Fiche du document numéro 2292

Num
2292
Date
Mercredi 9 juin 1993
Amj
Taille
101831
Titre
Le meurtre de René Bousquet
Nom cité
Source
Type
Article de journal
Langue
FR
Citation
RENE BOUSQUET, quatre-vingt-quatre ans, secrétaire général de la
police sous le régime de Vichy, a été assassiné hier matin à son
domicile parisien, 34, avenue Raphaël, dans le 16e arrondissement.
Il était 8 h 45 quand un homme d'une cinquantaine d'années aux tempes
grises s'est présenté à son domicile. « Il a sonné à l'interphone en
déclarant qu'il venait de la part du ministère de l'Intérieur et ma
mère lui a ouvert », raconte Alix Lafol, fils de la concierge de
l'immeuble. Puis il est monté à pied jusqu'au sixième étage, où
Bousquet se trouvait en compagnie de M. Nam, son homme de ménage, et
de son berger allemand. Lorsque l'ancien chef de la police vichyssoise
a ouvert la porte, l'homme a tiré « trois ou quatre coups de feu »,
selon M. Nam, qui s'est lancé à sa poursuite jusqu'au métro La Muette,
mais n'a pu le rattraper.

A midi, un homme affirmant s'appeler Christian Didier convoquait
plusieurs organes de presse dans un hôtel des Lilas, en revendiquant
l'assassinat de René Bousquet. Il montrait une arme et, après un
discours sur le thème du « Bien et du Mal », il apportait quelques
précisions sur les faits : « Il m'a ouvert. Je suis monté (au) 6e. Il
a un jeune berger allemand. Ça m'ennuyait, parce que flinguer cette
ordure-là, ça ne me dérangeait pas, mais si le berger m'avait sauté
dessus, ça m'aurait obligé à me défendre et à abattre le chien.
Mais le chien s'est sauvé quand il a entendu le premier coup de feu. »
Il ajoutait : « Je l'ai reconnu tout de suite parce que j'avais vu sa
photo à la télé. J'ai dit : Monsieur René Bousquet, je vais vous
passer ces documents qui sont nécessaires, vous allez en prendre
connaissance, les lire et les transmettre lors de votre convocation au
procureur. Au lieu de prendre les documents, j'ai sorti le revolver
(qu'il avait caché dans une sacoche), j'ai tiré à bout portant, il a
foncé sur moi, il avait une énergie inouïe, ce type-là. J'ai tiré une
deuxième fois, il a continué à foncer sur moi ; une troisième fois, il
a commencé à chanceler mais il courait encore sur moi. La quatrième
fois, j'ai tiré dans la tête ou dans la nuque, je ne sais pas, je n'ai
pas bien vu et là, il est tombé, le sang qui pissait, avec le papier
dans la main. »

Peu avant 13 h 30, Christian Didier a été arrêté par les policiers de
la brigade criminelle et conduit au Quai des Orfèvres. Selon des
sources policières, « ses aveux sur l'assassinat ont été confirmés à
90\% et de nombreux détails coïncident, des expertises
balistiques sont en cours pour voir si l'arme est bien celle du
meurtre ». Cependant, on reste prudent, Quai des Orfèvres, car l'homme
a une « réputation d'affabulateur ». Domicilié à Saint-Dié, dans les
Vosges, Christian Didier est âgé de quarante-neuf ans. En 1987, il
avait été arrêté à Lyon en possession d'une arme chargée dans
l'enceinte de la prison Saint-Joseph où, dit-il, il voulait tuer Klaus
Barbie.

Comme le mentionnent de nombreuses premières réactions (voir
ci-contre), le silence définitif de René Bousquet peut soulager bien
du monde. Faisant l'objet d'une procédure judiciaire pour «
crimes contre l'humanité » en raison de sa participation à
l'organisation des rafles de juifs de juillet 1942
(Vél'd'hiv') et à l'annulation, le 18 août 1942,
de dispositions réglementaires protégeant de l'arrestation
plusieurs catégories d'enfants juifs étrangers en zone libre,
l'instruction de son dossier devait s'achever prochainement
devant la chambre d'accusation de la cour d'appel de Paris.

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