Sous titre
1994-2004 : le dixième anniversaire du génocide est commémoré cette semaine. Durant cent jours, hommes, femmes et enfants ont été massacrés par les extrémistes hutu. Des familles entières anéanties.
Citation
La période à venir sera dominée au Rwanda par le dixième anniversaire des massacres d'avril-juillet 1994. Il sera marqué, dans un premier temps, par une conférence de trois jours sur le génocide et les moyens de le prévenir, les commémorations proprement dites s'ouvrant mercredi 7 avril avec une marche à Kigali, suivie de l'inauguration du mémorial de Gisozi dans la capitale.
Combien de martyrs lors de ces tueries programmées par un pouvoir clanique et mafieux qui - bénéficiant de complaisances internationales (à commencer par celles de Paris) et religieuses (de la hiérarchie catholique en particulier) - avait fait de la haine ethnique et du racisme le moyen de sa pérennisation ? Durant les « cent jours » du génocide, les hommes, femmes et enfants tutsi ont été massacrés dans les champs, chez eux, à des barrages routiers, sans que les tueurs n'établissent de bilan de leurs victimes. En 2000, le gouvernement de Paul Kagame a diligenté une enquête, qui, menée de porte à porte à travers la brousse et dans tous les villages et villes du pays, a conclu l'année suivante que le génocide avait fait 1 071 000 morts, dont plus de 90 % étaient des Tutsi.
« Nous sommes sûrs que nous avons plus d'un million de morts au Rwanda », a récemment déclaré à la presse le ministre de la Culture Robert Bayigamba. Reconnaissant toutefois la difficulté d'établir un chiffre exact, « des familles entières ayant été anéanties », il assurait que le gouvernement sera en mesure de donner un chiffre plus précis « dans les années à venir » grâce aux témoignages recueillis dans les tribunaux populaires, les gacaca (prononcez gaxaxa), qui jugent les exécutants des massacres.
Dans son livre Rwanda 1959-1996, l'historien Gérard Prunier explique comment il fait une estimation de la population totale du pays en avril 1994, une estimation de la proportion de Tutsi au sein de cette population et une estimation du nombre de Tutsi toujours en vie à la fin du génocide, pour aboutir au chiffre de 800 000 morts dans les seules familles tutsi. Auxquelles il faudrait joindre celles des opposants hutu au système alors en place, dont l'extermination commença dès la nuit du 6 au 7 avril 1994.
Dix ans plus tard, le Rwanda estime avoir tourné la page de la « transition » et s'engager aujourd'hui dans celle de sa normalisation politique et sociale. De nombreuses plaies demeurent cependant à vif. Dans tous les domaines de la société, tel celui de la santé publique, comme l'atteste l'entretien publié ci-dessous.