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Le procès du colonel Bagosora, au Tribunal pénal international d'Arusha, avait déjà établi que les Forces armées rwandaises, à plusieurs reprises, avaient tenté d'acheter à l'étranger des missiles sol-air, et cela en dépit du fait qu'à l'époque, aucun des militaires de l'armée d'Habyarimana n'avait été formé au maniement de ces armes anti-aériennes. Le document des Nations unies, révélé par Libération, confirme que le 6 avril au matin (date de l'attentat) les Forces armées rwandaises se trouvaient bien en possession de missiles d'origine russe et surtout de quinze missiles français Mistral, dont l'exportation, à l'époque, était interdite. Ces missiles seraient arrivés au Rwanda peu de temps avant l'attentat contre l'avion présidentiel.
Ces informations coïncident avec le fait que des observateurs militaires belges qui se trouvaient au Rwanda à la veille du génocide, dont un certain D, coopérant militaire, avaient constaté le passage d'un étrange convoi en provenance de Goma, la capitale du Nord Kivu.
Rappelons qu'à cette époque, le maréchal Mobutu, en délicatesse avec les Belges et les Américains, ne pouvait rien refuser aux Français qui représentaient ses derniers soutiens. Si les militaires français s'étaient faits moins nombreux et moins visibles au Rwanda, qu'ils avaient officiellement quitté en novembre 1993, en revanche la ville de Goma leur servait de base arrière et de point d'appui logistique. C'est d'ailleurs au départ de Goma que, par la suite, se mit en place l'Opération Turquoise qui offrit une dernière « zone de sécurité » aux tenants du régime génocidaire. A la veille du 6 avril déjà, des témoins avaient observé la forte présence de militaires français à Goma, qui fréquentaient entre autres l'hôtel des Grands Lacs. Quant à l'observateur militaire belge, qui était basé à Gisenyi, la ville jumelle de Goma du côté rwandais, il avait vu passer, dans les premiers jours d'avril, un convoi de camions bâchés, leur contenu soigneusement dissimulé aux regards et avait communiqué à ses supérieurs qu'il s'agissait peut-être de missiles. Quant au président Mobutu, très lié au président Habyarimana, il avait peut-être été tenu dans l'ignorance de l'existence de cette livraison qui avait transité par Goma mais en revanche il avait été informé de la préparation de l'attentat. C'est pour cette raison qu'il avait lui-même refusé de participer au sommet de Dar es Salaam (à l'issue duquel fut abattu l'avion présidentiel) et qu'à Gbadolite, le week end précédent l'attentat, il avait prévenu Habyarimana des menaces qui pesaient sur lui, sans réussir à le dissuader de se rendre en Tanzanie où le président rwandais devait annoncer sa décision d'enfin mettre en oeuvre les accords de paix, scellant ainsi sa rupture avec les extrémistes de son clan...