Sous titre
Dans l'affaire rwandaise, l'ONU, loin de se donner les moyens d'établir
la vérité sur le génocide, accepte de véhiculer des rumeurs. C'est ce
que tend à prouver l'épisode récent de l'opportun rapport sur des
massacres de Hutus par le nouveau pouvoir de Kigali établi par un
consultant extérieur.
Citation
AU Rwanda, depuis avril, l'ONU a fait le pari de l'échec et le choix du
mensonge. Depuis des mois, malgré un discours rassurant sur la lutte
contre l'impunité, la grande machine onusienne multiplie les procédures
pour établir la vérité tout en refusant tout moyen de travail à ses
différents départements. Alors que la branche humanitaire et militaire
des Nations unies a été capable de déployer sur cette crise plus de cinq
mille personnes avec armes et bagages, l'activité « droits de l'homme »
de l'ONU peut être prise en flagrant délit d'abus de confiance et
d'imposture. Un seul représentant basé à Kigali, sans budget, sans
voiture, sans radio, a servi pendant quatre mois de caution aux discours
officiels. Sa démission est tout à son honneur.
La lenteur des Etats à financer cette activité ne doit pas masquer que
cet échec est dû avant tout à des luttes de pouvoir internes à l'ONU. La
trilogie du pouvoir onusien secrétariat général, Assemblée générale et
Conseil de sécurité , avec le jeu particulier des pays membres
permanents et des institutions spécialisées, paralyse les actions. Mieux
que tous les débats sur la réorganisation du système des Nations unies,
le Rwanda a été pour ces organismes un lieu d'exercice.
Etablir la vérité
Le rapporteur spécial pour les droits de l'homme au Rwanda et les cent
quarante-cinq observateurs qui devaient être déployés et qui ne sont
jamais arrivés dépendent de la commission des droits de l'homme. Le
groupe d'experts chargé d'enquêter sur le génocide dépend du Conseil de
sécurité. La mission générale d'assistance au Rwanda est rattachée au
secrétaire général. Le haut-commissaire pour les droits de l'homme a été
nommé par l'Assemblée générale et le Haut-Commissariat aux réfugiés se
partage avec d'autres agences de l'ONU la protection des réfugiés et des
déplacés...
Alors que le Conseil de sécurité allait voter une résolution demandant
la création immédiate d'un tribunal international, le secrétariat
international et le HCR ont fait, sur la base du rapport d'un consultant
extérieur, des révélations fracassantes sur des massacres de Hutus par
le Front patriotique rwandais. L'effet immédiat a été d'éviter la
décision du Conseil de sécurité et de tester sur l'opinion publique et
sur la classe politique la notion de génocide réciproque !
Depuis, les experts indépendants de l'ONU ont reconnu l'existence du
génocide. Mais il est temps de questionner les méthodes. En se cachant
derrière un consultant pour faire le travail de ses enquêteurs et
observateurs, ce qui lui permet de renvoyer Hutus et Tutsis dos à dos,
l'ONU accepte de véhiculer des rumeurs sans se donner les moyens de
faire son devoir : établir la vérité.
Docteur en droit, Françoise Bouchet Saulnier est responsable du droit
humanitaire à Médecins sans frontières.