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LE gouvernement français multipliait vendredi ses efforts pour convaincre ses partenaires occidentaux et africains de participer à ses côtés à une intervention militaire au Rwanda, Paris insistant sur l'aspect « strictement humanitaire » de cette opération, qui serait limitée dans le temps et devrait se faire sous l'autorité des Nations unies, avant l'arrivée des premiers renforts de casques bleus vers la fin du mois de juillet.
Cette initiative « un peu complexe et peut-être dangereuse » à mettre en oeuvre, selon les termes du ministre français des Affaires étrangères, Alain Juppé, se heurtait toujours à l'opposition du Front patriotique rwandais (FPR). Une intervention de la France « ne ferait qu'aggraver la situation », a affirmé le Front, rappelant le soutien de Paris à la dictature, et donc ses responsabilités au moins indirectes dans le génocide des Tutsis. Des contacts auraient toutefois lieu au Rwanda entre un diplomate français et des représentants du FPR pour expliquer la position de Paris.
Première conséquence de ces contacts, l'ouverture d'un couloir humanitaire, entre l'Ouganda et Kigali, où devrait arriver, peut-être dès samedi, un premier convoi chargé de trente tonnes de produits de première nécessité, destinés aux populations de la capitale et des régions traversées.
Sur le terrain, d'intenses combats se poursuivaient hier matin entre les forces du FPR, qui progressaient dans la capitale rwandaise, et les troupes gouvernementales. Une percée éclair du FPR permettait notamment de libérer des centaines de civils réfugiés dans l'église de la Sainte-Famille, menacés d'extermination par les troupes gouvernementales. Par ailleurs, on apprenait la mort d'un casque bleu, tué hier sur une route au nord de Kigali par un tir « dont l'origine n'a pas été déterminée », a indiqué le major Jean-Guy Plante, porte-parole de la MINUAR.
Plusieurs pays africains ont donné leur accord pour participer avec la France à une opération militaire, a affirmé jeudi soir Alain Juppé, sans toutefois les citer. Le ministre français a effectué hier et poursuit aujourd'hui une courte visite en Côte-d'Ivoire et au Sénégal, ce dernier pays ayant déjà proposé de fournir 840 hommes à la MINUAR, la force des Nations unies qui doit comprendre 5.500 hommes (avec le Ghana, le Zimbabwe et le Nigeria).
Pour sa part, l'Union de l'Europe occidentale (UEO), le « bras armé » des Douze, devait se réunir hier après-midi à Bruxelles pour étudier les propositions françaises. L'Espagne et l'Italie seraient disposés à apporter leur concours à cette opération qui aurait lieu sous commandement français, précisait-on de sources françaises. Londres avait accueilli, jeudi, sans enthousiasme, la proposition de Paris. On ignorait toutefois si ces pays étaient prêts à envoyer des hommes, alors que la France insiste sur la présence, sur le terrain, d'au moins un pays européen à son côté.