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Le Tribunal pénal international pour le Rwanda a condamné jeudi à Arusha
le journaliste italo-belge Georges Ruggiu à douze ans de prison pour son
rôle de propagandiste du génocide avant et durant les massacres qui
firent près d'un million de martyrs au Rwanda entre avril et juillet
1994. Unique accusé européen poursuivi par le TPIR, il animait des « causeries politiques » sous le nom de M. Georges à l'antenne de
Radio-télévision libre des Mille Collines (RTLM, créée un an plus tôt et
qui, durant plus de trois mois, diffusa ouvertement les consignes de
tuerie, préfecture par préfecture). Jusqu'au dernier moment,
c'est-à-dire jusqu'à la défaite du nazisme équatorial alors installé à
Kigali, M. Georges s'est illustré par ses appels à l'extermination des « inyenzis » (cafards), terme désignant la population Tutsi dans son
ensemble et les démocrates Hutu combattant le régime. Témoin cet extrait
d'une émission en date du 30 juin 1994, réponse à un reportage de RFI
sur une « colline » de la préfecture de Kibuye, où 50 personnes sur 600
venaient d'être massacrées : « 50 personnes sur 600, cela fait un peu
moins du dixième [...] , cela représente à peu près la proportion des
personnes qui auraient pu aider le FPR, et, c'est vrai, cela représente
à peu près la proportion des membres Tutsi d'une commune, mais de là à
dire qu'on a tué tous les Tutsi, on ne l'a pas dit ; de là à dire que
l'on a tué tous les membres du FPR, ce n'est pas vrai non plus »...
Cet ancien éducateur de Liège (où il militait dans le groupe de droite
Diapason) s'était illustré dès 1993 par ses dénonciations hystériques
des accords de paix signés à Arusha. Dans les jours suivant la mort de
Habyarimana (6 avril 1994), il mit à profit sa nationalité pour
crédibiliser la propagande anti-belge, l'ex-métropole coloniale étant
alors accusée, au mépris de toute vérité historique, de soutenir les
combattants du FPR. Et c'est sur l'antenne de RTLM que Georges Ruggiu
lancera aux miliciens Interahamwe ( « ceux qui frappent ensemble ») cet
appel : « A chacun son Belge »... Cela quelques heures après
l'assassinat des dix Casques bleus belges chargés de la protection de la
première ministre (Hutu démocrate) Agathe Uwilingiyimana, « coupable »
de s'être opposée à la haine raciale institutionnalisée par le clan
présidentiel et ses relais médiatiques type RTLM. M. Georges encourait
la perpétuité, ses « regrets » lui ont valu les circonstances
atténuantes. Une « repentance » tardive qui suscitera beaucoup
d'incrédulité tant à Kigali qu'à Bruxelles.