Citation
« C'EST de vie ou de mort qu'il s'agit. De l'extermination de groupes
pris en tant que tels, bientôt de peuples entiers encerclés par une
armée de médias transformés en machines à tuer... » Cette accusation
est extraite de la préface de Louis Joinet (rapporteur spécial des
Nations unies) à l'ouvrage collectif sortant ces jours-ci sur « Les
médias de la haine » (1) : la radio des Mille-Collines qui diffusait
les consignes du génocide en avril-juin derniers au Rwanda ; mais
aussi les journaux extrémistes burundais aujourd'hui, la presse
xénophobe en Roumanie, ou encore ses homologues qui, en
ex-Yougoslavie, se sont transformés en véritables machines de guerre.
L'intoxication et la désinformation font partie des tactiques
classiques pour mobiliser les foules et tromper l'ennemi. Au XIXe
siècle, il y a eu un précédent européen célèbre avec la dépêche d'Ems
qui alluma la mèche du conflit franco-allemand de 1870. La littérature
raciste diffusée dans les métropoles coloniales pour transformer les
peuples asservis en ramassis de sous-hommes a également montré son
efficacité durant tout le XXe siècle. Désormais, les techniques de
désinformation sont devenus beaucoup plus sophistiquées, le
traditionnel bourrage de crâne faisant place à de véritables « médias
tueurs ».
Devant cette montée de la « culture de mort », l'association Reporters
sans frontières publie un dossier accablant et diversifié : Rwanda,
Burundi, Niger, ex-Yougoslavie, Roumanie, Crimée, Caucase,
Israël-Palestine, Egypte... Autant de lieux où sont mises en pratique
des stratégies de manipulation des opinions qui perfectionnent encore
celles mises en vigueur par l'Allemagne nazie durant les années
trente. « Le viol des foules », selon le titre célèbre consacré par le
sociologue soviétique Tchakotine à la propagande hitlérienne.
(1) « Les médias de la haine », ouvrage collectif publié, sous la
direction de Renaud de la Brosse, aux éditions La Découverte (85
francs).
JEAN CHATAIN.
