Fiche du document numéro 1196

Num
1196
Date
Jeudi 7 février 1991
Amj
Taille
124524
Titre
Le gouvernement durcit le ton
Mot-clé
Source
Type
Article de journal
Langue
FR
Citation
A Genève, la commission internationale de juristes a déploré, mardi 5
février, les conditions dans lesquelles s'est déroulé, à Kigali, le
procès de douze « complices » ou « sympathisants » présumés des rebelles
du Front patriotique rwandais (FPR) devant la Cour de sûreté de l'Etat
(le Monde du 5 février). L'organisation souligne que sept accusés, qui
plaidaient non coupables, ont été condamnés à mort pour « actes de
terrorisme
 » et « recours à la force armée », sans preuves matérielles.
C'est la première fois, depuis 1982, que des prévenus sont condamnés à
la peine capitale.

Près de 4 000 « suspects », pour la plupart tutsis, arrêtés début
octobre, après l'attaque lancée par les troupes du FPR, restent
emprisonnés sans jugement. « De l'aveu même des autorités, la plupart de
ces dossiers ne contiennent pas de preuves suffisantes pour justifier
une inculpation et un renvoi devant la Cour de sûreté de l'Etat
 »,
précise la commission. Selon elle, le verdict du 1er février a été rendu
« sous la pression de l'opinion publique, échauffée par une nouvelle
attaque armée lancée par les rebelles le 21 janvier, au moment du procès
 ».
Ainsi, deux avocats, menacés de mort, ont dû renoncer à plaider,
relève la commission. Certaines publications rwandaises témoignent de
cet « échauffement » populaire. Dans son numéro de décembre, le tout
nouveau bimensuel Kangura (considéré comme proche de l'armée) énonce
« les dix commandements » que les Hutus (ethnie majoritaire, au pouvoir
depuis 1959), sont censés appliquer. Sera ainsi considéré comme
« traître » tout citoyen Hutu « qui fait alliance avec les Tutsis dans ses
affaires
 ». Pire : « les Hutus doivent cesser d'avoir pitié des Tutsis »
et, s'alliant à « leurs frères bantous », se montrer « fermes et
vigilants contre leur ennemi commun tutsi
 ». Cet appel à la haine
raciale ne semble pas avoir ému le gouvernement du président Habyarimana
pas plus que les institutions judiciaires pourtant promptes,
semble-t-il, à réagir dès qu'il s'agit de « suspects » d'origine tutsie.
Inquiet de la poursuite de la rébellion dans le Nord, et sans doute
sensible aux pressions extrémistes qui se font jour au sein du parti et
de l'armée, le chef de l'Etat a remanié son gouvernement, mardi, nommant
de nouveaux ministres à la défense, à la justice et à l'intérieur.

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fgtquery v.1.9, 9 février 2024