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Les combats se poursuivaient, vendredi 6 mai, à Kigali et à Ruhengeri
(Nord-Ouest) entre les rebelles du Front patriotique rwandais (FPR) et
les forces gouvernementales, alors que les efforts diplomatiques de la
communauté internationale se précisent pour mettre fin au conflit et aux
massacres qui auraient déjà coûté la vie à plus de 100 000 civils.
Mardi, les combats à l'arme lourde ont été, selon des témoins à Kigali,
les plus violents depuis la reprise de la guerre civile le 7 avril
dernier.
Toute la journée du mardi 3 mai, l'armée régulière a pilonné le quartier
général du FPR, situé sur une colline de l'Est de la ville et qui
résiste depuis un mois aux assauts des Forces armées rwandaises (FAR).
En répliquant aux tirs, les rebelles ont touché à plusieurs reprises
l'aéroport, encore contrôlé par la Mission des Nations unies pour
l'assistance au Rwanda (MINUAR) et blessé quatre « casques bleus ».
Devant l'intensité des combats dans la capitale et pour ne pas
cautionner par sa présence les massacres qu'elle est impuissante à faire
cesser, la MINUAR a retiré les quatre cinquièmes de son contingent de 2 500 hommes chargés de surveiller la mise en application des accords de
paix d'Arusha. Il ne reste actuellement à Kigali que 499 « casques bleus », en majorité ghanéens, sénégalais et tunisiens.
La faiblesse de la MINUAR s'est encore illustrée mardi par l'échec de
l'évacuation des 300 civils rwandais réfugiés à l'Hôtel des
Mille-Collines, situé non loin du quartier général des FAR et donc
particulièrement exposé. Des miliciens ont attaqué à la machette le
convoi escorté par les « casques bleus » et l'ont forcé à faire
demi-tour après avoir blessé sept passagers. Dans la même journée, le
Comité international de la Croix-Rouge (CICR) a pu toutefois évacuer, « avec la collaboration des autorités civiles et militaires », 350
orphelins de Gisenyi (nord-ouest du Rwanda) vers la ville-frontière
zaïroise de Goma.
Alors que le FPR consolide son avancée sur la capitale ses troupes,
venues du nord, ont investi la semaine dernière tout le sud-est du pays.
Les initiatives diplomatiques se multiplient, notamment à Arusha
(Tanzanie) où les dirigeants de Dar-es-Salaam tentent à nouveau d'amener
les belligérants à négocier. Les contacts informels se poursuivent, mais
sans succès jusqu'à présent.
Une volonté commune
La délégation gouvernementale rwandaise présente à Arusha a appelé les
dirigeants du FPR à un cessez-le-feu. Mais ces derniers, pour qui la
prise de Kigali n'est qu'une question de jours, répliquent que cela ne
permettrait qu'aux forces régulières de poursuivre leurs massacres et « protégerait les assassins ». Le FPR rejette également la proposition du
secrétaire général de l'ONU, M. Boutros-Ghali, d'envoyer une force de
paix de l'ONU en estimant que « la communauté internationale ne peut
arrêter les massacres. Seuls les Rwandais peuvent le faire ».
Sans une volonté commune aux deux camps d'arrêter les combats, toute
initiative extérieure est vouée à l'échec. C'est l'avis du ministre
français des affaires étrangères, pour qui un cessez-le-feu est « la
condition sine qua non d'une intervention efficace de la communauté
internationale ». Alain Juppé insiste également pour que la force
multinationale que le Conseil de sécurité pourrait décider d'envoyer au
Rwanda ne soit pas exclusivement africaine, car « l'ONU ne peut
s'exonérer de sa responsabilité ».