Fiche du document numéro 1429

Num
1429
Date
Lundi 2 mai 1994
Amj
Taille
114933
Sur titre
Alors que le Conseil de sécurité condamne les massacres de civils
Titre
M. Boutros-Ghali propose à l'ONU une action militaire au Rwanda
Page
1,5
Nom cité
Nom cité
Source
Type
Article de journal
Langue
FR
Citation
Le secrétaire général des Nations unies a proposé, vendredi 29 avril, au
Conseil de sécurité l'utilisation de la force pour faire cesser les
massacres qui ravagent le Rwanda. Le 21 avril, l'ONU avait au contraire
décidé de réduire au strict minimum sa présence dans le pays. Selon M.
Boutros-Ghali, plus de deux cent mille personnes ont été sauvagement
assassinées au cours des trois dernières semaines. Le Conseil de
sécurité a condamné samedi matin les massacres de civils, demandant au
gouvernement de prendre des mesures effectives pour y mettre fin, mais
il ne s'est pas prononcé sur un éventuel renforcement de la mission des
Nations unies.

Alors que l'ONU a évacué, la semaine dernière, l'essentiel de ses
troupes stationnées à Kigali, le secrétaire général des Nations unies,
Boutros Boutros-Ghali, estime que, pour mettre fin aux massacres au
Rwanda, la communauté internationale doit recourir à la force militaire
dans ce pays.

Dans une lettre, adressée dans la nuit du vendredi 29 au samedi 30
avril, M. Boutros-Ghali a informé le Conseil de sécurité qu'au cours des
trois dernières semaines plus de deux cent mille personnes ont été
massacrées au Rwanda. Il a souhaité une « action énergique » pour mettre
fin aux tueries. Le message de M. Boutros-Ghali a été accueilli dans un
« silence assourdissant » par les membres du Conseil. « A l'évidence, ce
qui se passe au Rwanda est abominable,
a reconnu un diplomate membre du
Conseil. M. Boutros-Ghali a décidé de mettre la communauté
internationale face à ses responsabilités. Mais toutes les réflexions à
ce sujet sont purement académiques, car aucun pays n'est prêt à envoyer
des milliers de soldats au Rwanda. Car il s'agit bien de milliers de
soldats...
 »

En proposant le recours à la force, le secrétaire général sait qu'une
pareille option nécessiterait des ressources humaines considérables.
Selon lui, les parties en conflit ont ouvertement exprimé leur « manque
de confiance dans l'impartialité de la MINUAR [Mission des Nations unies
pour l'assistance au Rwanda] et refusent donc de coopérer avec son
représentant sur place
 ».

Se référant à la résolution du 21 avril concernant le Rwanda, qui
changeait le mandat de la MINUAR en réduisant la force de l'ONU dans ce
pays a un strict minimum (270 hommes), M. Boutros-Ghali écrit que le
nouveau mandat des « casques bleus » ne permet « en aucun cas » l'arrêt
des massacres. Il demande donc au Conseil de réexaminer ses décisions et
de prendre de nouvelles mesures, « y compris le recours à la force
militaire
 ».

M. Boutros-Ghali termine sa lettre en soulignant que la « catastrophe
humaine
 » qui a lieu au Rwanda et ses conséquences pour les pays de la
région « ne laissent d'autre alternative au Conseil de sécurité » que le
recours a la force. Il évoque toutefois la possibilité d'un recours par
le Conseil aux forces régionales placées sous le contrôle de
l'Organisation de l'unité africaine (OUA).

Par ailleurs, dans un rapport publié vendredi soir, le Haut-Commissaire
pour les réfugiés estime qu'au cours des précédentes vingt-quatre
heures, plus de deux cent cinquante mille civils rwandais se sont
réfugiés en Tanzanie. Selon le HCR, cet exode est « le plus grand et le
plus rapide jamais observé de par le monde
 ». Dans un communiqué de
presse, Kenneth Roth, le président d'une organisation de défense des
droits de l'homme à New-York, le Human Rights Watch, a indiqué que la
radio du gouvernement rwandais, la radio des Milles-Collines, a fixé le
5 mai comme date butoir pour achever le « nettoyage » de la minorité
tutsie dans le pays. Les funérailles du président Juvénal Habyarimana,
disparu le 6 avril dans l'explosion de son avion, sont prévues pour
cette date.

Avant de recevoir la lettre de M. Boutros-Ghali, les membres du Conseil
étaient déjà réunis à huis clos pour adopter une déclaration
présidentielle sur la détérioration de la situation au Rwanda. Dans
cette déclaration, adoptée samedi, le Conseil condamne les massacres des
civils. Il accuse les forces gouvernementales d'être à l'origine de ces
massacres et leur demande de prendre « des mesures effectives pour
empêcher de nouvelles attaques contre les civils dans les zones qu'ils
contrôlent
 ». Alors que le Rwanda était à feu et à sang, les diplomates
se sont querellés sur l'utilisation, dans le texte, du mot « génocide »
pour décrire le carnage. Ce terme n'a finalement pas été retenu. Le
représentant du gouvernement intérimaire du Rwanda occupe actuellement
un siège au Conseil de sécurité.

La présidence du Conseil sera assumée, dimanche 1er mai, par le
représentant du Nigéria, Ibrahim Gambari. Selon M. Gambari, une des
solutions envisagées au Conseil pourrait être l'envoi de soldats des
pays membres de l'ONU, mais, a-t-il dit « il faut que le coût d'une
telle opération soit entièrement pris en charge par les Nations unies
 ».
Dans son projet de déclaration, le Conseil avait envisagé de menacer les
parties en guerre d'un embargo sur les armes. « Je ne vois franchement
pas l'utilité d'une telle menace,
s'est exclamé un représentant de
l'UNICEF, ils sont en ce moment même en train de se massacrer à coups de
machettes, de couteaux ou de pierres.
 » Selon lui, « des milliers de
corps en putréfaction et l'eau contaminée augmentent considérablement le
risque d'une épidémie de choléra
 ».

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