rwanda par les juridictions gacaca (NDLR: de Muganza), ce qui fait de lui un criminel en fuite ». Il avait « participé au recrutement de miliciens extrémistes Interahamwés, à l’organisation de leur entraînement paramilitaire, à leur équipementet à la confection de listes de Tutsis » à tuer.
Les tribunaux gacaca sont des juridictions communautaires semi-traditionnelles, chargées de juger les accusés de génocide dans un pays dont le système judiciaire, déjà indigent sous Habyarimana (il n’existait pas de barreau et très peu d’avocats), avait été totalement détruit par le génocide. Son taux d’acquittement a été de 20%.
Attaques armées depuis le Congo
Le document indique que Marcel Sebatware est aujourd’hui « commissaire des FDU-Inkingi en Belgique ». Il s’agit d’un des partis membres de la plateforme d’opposition armée P5, qui serait responsable, selon Kigali, de plusieurs attaques meurtrières au Rwanda en 2018 et 2019, depuis les territoires de Fizi et Uvira, au Sud-Kivu (est du Congo). Le groupe d’experts de l’Onu pour le Congo a indiqué, dans un rapport du 31 décembre 2018, que le P5 recevait de l’armement principalement par le Burundi et recrutait des membres dans plusieurs pays de la région, notamment en trompant les recrues sur leur futur emploi et leur destination.
Le FDU-Inkingi est un parti fondé en 2006 par l’opposante Victoire Ingabire, grâciée en 2018 par le président du Rwanda, Paul Kagame, après avoir été condamnée à 15 ans de prison en 2013 pour « conspiration contre les autorités par le terrorisme et la guerre » et « minimisation du génocide » (1 million de morts en 1994). En novembre dernier, elle a annoncé quitter ce parti pour en fonder un autre « plus axé sur le développement », dont elle espère qu’il sera reconnu par l’Etat rwandais, contrairement à celui qu’elle quitte. FDU-Inkingi est en effet jugé par Kigali trop clivant et négationniste pour être agréé. Des observateurs se demandent si Mme Ingabire n’a pas pris cette décision pour éviter d’être à nouveau jugée, pour les attaques armées du P5.
Un dossier ouvert par le parquet fédéral belge
La Libre Afrique.be a interrogé le ministère belge de la Justice pour savoir si Kigali avait émis une demande d’extradition à l’encontre de Marcel Sebatware. Il nous a été répondu que M. Sebatware n’était pas extradable « parce qu’il a la nationalité belge ». « De plus, il n’y a pas de convention d’extradition entre la Belgique et le Rwanda ».
Cependant, comme c’est l’habitude dans de tels cas, « un dossier a été ouvert par le parquet fédéral au sujet de Marcel Sebatware et un juge d’instruction en a été chargé ».