« Plus de vingt-trois ans après les faits – l’âge d’une génération qui n’a pas oublié ceux qui ne sont plus là pour parler –, les citoyens français et rwandais ont le droit de connaître le rôle des autorités françaises dans ce génocide. Et le devoir de réclamer la vérité. Nous sommes ces citoyens et demandons l’ouverture immédiate et complète des archives », écrivent les auteurs d’une tribune publiée dans
Le Monde ce jeudi 3 août 2017.
Signée par douze avocats, professeurs, journalistes et militants associatifs, cette lettre ouverte a pour objectif déclaré d'interpeller le président français à la suite des révélations de la revue XXI - démentis par l'ancien chef de la diplomatie Hubert Védrine -, selon lesquelles ordre avait été donné par la France de réarmer les génocidaires en fuite vers le Zaïre.
La déclassification des archives françaises portant sur le génocide et sur l’opération Turquoise avait été promise par François Hollande en 2015. Mais l’accès aux documents n’a été donné que ponctuellement - et individuellement - et les demandes pour les consulter ont reçu des réponses diverses. Emmanuel Macron, lui, ne s’est pas encore prononcé sur le sujet.
« Écrire cette Histoire »
« La première chose qui me semble importante, c’est que l’on puisse écrire cette Histoire », explique Rafaëlle Maison, professeure de droit international à l’université Paris-Sud et signataire de l’appel.
« On a déjà un certain nombre d’éléments de 1990 à 1993, pendant la période du génocide. On a quelques documents qui émanent de l’Elysée. Mais sur l’opération Turquoise elle-même, même sur ce qui s’est produit avant, il y a toute une série d’éléments qui restent inconnus et qui ne sont pas accessibles, auxquels il serait très utile de pouvoir accéder pour comprendre comment cette assistance au pouvoir rwandais s’est développée dans cette période entre 1990 et 1994 », plaide l’auteure de
Pouvoir et génocide dans l’œuvre du Tribunal pénal pour le Rwanda (Dalloz, 2017).
Pour la chercheuse, cette déclassification est indispensable au travail des historiens, mais aussi de la justice. « On voit bien que la promesse d’ouverture était une promesse un peu... Une fausse promesse en réalité », lâche-t-elle.
« On voit qu’en fait, cela s’est volontairement refermé en raison de ce qui semble avoir été lu dans les documents qui n’étaient pas encore accessibles », juge Rafaëlle Maison, qui rappelle que « des plaintes ont été déposées, il y a fort longtemps, devant l’ancien tribunal aux armées de Paris en rapport avec l’opération Turquoise. Cette procédure pourrait être complétée par ces éléments nouveaux ».