Fiche du document numéro 22206

Num
22206
Date
Dimanche 5 octobre 1997
Amj
Taille
368980
Titre
Interrogatoire de Jean Kambanda - Cassette # 44 [Le préfet Renzaho - Le pillage - Le général Dallaire]
Nom cité
Source
Type
Audition judiciaire
Langue
FR
Citation
fe

i]

es

Hu 4 9Ù
Face À de la cassette # 44.
PD -Alors il est dimanche le 5 octobre 97, à 17 heures 25, nous reprenons l’entrevue.

MD -Onétait en train de parler de Monsieur Renzaho à la fin de la dernière, du dernier ruban, alors

le, ce que, qu'est-ce que vous s connaissez de Monsieur Renzaho, de sa participation justement aux

- pillages et à quel moment avez-vous appris ça ? De eme ne

JK -Non je, je ne peux pas dire j’ai appris ça à telle date, parce que les, lui il était à Kigali depuis
le début et quand, au cours d’une des rencontres que j’ai eues, parce que j’en ai eu plusieurs, il nous a
parlé de, on a, on a évoqué le problème de pillage, c’est à ce moment-là je crois que il nous a parlé de,
de la brigade anti-pillage. C’est pas lui même qui m’a dit bien entendu que il, il avait pris certains
magasins dont Ali-Rwanda, c’est par d’autres informations que j’ai su que c’est lui qui pouvait, disons,
le seul qui pouvait entrer dans ce magasin. Donc lui ne m’a pas dit que il était responsable de ce

magasin. Entre autres.

MD “Est-ce que vous avez, est-ce qu’ il y avait d’autres magasins qu “Ali-Rwanda, est-ce qu'il







_JK .__-Non, j'ai, je ne peux pas, je ne peux pas le savoir, mais is celui-là je l'ai su su,

pouvait, est-ce qu’il en contrôlait d’autres aussi 9



MD -Etça c'est, vous avez su ça après lui avoir donné la responsabilité de faire, de créer la, le groupe

anti-pillage.

_JK ____-Oui. Et je dois dire que même avant de Jui donner, de lui avoir donné cette responsabilité, de __

fait il l’avait puisque il contrôlait la ville.

MD -Il contrôlait la ville ?

JK -Oui.

MD -A tous les niveaux ?

JK -Du moins sur le point qu’on discute, oui.

MD -Dansles, dans les gens qui étaient, qui étaient impliqués dans le pillage, heu, on dit qu’à la fin
là c’était rendu que même les officiers, même les officiers de, les militaires, même les officiers étaient,
étaient impliqués, est-ce que ça mettait pas Monsieur Renzaho dans une situation un peu délicate de
prendre, de prendre action contre eux ?

TK -Dans une situation délicate non, mais faut dire qu’il y a pas eu d’actions concrètes contre les



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-MD-—- -Vous avez pensé donner cette responsabilité-là aux militaires ?

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ho a Ü jo î
pillages, pour dire ça devait le mettre dans une situation délicate, je suis intervenu plusieurs fois sur les
ondes de la radio pour disons déplorer cette situation de, sur les pillages, en leur démontrant que il ne
leur servait à rien de se mettre au pillage puisque... tant qu’ils ne pouvaient pas avoir le pays, qu’ils ne,
ils, les biens qu’ils pillaient ne serviront à rien.
JK Quels militaires ? L

MD -Aux militaires, aux militaires qui étaient à Kigali, la responsabilité de, des patrouilles anti-

pillage? ,
TK _Ils l'avaient, dans une des rencontres que j’ai eues avec eux j’ai, j’ai, je leur ai demandé de faire
ça.

MD -Et le, de quelle façon que c'était coordonné avec le préfet ?
JK -Çaje ne peux pas savoir. Je ne sais pas comment ils étaient coordonnés.

MD -Ah c'était deux groupes distincts qui, qui s’occupaient de ce travail ?

-JK — -Est:ce que c’est deux groupes distincts, ou est-ce que, est-ce qu'ils étaient d'accord entre eux,

ça je n’ai pas l’information.



MD -Est-ce qu "effectiv.… est-ce que, à votre connaissance, il y a eu des gens qui ont été, qui ont été

pris, qui ont été abattus en train de piller ?

JK -C'’est ce qu’on m’a dit mais je n’ai pas été témoin ou je n’ai pas eu d’autre confirmation qu’il



y a eu, qu’il y ait eu des gens qui ont été abattus en train de piller mais l’information est passée comme
telle.

MD -Est-ce que vous savez si c’était des militaires qui ont été pris dans ces, dans ces cas ?

JK -On n’a pas précisé qui a été tué. Si c’était des militaires ou des civils.

MD -Si ça avait été des militaires est-ce que la l’Etat-major...

PD -Parce que quand je lis votre déclaration ici là, à cette ligne-là, on marque que des militaires
avaient été abattus lors d'opérations anti-pillards, j je fus avisé que des militaires avaient été abattus lors
d’opérations anti-pillards, est-ce ça a pu être porté à votre information ça ?

JK -Mais c’est... ce sont des informations que j’ai eues mais je n’ai pas eu de confirmation, je ne

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peux pas dire je suis sûr des militaires ont été tués ou des civils. Et puis il faut aussi préciser.



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4905?
PD -Çac’est dans quel cadre que ces informations-là peuvent vous parvenir ? Disons que ça là c’est,
ça peut être quel genre d’information ?

JK -Moi j'ai discuté avec beaucoup de gens. Les gens qui venaient de Kigali, et c’est, notamment

au, à cette période, même après l’exil j’ai discuté avec des gens, et c’est, toutes ces informations-là que



j'ai accumulées mais je ne peux pas mettre la main sur une personne pour dire voilà c’est cette.

personne-là qui m’a dit qu’il a été au courant que des pillages ont été faits par untel ou par untel. Ou
que des militaires ont été abattus par, dans tel ou dans tel cadre, ou, d’autant plus qu’il était même
difficile à cette époque de distinguer militairé et non-militaire à la ville, dans la mesure où la plupart
des gens qui pillaient étaient également armés et également habillés en treillis militaires.

MD -Est-ce que vous croyez que c’est quelque chose qui a débuté très tôt ça dans le, dans le, dans
le temps-là, qu'est-ce que, le pillage est devenu tout de suite-là, quand, quand cette situation-là a, a
évolué, est-ce que c’est quelque chose qui s’est généralisé assez rapidement ?

JK -Je, je suis sûr que le pillage a étéu un n des n mobiles depuis le début pour tuer.



| MD C'était ur un mobile: pour tuer ? 2



MD -Depuis le début ?
JK -Oui.

MD -Est-ce que vous avez pu identifier les groupes au début qui, qui se servaient de ces, des ces

prétextes pour tuer ? . …:

JK _-Je n’ai pas, je ne dis pas que je les ai identifiés mais les gens qui ont commencé les massacres
n’avaient pas que le seul mobile politique pour aller massacrer les personnes, parce que les personnes
qui ont été massacrées en premier lieu c’était des gens qui avaient, qui étaient considérés comme riches
à cette époque-là. | Co

PD -Les opposants politiques et les riches.

JK -Etles riches. Même s’ils n’étaient pas opposants politiques.

PD -On n’avait pas donné aussi le, à cet exemple-là je crois un de vos voisins, Monsieur Michel... ?
JK -Shirakera [phonétique]. .

PD -Qui était. vous le moins, vous saviez que c'était un opposant mais vous saviez aussi que



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c'était, tout le monde le connaissait comme étant quelqu'un de riche ?
JK -Oui.
MD -Et dès le début vous avez, vous votre participation, votre part ça a été de faire, il y a eu des

points de presse, vous avez fait des messages à la radio ?





MD -Et, est-ce que vous avez eu l’impression que ça, ça a porté fruit ?

JK -Non, ça a pas porté fruit. C’est juste les, ça, les gens ont retenu le, ce que je disais à la radio,
c’est surtout à l’exil que les, j’ai vu que les gens regrettaient de ne pas avoir compris ce que je leur
disais.

MD -Pourquoi qu’ils. dans quel sens ?



_ JK -Parce que ils se rendaient. quand ils sont partis au Zaïre, ils ont eux-même été pillés. Ils se
sont rendu compte qu’il ne servait à rien de piller. La plupart d’entre eux ont été eux-même pillés.
Co MD | “Est-ce que c'est! un p phénomène qui était surtout concentré à Kigali ou si sac ’est, c ’est quelque
. {chose qui s’est fait partout dans le pays ? A LL L | Co |
Lu JK Ça c’est fait partout dans le pays y compris sur les collines...
MD -Y compris sur les collines.
JK -Oui.
MD __-Alors c'était, c'était devenu, c’était le, le, devenu automatique, on tuait les gens et on les pillait,…
c'était.
JK -Oui.
MD -Çaallait ensemble ?
TK “Oui

MD -Pour l'instant j’ai pas d’autre..

PD -Lorsque vous dites que vous avez lu un communiqué, excusez-moi, lorsque vous dites que vous
avez lu le communiqué que j’avais rédigé, est-ce que c’est le communiqué, est-ce que c’est le même
message exactement que ce que vous aviez transmis à l’'Etat-major ?

JK -Je, je ne peux pas préciser maintenant, mais le, je sais que je suis revenu sur ce thème à

plusieurs reprises à la radio.



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PD -C’était à peu près inutile de transporter, de piller des gens, excepté les valeurs monétaires
disons là, à part ça...
JK -Même pas ça, disons, j'essayais de leur démontrer que même en accumulant l’argent, surtout

que c’était des francs rwandais qu’ils accumulaient, que, dans les prochains jours, cet argent sera du

papier.

PD -Alorsil y avait rien, vous essayez d’expliquer aux gens qu’il y avait rien qui pouvait justifier

?

JK -Oui. Le pillage. +

PD -Le pillage. Surtout pas le meurtre par pillage.

JK -Oui.

PD -Il y avait peut-être juste là justement, nous, ici là, quand on, on parlait, si vous voulez préciser
là, que vous sentiez beaucoup de diplomatie du général Dallaire mais vous sentiez aussi un parti pris,

est-ce que vous pouvez-vous exprimez un peu là-dessus s’il vous plaît ?





JK -C’estque,on n essayait de lui expliquer, de notre point de vue la, le, disons le, la façon dont nous

pensions que cette, la, on pouvait trouver une solution au problème qui était en | COUS, aux massacres,





à la guerre, et à tout ça, on sentait que lui, il ne disait pas non, il ne disait pas non, il a jamais dit non,
il a même fait des propositions de textes, mais c’était toujours des textes qui, qui, qui nous donnaient

l'impression de, disons, d’attentistes, d’attentistes comme si il attendait quelque chose au lieu disons





d’agir, c'était comme si il, lui, il espérait autre chose que de, d’aller directement disons à la tâche, pour
arrêter les massacres par exemple, pour arrêter le, demander un cessez-le-feu, on ne sentait pas qu’il
voulait que ce soit direct. C’est ça que j’appelle diplomatie. |

PD -Ok. Puis comme parti pris c’était quoi ?

JK -Parti pris, on sentait que, c’est comme si, il était l’interlocut... disons le, la, l’émissaire du FPR
à cette époque-là. C’est l'impression qu’il nous donnait.

PD -C'est ce que, c’est ce que vous vous, vous aviez senti.

JK -Oui.

MD -Quel pouvoir pouvait-il avoir dans cette situation, qu'est-ce qu’il aurait pu faire ?

TK -Pour nous c’était les, la personne qui aurait pu avoir le pouvoir, parce que au début de la guerre,



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»

At LED

quand je l’ai rencontré avant que les militaires de la MINUAR ne partent, on comptäit sur lui, on se
disait comme ils ont envoyé une force armée pour justement être entre les deux belligérants, et que
maintenant malheureusement la guerre éclate entre les deux belligérants, ils doivent effectivement être

entre les deux et les séparer. Donc pour nous il avait du pouvoir.





. MD Est-ce que vous croyez qu’il avait la force nécessaire pour faire ça, pour remplir ce mandat ?
JK _-La force il l’avait oui. Les militaires qui étaient à Kigali étaient suffisants pour arrêter la guerre.
MD -Comment expliquez-vous à ce moment-là, quel, quel, la position qu’il aurait dû prendre lorsque
au début, après la chute de l’avion, la MINUAR contrôlait l'aéroport...

JK -La MINUAR contrôlait l’aéroport et ses environs.

MD -Dans ce moment-là.

JK -Oui.

MD -Et heu, immédiatement après cet incident, on les a tout simplement chassés ?

JK -On les a chassés oui et non, je, je dirai « on les a chassé puisqu ‘ils étaient peut-être, ils le

voulaient, parce que on ne chasse pas un militaire comme ça.

__MD___-Mais dans, dans, dans tout ce conflit, est-ce que vous croyez que le, que. Jes militaires des …

Nations Unies, vous croyez qu’ils auraient été en mesure de se défendre parce que il y a quand même

beaucoup d’incidents, je pense pas qu’on va aller en arrière là dedans mais, en général, à chaque fois
___ queles, qu’il.y a eu des pressions de faites par la, par les FAR, est-ce que les, les militaires, on peut,

on peut prendre l’aéroport, on peut prendre toutes les, heu, à chaque fois que, chaque mission qu’ils

avaient ou chaque responsabilité qu’ils avaient, ils ont été littéralement heu, chassés une après l’autre.

Alors, quel, qu'est-ce qu’il lui restait au général Dallaire comme pouvoir pour s’interposer entre les

belligérants ? oo | |

K -S’interposer c’est s’interposer, s’interposer ce n’est pas quémander. C’est s’imposer, oui.

MD -C'est s’imposer.

JK -Oui.

MD -Et vous croyez que le mandat que lui avait des Nations Unies Jui donnait suffisamment de

pouvoir et d’autorité pour le faire ?

JK La situation était suffisamment grave pour que s’il fallait changer de mandat on le change.



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MD
force?

JK

=

ANR

nr OU

-Vous croyez que c'était, c’était un problème de commandement, et non pas un problème de

-Non, je, je ne mets pas la responsabilité sur Dallaire, parce que lui même recevait des ordres,

et ça je le sais. Je sais que c’est, ce n’était pas lui qui avait tout le poids et qui ne recevait d’ordres de

personne. Mais ; je dis que comme responsable, j'espère qu ’il a eu à expliquer que la situation était

suffisamment grave pour qu’on change de règles.

MD

-Mais quand vous dites que on pouvait changer le commandement, qu'est-ce que vous croyez

+

que ça aurait changé ?

TK

” Je n’ai pas dit que, pour, c’est pas le commandement qu’il aurait suffit de changer, donc il ne

suffisait pas de remplacer Dallaire par quelqu'un d’autre pour que la situation change. Il suffisait plutôt

qu’on change la façon de voir. La façon d’opérer.








MD -Le mandat ?
JK “Oui. - Le mandat.
MD -Ces choses-là ont été discutées a avec lui ?

IK OU.
MD -Vous l’avez rencontré en plusieurs occasions, comment qualifiez-vous vos rencontres avec le
général Dallaire ?
___JK Je les [inaudible], je les qualifie de diplomates et de parti pris

MD -Ças’est limité à ça .
JK -Oui
MD -Vous n’aviez pas l’impression qu’il était, qu’il était près à aller plus loin ?

T JK -Non.
MD -C'est... j'ai pas d’autres questions, j'vais pas avoir d’autres questions moi, sur ce sujet.
PD -Non, ça complète ce que j'avais demandé, ce sur quoi je m'interrogeai, vous Monsieur

Kambanda est-ce que vous aimeriez ajouter quelque chose aux propos qu’on a tenu jusqu’à ce jour, plus

précisément aux propos qu’on a tenus aujourd’hui ?

K
PD

-Non, je n’ai rien à ajouter. .

-Vous avez rien à ajouter... Il est, il est 17 heures 40, le 5 octobre 1997, on va clore l’entrevue,



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l’interrogatoire, à cette heure-là. Merci.

Fin de l’enregistrement de la cassette # 44







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