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AU moins 25 personnes ont été tuées et 56 blessées, mardi, dans le
bombardement par les forces gouvernementales rwandaises du stade
Amahoro, qui abrite environ 5.000 réfugiés, dans le nord-est de
Kigali. Le stade est situé dans une zone contrôlée par le Front
patriotique rwandais (FPR), dont les forces sont parvenues à faire la
jonction avec un détachement se trouvant déjà depuis plusieurs jours
dans la capitale rwandaise.
La Mission des Nations unies pour l'assistance au Rwanda (MINUAR) a
émis « une protestation des plus vigoureuses » auprès de l'état-major
des forces armées. Ces dernières, soutenues par les miliciens et par
la garde de l'ancien dictateur Habyarimana - tué le 6 avril dernier
dans l'explosion de l'avion qui le ramenait à Kigali en compagnie du
président burundais Cyprien Ntaryamira, également tué - ont mis le
pays à feu et à sang.
Selon un porte-parole du Comité international de la Croix-Rouge (CICR)
à Genève, ces massacres ont fait plusieurs « dizaines de milliers de
morts » dans tout le pays. Au moins 400.000 personnes - 2 millions
selon d'autres sources - ont fui les tueries. D'après le porte-parole
du CICR, il y a environ 300.000 personnes déplacées entre Kigali et la
région de Kibungo (Sud-Est), près de la Tanzanie, et 100.000 autres
dans le Sud, près de Butare, à la frontière avec le Burundi. Des
dizaines de milliers de personnes ont aussi trouvé refuge dans le
Nord, sous la protection des forces du FPR.
Les récits sur les horreurs perpétrées par les tueurs d'Habyarimana
sont effroyables. « Des charniers jonchent la retraite de l'armée
rwandaise », constatait hier l'envoyé spécial de « Libération »,
Jean-Philippe Ceppi. Derrière une église de Kiziguro située à une
centaine de kilomètres au nord de Kigali, ce journaliste a découvert
un puits d'où on entendait « des cris et des râles ». Selon un
responsable du FPR, 800 personnes y ont été jetées par les troupes
gouvernementales, dont certaines étaient encore en vie.
Face à ces atrocités, la réaction des grandes puissances occidentales
reste pour le moins très discrète. Les ministres de l'Union européenne
réunis lundi à Bruxelles ont « constaté avec consternation que la
violence généralisée et les atrocités continuent et s'étendent au
Rwanda » et ils ont exhorté les « forces antagonistes pour qu'elles
fassent cesser la violence et qu'elles reprennent le chemin de la
négociation sur la base des principes de l'accord d'Arusha ». Conclu
en août 1993, cet accord prévoyait l'instauration d'un processus
démocratique au Rwanda. Le dictateur défunt, Habyarimana, fort du
soutien militaire que lui avait accordé Paris depuis 1990, avait mis
toutes les entraves à la mise en oeuvre de cet accord.
De son côté, Jacques-Roger Booh-Booh, représentant spécial à Kigali du
secrétaire général de l'ONU, a déclaré que les Nations unies «
n'abandonneront pas le Rwanda », à condition que les combats
s'arrêtent, renvoyant ainsi dos à dos les massacreurs et ceux qui les
combattent pour mettre fin à la tuerie.