Résumé
- The African continent more than ever torn apart by civil wars in Angola where the blue helmets must withdraw hastily. But also in Rwanda where ethnic clashes are particularly cruel. Clashes between rival tribes have claimed at least 80 lives in just one week.
- Here is the proof of the ethnic and political purification erected in principle by the power of Rwanda. A power monopolized by the Hutu ethnic group, the majority in the country, to the detriment of the Tutsi ethnic group, a minority and promised to genocide. Men, women, children, same fate.
- Here, in the village of Mutura, the members of the international commission of inquiry into human rights violations discover the intertwined bodies of a dozen civilians. A local police officer draws up a report with a calmness that speaks volumes about the paralysis of the judicial system in Rwanda. The executioners here live in impunity: they are recruited from the army or the militia of the President's party. And who knows if they don't attend, with a smirk, the discovery of the mass graves.
- Further east, in the village of Kinigi, we are digging into the property of the mayor. The bones rise to the surface and the mayor displays a falsely incredulous attitude: it happened at his house, he knows nothing, suspects nothing. Just as the Rwandan President, whose portrait colors the walls of the country and with whom France does not have a bad relationship, probably knows nothing. Thus, several hundred French soldiers seconded to Rwanda ensure a semblance of calm while in far away, in the poorly kept secret of the mountains, we purify.
- Testimony of Jean Carbonare: "What struck us a lot in Rwanda was the extent of these violations, the systematization, the very organization of these massacres. Because we spoke of 'ethnic clashes' but in reality, it is about much more than ethnic clashes. It is an organized policy, which we have unfortunately been able to verify. Because in several corners of the country, at the same time, incidents are breaking out and that does not It's not fortuitous, it's not free. We feel that behind all this, there is a mechanism that is set in motion. And we have spoken of 'ethnic cleansing', 'genocide', 'crimes against humanity' in the pre-report that our committee drew up. And we insist a lot on these words. […] Two things struck me: first, the involvement of power. Up to what level? for the moment. But all the members of the mission were convinced that up to a high level in power, there is a responsibility is very big. What I would also like to add is that our country, which supports this system militarily and financially, has a responsibility. And we were eight nationalities represented in our commission. I was the most uncomfortable rep. Because I realized that our country can, if it wants to, influence this situation. And so I would cite a few details that are shocking to show us our responsibility in this situation. We saw hundreds of witnesses and pits like the ones you saw, there are practically in almost every village. And a woman came to testify and told us: 'I had four sons. And to put them in safety, my husband went to entrust three of them one evening to a military truck which was rounding up. And in reality, these three sons have disappeared. And I had a fourth son left. The next morning, I went to see the bourgmestre. And the bourgmestre told me that this son was going to stay there. And I never saw him again. He was taken a few days later by soldiers into the forest. And I never saw my four sons again'. And it was this woman who told us about the grave where her children were buried in the house of the bourgmestre. What we also discovered, and it is in the image of Yugoslavia: all the women of the Tutsi minority see their husbands, their brothers, their fathers killed. They are then like abandoned animals, raped, mistreated. And a priest said to me in a refugee camp for displaced people, where there were 350,000 refugees: 'You cannot know the suffering of these populations. It goes way beyond what you can imagine'. And I insist a lot: we are responsible. You too Mr Masure, you can do something. You have to do something to change this situation. Because we can change it if we want. We found women who have been holed up deep in the forest for weeks with their children. We have to do something for them. And our government, by influencing the authorities of the country, which they assist militarily and financially, can very quickly do a lot. Ourselves and also training our partners from the European Commission and from the Western world".
Citation
[NB. - Le début de ce journal télévisé ne figure pas sur la vidéo.]
[Bruno Masure :] Les titres :
[…]
Le continent africain plus que jamais déchiré par les guerres civiles en Angola où les Casques bleus doivent se replier précipitamment. Mais aussi au Rwanda où les affrontements ethniques sont particulièrement cruels. Euh, nous verrons dans ce journal le témoignage de notre invité, euh, sur les violations des droits de l'Homme dans ce pays au Rwanda.
[…]
Autre pays ravagé par des combats fratricides, le Rwanda [un bandeau latéral "Rwanda" montrant une carte du pays et des pays limitrophes s'affiche à l'écran] où les affrontements entre tribus rivales ont fait au moins 80 victimes depuis une semaine seulement. Dans un instant nous entendrons le témoignage de notre invité sur les très graves violations des droits de l'Homme dans ce pays. Tout de suite le point de la situation avec Patrice Romedenne.
[Patrice Romedenne :] Voici la preuve de la purification ethnique et politique érigée en principe par le pouvoir du Rwanda [gros plans sur un charnier ; la caméra dézoome et l'on aperçoit un homme blanc à gauche et un homme noir à droite en train de regarder au fond de la fosse]. Un pouvoir accaparé par l'ethnie hutu, majoritaire dans le pays, au détriment de l'ethnie tutsi, minoritaire et promise au génocide [gros plan sur deux Blancs en train de déterrer un crâne humain]. Hommes, femmes, enfants, même sort [l'homme blanc pose délicatement le crâne dans l'herbe en disant : - "Celui-ci y va pas tenir". Un de ses collègues lui répond : - "OK"].
Ici, dans le village de Mutura [diffusion d'une carte du Rwanda localisant la capitale Kigali et, au nord-ouest du pays, Mutura], les membres de la commission internationale d'enquête sur les violations des droits de l'Homme découvrent les corps entremêlés d'une dizaine de civils [on voit des villageois regroupés devant un militaire qui leur fait un signe de la main gauche ; le plan suivant montre un homme blanc en train de tirer sur les habits d'un corps enfoui dans le charnier ; on entend son collègue lui dire : - "Ça c'est le même ?" ; réponse de l'homme blanc : - "Ouais"].
Un officier de la police locale dresse un procès-verbal avec une quiétude qui en dit long sur la paralysie du système judiciaire du Rwanda [on voit un homme noir en chemise bleue en train de dresser son procès-verbal ; à ses côtés se tient Éric Gillet en costume gris]. Les bourreaux vivent ici dans l'impunité : ils se recrutent dans l'armée ou dans la milice du parti du Président. Et qui sait s'ils n'assistent pas, sourire en coin, à la découverte des charniers [gros plans sur les ossements au fond du charnier, sur des villageois souriants et sur les vêtements de victimes fraîchement exhumées].
Plus à l'Est, dans le village de Kinigi [diffusion de la même carte que ci-dessus avec indication, au nord-est du Rwanda, de la commune de Kinigi alors que celle-ci se situe en réalité au nord-ouest], on creuse dans la propriété même du maire [on voit quatre Blancs au bord d'une fosse commune, dont Jean Carbonare et deux personnes en train de creuser très profondément ; derrière eux, des villageois assistent à la scène]. Les ossements remontent à la surface et monsieur le maire arbore une attitude faussement incrédule : ça s'est passé chez lui, il ne sait rien, ne soupçonne rien [gros plan sur le visage du maire en train de regarder au fond de la fosse]. Tout comme ne saurait sans doute rien le Président rwandais dont le portrait colore les murs du pays [la caméra se fige sur un portrait dessiné de Juvénal Habyarimana entouré du drapeau et de l'emblème du Rwanda, et sous lequel on peut lire "INYANGAGUHIGWA / ITORERO LYIA KOMINI KINIGI"] et avec lequel la France n'entretient pas de mauvaise relation [on voit deux soldats français assis à l'arrière d'un véhicule civil rouge à l'arrêt, un autre se tient debout derrière le véhicule pendant qu'un quatrième soldat exécute un petit pas de danse devant ses collègues].
Ainsi, plusieurs centaines de militaires français détachés au Rwanda assurent un semblant de calme [gros plan sur le visage de l'un des militaires français évoqués précédemment ; on voit ensuite leur véhicule, suivi d'autres voitures et d'un camion, sillonner une route ; un bandeau latéral indique : "commentaire : P. Romedenne, montage : O. Hour"] pendant qu'au loin, dans le secret mal gardé des montagnes, on purifie [le reportage s'achève sur un plan large de la chaîne des Virunga].
[Bruno Masure interviewe à présent en plateau Jean Carbonare.]
Bruno Masure : Invité de notre journal, Jean Carbonare, président de l'association Survie. Vous avez passé 32 ans en Afrique sur des projets de développement rural. Vous connaissez très, très bien ce continent. Vous venez de faire partie d'une mission de la Fédération internationale des droits de l'Homme, euh…, qui a passé environ 15 jours au Rwanda. Vous venez juste de rentrer. On vient de voir des images tout à fait effrayantes et, euh, vous avez d'autres témoignages à donner sur ces violations de droits de l'Homme, euh, assez… terribles.
Jean Carbonare : [une incrustation "Jean Carbonare, fédération internationale des droits de l'homme" s'affiche à l'écran] Oui. Ce qui nous a beaucoup frappé au Rwanda, c'est à la fois l'ampleur de ces violations, la systématisation, l'organisation même de ces massacres. Parce que on a parlé d'"affrontements ethniques" mais en réalité, il s'agit de beaucoup plus que d'affrontements ethniques. C'est une…, une politique organisée, que nous avons pu vérifier malheureusement. Parce que dans plusieurs coins du pays, en même temps, éclatent des incidents et ça n'est pas… fortuit, ça n'est pas gratuit. On sent que derrière tout ça, il y a un mécanisme qui se met en route. Et on a parlé de… "purification ethnique", de "génocide", de "crimes contre l'humanité" dans le pré-rapport que notre commission a établi. Et nous insistons beaucoup sur ces mots.
Bruno Masure : Alors… ce que vous dites, c'est qu'à la différence de ce qui se passe, euh, actuellement dans l'ex-Yougoslavie, où on est un petit peu malheureusement spectateurs, là nous pouvons avoir un rôle beaucoup plus actif. Nous pouvons agir sur l'évènement.
Jean Carbonare : Oui. C'est les deux choses qui m'ont frappé [l'incrustation "Jean Carbonare, fédération internationale des droits de l'homme" s'affiche à nouveau à l'écran]. D'abord l'implication du pouvoir. Jusqu'à quel niveau ? Euh, nous sommes réservés pour le moment. Mais on est convaincus les…, tous les membres de la mission étaient convaincus que jusqu'à un niveau élevé dans le pouvoir, il y a une responsabilité très grande. Ce que je voudrais ajouter aussi, c'est que notre pays, qui supporte militairement et financièrement ce système, a une responsabilité. Et nous étions huit nationalités représentées dans notre commission. J'étais, disons, le représentant le plus…, le plus inconfortable [sourire ironique]. Parce que je mesurais que notre pays peut, s'il le veut, faire…, euh, peser sur cette situation. Et alors, euh, je citerais quelques détails qui sont bouleversants pour nous…, nous montrer notre responsabilité dans cette situation. Nous avons vu des centaines de témoins et des fosses comme celles que vous avez vu, il y en a pratiquement dans presque tous les villages. Et une femme est venue témoigner en nous disant : "J'avais trois fils…, quatre fils. Et pour mettre ces…, ces enfants en sécurité, je les ai confiés un soir…, mon mari est allé les confier un soir à un camion militaire qui faisait une rafle. Et en réalité, ces trois fils ont disparu. Et il me restait un quatrième fils. Le lendemain matin, je suis allée voir le bourgmestre. Et le bourgmestre m'a dit : 'Ce fils va rester là'. Et je ne l'ai plus revu. Il a été conduit quelques jours après par des militaires dans la forêt. Et je n'ai plus revu mes quatre fils". Et c'est cette femme qui nous a indiqué la fosse où étaient enterrés ses enfants dans la maison du bourgmestre. Ce que nous avons découvert aussi, et c'est à l'image de la Yougoslavie : toutes les femmes de la minorité tutsi voient leur mari, leurs frères, leurs pères tués. Elles sont ensuite comme des bêtes… abandonnées, violées, maltraitées [l'incrustation "Jean Carbonare, fédération internationale des droits de l'homme" s'affiche une troisième fois à l'écran]. Et un prêtre me disait dans un camp de réfugiés de personnes déplacées -- où il y avait 350 000, euh, réfugiés qui étaient là --, il m'a dit : "Vous ne pouvez pas savoir la souffrance de ces populations. Ça va bien au-delà de ce que vous pouvez imaginer". Et j'insiste beaucoup : nous sommes responsables. Vous aussi Monsieur Masure, vous pouvez faire quelque chose. Vous devez faire quelque chose !… Pour que cette situation change [il éclate en sanglots]. Parce qu'on peut la changer si on veut. On a trouvé des femmes qui sont terrées au fond de la forêt depuis des semaines avec leurs enfants. On peut faire quelque chose, on…, il faut qu'on fasse quelque chose pour elles. Et notre gouvernement, en pesant sur les autorités du pays, qu'elles assistent militairement et financièrement, peuvent très rapidement… En Yougoslavie, en Somalie, c'est un peu différent : c'est une situation qui nous échappe. Mais là on peut faire beaucoup. Nous-mêmes, et en entraînant aussi nos partenaires de la… commission européenne et du…, et du monde occidental.
Bruno Masure : Merci beaucoup Jean Carbonare pour ce témoignage. Nous avons tous, euh, perçu votre émotion. Vous revenez -- je rappelle --, euh, de ce pays, le Rwanda où vous avez, euh…, enquêté sur les violations des droits de l'Homme, avec, euh, toute une équipe de la Fédération internationale des droits de l'Homme. Merci beaucoup pour votre témoignage sur ce pays.