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La France a-t-elle livré du matériel militaire à l'armée rwandaise
après la décision de placer Kigali sous embargo? Personne ne l'affirme tout net. Mais la chaîne de télévision britannique Channel Four fait plus que le suggérer. Elle a présenté, lundi soir, des documents adressés le 5 mai 1994 à l'ambassade du Rwanda à Paris par la Société française d'exportation de matériels et systèmes d'armements (Sofremas), dans lesquels ce regroupement d'industriels propose la fourniture de pièces de rechange pour blindés légers au gouvernement rwandais. Cette lettre, ainsi que des bordereaux de livraisons et des factures du fabriquant de munitions Luchaire, ont été découverts près des camps de réfugiés au Zaïre où s'étaient regroupés les reliquats de l'armée rwandaise et leurs supplétifs des milices hutus responsables du génocide de 1994.
Si le soutien de Paris au régime rwandais n'a jamais fait mystère, le Quai d'Orsay dément formellement avoir poursuivi ces livraisons d'armes après l'adoption de la résolution 918 des Nations unies, le 17 mai 1994, et moins encore après son entrée en vigueur au mois de juin suivant. Selon le ministère des Affaires étrangères, l'embargo instauré, les contacts révélés par Channel Four «n'ont pas été suivis d'effets». Pour l'heure, la Sofremas a beau jeu de rejeter «les allégations de la chaîne britannique». «Les dernières livraisons au Rwanda remontent à plus de quinze ans», précise la direction.
En Grande-Bretagne, les douanes ont été chargées d'une enquête sur la société Mil-Tech, mise en cause par les documents retrouvés au Zaïre. Le gouvernement a créé une commission qui devra déterminer si cette officine privée a livré des armes aux milices hutus après l'embargo.