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Bruxelles
de notre correspondant
Malgré le démenti du Quai d'Orsay, le colonel Luc Marchal a confirmé
au Monde, en les précisant, ses récentes déclarations à la BBC
au sujet de l'aide militaire française au Rwanda pendant les
affrontements interethniques d'avril 1994, bien après la date limite
de 1993 avancée par Paris (Le Monde du 22 août).
En activité dans un état-major à Bruxelles, le colonel Marchal, officier belge affecté à la Mission des Nations unies pour l'assistance au Rwanda (MINUAR), commandait, en avril 1994, la zone de Kigali.
« Cette zone s'étendait sur un rayon de 20 kilomètres et comprenait donc l'aéroport, a-t-il raconté au Monde, lundi 21 août. Une opération conjointe franco-belge pour l'évacuation des civils étrangers avait été prévue à cause des troubles provoqués par la mort du président Habyarimana, le 6 avril. »
« Nous avons été informés, le 8, assure-t-il, que des avions français atterriraient le lendemain vers 6 heures. En réalité ils se sont présentés à 3 h 45. Manifestement, il y avait une
coordination entre les Français et les Rwandais. Les véhicules qui
obstruaient la piste ont été retirés en pleine nuit. Je n'étais pas
personnellement à l'aéroport, mais j'y avais des observateurs de
quinze nationalités différentes. C'étaient des militaires, et ils
savaient ce qu'ils disaient. Certains furent formels : des caisses de
munitions - probablement 5 tonnes - ont été déchargées d'un avion et
transportées par des véhicules de l'armée rwandaise dans son camp de
Kanombe qui servait d'appui à la garde présidentielle. »
Le colonel Marchal en fut avisé oralement dans son PC de Kigali. Il n'y eut aucun
rapport écrit dont on pourrait retrouver la trace. « Le 9 avril,
ça tirait de partout. J'ai peu apprécié le fait accompli, mais
s'appesantir là-dessus n'était pas la priorité. »
Ce témoignage est d'autant plus intéressant que le colonel Marchal ne semble pas partager les sentiments antifrançais de certains officiers et hommes politiques belges, agacés par les initiatives de Paris dans les anciennes colonies du royaume.
« Je tiens à relativiser, dit-il. La France manifestait
une sertaine cohérence avec le camp qu'elle avait choisi. Il est
absurde de lui attribuer la responsabilité du génocide à cause de ces
caisses de munitions. Celles-ci étaient destinées au combat. Les
massacres de populations ont été le fait de milices civiles, avec des
machettes. »