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Au risque de déclencher une nouvelle crise internationale, le juge
antiterroriste parisien Jean-Louis Bruguière s'apprête à lancer neuf
mandats d'arrêt internationaux contre des responsables rwandais. Il
demande en outre au secrétaire général de l'Onu, Kofi Annan, la
traduction du président Paul Kagamé devant le TPI pour le Rwanda. Le
juge accuse tous les dirigeants rwandais d'avoir participé à
l'organisation de l'attentat du 6 avril 1994 contre le Falcon 50
présidentiel rwandais, qui avait coûté la vie au président Habyarimana,
à son homologue burundais Cyprien Ntaryamira, à sept membres de leurs
suites et à son équipage, composé de trois Français. Le juge Bruguière
a transmis le 17 novembre au parquet de Paris une « ordonnance de
soit-communiqué » de 67 pages, dont Le Point a pris connaissance. Ce
document accuse explicitement l'actuel chef de l'Etat, Paul Kagamé, qui
était à cette époque le chef du Front patriotique rwandais, opposition
armée soutenue par l'Ouganda, d'avoir organisé l'attentat : « Les
investigations entreprises ont clairement démontré que, pour le FPR,
l'élimination physique du président Habyarimana était la condition
nécessaire et préalable à une prise de pouvoir par la force », dès lors
qu'« il n'aurait pu [le] conquérir par la voie légale dans le respect
des mécanismes institutionnels mis en place par les accords d'Arusha ».
Parmi les Rwandais visés par les mandats d'arrêt internationaux se
trouvent le chef d'état-major des armées James Kabarebe, le chef
d'état-major de l'armée de terre Charles Kayonga, l'ambassadeur du
Rwanda en Inde Faustin Nyamwasa-Kayumba et des membres de la Garde
présidentielle ou des services secrets. Le 21 novembre, les autorités
rwandaises ont qualifié les conclusions du juge d'« allégations
totalement infondées » ; elles persistent à accuser la France d'un rôle
direct lors du génocide de 1994.