Sous titre
Une opération militaire commune au Congo, au Burundi, au Rwanda et à l'Ouganda contre les groupes armés sévissant à l'est suscite la méfiance de la population.
Citation
Le but de l’opération serait de mettre définitivement
hors course les groupes armés, congolais et étrangers,
qui dévastent la région depuis plus de vingt ans. Reuters
Vive émotion à l’est du Congo : selon des documents provenant de l’état-
major congolais, les chefs d’état-major des pays de la région (RDC, Burundi,
Rwanda et Ouganda) devraient, fin octobre, mettre au point une offensive
commune contre les groupes armés étrangers qui dévastent le Nord et le SudKivu. Un état-major intégré serait mis sur pied et il travaillerait en coordination
avec la Monusco et la force africaine Africom.
Cette offensive serait destinée à réaliser la promesse faite par le président
Tshisekedi lors de ses voyages dans l’Ituri et dans les deux Kivu : mettre
définitivement hors course les groupes armés, congolais et étrangers, qui
dévastent la région depuis plus de vingt ans.
Les principales cibles de l’offensive sont les ADF Nalu, (Allied Defense Forces).
Ce groupe, d’origine ougandaise, opère dans l’Ituri mais possède des bases dans
le parc des Virunga. Présenté comme « islamiste », il compterait dans ses rangs
des « shebabs » somaliens et kényans.
Sont également visés les FDLR rwandais (Forces démocratiques pour la libération
du Rwanda) : ces descendants des réfugiés hutus arrivés au Congo en 1994 au
lendemain du génocide se sont depuis longtemps « enkystés » dans la forêt
congolaise. Ils s’y livrent au trafic de charbon de bois, (vendu au Rwanda…)
contrôlent des mines de colombo-tantalite (coltan) et sont accusés des pires
exactions à l’encontre des populations civiles, viols de femmes et recrutement
d’enfants soldats. D’autres groupes d’origine congolaise sont aussi visés : les Red
Tabara, les Nyatura et le NDC rénové, sans oublier des factions burundaises.
De multiples alliances
Si les préparations d’opérations militaires qui seraient menées sur le sol congolais
par des armées des pays voisins inquiètent vivement les populations de l’est, c’est
parce que la méfiance est généralisée. Tous ces groupes armés, qui vivent de
l’exploitation des ressources et de la terreur exercée sur les civils, ont aussi
multiplié entre eux des alliances autant opportunistes qu’équivoques.
Un seul exemple : il est régulièrement question d’infiltrations au Rwanda, via l’est
du Congo et le Burundi, d’hommes armés appartenant au RNC, le mouvement
d’opposition rwandais dirigé depuis l’Afrique du Sud par le général Kayumba
Nyamwasa. Ces opposants au régime du président Kagame sont des Tutsis, mais
sur le terrain, ils auraient noué des alliances avec les Hutus des FDLR, tout en
bénéficiant de certains soutiens au sein de l’armée ougandaise… qui est
cependant alliée de Kigali.
A ces équivoques régionales s’ajoutent des complicités au sein de l’armée
congolaise elle-même qui demeure infiltrée par d’anciens rebelles. En effet,
depuis les accords de paix de 2002, des groupes armés, bénéficiant de mesures
d’amnistie, ont été réintégrés au sein des forces régulières. Et certains de leurs
chefs, non seulement occupent des postes de commandement mais bénéficient
d’une impunité totale, soutenus qu’ils étaient par l’ex-président Joseph Kabila.
Des militaires rwandais au Congo
Le député Juvénal Munobo, élu dans la zone minière de Walikale sur les listes du
parti UNC (Union pour la nation congolaise), s’est déjà opposé explicitement à
cette opération militaire conjointe et plus particulièrement à la pénétration de
troupes étrangères (ougandaises et rwandaises) en territoire congolais. Le député
assure qu’en réalité, des militaires rwandais seraient déjà rentrés en territoire
congolais, dont deux bataillons des forces spéciales. Selon des sources locales,
des militaires rwandais portant uniforme congolais seraient déjà déployés dans le
Ruwenzori, près de la frontière ougandaise, chargés de combattre les hommes du
RNC du général Kayumba.
Le mouvement citoyen Lucha critique lui aussi ce projet de force armée
interrégionale et rappelle les échecs cuisants des opérations précédentes (Umoja
Wetu et Amani Leo), menées avec les pays voisins. Et, comme le député
Munobo, Lucha considère que l’apport des armées étrangères doit se limiter à
l’échange de renseignements. Lucha rappelle aussi que la brigade d’intervention
régionale de la Monusco dispose de moyens importants et pourrait suppléer à
l’apport contesté des pays voisins.