Fiche du document numéro 1725

Num
1725
Date
Dimanche 21 août 1994
Amj
Taille
110185
Sur titre
Point de vue
Titre
La France se doit d'arrêter les responsables du génocide. Le départ des soldats français du Rwanda
Source
Type
Article de journal
Langue
FR
Citation
D'APRÈS le ministre de la coopération, Michel Roussin, les forces
françaises ont transmis aux Nations unies la documentation permettant la
poursuite des auteurs du génocide au Rwanda. C'est bien. Ce serait mieux
de livrer les tueurs.

La France était parmi les premiers pays à reconnaître les tueries
systématiques de Tutsis au Rwanda, comme un génocide. C'était le 25 mai,
lors de la troisième session spéciale de la commission des droits de
l'homme des Nations unies à Genève. Cette qualification a été confirmée
par le rapporteur spécial sur le Rwanda désigné par cette commission.

A la mi-juillet, les forces françaises ont permis à M. Jean Kambanda,
premier ministre et à d'autres ministres du gouvernement responsable du
génocide, de passer plusieurs jours dans la zone humanitaire sûre. Il
semble que les forces françaises aient ensuite facilité leur départ pour
le Zaïre. Selon de nombreux témoins, les autorités de ce soi-disant
gouvernement circulaient à Bukavu avec des chauffeurs militaires
français. D'après des journalistes, le chef d'état-major des ex-forces
armées rwandaises a profité de pareils services à Goma. En même temps,
les autorités rwandaises, préfectorales et locales, sur lesquelles
pèsent des présomptions graves, restaient en fonction dans la zone
humanitaire sûre. Parmi eux, le préfet de Cyangugu, Emmanuel Bagambiki,
le préfet de Kibuye, Clément Kayishema et un nombre important de
bourgmestres de Cyangugu, Kibuye et Gikongoro.

Fuite au Zaïre


Fortes de leur autorité administrative, ces personnes insistaient
d'ailleurs pour que la population quitte la zone dès le départ des
forces françaises. Un exode chaque jour plus important des réfugiés vers
Bukavu est le résultat de leurs efforts. Aux dernières nouvelles,
certaines de ces autorités se seraient enfuies au Zaïre, où leur
arrestation paraît peu probable, sinon impossible.

La France, un des Etats qui ont rédigé, signé et ratifié la Convention
pour la prévention et la répression du crime de génocide, s'est engagée
moralement et juridiquement à punir les auteurs de tout génocide, une
obligation reconnue récemment par le nouveau code pénal entré en vigueur
en mars 1994. De nombreuses personnes ayant exercé l'autorité au nom
d'un gouvernement coupable poursuivent leur vie quotidienne calmement
sous les yeux des soldats français. Ces soldats n'hésitent même pas à
recourir à l'aide de ces autorités pour faciliter leur propre tâche, la
livraison de l'aide humanitaire. L'arrestation de ces autorités serait
de loin l'une des plus grandes contributions humanitaires que la France
aurait pu apporter à la cause rwandaise et à toute la communauté
internationale.

Les forces françaises auraient pu encore livrer ces auteurs présumés du
génocide au nouveau gouvernement rwandais ou les incarcérer dans une
prison française. Peu importe le lieu d'incarcération, pourvu que ces
personnes soient détenues dans des conditions conformes aux normes
internationales, en attendant leur procès. La Convention pour la
prévention et la répression du génocide restera lettre morte si la
violation de cette convention n'est pas sanctionnée. Le génocide
rwandais est à ce point flagrant que le refus de la France d'arrêter les
auteurs présumés signifierait une négation pure et simple de sa
ratification. Par contre, si la France arrête les autorités responsables
elle aura affirmé son soutien à la Convention et servira de modèle aux
autres Etats qui pourraient trouver des personnes soupçonnées sur leur
territoire.

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