Citation
Nicolas Demorand : Simone Veil, quand Esther Mujawayo dit un site de ce genre est essentiel pour établir les faits de manière absolue et scientifique. Ça c'est un combat qu'il faut sans cesse recommencer, le combat de l'établissement des faits, pour couper court à la contestation sur ce genre d'évènements ?
Simone Veil : Oui. [Pause] Je suis très prudente là-dessus. Parce que je crois qu'on a eu beaucoup de données qui ont été prises, mais que chacun est resté dans sa forteresse. Je ne sais pas ce qu'en pense l'historien [Jacques Semelin] mais chacun est resté complètement dans sa forteresse parce qu'en réalité, entre… Quand on regarde ce qui s'est passé au Rwanda, il est certain que les Français, en général, je dirais l'autorité française, a toujours soutenu les Hutu, et que les Belges ont toujours soutenu les Tutsi et que chacun reste sur sa position, presque sur sa position de départ. Ce qui rend les choses très difficiles. Alors il y a bien sûr des gens qui ont été sur le terrain, qui ont vu des choses, qui sont plus précis. Mais que il y a là un fond historique qui est peut-être la première chose à étudier. Pourquoi est-ce qu'il y a toujours eu ce soutien français d'un côté et ce soutien belge de l'autre côté ? Je crois qu'il y avait des intérêts économiques -- il faut le dire franchement -- qui ont ensuite entraîné ce conflit, qui est devenu quelque chose de très rapide dans le temps d'ailleurs, comme réalisation. Il y a eu tout de même beaucoup de morts en peu de temps. Mais qui fait que, moi, j'ai des souvenirs où je pense, j'entendais des Français haut placés dire : "Mais il n'y a pas de problème, naturellement ce sont les Tutsi qui sont coupables".