Fiche du document numéro 186

Num
186
Date
Jeudi 28 avril 1994
Amj
Auteur
Taille
93899
Titre
Note à l'attention de Monsieur le Président de la République. Objet : Rwanda
Mot-clé
Type
Langue
FR
Citation
PRÉSIDENCE
DE LA
RÉPUBLIQUE Paris, le 28 avril 1994

Le Conseiller à la résidence

NOTE

à l’attention de
Monsieur le Président de la République



S/C de Monsieur le Secrétaire Général

Objet : Rwanda

1) Selon tous les témoignages recueillis, les massacres s’y
déroulent avec une ampleur horrifiante : de l’ordre de 100 000 morts |
selon les responsables du CICR, seule présence étrangère demeurée sur
place en dehors des 270 militaires (Ghanéens et Bengalais) de la
MINUAR.

2) Après avoir progressé dans le Nord-Est, le FPR reste aux
portes de Kigali, où l’armée rwandaise continue de résister. Les milices
hutues, armées de grenades et de machettes massacrent les Tutsis qui
n'ont pas pu trouver refuge dans la zone FPR, ou bénéficier de la
protection de la MINUAR (stade Fayçal, Hotel des Milles Collines).

3) Les Nations Unies sont silencieuses, humiliées et
dépassées. Les tentatives de règlement régional (Museveni d’un côté,
Mobutu de l’autre) n'ont rien donné, car contradictoires, Mobutu étant
sur une ligne pro-hutue et anti-belge, Museveni cherchant à tirer les
marrons du feu pour le compte du FPR.

4) Après deux semaines de silence, l'opinion publique
internationale et nationale commence à se réveiller. Mais de façon
générale elle le fait en appuyant les thèses des “libérateurs du FPR" et en
fustigeant les "extrémistes" du gouvernement rwandais. Les Nations
Unies sont mises en cause pour leur impuissance et la France continue
d’être accusée d’avoir soutenu le "dictateur Habyarimana”.


Il n'y a plus d'images télévisées, de nombreuses chaïnes
s'efforcent d'envoyer des équipes, et d'ici quelques jours de nouvelles
images d'horreur inciteront à une plus grande mobilisation de l'opinion
en faveur du Rwanda.

5) Que peut faire la France ?

On ne peut pas traiter le problème du Rwanda en dehors de
son contexte général (Ouganda, Burundi, Zaïre).

a) faire pression sur Museveni (il doit recevoir prochainement un
protocole financier de 40 MF) pour qu’il ‘raisonne" les gens du FPR.

b) introduire Mobutu (malgré les réticences du Quai, des Belges et des
Américains) dans le jeu régional. Pas question de laisser les initiatives de
règlement entre les mains des seuls anglophones (Ouganda et Tanzanie)
sans y associer le principal voisin francophone, à savoir le Zaïre.

c) aider à stabiliser le Burundi. La situation y est extrêmement fragile
(l’armée tutsie n'y accepte un Président Hutu qu'à condition qu'il n'ait
aucun pouvoir).

d) aide aux réfugiés rwandais qui affluent au Burundi. À notre
initiative, Matignon a tenu une réunion interministérielle ce lundi où la
décision a été prise de livrer, à raison de deux rotations par semaine, des
moyens humanitaires à Bujumbura.

e) encourager le gouvernement burundais à reprendre le contrôle des
milices et des forces paramilitaires qui commettent des exactions, à
accepter un cessez-le-feu et des négociations (sans grand espoir de
réussite à court terme). De facto, le FPR a élargi sa zone, et à défaut de
prendre militairement et politiquement le pouvoir à Kigali, il consolidera
l'émergence d’un "tutsiland" au Nord Rwanda, que l’armée rwandaise n’a
pas les moyens à court terme de reconquérir militairement.

|



Bruno DELAYE




Haut

fgtquery v.1.9, 9 février 2024