Fiche du document numéro 20331

Num
20331
Date
Mercredi 13 décembre 2017
Amj
Taille
110297
Titre
Rwanda : l’avocat du Watergate attaque la France
Source
Type
Article de journal
Langue
FR
Citation
Rétablies en 2010 sous Nicolas Sarkozy, les relations diplomatiques entre la France et le Rwanda traversent une nouvelle zone de turbulences : non seulement Paris refuse toujours d’ouvrir les archives (cependant déclassifiées) de François Mitterrand concernant le rôle de la France au Rwanda avant, pendant et après le génocide des Tutsis en 1994, mais l’actuel Ministre rwandais de la Défense, James Kabarebe a été convoqué à Paris par les juges d’instruction Nathalie Poux et Jean-Marc Herbaut, appartenant au pôle judiciaire anti terroriste. Considéré comme le « numéro deux » du régime, le général Kabarebe aurait du y être confronté à un nouveau témoin, «Jackson Munyeragwe » ou James Munyandina, qui assure avoir assisté aux préparatifs de l’attentat contre l’avion présidentiel, le 6 avril 1994.

Non seulement Kabarebe, malgré la menace d’un mandat d’arrêt international, ne se rendra pas à Paris, mais l’ambassadeur du Rwanda en France a remis à Philippe Etienne, conseiller diplomatique du président Macron, une « lettre empreinte de franchise ». Visiblement exaspéré par la guérilla judiciaire menée en France et par la rétention de documents importants, le président Kagame a décidé que la meilleure défense était l’attaque, c’est-à-dire l’exigence de vérité, de toute la vérité. Il y a un an déjà que le cabinet américain Cunningham Levy Muse LPP, dont l’un des fondateurs, Bob Muse, est l’un des avocats du Watergate, s’était vu confier la mission d’analyser, sur base de documents publics, la politique menée par la France au Rwanda depuis 1990. Les « pointures » du barreau américain n’ont pas chômé et le « rapport Muse » (1) vient d’être publié avec un sens parfait du timing. Sans apporter de révélation inédite, le document, avec brio, fait la synthèse du rôle joué par la France au Rwanda. Il rappelle que, dès 1990, malgré les informations faisant état d’attaques récurrentes contre les Tutsis, les autorités françaises ont facilité le flux d’armes à destination du Rwanda. Il souligne qu’au lendemain de l’attentat contre le président Habyarimana, c’est dans l’enceinte même de l’ambassade de France à Kigali que s’est constitué le « gouvernement intérimaire » composé d’extrémistes hutus qui allaient organiser les massacres ultérieurs. Se fondant sur les témoignages livrés au fil du temps, le « rapport Muse » pulvérise l’Opération Turquoise, menée par l’armée française au Rwanda dans les dernières semaines du génocide : présentée comme une mission humanitaire, son véritable objectif était de soutenir le gouvernement intérimaire et d’empêcher de Front patriotique rwandais de prendre le pouvoir à Kigali et de mettre ainsi fin au génocide.
Après 1994, la France a poursuivi sur sa lancée : organisant l’exil de génocidaires, elle les a accueillis sur son territoire et ne les a pas extradés, refusant de déclassifier des documents importants elle n’a pas coopéré avec la justice internationale, elle a tenté de bloquer l’aide européenne au nouveau régime rwandais… Bref, durant un quart de siècle, sous des formes diverses, la guerre n’a pas cessé entre Paris et Kigali. Plusieurs tentatives discrètes de rapprochement ayant échoué, le Rwanda, sans surprise, adhère aux conclusions du rapport Muse et exige que soit menée une enquête complète sur le rôle des responsables français dans le génocide des Tutsis.

(1) http://www.cunninghamlevy.com/news

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