Citation
Richard Johnson
Rwanda
La trahison de Human
Rights Watch
Essai
Préface de Linda Melvern
Traduit de l’anglais par Jean-Luc Galabert
Du même auteur :
“The Pin-Stripe Approach to Genocide” & “Serbia and Russia:
U.S. Appeasement and the Resurrection of Fascism”, in The Conceit
of Innocence: Losing the Conscience of the West in the War Against
Bosnia, Stjepan Meštrović, ed., 1997
titre original :
The Travesty of Human Rights Watch on Rwanda
© Izuba éditions, 2014
http://www.izuba.info — edition@izuba.info
4 allée du Lt Lucien Lafay, 314000 Toulouse.
Toutes reproductions ou adaptations d’un extrait quelconque de ce
livre, par quelque procédé que ce soit, réservées pour tous pays.
Sommaire
Préface������������������������������������������������������������������������������ 5
Introduction��������������������������������������������������������������������13
I « Permettez le retour des partis génocidaires »
19
1. Le RDR en 2010�������������������������������������������������������� 19
2. Les FDLR depuis 1994���������������������������������������������30
3. Le MDR en 2003������������������������������������������������������ 40
II « N’interdisez pas leur idéologie »
45
III « Contentez-vous de juger quelques génocidaires
et oubliez leurs complices étrangers »
53
1. Minimisation de la portée et de l’ampleur du génocide� 53
2. Réduire l’importance de la justice post-génocide����59
3. Condamnation des juridictions gacaca :
ne jugez que quelques génocidaires������������������������� 64
4. Lutte contre le transfert et l’extradition
des présumés coupables vers le Rwanda�������������������71
3
La trahison de Human Rights Watch
5. Occultation du problème de l’impunité des
suspects de génocide en fuite������������������������������������74
6. Oubliez les complices étrangers :
la France et l’Église catholique����������������������������������76
IV « Admettez que vous ne valez pas mieux qu’eux » 81
1. Accusations en miroir et équivalences morales��������� 81
2. Diabolisation du FPR par petites touches����������������85
3. Soutien au rapport Gersony, et pressions sur le
TPIR pour juger les dirigeants du FPR�������������������86
4. Soutien aux actes d’accusation frauduleux des
juges Bruguière et Merelles�������������������������������������� 89
5. Promotion du rapport Mapping des Nations Unies��92
6. Tenir Kagame responsable de tout nouveau
génocide contre les Tutsi rwandais���������������������������95
Conclusion99
Notes103
4
Préface
En mars 2004, quelques semaines avant le
commencement des dixièmes commémorations du
génocide des Tutsi au Rwanda de 1994, le journal
français Le Monde publiait un reportage édifiant. Le
juge d’instruction français, Jean-Louis Bruguière,
détenait la preuve de la responsabilité Paul Kagame dans
l’assassinat de son prédécesseur, le président Juvénal
Habyarimana. Le journal « révélait » que Kagame avait
ordonné à une équipe de tueurs de tirer des missiles sur
l’avion présidentiel lors de son atterrissage à l’aéroport
international de Kigali le 6 avril 1994 — acte terroriste
largement présenté comme le déclencheur du génocide
des Tutsi. Cette « révélation » du Monde a jeté une
ombre sur cette dixième commémoration et phagocyté sa
couverture médiatique.
L’étonnante allégation du juge français, rapportée
par le journaliste bénéficiaire d’une fuite opportune
Stephen Smith et présentée par Le Monde comme un
fait indubitable, allait désormais être largement reprise
et défendue par des militants des droits de l’Homme, des
journalistes et des universitaires. Que le juge français,
qui instruisait ce dossier au nom des familles des trois
membres d’équipage français de l’avion présidentiel
n’ait fourni aucune preuve médico-légale ni le moindre
5
La trahison de Human Rights Watch
rapport scientifique importait peu ; qu’il n’ait auditionné
aucun des officiers belges témoins du tir nocturne non
plus. Jean-Louis Bruguière n’avait pas plus visité le site
du crash, bien qu’il ait été au Tribunal Pénal International
pour le Rwanda à Arusha, en Tanzanie, où il a recueilli
le témoignage de prisonniers jugés pour génocide qui
niaient toute implication personnelle dans l’attentat.
Or, la présence d’un témoignage à charge que je savais
être un faux dans le dossier d’instruction de Bruguière
jetait un doute sérieux sur l’ensemble de la thèse du
juge Bruguière. Ce témoignage concerne l’assassinat
en Février 1994 de Félicien Gatabazi, ministre des
Travaux publics du gouvernement de transition. Il était
le Secrétaire exécutif du Parti Social Démocrate (PSD),
deuxième plus grand parti de l’opposition que la presse
occidentale qualifiait de « Hutu modéré ». Gatabazi avait
été abattu dans le dos alors qu’il courait pour échapper à
ses assassins. Le Front patriotique rwandais fut accusé de
son assassinat, notamment dans les émissions de la radio
de la haine RTLM. Pourtant, une enquête approfondie
menée par la Civpol1 – le service de police civile de la
MINUAR – avait révélé que les témoins ayant assisté à
la scène identifiaient les assassins comme appartenant à la
faction Hutu Power.2
Le rapport Bruguière relate une histoire complètement
différente. Ses informateurs, présentés comme des
officiers dissidents du FPR, y désignent un escadron de
1. Note du traducteur : La Civpol — Police Civile de la Minuar –
réunissait soixante officiers originaires de six pays différents : l’Autriche,
le Bangladesh, la Belgique, le Mali, le Sénégal et le Togo.
2. Ces derniers ont formellement reconnu le responsable du bar Las
Vegas, chef interahamwe notoire, accompagné par quatre tireurs dont
trois appartenaient à la garde Présidentielle.
6
Préface
la mort du FPR comme le responsable de l’assassinat de
Gatabazi et du président Habyarimana.
Je me suis demandé pourquoi le juge français ne
mentionnait pas ce rapport de la Civpol. L’affaire Gatabazi
avait pourtant été suivie par une arrestation ; le principal
suspect qui était un chef local d’un groupe de miliciens
Interahamwe, fut mis en garde à vue par le procureur de
la République, François-Xavier Nsanzuwera, et placé
sous la protection de la Civpol. D’intenses pressions
furent exercées pour bloquer l’enquête de la police civile
au sein de la gendarmerie rwandaise et des menaces
furent proférées par le capitaine Pascal Simbikangwa
afin que l’interahamwe suspecté du meurtre soit libéré.
Suite à l’arrestation de ce dernier, Nsanzuwera reçut des
menaces de mort et demanda à la Minuar de bénéficier
d’une protection approchée.
Le rapport Bruguière fleurait l’intoxication dès le
départ. Les enquêtes et les analyses plus honnêtes et
plus sérieuses menées par une série de chercheurs et de
citoyens activistes ont progressivement démontré son
invraisemblance et ses artifices entre 2004 et 2012. En
2007 le juge Bruguière ayant pris sa retraite pour se lancer
dans une carrière politique et son adjoint Marc Trévidic et
sa collègue Nathalie Poux ont hérité de l’affaire. Cette fois,
des expertises médico-légales et balistiques scientifiques
furent ordonnées et contrairement, à leur prédécesseur,
les nouveaux juges d’instruction se rendirent au Rwanda.
Le rapport d’expertise balistique a démontré que les
missiles qui ont abattu l’avion du président avaient été
tirés au sein du camp des Forces Armées Rwandaises
de Kanombe, autrement dit de la base militaire la mieux
7
La trahison de Human Rights Watch
gardée du pays située à côté de l’aéroport international de
Kigali : un lieu où il aurait été impossible pour les hommes
du FPR de s’infiltrer avec un armement antiaérien.
L’inconsistance du rapport Bruguière fut dès lors
officiellement dévoilée. Il reposait sur des témoignages
non corroborés d’informateurs affirmant être les témoins
directs de la mise à feu des missiles depuis la colline de
Masaka, à quelques kilomètres du camp de l’armée.
Cependant, et de manière aussi surprenante que
curieuse, Human Rights Watch a tenu en 2008 à accorder
son soutien au rapport Bruguière. Tout en admettant que
le rapport posait problème, HRW a maintenu que « des
éléments » du rapport semblaient « être fondés sur des
enquêtes sérieuses et avoir du mérite » et surtout, que
les gouvernements à travers le monde avaient le devoir
d’exécuter les mandats d’arrêt émanant du rapport. Il
est tout aussi remarquable que HRW n’ait toujours pas
reconnu l’effondrement des thèses du rapport Bruguière
même après le coup de grâce que lui ont porté les
conclusions du travail de ses successeurs les juges Marc
Trévidic et Nathalie Poux.
Le soutien de HRW au rapport Bruguière joua le jeu
des responsables du génocide, qui l’utilisèrent comme
argument majeur de leur stratégie de défense présentant
le génocide comme une réaction spontanée du peuple du
Rwanda après l’assassinat du président rwandais par le
FPR de Kagame. De cette façon, ils pouvaient faire valoir
que les meurtres de masse n’avaient pas été prémédités
et ne pouvaient donc être juridiquement qualifiés de
génocide. In fine, il semble bien que HRW n’ait engagé
aucun effort sérieux de vérification du travail du magistrat
8
Préface
français en dépit des conséquences explosives de ses
allégations.
Je me suis demandé si HRW pouvait ne pas être au
courant de l’habile et sournoise campagne de propagande
qui avait été menée par les auteurs du génocide et, si ce
groupe de pression était au courant, pourquoi l’avait-il
délibérément ignorée.
Quand la cinglante étude critique de HRW par
Richard Johnson a inopinément jailli sur la scène en 2013,
ce fut une révélation. Dans son essai The Travesty of Human
Rights Watch on Rwanda, aujourd’hui traduit en français,
l’auteur exposait l’histoire effarante relatant comment
l’hostilité viscérale de HRW à l’égard du gouvernement
rwandais avait contaminé ses rapports et ses actions de
plaidoyers. L’organisation internationale semblait avoir
délibérément succombé aux mêmes travers que le juge
Bruguière.
Une accusation centrale et critique dans le travail
de Johnson était que cette prestigieuse organisation de
défense des droits de l’homme qui jouit d’une excellente
réputation internationale avait détourné sa mission de
défense des droits de l’homme au Rwanda au profit d’une
action qui tient beaucoup plus du plaidoyer politique.
Ce faisant, Richard Johnson développait une critique
dévastatrice des politiques menées par HRW à l’égard du
Rwanda.
Son étude montrait que, concernant le Rwanda, HRW
avait tragiquement failli dans un domaine crucial : tenir
compte des conséquences du génocide des Tutsi de 1994
et veiller à ce que ses auteurs – mis à part les quelques
personnages jugés par le Tribunal d’Arusha — répondent
9
La trahison de Human Rights Watch
de leurs actes. En 2001, HRW avait soutenu le procès
et la condamnation de quatre personnes qui s’étaient
réfugiées en Belgique après le au génocide, mais depuis
lors HRW n’a ni aidé ni encouragé les organisations de
moindre envergure dans la recherche des centaines de
génocidaires en fuite résidant sous le statut de réfugié aux
États-Unis, au Royaume-Uni, en France, en Belgique, et
aux Pays-Bas. Certains des fugitifs étaient identifiés et
leurs adresses étaient connues. Beaucoup étaient sous
le coup de mandats d’arrêt internationaux émis par
Interpol. Richard Johnson expliquait comment HRW
n’avait exercé aucune pression sur les gouvernements
récalcitrants pour qu’ils interpellent les suspects et
s’acquittent de leurs obligations de répression du crime
de génocide. En France, la recherche et la poursuite en
justice des présumés génocidaires en fuite ont été laissées
au soin de groupes de la société civile.
Johnson montrait que HRW aurait dû dénoncer
depuis longtemps que les idéologues du Hutu Power en
exil continuaient à promouvoir leur idéologie raciste, à
désinformer et à propager des thèses négationnistes. Leur
réseau influent et pernicieux continuait à utiliser en exil
des savoir-faire éprouvés en matière de propagande et la
désinformation qui s’étaient révélés si utiles pendant le
génocide.
Il y avait des cellules « Hutu-Power » à Paris, Londres
et Bruxelles, aux Pays-Bas, en Amérique du Nord,
dans les pays africains. Elles ont permis l’évasion des
fugitifs, ont fourni à ces derniers de faux papiers et ont
veillé à assurer leur liberté de mouvement en facilitant
des transferts d’argent. Leur aile armée, les FDLR —
10
Préface
une milice particulièrement violente en République
Démocratique du Congo — était l’héritière directe de
l’armée qui a commis le génocide, et recevait un soutien
important de ces cellules à l’étranger. Leurs familles
bénéficiaires du statut de réfugié en Occident espéraient
qu’un jour, lorsque le Tribunal Pénal International aurait
achevé son mandat, plus personne ne les poursuivrait. La
persistance des activités du Hutu Power était hors du
champ d’intérêt de HRW expliquait Richard Johnson, et
ceci malgré le rapport d’un groupe d’experts de l’ONU
en 2009 qui mit en lumière ce réseau et révéla l’existence
de cellules Hutu-Power à l’étranger.
Comment une organisation de défense des droits de
l’Homme si intimement impliquée dans cette histoire a-telle pu s’éloigner à ce point de sa mission initiale ?
Pourquoi HRW a-t-il si aveuglément soutenu la
cause de Victoire Ingabire en faisant d’elle une figure
d’opposition légitime ?
Comme le démontrait Richard Johnson, son parti
politique, le RDR et la coalition FDU qui l’entoure sont
les héritiers directs du régime Hutu Power qui a perpétré
le génocide. Richard Johnson révélait que des preuves
de ses liens avec les FDLR avaient été trouvées au
domicile de Victoire Ingabire par la police néerlandaise.
Les partisans du RDR ont continué à promouvoir la
conception raciste selon laquelle « les Hutu » constituent
une catégorie politique homogène distincte, et les partis
politiques doivent être créés selon le clivage Hutu/Tutsi.
Enfin, Richard Johnson montrait que HRW n’avait porté
qu’une attention négligée à la question pressante des
réparations envers les survivants du génocide.
11
La trahison de Human Rights Watch
Les travaux de Human Rights Watch sont
inconditionnellement acceptés dans de nombreuses
régions du monde. Au Rwanda, ce n’est plus le cas.
HRW n’a pas daigné répondre à la critique argumentée,
minutieusement élaborée et exposée par Richard Johnson,
en dépit des dommages qu’elle porte à la crédibilité de
l’organisation.
La présente édition française est à saluer. Elle permet à
l’essai de Richard Johnson de trouver un nouveau public.
Son travail mérite la plus large diffusion possible et
l’examen le plus minutieux. L’histoire n’est pas terminée.
Linda Melvern
12
Introduction
L’action de Human Rights Watch [HRW] au Rwanda
ne peut être qualifiée de défense des droits de l’Homme.
Il s’agit bien plutôt d’un plaidoyer politique qui est
devenu profondément malhonnête aussi bien au niveau
des moyens mobilisés que des fins poursuivies. Le conseil
d’administration de HRW devrait demander des comptes
à son directeur général Kenneth Roth et au personnel de
HRW chargé des problèmes rwandais : leur fourberie est
dangereuse pour la politique occidentale envers le Rwanda
et pour la crédibilité globale de la défense des droits de
l’homme. Les donateurs de HRW devraient s’interroger
sérieusement sur l’usage des fonds qu’ils allouent à cette
organisation. Les gouvernements occidentaux devraient
faire preuve de circonspection vis-à-vis des conseils et
des recommandations de HRW, et avoir le courage de les
désavouer publiquement quand il le faut.
Le discours de HRW sur le Rwanda au cours des
vingt dernières années a été viscéralement hostile au
Front patriotique rwandais [FPR] qui a vaincu le régime
génocidaire du mouvement Hutu Power en 1994, et a
systématiquement biaisé en faveur du retour des partisans
non repentis du « Hutu Power » dans la vie politique
Rwandaise.
13
La trahison de Human Rights Watch
Ancien diplomate américain, mon expérience
professionnelle m’a confronté au génocide perpétré
en Bosnie, et mon expérience personnelle m’a amené à
vivre au Rwanda de 2008 à 2010, comme conjoint d’une
autre diplomate américaine. Mon but ici n’est pas de
défendre le gouvernement rwandais, qui doit rendre des
comptes d’abord à son propre peuple ainsi qu’à diverses
institutions extérieures. Mon objectif est d’exposer et
peut-être de modifier la conduite de HRW.
Doté de fonds substantiels et fort d’une mission dont la
noblesse oblige, HRW exerce une influence considérable
sur les médias et les responsables occidentaux de politique
étrangère, particulièrement quand il s’agit de pays comme
le Rwanda qui sont à la périphérie des champs d’intérêt et
connaissances occidentaux. Or, le processus décisionnel
au sein de Human Rights Watch est obscur, l’aura de
« sainteté » de la mission professée par cette organisation
décourage le contrôle public de ses politiques et de ses
pratiques, et le degré de responsabilité de HRW à l’égard
de quiconque n’est pas du tout clair. Une telle situation de
pouvoir sans contrôle peut conduire à de graves dérives.
En ce qui concerne le Rwanda, une telle situation est
avérée.
Le discours de Human Rights Watch sur le Rwanda
constitue une menace pour ce pays et pour la paix
et la stabilité en Afrique centrale. Il dédouane les
gouvernements occidentaux de leur devoir de soutenir le
redressement du Rwanda depuis le génocide de 1994. Il
perpétue l’impunité d’acteurs importants du génocide. Il
afflige de nombreux Rwandais, et tout particulièrement
les rescapés du génocide. Il nuit à la possibilité d’un
14
Introduction
dialogue plus constructif entre l’Occident et le Rwanda.
Il accentue le risque de développement d’une attitude
cynique et d’une mentalité de « citadelle assiégée » à
Kigali.
Enfin et surtout, parmi la petite frange d’extrémistes
de condition relativement aisée de la diaspora rwandaise,
impénitents et souvent impliqués personnellement dans
le génocide de 1994, le discours de Human Rights Watch
encourage les leaders du mouvement « Hutu Power » qui
continue de menacer l’avenir du Rwanda à souffler sur
les braises du génocide dans l’espoir de restaurer une
gouvernance « Hutu Power » au pays.
La persistance du mouvement « Hutu-Power » depuis
1994 peut paraître étrange, mais elle n’est pas en fait
surprenante. L’expiation sincère, par l’Allemagne, du
génocide perpétré par le régime nazi s’avère être un
cas exceptionnel. Rappelons qu’elle est survenue après
la défaite complète des forces de l’Axe par les Alliés,
après une justice symbolique rapide lors des procès de
Nuremberg, après un programme de « dénazification »
d’ampleur, dans un contexte de condamnation quasiuniverselle de l’idéologie nazie et du négationnisme
de la Shoah, après l’interdiction du parti nazi ou des
activités de propagande de ses successeurs, après le
plan Marshall, et au prix de décennies d’introspection à
l’égard de la responsabilité criminelle, politique et morale
allemande [1]
L’après-génocide pour le Rwanda présente beaucoup
de contrastes avec celui de l’Allemagne. Si les responsables
et auteurs du génocide ont subi des défaites militaires
majeures sur l’ensemble du territoire rwandais pendant
15
La trahison de Human Rights Watch
l’été 1994, puis dans l’est du Congo et enfin dans le nordouest du Rwanda en 1996-98, ces défaites ne furent pas
totales. Depuis 1994, au Rwanda, plusieurs centaines de
milliers de personnes impliquées dans le génocide ont été
jugées et condamnées ; elles ont purgé leur peine et ont
été réintégrées dans la société rwandaise. Mais en dehors
du Rwanda, des milliers d’autres ont bénéficié d’un
étrange système artificiel de secours : de zones refuges
dans de nombreuses régions d’Afrique, en Europe et
en Amérique du Nord, et un large soutien matériel,
politique et moral mis en œuvre [parfois sciemment et
parfois involontairement] par de nombreux intellectuels,
responsables occidentaux, églises, ONG et agences des
Nations Unies.
Crypto-racistes ou politiquement opportuns, le déni
et la relativisation du génocide de 1994 contre les Tutsi
sont récurrents en Occident depuis 18 ans, en particulier
— mais pas seulement — au sein de l’élite politique
française, de la mouvance démocrate-chrétienne, de
cercles catholiques et de diverses ONG belges et
néerlandaises. [2]
Dans ce contexte, ceux parmi les Hutu rwandais qui
s’évertuent à perpétuer une ligne de fracture permanente
entre communautés hutu et tutsi supposées distinctes
et homogènes, font valoir que ce prétendu clivage doit
définir la politique rwandaise, et espèrent par ce moyen
revenir au pouvoir, n’ont aucunement engagé un processus
d’introspection morale et politique semblable à celui qui
a été accompli par les Allemands après le génocide contre
les Juifs d’Europe.
Le discours de Human Rights Watch a été un élément
16
Introduction
important du système de secours artificiel des héritiers du
Hutu-Power, notamment au cours des douze dernières
années. Ce discours – ce qui est dit et ce qui est occulté,
ce qui est mis en avant et ce qui est minimisé, ce qui est
affirmé clairement et ce qui demeure implicite – se traduit
de manière intelligible par quatre impératifs adressés au
gouvernement rwandais post-génocide :
– Permettez le retour des partis génocidaires.
– N’interdisez pas leur idéologie.
– Contentez-vous de juger quelques génocidaires,
et oubliez leurs complices étrangers.
– Admettez que vous ne valez pas mieux qu’eux.
Human Rights Watch a utilisé des stratégies variées
pour pousser les gouvernements occidentaux et les
organismes internationaux à soutenir ces injonctions,
y compris en plaidant vigoureusement en faveur de
sanctions économiques à l’encontre du Rwanda et de
l’arrestation de hauts responsables rwandais. Si ces
pressions étaient couronnées de succès, elles pourraient
bien aboutir à la restauration du clivage politique fondé
sur les identités Hutu/Tutsi [ce vestige des fantasmes
racistes imposés par les administrateurs européens et les
missionnaires catholiques à l’époque coloniale] comme
fondement de la gouvernance du Rwanda.
À en juger par les conséquences de la mise en œuvre de
cette politique du début du vingtième siècle jusqu’à 1994
et par la nature des groupes qui aspirent à sa résurrection
aujourd’hui, cela aboutirait très probablement à
rallumer le brasier de la violence raciste et à inverser
les progrès rapides accomplis au Rwanda en matière
17
La trahison de Human Rights Watch
de développement humain depuis 1994. Cela pourrait
certes entretenir une nouvelle génération occidentale
« d’humanitaires », mais ce serait une catastrophe pour le
Rwanda et sa région.
Pour dissiper toute illusion quant à la confiance qui
peut être accordée à Human Rights Watch concernant
son traitement de problèmes rwandais, les procédés
utilisés par HRW pour énoncer et promouvoir ces quatre
impératifs au cours des vingt dernières années seront
détaillés ci-après.
18
I
« Permettez le retour
des partis génocidaires »
1. Le RDR en 2010
La manifestation la plus flagrante de l’injonction de
permettre le retour des partis génocidaires est survenue
pendant l’élection présidentielle du Rwanda en 2010 lorsque
Human Rights Watch fit campagne pour une coalition
politique de la diaspora appelée FDU Inkingi [Forces
Démocratiques Unifiées] dirigée par Victoire Ingabire afin
que cette formation puisse être enregistrée comme parti
politique au Rwanda et habilitée à participer à l’élection.
Dans toutes ses déclarations sur ce sujet [3], Human
Rights Watch a systématiquement présenté Victoire
Ingabire comme un « leader de l’opposition » crédible et
légitime dont l’exclusion des élections confirmait l’image,
cultivée de longue date par HRW, d’un gouvernement
rwandais foncièrement « anti-démocratique » sous la
direction du FPR.
19
La trahison de Human Rights Watch
Cette allégation a été reprise dans d’innombrables
articles et reportages des médias occidentaux ainsi
que dans quelques déclarations officielles, si bien que
par la force de sa répétition, elle est devenue la version
dominante, c’est-à-dire la plus couramment exprimée
publiquement en Occident. Le Président Kagame
peut bien avoir été réélu en août 2010, avec un taux de
participation de 97 % et 93 % des voix, face aux candidats
de trois autres partis, lors d’un scrutin à bulletins secrets
qui n’a pas été marqué par des irrégularités significatives,
et après une campagne où se pressait une foule massive
et enthousiaste dans tout le pays à chaque apparition
du leader du FPR. Mais, selon la version propagée par
HRW, l’élection n’en était pas moins faussée puisque
Victoire Ingabire avait été inculpée puis arrêtée pour
divisionnisme, négation du génocide et complicité avec
une organisation terroriste FDLR [qui sera décrite plus
loin]. En bref, le cliché rebattu du dictateur africain
réprimant son peuple pour rester au pouvoir.
Cependant, l’ensemble des textes produits par HRW
est marqué par l’absence de toute réflexion sur l’histoire
et la nature du FDU. Cette stupéfiante omission témoigne
d’un profond manque de respect pour le peuple rwandais
et d’une haute assurance que les décideurs et leaders
d’opinion occidentaux, peu familiers de l’histoire du
Rwanda, peuvent être menés par le bout du nez.
Le FDU est une coalition de trois factions politiques
de la diaspora rwandaise. Sa principale composante,
également présidée par Ingabire depuis 2000, est un parti
appelé « Rassemblement Républicain pour la Démocratie
au Rwanda » [RDR]. Or, il se trouve que cette formation
20
I « Permettez le retour des partis génocidaires »
est l’héritière politique directe du régime Hutu-Power
qui a commis le génocide contre les Tutsi rwandais en
1994. [4]
Le RDR, [Rassemblement pour le Retour des
Réfugiés et la Démocratie au Rwanda] a été créé dans
l’Est du Congo [alors appelé Zaïre] début 1995 par de
hauts responsables du génocide qui avaient fui dans
cette région après la victoire du FPR de l’été 1994,
accompagnés par les cadres du régime génocidaire,
l’armée, les milices Interahamwe et une masse de plus
d’un million de Rwandais mêlant participants civils et
témoins du génocide.
Établi dans des « camps de réfugiés » le long de la
frontière rwandaise, alimenté et financé de facto par
la communauté internationale via l’UNHCR et une
foule d’ONG occidentales, réarmé par le président
congolais Mobutu et par le président François
Mitterrand, et conseillé par des amis européens au sein
de l’administration française et de l’Internationale
Démocrate Chrétienne, des missionnaires Pères Blancs
et diverses ONG européennes, le mouvement HutuPower génocidaire a entamé sa recomposition après sa
défaite militaire au Rwanda. La création du RDR fut une
étape importante de ce processus. Des chefs militaires du
génocide comme le Colonel Théoneste Bagosora [souvent
qualifié de « cerveau du génocide »] et le Général et le
Chef d’état-major d’Augustin Bizimungu, ont joué des
rôles clés dans la création du RDR, avant d’être arrêtés et
reconnus coupables de génocide par le TPIR.
En créant le RDR, les leaders du Hutu-Power
voulaient :
21
La trahison de Human Rights Watch
– remplacer le Gouvernement Intérimaire Rwandais
qui venait d’effectuer le génocide par un organe directeur
moins compromis, mais poursuivant encore les mêmes
objectifs ; ainsi, le premier Président en titre du RDR
était un ancien ministre absent du Rwanda pendant le
génocide. Toutefois, les minutes du procès-verbal secret
de la fondation du RDR montrent qu’il était prévu que
le Général Bizimungu et d’autres personnalités militaires
en resteraient les vrais responsables et contrôleraient en
coulisse le comité mis à l’avant-scène ; [5]
– remplacer les factions politiques rivales de la
mouvance Hutu-Power, qui avaient mené le génocide, par
un seul parti auquel tous les Rwandais installés dans « les
camps de réfugiés » devraient obligatoirement adhérer ;
– contrôler la population des réfugiés et les ressources
allouées aux camps par l’UNHCR ;
– intégrer, réorganiser, agrandir, réarmer, endoctriner
et former les forces armées du Hutu-Power, c’est-àdire les ex-FAR [Forces Armées du Rwanda], la Police
nationale, les Interahamwe et d’autres milices ainsi que
de nouveaux conscrits de la population des camps ;
– guider la campagne de propagande de déni du
génocide, avec l’aide d’intellectuels rwandais, de
membres du clergé et d’activistes de la “société civile”
réfugiés dans les camps ;
– étendre les réseaux de soutien politique et matériel
à l’étranger ;
– établir et mettre en œuvre une stratégie de retour au
pouvoir au Rwanda du mouvement Hutu-Power, par la
force ou par la négociation.
22
I « Permettez le retour des partis génocidaires »
Pour le mouvement Hutu-Power, le RDR constituait
donc un gouvernement, une direction militaire, un parti
unique et une administration dans les camps. En tant que
tel, le RDR fit des progrès considérables en 1995 et 1996
sur tous les fronts définis dans sa stratégie, et, en alliance
avec Mobutu, dans la persécution de la population locale
tutsi du Congo oriental. A l’approche de l’automne 1996,
le mouvement était plus puissant et capable qu’à son arrivée
en été 1994. Le gouvernement FPR rwandais postgénocide avertit explicitement et à plusieurs reprises la
communauté internationale que le Rwanda interviendrait
si celle-ci persistait à ne rien faire pour réduire la menace
créée par la réorganisation des forces génocidaires à sa
frontière... Parole tenue en automne 1996, quand l’armée
rwandaise alliée à des mouvements rebelles congolais est
intervenue au Congo, pour détruire les camps installés à
sa frontière, rapatrier la grande majorité de la population
de ces camps, disperser le RDR et ses forces armées, et
renverser finalement Mobutu.
Ce fut le deuxième revers militaire du Hutu-Power.
Mais, de nouveau, la défaite ne fut pas totale. Ses forces
armées restantes purent se regrouper au Congo oriental.
Elles reconstituèrent une organisation militaire qui, à
la fin des années 1990, prit d’abord le nom d’« Armée
de Libération du Rwanda » ou « ALIR » jusqu’à son
inscription par le Gouvernement américain sur la liste
des organisations terroristes, avant de se nommer
« Front Démocratique pour la Libération du Rwanda »
ou « FDLR » depuis 2000. L’ALIR lança d’abord une
guerre insurrectionnelle meurtrière dans le nord-ouest
du Rwanda, qui fut vaincue pour l’essentiel mi-1998 [la
23
La trahison de Human Rights Watch
dernière incursion à grande échelle de l’ALIR au Rwanda
remonte à 2001]. Elles se replièrent de nouveau au Congo
oriental, pour y demeurer comme une racine primordiale
de la violence en cette région jusqu’aujourd’hui. Si
plusieurs leaders clés du RDR [Théoneste Bagosora,
Tharcisse Renzaho, Ferdinand Nahimana, Hassan Ngeze,
Augustin Bizimungu, pour en nommer quelques-uns] ont
été finalement arrêtés et condamnés par le Tribunal Pénal
International pour le Rwanda [TPIR], d’autres ont pu se
trouver des refuges de facto en Europe et en Amérique du
Nord. Le mouvement Hutu-Power a été très diminué et
rendu plus nébuleux avec l’apparition de groupes armés
rivaux au Congo oriental [par exemple RUD/Urunana]
et une mosaïque de groupuscules politiques en Europe et
en Amérique du Nord. [6]
Tandis qu’en 1996, il agissait comme un quasigouvernement sur une bonne partie du Congo oriental,
en 1998, le RDR n’était plus qu’un petit parti politique
émigré, essentiellement basé au Pays-Bas, en Belgique,
en Allemagne et en France. Le RDR ne publie pas de
données relatives à ses adhérents, mais on peut estimer
qu’il compterait une douzaine de leaders et activistes et
plusieurs centaines de militants. En 2002, il a raccourci
son nom pour devenir le « Rassemblement Républicain
pour la Démocratie au Rwanda. » Néanmoins, de 1995 à
aujourd’hui, le RDR s’est maintenu comme le centre de
gravité politique du mouvement Hutu-Power, relié à son
centre de gravité militaire au Congo oriental.
Il n’y a aucune raison de croire que le but ou l’idéologie
principale du RDR aient changé depuis 1995. Si « les
gros poissons » du cercle des responsables du génocide
24
I « Permettez le retour des partis génocidaires »
qui ont mené le RDR dans ses jours fastes en 1995-96
ont été écartés de la scène par le TPIR, la continuité
de sa direction politique est assurée par des seconds
couteaux. Parmi cette relève, on peut citer Denys
Ntirugirimbahazi, qui fut Gouverneur de la Banque
Nationale Rwandaise de 1991 à 1994, fondateur du RDR
en 1995 et son premier Trésorier. Il est sous le coup
d’un mandat d’arrêt international et figure sur la « liste
rouge des personnes recherchées » par Interpol en vertu
des charges de participation active dans le génocide de
1994, mais réside tranquillement aux Pays-Bas. Joseph
Bukuye, nommé Responsable des Informations et de la
Documentation pour le RDR en avril 1995 et membre
du comité de coordination du FDU créé en février 2011,
réside en Belgique. Le plus notoire, Charles Ndereyehe
Ntahontuye, qui participa au congrès de fondation du
RDR en avril 1995 est une sinistre figure de référence du
Hutu Power.
Au Rwanda, au début des années 1990, Ndereyehe était
le Président « du Cercle des Républicains Progressistes »
[CRP] un groupe d’environ 200 intellectuels extrémistes
créé en 1991 ; il fut également membre de la Coalition
pour la Défense de la République [CDR], le parti le
plus ouvertement génocidaire au Rwanda de 1992 à
1994 dont la milice fut très active pendant le génocide.
Le CRP, qui semble avoir été un précurseur de la CDR,
comptait parmi ses rangs certaines des personnalités les
plus tristement célèbres de cette période : Ferdinand
Nahimana, fondateur de l’infâme radio RTLM, et
reconnu coupable de génocide par le TPIR ; Jean Bosco
Barayagwiza, directeur général de la RTLM, fondateur
25
La trahison de Human Rights Watch
et leader de la CDR, également reconnu coupable de
génocide par le TPIR ; et Léon Mugesera, longtemps
fugitif au Canada mais finalement extradé au Rwanda
en 2011, où il est actuellement jugé pour incitation au
génocide en raison de son célèbre discours sanguinaire de
1992 dans le nord-ouest du Rwanda. [7]
Vers 1992, Ndereyehe était devenu le directeur de
l’Institut des Sciences Agronomiques du Rwanda près de
Butare au sud du pays. Une étude majeure sur le génocide
à Butare le décrit comme un propagandiste et activiste
notoire de la CDR pendant la période de préparation
du génocide. Il apparaît aussi deux fois dans le carnet de
rendez-vous de Jean Kambanda, le Premier ministre du
« Gouvernement Intérimaire » qui a piloté le génocide. Jean
Kambanda l’a rencontré en octobre 1994, dans l’Est du
Congo-RDC [alors appelé Zaïre], et en décembre 1994
à Nairobi. [8] L’institut dirigé par Ndereyehe fut un site
de massacres importants pendant le génocide. L’adjoint
de Ndereyehe à l’époque, Venant Rutunga, a été jugé par
contumace au Rwanda et reconnu coupable des crimes
commis dans cet établissement ; il vit actuellement aux
Pays-Bas. Après le génocide, Ndereyehe a résidé tantôt
au Kenya, tantôt dans l’Est du Congo avant d’émigrer lui
aussi aux Pays-Bas en 1998.
Ndereyehe devint Commissaire politique du RDR
en 1995 puis son Président de 1998 à 2000. Il a cédé
cette fonction à Victoire Ingabire en 2000, mais reste
aujourd’hui un membre actif de la direction FDU/RDR.
Le site internet de cette organisation le présente comme
« le stratège » de la coalition. En mai 2006, Ndereyehe
a été placé dans la liste des 93 suspects de génocide les
26
I « Permettez le retour des partis génocidaires »
plus recherchés du Gouvernement rwandais, pour sa
participation aux massacres dans la région de Butare ; son
nom figure sur la « liste rouge » d’Interpol.
Le discours du RDR a évolué dans un sens tactique
depuis 1995-96. Il n’était plus opportun de simplement
nier la réalité du génocide de 1994, ni de mettre en avant
les déclarations de leaders sulfureux du RDR encore en
Afrique qui ont par la suite été reconnus coupables de
génocide par le TPIR. [9] Dans plusieurs pays européens,
le négationnisme et l’incitation à la haine raciale sont
passibles de peines de prison. Le message politique du
RDR devait en conséquence évoluer pour s’exprimer
dans une langue plus codée et emprunter le masque
rhétorique de la vertu. Dès lors, comme une experte du
négationnisme l’a souligné, « Jamais les mots « vérité »,
« histoire » et « justice » n’auront trouvé emploi plus
prolifique que dans les textes niant la réalité du génocide
des Tutsi au Rwanda » [10]
Mais l’orientation stratégique de la rhétorique du
RDR est restée la même. Elle peut être résumée ainsi :
– Les « Hutu » sont les victimes et non les persécuteurs
[dans cette affirmation centrale, l’inversion des rôles est
remarquable, de même que la confusion voulue entre
le concept de criminel et celui de groupe identitaire,
comme si toute accusation contre un perpétrateur
constituait une attaque contre l’ensemble du groupe
identitaire] ;
– Ce qui est important, c’est le prétendu mais non
fondé « double génocide » contre les Hutu, et non le réel
génocide contre les Tutsi, reconnu par les Nations Unies ;
– « Les Tutsi » et « le FPR » sont à la racine de tout
27
La trahison de Human Rights Watch
le mal qui est arrivé au Rwanda et dans la région des
Grands Lacs [et cela en partie du fait du manque
d’unité parmi les Hutu] ;
– Le TPIR et les cours pénales dédiées aux jugements
des présumés génocidaires au Rwanda [les « gacaca »]
sont des entreprises de persécution injuste de
personnes innocentes ;
– Le Rwanda doit être gouverné en respectant la
distinction Hutu/Tutsi, et les Hutu majoritaires
doivent légitiment assumer le pouvoir ;
– Et enfin, le recours à la force contre le gouvernement
rwandais actuel est légitime.
L’examen des centaines de pages de déclarations
publiques, des programmes et des discours du RDR
depuis 1995 [téléchargés sur le site internet rdr.org
en 2011] démontre aussi l’absence de toute réflexion
véritable sur l’idéologie ou l’éthique des organisateurs et
des responsables du génocide de 1994, qui ont cherché
à impliquer autant de Rwandais hutu que possible dans
l’entreprise d’extermination de leurs compatriotes tutsi.
Aucun membre du RDR n’a jamais témoigné pour
l’accusation au TPIR ou dans les tribunaux gacaca du
Rwanda, ni ne s’est réjoui de la mise en œuvre de la
justice, ni n’a même reconnu les défis auxquels celle-ci
était confrontée pour juger les responsables du génocide.
Il n’y a aucun cas d’action du RDR à l’encontre de
personnalités suspectées de génocide dans ses rangs ou
parmi ses partisans. Bien au contraire, Ndereyehe et son
confrère du CRP au début des années 1990, Eugène
Rwamucyo [l’un et l’autre mentionnés sur la « liste rouge
des présumés génocidaires rwandais d’Interpol] ont
28
I « Permettez le retour des partis génocidaires »
participé aux conférences organisées par des avocats de la
défense du TPIR pour défendre la cause de leurs clients
à l’extérieur du tribunal. [11] Victoire Ingabire, qui avait
initialement défendu son adjoint Joseph Ntawangundi
avant de prendre ses distances avec lui, n’a jamais
condamné celui qui l’avait accompagnée au Rwanda au
début de 2010, où il fut arrêté et avoua sa participation au
génocide. [12]
Voilà donc le parti politique que Victoire Ingabire
voulait faire habiliter pour participer aux élections
présidentielles quand elle est retournée dans son pays au
début de 2010 [elle avait quitté le Rwanda un peu avant
le génocide de 1994]. Sa brève campagne politique visait
clairement à ranimer l’idéologie et l’activité politique
du Hutu-Power au Rwanda. [13] Son arrestation en
vue d’être jugée en 2010 et la sentence de culpabilité
prononcée à son encontre en octobre 2012 étaient
amplement justifiées, et représentent une victoire pour
des droits de l’homme.
HRW a réagi à la condamnation d’Ingabire par
un communiqué de cinq pages qui visait clairement
à entretenir l’image mensongère d’une égérie de la
démocratie devenue la victime innocente de l’oppression
du pouvoir rwandais. Ainsi, cette déclaration perpétue la
dissimulation par HRW de l’histoire et de la nature du
RDR/FDU. Elle choisit de ne pas aborder le bien-fondé
de la condamnation d’Ingabire pour négationnisme. Elle
cherche à discréditer sa condamnation pour « collusion
avec le FDLR » en mettant en doute la fiabilité « d’une
partie » des éléments de preuves à charge, tout en
écartant l’existence d’autres preuves moins susceptibles
29
La trahison de Human Rights Watch
d’interprétations tendancieuses telles que, par exemple,
les documents écrits attestant de la collusion d’Ingabire
avec les FDLR qui ont été saisis par la police néerlandaise
à sa résidence aux Pays-Bas. [14]
En Occident, l’image de marque de Human Rights
Watch doit beaucoup à son plaidoyer pour une
intervention contre le génocide des Tutsi en 1994, et à
son ouvrage sur l’histoire du génocide publié en 1999
[15]. Il est tristement ironique aussi bien que moralement
répréhensible que Human Rights Watch ait, depuis 2010,
mis son prestige et son influence au service d’une tentative
des héritiers politiques directs du régime génocidaire
de 1994 de réinvestir le champ politique au Rwanda.
Que HRW procède à cette fin par la dissimulation de
l’histoire du RDR à son auditoire occidental est un
surcroît d’infamie.
2. Les FDLR depuis 1994
Tandis que le RDR est l’héritier politique direct
du régime Hutu-Power qui a orchestré le génocide en
1994, les FDLR sont les descendants militaires directs
des Forces Armées Rwandaises [FAR] et des milices
Interahamwe qui ont perpétré l’extermination des Tutsi
rwandais.
Sylvestre Mudacumura, leader des FDLR dans
l’Est du Congo, était un officier supérieur de la Garde
Présidentielle qui a déclenché le génocide en avril
1994. Ignace Murwanashyaka, Président des FDLR
actuellement jugé en Allemagne, était précédemment le
30
I « Permettez le retour des partis génocidaires »
président de la section « allemande » du RDR. Callixte
Mbarushimana, Secrétaire général des FDLR qui réside
à Paris a fait l’objet d’un Mandat d’arrêt international
par la Cour pénale internationale [CPI] pour des crimes
commis par les FDLR, il fait également l’objet d’une
demande d’extradition par le Rwanda et reste poursuivi
en France pour des crimes de génocide perpétrés en
1994. [16]
Les positions de HRW envers les FDLR apparaissent
presque aussi dénuées de scrupules que celles adoptées
envers le RDR.
Elle peuvent être déclinées comme suit :
– l’actuel gouvernement rwandais doit être considéré
comme responsable de la pérennité du mouvement
FDLR ;
– « l’espace politique » rwandais doit être élargi pour
le rendre plus attractif pour les FDLR ;
– l’existence des FDLR doit, autant que faire se peut,
être dissociée du génocide de 1994 et de toute menace
de reprise du génocide au Rwanda ;
– aucune action forte contre les FDLR ne doit être
préconisée ;
– HRW doit s’opposer à toute initiative dans ce sens ;
– l’action délétère des FDLR doit être présentée
comme un problème secondaire comparée à celle des
groupes armés considérés « à base tutsi » au Congo.
La manière par laquelle HRW présente et soutient
ces positions est plus complexe que le simple procédé
d’occultation de l’histoire et de l’idéologie du RDR qui a
été décrit plus haut.
31
La trahison de Human Rights Watch
Premièrement, il faut rappeler qu’en mai 1995,
HRW appelait la communauté internationale à prendre
des mesures qui, si elles avaient été prises, auraient
probablement pu prévenir, ou pour le moins réduire,
le « problème FDLR ». HRW demandait alors que soit
effectivement mis en œuvre l’embargo sur les armes à
destination des ex-FAR et des Interahamwe dans l’Est
du Congo ; que ces forces armées soient séparées de la
population civile dans les « camps de réfugiés » ; et que les
principaux criminels de génocide soient arrêtés pour être
déférés devant le TPIR. [17] HRW était à ce moment-là
sur un terrain solide. Malheureusement, la communauté
internationale n’a pas agi, et ce fut une très rare et la toute
dernière fois – au cours des dix-huit dernières années – où
HRW jugea bon de traiter la résurgence du mouvement
Hutu Power comme un grave problème pour le Rwanda,
et préconisa des mesures coercitives spécifiques contre
les forces armées Hutu-Power au Congo [18].
Deuxièmement, il faut relever que HRW, qui a reconnu
que les FDLR sont un groupe nocif, a publié plusieurs
enquêtes documentant les crimes contre l’humanité de
ce groupe armé au Congo. [19] Cependant, HRW s’est
démarqué de la plupart des observateurs qui ont analysé
l’irruption des forces armées du Hutu-Power dans l’Est
du Congo en 1994 comme la cause initiale et majeure des
catastrophes que cette région a subi depuis lors. HRW
a en effet déployé relativement peu d’énergie et ménagé
peu d’espace dans ses rapports pour agir contre les
FDLR, si on les compare à ses efforts pour dénoncer les
crimes attribués au CNDP ou à ses prédécesseurs [dont
les noyaux des partisans sont des Tutsi congolais], ou les
32
I « Permettez le retour des partis génocidaires »
crimes présumés perpétrés par les forces d’intervention
rwandaises. En 2006, HRW a ainsi appelé à l’arrestation
du chef du CNDP, Laurent Nkunda. Il aura fallu attendre
décembre 2009 pour voir HRW appeler à enquêter
sur les actes des leaders des FDLR — et ce n’était que
plusieurs semaines après que les autorités allemandes,
après des années de tergiversations et de retards, eurent
finalement arrêté le président des FDLR et son adjoint en
Allemagne [20]. Ici, HRW était sur un terrain douteux.
Troisièmement — ce qui nous amène sur un terrain
carrément bizarre - HRW affirme avec insistance que la
solution du « problème FDLR » au Congo ne se trouve
ni dans l’arrestation de ses pires dirigeants, ni dans la
démobilisation ou la réintégration de ses autres chefs de
guerre et soldats, mais plutôt dans la transformation du
Rwanda.
Voici, dans sa version originale suivie de sa traduction
en français [par nos soins] l’extrait d’une déclaration sur
les FDLR faite par HRW en juin 2011 :
“With its record of extreme violence against
civilians, the FDLR too remains a major source of
instability and conflict. While some FDLR members
have been through a demobilization program and have
been repatriated to Rwanda, many others continue
their operations in eastern DRC and show no sign
of returning to their country… the FDLR retains the
capacity to inflict huge suffering on the Congolese
population.
Donor strategies aimed at restoring peace and
stability in the Great Lakes should consider the
33
La trahison de Human Rights Watch
creation of conditions in which FDLR members might
contemplate disarming and returning to Rwanda.
HRW does not advocate a political role for the FDLR,
but believes that the absence of political space in
Rwanda, the repressive nature of the Rwandan state
and the lack of an independent justice system in
Rwanda are genuine deterrents to the return of some
FDLR members…” [21]
Traduction :
« Étant donné son passif d’extrême violence
contre les civils, les FDLR restent une source
majeure d’instabilité et de conflit. Alors que
quelques membres des FDLR ont été rapatriés au
Rwanda grâce à un programme de démobilisation,
beaucoup d’autres continuent leurs opérations dans
l’est de la RDC et ne montrent aucune velléité de
retourner dans leur pays [...] les FDLR conservent
la capacité à infliger des souffrances énormes à la
population congolaise.
Les stratégies des bailleurs pour rétablir la paix
et la stabilité dans la région des Grands Lacs doivent
envisager de créer des conditions par lesquelles
les membres des FDLR pourraient envisager de
désarmer et rentrer au Rwanda. HRW ne préconise
pas d’attribuer un rôle politique aux FDLR, mais
estime que l’absence d’espace politique au Rwanda, le
caractère répressif de l’État rwandais et l’absence d’un
système judiciaire indépendant au Rwanda sont de
véritables facteurs de dissuasion au retour de certains
membres des FDLR ... »
34
I « Permettez le retour des partis génocidaires »
Analysons les contre-vérités contenues dans ce texte :
en affirmant, en juin 2011, que « quelques membres des
FDLR » [some FDLR] sont rentrés au Rwanda quand
« beaucoup » [many] n’ont pas accepté ce rapatriement,
HRW inverse la vérité. Des dizaines de milliers d’officiers
et de soldats des FDLR et ses prédécesseurs ont quitté
le Congo et ont été réintégrés dans la société rwandaise
depuis 1994. Cet effectif comprend 27.000 soldats des
ex-FAR réintégrés entre 1994 et 2002 [dont 15.000 ont
été intégrés dans la nouvelle armée rwandaise], de même
que quelque 8500 combattants rwandais [issus pour la
plupart des rangs FDLR] depuis le début de l’année 2002
jusqu’à 2009. [22] En janvier 2009, l’ONU estimait à
6130 l’effectif des combattants FDLR au Congo.
L’opération militaire d’envergure, menée par des forces
conjointes congolaises et rwandaises, qui dispersa les
FDLR début 2009, et l’arrestation des leaders clés des
FDLR en Allemagne en novembre 2009 qui a démoralisé
les rangs subalternes de la faction armée, ont provoqué un
pic de démobilisation et de rapatriement dans les rangs
FDLR [quelque 3000 combattants ont accepté de rendre
les armes et d’être rapatriés en 2009 et 2012]. La force
des FDLR est tombée à environ 1500 hommes mi-2011.
Voilà à quoi se réfère le terme « beaucoup » [many] utilisé
par de HRW tandis que le terme « quelques » [some] fait
référence à des dizaines de milliers de personnes. [23]
Alors que HRW allègue que « l’absence d’espace
politique » est un frein au retour des FDLR, les études
portant sur la démobilisation et le rapatriement des FDLR
mettent tout autre chose en évidence : un noyau dur de
dirigeants FDLR ne veut pas retourner au Rwanda parce
35
La trahison de Human Rights Watch
que leur participation au génocide en 1994 les exposerait
à devoir en rendre des comptes devant la justice, et parce
qu’ils tirent des bénéfices personnels de leur activité
comme « seigneurs de la guerre ». Au même moment, de
nombreux combattants de base FDLR ont peur d’être
tués par leurs chefs s’ils tentent de déserter, ou se sont
déjà enracinés au Congo. [24]
Lorsque HRW parle de « répression » et de « restriction
de l’espace politique » au Rwanda, cette organisation
évoque en fait sa condamnation des lois rwandaises
réprimant le divisionnisme [c’est-à-dire l’activité de
partis qui fondent leur programme politique sur les
groupes identitaires hutu ou tutsi], le négationnisme et
l’idéologie du génocide, et l’application de ces lois par le
gouvernement contre des partis comme le RDR. [cf. cidessus et la partie III ci-dessous sur la légitimité de ces
lois et de leur application].
Le commentaire de HRW sur « l’absence d’un système
judiciaire indépendant au Rwanda » a été publié seulement
cinq jours avant que le TPIR exprime sa confiance dans
l’indépendance et l’impartialité du système judiciaire
rwandais, en dépit des objections de HRW, en approuvant
le premier transfert d’accusés du TPIR au Rwanda pour
y être jugé [voir partie IV ci-dessous].
Dans un entretien publié à l’automne 2010, Anneke
Van Woudenberg, experte de HRW pour l’Afrique, avait
dit quelque chose de semblable. Avec des paroles moins
policées et probablement plus honnêtes par rapport au
noyau de la vision de HRW concernant le Rwanda, elle
s’est exprimée ainsi :
36
I « Permettez le retour des partis génocidaires »
« Tant que l’espace politique au Rwanda ne
sera pas ouvert aux Hutu, le problème des FDLR
perdurera. » [25]
Plusieurs arguments sont implicitement formulés dans
cette déclaration. HRW allègue ainsi :
– que « les Hutu » constituent une catégorie politique
distincte, homogène et primordiale au Rwanda, et que
la politique rwandaise doit s’organiser à partir des
identités « Hutu et Tutsi » ;
– que le gouvernement rwandais post-génocide mène
une politique de répression, de discrimination ou
d’exclusion politique dirigée contre « les Hutu »;
– que les vues des dirigeants des FDLR [si ce n’est
l’organisation elle-même] font légitimement partie de
l’échiquier politique « Hutu » ;
– et que les FDLR sont réfugiés au Congo parce
qu’ils sont « Hutu » et non pas parce qu’ils défendent
une idéologie et un comportement politique
particulièrement nocifs.
HRW n’a jamais apporté la moindre justification à ces
différents arguments implicites.
Quatrièmement, HRW s’est non seulement abstenu
de prôner l’usage de la force contre les FDLR, mais s’est
également opposé à son recours lorsque ce moyen a été
utilisé, au motif que les forces congolaises commettaient
des exactions au cours de ces opérations, et que les
FDLR réagissaient à l’utilisation de la force par des
massacres et des viols de masse contre des civils, et que la
force de maintien de la paix des Nations Unies dans l’est
37
La trahison de Human Rights Watch
du Congo a démontré son inefficacité à prévenir l’un ou
l’autre de ces phénomènes.
Ces critiques ne sont pas dénuées de validité. Mais
n’est-il pas encore plus fondé de reconnaître, comme le
formulait le Représentant spécial de l’ONU au Congo à la
même période, que l’usage de la force est nécessaire pour
traiter avec les FDLR, qu’une application sans dommage
d’une telle force est peu probable dans un avenir proche, et
que retarder l’usage de la force prolonge simplement la déjà
très longue agonie de la population de l’Est du Congo. [26]
Cinquièmement, alors même que HRW a enquêté
sur les massacres et les viols de masse perpétrés par
les FDLR dans l’Est du Congo au cours de la dernière
décennie, HRW a cherché à minimiser le rôle de la
branche armée du mouvement génocidaire Hutu-Power
plus large et toujours actif. HRW avance qu’avec le temps,
la plupart des officiers et des combattants des FDLR
ne sont plus des individus personnellement impliqués
dans le génocide de 1994, comme si cela signifiait
que le leadership Hutu-Power et l’endoctrinement
en faveur du génocide n’étaient plus essentiels pour
comprendre le problème des FDLR comme force armée.
[27] Ce positionnement de HRW est encore une fois en
désaccord avec l’évaluation des professionnels chargés
du rapatriement, qui constatent qu’au sein de la direction
FDLR, le poids des personnalités impliquées dans le
génocide de 1994 [et qui par conséquent ont le plus à
perdre à se rendre] a augmenté ces dernières années [28].
HRW a également cherché à minimiser l’importance
de l’idéologie du génocide comme force motrice dans
38
I « Permettez le retour des partis génocidaires »
les activités des FDLR, en concédant de prendre les
déclarations de certains membres des FDLR au pied de
la lettre ou en insistant sur la place des motifs chrétiens
dans la pensée de membres des FDLR. [29]
En 1994-1995, HRW a bien reconnu, même si ce ne fut
que brièvement, que les principaux auteurs du génocide
se regroupaient dans l’Est du Congo avec l’objectif de
« finir le travail ». Néanmoins, HRW n’a jamais examiné
le rôle ni les objectifs stratégiques du RDR lui-même
dans le lancement de ce qui est devenu les FDLR.
HRW n’a d’ailleurs jamais mentionné le RDR dans
aucun de ses rapports depuis 1995. Un tel exploit n’est
compréhensible que dans un contexte d’aveuglement
volontaire sélectif et d’une focalisation sur les prétendus
méfaits du gouvernement rwandais post-génocide.
Dans un rapport de Décembre 2009, le groupe d’experts
des Nations Unies sur le Congo a établi l’existence d’un
réseau de financement et de soutien international des
FDLR. Ce n’est qu’après la parution de ce rapport que
HRW a reconnu à son tour que les « FDLR ont reçu un
soutien important de cellules et satellites dans la diaspora
des pays d’Europe, de l’Amérique du Nord, et de l’Afrique
qui ont facilité les transferts d’argent, les livraisons d’armes
coordonnées ou le recrutement pour le groupe. » [30]
Toutefois, HRW n’a jamais présenté le RDR comme le
protagoniste le plus important de ce réseau de soutien, ni
procédé à l’examen de l’assistance que ce réseau de soutien
a apporté à la propagande des FDLR, ni même appelé
à enquêter ou à poursuivre en justice ces groupes pour
l’appui qu’ils apportent à ce que le Conseil de sécurité de
l’ONU considère comme une organisation terroriste.
39
La trahison de Human Rights Watch
3. Le MDR en 2003
Une des raisons pour laquelle HRW a pu tomber si bas
avec son blanchiment du RDR en 2010 tient sans doute
au fait qu’elle avait déjà fait une bonne partie du chemin
menant à cette indignité en 2003, quand elle menait une
campagne vigoureuse contre le projet du gouvernement
rwandais d’interdire un autre parti politique, le
« Mouvement Démocratique Rwandais » ou MDR.
La période 2002-2003 a été cruciale dans la transition
post-génocide du Rwanda : ces deux années ont été
marquées par l’élaboration de la nouvelle Constitution et
de la loi sur les partis politiques, et par la préparation des
premières élections présidentielles et législatives après
le génocide. Dans un rapport de mai 2003 [31], HRW
condamna par avance la décision que le gouvernement
rwandais s’apprêtait à officialiser d’interdire et de
dissoudre le parti politique MDR. HRW déclarait
alors que cette interdiction serait anti-démocratique
et mériterait des sanctions occidentales contre le
gouvernement rwandais.
Cette prise de position de HRW en 2003 se présente
comme l’aboutissement d’un processus de raisonnement
qu’il convient de suivre pas à pas, car il comprend toute
une série de démarches biaisées :
Écarter la légitimité des lois rwandaises édictées après
1994 proscrivant l’idéologie du génocide et les partis
politiques ethno-racistes partisans du « divisionnisme ».
[Ce point sera développé plus loin dans la partie III ]
Minorer la part sombre du MDR « historique ». Or, créé
en 1959 par Grégoire Kayibanda, le MDR Parmehutu
40
I « Permettez le retour des partis génocidaires »
se transforma de facto en parti unique appliquant une
politique ethno-raciste et proto-génocidaire, de 1962
à 1973, sous la férule de son fondateur devenu premier
président de la République du Rwanda. Les événements
des années 1963-1964 sont une illustration de cette
dérive : au mois de décembre 1963, dans les semaines qui
suivirent une incursion armée de Tutsi rwandais, alors
réfugiés au Burundi, le régime de Kayibanda orchestra
le massacre de quelque 20.000 Tutsi rwandais. En mars
1964, Kayibanda lui-même menaça « la race tutsi » d’une
« fin précipitée » si les Tutsi réfugiés à l’extérieur du pays
tentaient de nouveau de prendre Kigali par les armes. [32]
Minimiser les méfaits du MDR reconstitué lors de
période de multipartisme de 1991 à 1994, lorsque le parti
s’est scindé en une tendance minoritaire « modérée »
soutenant les Accords d’Arusha conclus entre le régime
Habyarimana et le FPR, et une tendance Hutu-Power
majoritaire, qui s’est alliée à la faction génocidaire du
régime Habyarimana et a joué un rôle majeur dans le
génocide de 1994 [33].
Occulter les faits démontrant que, de 1994 à 2003,
le MDR « post-génocide » s’est révélé incapable de se
libérer de son passé raciste. [34]
Affirmer que si le MDR était autorisé à se présenter
aux élections de 2003, il pourrait les remporter grâce
à l’appui [supposé par HRW] de la majorité hutu du
Rwanda, compte-tenu des liens perçus par celle-ci entre
cette formation politique et le MDR originel de 1959.
Reconnaître que le MDR en 2002-2003 regroupait
encore en son sein une tendance « Hutu Power » et une
aile « modérée ».
41
La trahison de Human Rights Watch
Mais conclure néanmoins que le MDR ne pouvait
être soupçonné d’être le vecteur de la moindre menace
de résurgence du divisionnisme ou de l’idéologie du
génocide.
Ayant déjà occulté les pages sinistres de l’histoire du
MDR, HRW ajoute trois autres arguments pour soutenir
sa prise de position en faveur de la légitimité de ce parti
en 2003. Deux de ces arguments s’avèrent dépourvus de
logique tandis que le troisième repose sur une falsification
de la réalité :
Premier argument :
HRW avance qu’en faisant état des dissensions au sein
du MDR, le gouvernement rwandais dirigé par le FPR
rendrait caduque son argument selon lequel le « nouveau »
MDR perpétuerait « la même idéologie pro-Hutu
développée par le MDR-Parmehutu de 1959 à 1973 ».
Ce raisonnement est illogique. Bien au contraire, le
fait que le MDR était en 2003 toujours incapable de se
débarrasser de ses membres partisans du Hutu Power
renforce, en toute logique, l’argument de la réalité de la
menace « divisionniste » que représentait alors le MDR.
Deuxième argument :
HRW fait valoir que le fait que le FPR a cherché à
travailler avec l’aile « modérée » du MDR de 1991 à 2003
« suffit en soi à discréditer la thèse selon laquelle le MDR
a contribué à la propagation de l’idéologie génocidaire
tout au long de cette période. »
42
I « Permettez le retour des partis génocidaires »
Là encore, la conclusion du raisonnement est illogique.
Il est plus raisonnable de déduire de la prémisse posée par
HRW que le FPR a démontré une patience remarquable
et fait preuve de bonne volonté pour tenter de séparer
l’aile minoritaire « modérée » du MDR de son aile
radicalement « divisionniste » dépositaire de l’héritage
proto-génocidaire du parti originel et génocidaire de sa
faction « Power ».
Troisième argument :
HRW soutient que l’argument du FPR au pouvoir
selon lequel « le MDR doit être dissous en raison de
son idéologie génocidaire pro-Hutu » est irrecevable
puisque ces mêmes « autorités ont également cherché à
supprimer deux groupes dissidents antérieurs qui étaient
multiethniques par nature, ce qui suggère que c’est le fait
de la dissidence, plutôt que la nature ethnique de cette
dissidence qui est visée ».
Cette présentation des faits est une falsification de la
réalité car les deux « groupes » en question peuvent bel et
bien et sans difficulté être qualifiés de « divisionnistes ».
Le premier « groupe » cité est celui de Joseph Sebarenzi
, Président de l’Assemblée Nationale [nommé et non
élu] de Transition. Sebarenzi jugeait que les groupes
Hutu et Tutsi devaient être politiquement représentés
dans la vie publique. Par cet objectif, Sebarenzi briguait
apparemment le soutien des rescapés Tutsi et en sollicitait
les – quasi inexistants – sentiments monarchistes de
certains Tutsi, dans un contexte ou toute promotion de la
restauration de la monarchie abolie lors de l’indépendance
ne pouvait être perçue que comme un projet anti-Hutu.
43
La trahison de Human Rights Watch
L’autre « groupe » auquel HRW fait référence était dirigé
par l’ancien président Bizimungu qui a tenté de former un
nouveau parti politique appelé PDR-Ubuyanja, dont la
rhétorique et les actions étaient manifestement animées
par le projet de jouer la carte ethnique hutu [35].
HRW défendait donc une thèse selon laquelle le
Gouvernement rwandais devait permettre au MDR de
participer aux élections de 2003, même si celui-ci pouvait,
avec ses ailes « modérée » et « Hutu-Power », remporter
suffisamment de suffrages de Hutu rwandais pour revenir
au pouvoir, neuf ans seulement après le génocide dans
lequel les membres du MDR originel et du MDR-Power
de 1992 à 1994 furent si largement impliqués, et malgré
le fait que le MDR post-1994 s’est avéré incapable
de reconnaître et de faire face honnêtement à cette
généalogie.
44
II
« N’interdisez pas leur idéologie »
HRW a renforcé sa campagne pour blanchir les partis
« Hutu-Power » et justifier leur participation renouvelée
à la vie politique rwandaise, en tentant aussi de noircir les
lois rwandaises qui interdisent cette participation. Ainsi
se complète le tableau que HRW veut accréditer d’un
Rwanda où le gouvernement recourt à des lois aberrantes
pour persécuter des partis d’opposition légitimes. Cette
image est devenue un cliché incontournable du discours
occidental sur le Rwanda.
La constitution et les lois édictées au Rwanda après
le génocide restreignent les libertés d’expression et
d’association en proscrivant l’idéologie génocidaire, la
négation du génocide, la discrimination, le sectarisme
et le divisionnisme [par exemple, les politiques ou
les partis fondés sur une base ethnique]. Cela n’a rien
de surprenant au regard du rôle que l’idéologie et les
politiques extrémistes ont joué dans l’embrigadement
qui a généré une participation massive au génocide contre
les Tutsi en 1994. Ces mesures sont comparables à celles
que l’Allemagne a prises après l’expérience du nazisme .
45
La trahison de Human Rights Watch
Pour autant, HRW n’a jamais reconnu que le génocide
de 1994 constitue un motif légitime pour le Rwanda
d’interpréter les normes juridiques internationales sur
la liberté d’expression et d’association différemment
qu’aux États-Unis.
HRW a utilisé deux artifices remarquables pour
discréditer des lois rwandaises pertinentes et les faire
passer pour illégitimes. Ces manipulations sont l’une et
l’autre perceptibles dans son rapport La loi et la réalité :
Les progrès de la réforme judiciaire au Rwanda [36],
dont la publication en 2008 aura opportunément coïncidé
avec l’ouverture d’une grande conférence internationale à
Kigali visant à faire le bilan des progrès du Rwanda dans
ce domaine.
La première manipulation consiste à décrire le paysage
social et politique du Rwanda comme si le raz-de-marée
génocidaire de 1994 avait totalement reflué et n’avait
laissé aucune trace idéologique, nulle émotion, ni le
moindre relent d’activisme dans son sillage. Ainsi, les
auteurs de ce rapport de 109 pages [qui remonte jusqu’à
1994] ne citent pas le moindre cas où les autorités
rwandaises, après le génocide, auraient eu des motifs
raisonnables d’appliquer les interdictions en question.
Une tactique utilisée par HRW pour peindre ce
paysage imaginaire consiste à ignorer la substance des
quatre volumineux rapports analysant ces dangers,
publiés par le Parlement rwandais [ces rapports étaient
effectivement alarmants, mais HRW pouvait compter
sur le fait qu’en dehors du Rwanda, très peu de gens en
feraient la lecture [voir note 34], après avoir dénoncé ces
rapports pour des raisons de procédure [au motif qu’y
46
II « N’interdisez pas leur idéologie »
étaient citées des personnes désignées comme coupables
alors qu’elles étaient toujours en attente de procès
judiciaire]. Une deuxième manœuvre utilisée par HRW
pour accréditer son noir tableau du Rwanda consiste à
focaliser l’attention uniquement sur un petit échantillon
d’allégations de détournements abusifs des lois pour faire
taire la dissidence.
La participation à l’extermination des Tutsi en 1994
fut furieuse, intime, et massive. Des centaines de milliers
de participants au génocide sont depuis activement
impliqués dans de nombreux domaines de la vie sociale
rwandaise post-génocide, y compris en faisant face à la
justice et à de possibles sanctions, pouvant aller jusqu’à
de longues peines de prison pour les pires violateurs.
Néanmoins, HRW voudrait faire croire à ses lecteurs que
depuis le génocide, les autorités rwandaises n’avaient
aucun besoin de prendre des mesures juridiques contre
des manifestations, en parole ou en en acte, de l’idéologie
génocidaire. [Nous reviendrons sur le phénomène de la
disparition des génocidaires du paysage rwandais peint
par HRW dans la partie IV ci-dessous.]
La seconde manipulation réside dans le fait de
prétendre que la très américaine interprétation par
HRW de ce qui définit une restriction légitime de la
liberté d’expression et d’association a valeur de norme
juridique internationale, tandis que les restrictions
posées par le Rwanda constituent à ses yeux une
aberration particulière. En réalité, les États-Unis et le
Rwanda se trouvent l’un comme l’autre vers les extrêmes
du spectre des interprétations nationales de ces libertés,
les États-Unis incarnant la position la plus permissive et
47
La trahison de Human Rights Watch
le Rwanda une position plutôt restrictive. D’ailleurs, il
est tout à fait fondé de soutenir que le Rwanda participe
au consensus international sur ces questions, alors qu’en
rejetant toute restriction à la liberté d’expression basée
sur la nocivité du contenu ou du point de vue exprimé, la
position américaine est unique. [37]
Voici, par exemple, ce que HRW déclare à propos
de la loi rwandaise de 2008 réprimant l’idéologie du
génocide :
« Bien que cette loi ait été défendue par les autorités
rwandaises comme étant similaire aux lois interdisant
le déni de l’Holocauste, en fait elle est rédigée dans des
termes beaucoup plus larges que les lois interdisant
l’incitation à la haine raciale, et elle peut couvrir une
variété très large d’expression qui est sans aucun doute
protégée par les conventions internationales. Le droit
international en matière de droits humains interdit
les discours haineux qui équivalent à une incitation à
la violence, la discrimination ou l’hostilité contre un
groupe protégé. Ce type de restrictions, toutefois,
doit être cohérent avec ce qui est « nécessaire » dans
une démocratie. Il n’est pas cohérent avec la liberté
d’expression de criminaliser les discours haineux sans
l’exigence de prouver que leur auteur ait eu l’intention
par ses paroles d’inciter, et que cette incitation ait
été le résultat prévisible et imminent de ces paroles.
[…] Human Rights Watch soutient aussi que le crime
de déni de génocide est seulement cohérent avec la
liberté d’expression [sic] quand le déni de génocide
équivaut à un discours haineux, c’est-à-dire une
incitation intentionnelle à la violence, l’hostilité ou la
discrimination. » [38]
48
II « N’interdisez pas leur idéologie »
Il est révélateur de noter que HRW rejette d’un revers
de main l’approche rwandaise, tandis qu’elle avance une
critique courtoise des lois allemandes proscrivant les
discours de haine, le déni de l’Holocauste et les groupes
d’extrême droite : une critique où HRW reconnaît les
problèmes historiques auxquels l’Allemagne a dû faire
face, et ne cache pas que sa critique est fondée sur ses
propres convictions politiques plutôt que sur le droit
international.
Pour l’Allemagne, HRW « convient que la tragédie
de l’Holocauste est le contexte historique dans lequel
ces lois ont été adoptées [...], reconnaît qu’en appliquant
très rigoureusement ces lois, le gouvernement allemand
a souligné le sérieux avec lequel il prend acte du danger
posé par les extrémistes de droite ... [et est] conscient du
fait que le droit international relatif aux droits humains
prévoit des normes différentes et contradictoires dans ce
domaine ... mais nous fondons notre politique sur notre
conviction que les droits d’expression, d’association et
de réunion sont des droits fondamentaux qui devraient
être garantis. » [39]
Personne ne pourrait soupçonner à la lecture de la
condamnation des lois rwandaises par HRW, qui évite
soigneusement toute perspective comparative, que les
réserves exprimées sur leur ratification ont mis l’approche
américaine sur la liberté d’expression en porte-à-faux
avec le Pacte international de 1966 relatif aux droits
civils et politiques et avec la Convention internationale
de 1965 sur l’élimination de toutes les formes de
discrimination raciale, ni que « la grande majorité des
lois non-américaines interdisant l’incitation à la haine
49
La trahison de Human Rights Watch
raciale serait inconstitutionnelle aux États-Unis... [ni
que] les doctrines et les représentations américaines sur
la liberté d’expression ont généralement été rejetées
comme extrêmes, déséquilibrées et ne méritant pas d’être
louées. » [40]
Personne ne pourrait soupçonner non plus qu’avec
toute sa permissivité, même la loi américaine n’est pas
entièrement conforme à l’approche de HRW sur la
liberté d’expression. Dans son arrêt rendu en 2003 dans
« l’affaire Virginia v. Black », la Cour suprême a jugé
que, dans le cadre du Premier Amendement, l’État de
Virginie pouvait en effet interdire au Ku Klux Klan la
pratique d’incendier des croix avec l’intention d’effrayer
[c’est-à-dire indépendamment de savoir s’il y a eu
intention d’inciter à une action illégale, ou de mettre à
exécution la menace]. Cette décision spécifique de la
Cour suprême n’est pas particulièrement conforme à
l’orientation générale de la jurisprudence américaine sur
la liberté d’expression, mais elle est compréhensible à la
lumière de l’héritage historique de la persécution raciste
aux États-Unis. Elle suggère également que malgré
tout « l’exceptionnalisme qu’elle incarne », l’approche
américaine sur la liberté d’expression serait tout à fait
différente aujourd’hui, si l’Amérique avait subi dans
un passé récent un génocide de même ampleur qu’au
Rwanda.
Les avantages et les inconvénients de criminaliser la
négation du génocide [qui est illégale dans de nombreux
pays occidentaux, indépendamment de l’intention
d’inciter au crime] font l’objet d’un vaste et honnête
débat en Europe et en Amérique du Nord [41]. Deborah
50
II « N’interdisez pas leur idéologie »
Lipstadt est une universitaire américaine fermement
engagée dans la défense de la conception américaine de la
liberté d’expression, mais aussi consternée par la négation
de l’Holocauste. Elle résout son dilemme en appelant
la société civile américaine à ostraciser informellement
les négationnistes. Il s’agit d’une stratégie plausible en
Amérique, mais qui l’est beaucoup moins dans la période
post-génocide au Rwanda. Lipstadt reconnaît d’ailleurs
que la criminalisation du déni est une option légitime dans
les pays qui ont une expérience récente du génocide [42].
Curieusement, HRW ne traite pas spécifiquement de
la légitimité de la restriction de la liberté d’association en
vertu de laquelle est interdit le divisionnisme de partis
politiques fondés sur la base des identités hutu ou tutsi. Ici
aussi, le genre de comparaison internationale que HRW
choisit d’éviter montrerait que l’interdiction des partis
particularistes [par exemple, « ethniste »] sont maintenant
la norme dans toute l’Afrique , et n’est pas non plus rare
en Europe [voir la note 36]. En outre, la Cour Européenne
des Droits de l’Homme [CEDH] a rendu deux décisions
marquantes au cours de la dernière décennie en matière
de restriction de la liberté d’association qui, par analogie,
légitiment les lois du Rwanda et leur application.
En 2003, la CEDH a confirmé l’interdiction par la
Turquie du parti islamique et théocratique Rafeh comme
contraire au principe turc alors en vigueur de laïcité. De
même, la CEDH a confirmé en 2009 l’interdiction par
l’Espagne du parti nationaliste basque Batasuna [parti
sympathisant et proche de l’organisation terroriste ETA]
pour s’être livré à des comportements incompatibles
avec la démocratie et préjudiciables aux valeurs
51
La trahison de Human Rights Watch
constitutionnelles de la démocratie et des droits humains
[43].
Critiquer la légitimité de l’interdiction par le Rwanda
des partis particularistes obligerait HRW à soutenir
explicitement la légitimité des partis politiques fondés
sur les identités Hutu / Tutsi. HRW semble trouver
plus opportun d’adopter une approche « furtive » en
soutenant la légitimité de la formation FDU / RDR, sans
en divulguer le soubassement Hutu Power ni ses liens
avec les FDLR, ou l’approche spécieuse arguant que le
nœud du problème des FDLR au Congo est un prétendu
« manque d’espace politique » au Rwanda [44].
52
III
« Contentez-vous de juger
quelques génocidaires
et oubliez leurs complices
étrangers »
Avant de montrer comment cette injonction est
exprimée dans le discours de HRW sur le Rwanda, il est
utile d’examiner comment HRW minimise le génocide et
réduit son importance ainsi que celle de la justice postgénocide.
1. Minimisation de la portée
et de l’ampleur du génocide
Il existe de nombreuses façons de minimiser un
génocide. HRW en utilise plusieurs dans le cas du
Rwanda. La plus simple est de reléguer le génocide au
rang de passé révolu et sans conséquence. HRW a agi
53
La trahison de Human Rights Watch
ainsi depuis la publication de Aucun témoin ne doit
survivre, comme si, en achevant cet ouvrage, HRW avait
clôt le sujet, et que le Rwanda pouvait, et même devrait,
faire de même. Depuis lors, HRW a généralement
traité du génocide, non comme une catastrophe dont les
conséquences demeurent un enjeu social et politique
majeur pour le Rwanda, mais comme un événement
que le gouvernement rwandais exploite pour réprimer
ses opposants – comme par exemple les partis MDR et
RDR [voir ci-dessus] – ou pour conjurer les critiques
adressées par les gouvernements occidentaux, supposés
influençables à cause de leur culpabilité de n’avoir pas agi
en 1994 [45].
Cette allégation fait écho à l’accusation bien connue
selon laquelle Israël « joue la carte de l’Holocauste »
pour gagner l’assentiment de l’Occident vis-à-vis de ses
politiques, mais sans le moindre équivalent rwandais du
« puissant lobby juif » pour influencer les décisions des
leaders occidentaux. En l’absence d’une telle courroie
de transmission, l’affirmation repose sur une psychologie
douteuse. On pourrait par ailleurs facilement faire valoir
que la culpabilité rend les gens malveillants et prompts
à blâmer ceux qu’ils ont lésés, pour minorer leur statut
de victime. « Fustiger la victime » fut d’ailleurs un aspect
commun de l’attitude occidentale à l’égard des génocides
des années 1990 en Bosnie comme au Rwanda [46].
Si la culpabilité avait entraîné une bienveillance
particulière des décideurs politiques occidentaux
envers le gouvernement rwandais après le génocide, on
s’attendrait à ce que l’Occident tente aussi d’expier sa
culpabilité par d’autres voies. Or, si les aides concédées
54
III « Contentez-vous de juger quelques génocidaires...
au Rwanda par les occidentaux sont importantes, elles ne
sont pas particulièrement généreuses comparées à celles
accordées aux autres pays. Les États occidentaux n’ont
à aucun moment envisagé d’offrir des réparations aux
Rwandais rescapés du génocide ; de manière déplorable,
ils n’ont jamais refusé d’accorder l’asile aux fugitifs
rwandais impliqués dans le génocide [voir ci-dessous] ;
ils n’ont pas effectué la moindre démarche pour que les
responsables étrangers, notamment en France, rendent
des comptes pour leur complicité dans le génocide ; ni
soutenu les efforts des groupes de la société civile française
qui ont tenté de faire établir ces responsabilités ; ni n’ont
jamais dénoncé la tentative occidentale la plus criante de
« reporter la faute sur les victimes », notamment sous la
forme de l’accusation frauduleuse par la France en 2006
du président rwandais Paul Kagame d’avoir commandité
les tirs contre l’avion du président Habyarimana le 6
Avril 1994, et d’avoir par ce fait « provoqué » le génocide
[voir ci-dessous]. En bref, l’Occident n’a pas le profil d’un
acteur cherchant à expier une quelconque culpabilité.
Quant à l’accusation selon laquelle le gouvernement
rwandais « exploite le génocide » pour désamorcer
les critiques extérieures, on voit mal comment HRW
pourrait justifier une telle accusation, ou comment le
gouvernement rwandais pourrait la réfuter. Cependant,
les progrès du Rwanda en matière de redressement et de
développement depuis 1994 ne correspondent guère au
profil d’un régime politique fondé sur l’exploitation de la
souffrance humaine, et il est étrange de parler en termes
de « sujet exploité » quand l’impact sociétal de ce « sujet »,
si l’on transposait aux État-Unis le contexte de l’année
55
La trahison de Human Rights Watch
1994, signifierait que plus de 10 millions d’Américains
auraient été mobilisés par une élite génocidaire afin
d’exterminer personnellement et dans un corps à corps
plus de 20 millions de leurs concitoyens.
Une autre tactique souvent utilisée pour relativiser un
génocide est de minimiser le nombre des victimes et des
perpétrateurs du crime.
Dans la section « chiffres » de son rapport de 1999,
Aucun témoin ne doit survivre, HRW utilise des « données
préliminaires » pour estimer qu’environ 507.000 Tutsi
ont été tués dans le génocide. Ce chiffre se fonde sur
l’estimation par HRW qu’il y avait quelque 150.000
rescapés tutsi, sur un effectif total avant le génocide estimé
à quelque 657.000 habitants tutsi. Ce dernier chiffre, qui
constitue un plafond supposé pour le nombre de victimes
tutsi potentielles, est une extrapolation à partir d’un
recensement organisé sous le régime Habyarimana en
1991, qui affirmait que les Tutsi constituaient seulement
8,4 pour cent de la population. Or, en dehors des proches
du régime Habyarimana, rares sont les personnes qui ont
jamais accordé de crédit aux résultats de ce recensement.
Le régime avait tout intérêt à minorer le plus possible la
proportion de Tutsi dans la population, puisqu’elle était
la référence du système de quotas limitant l’accès des
Tutsi à l’enseignement secondaire et supérieur et aux
emplois dans la fonction publique. Dans le même temps,
victimes de persécution, les Tutsi ressentaient une forte
incitation à essayer de se faire passer pour des Hutu. Les
chiffres les plus couramment cités pour évaluer la part de
la population Tutsi avant le génocide oscillent entre 12 et
15 pour cent, ce qui signifie que le nombre potentiel de
56
III « Contentez-vous de juger quelques génocidaires...
victimes tutsi en 1994 se situait entre 1 et 1,3 million de
personnes.
HRW a globalement maintenu son estimation de 1999
jusqu’à ce jour, et son chiffre fétiche « plus de 500.000 »
pour la colonne des victimes est largement repris dans
la littérature et les médias occidentaux. Parfois, HRW
utilise le chiffre de 800.000 avancé par l’ONU. Mais, il est
remarquable que HRW n’ait jamais révisé son utilisation
du recensement de 1991 du régime Habyarimana comme
donnée de base concernant la question du nombre des
victimes du génocide, en dépit des recherches ultérieures
qui ont démontré son manque de fiabilité. [47] Il est
encore plus remarquable que HRW n’ait jamais reconnu
les chiffres publiés par les autorités rwandaises en 2002,
sur la base de la compilation des données de terrains par
le ministère des Collectivités locales, qui établit un total
de 1.074.017 personnes assassinées pendant le génocide,
dont 934.218 ont pu être identifiées par leur nom et
dont 94 pour cent ont été tuées parce qu’elles étaient
identifiées comme tutsi, soit presque le double du chiffre
utilisé par HRW. [48]
Concernant la colonne « auteurs de crime », HRW
reconnaît que la participation au génocide fut élevée parmi
les Hutu rwandais, mais note que celle-ci s’est souvent
opérée sous la contrainte, ou était facilitée par la légitimité
que les gouvernements occidentaux accordaient au régime
rwandais pendant le génocide, ou encore était seulement
indirecte [sous la forme par exemple, d’informations
délivrées aux autorités sur les cachettes de Tutsi, plutôt
que par l’usage d’une machette]. Après avoir souligné ces
circonstances implicitement atténuantes, HRW estime
57
La trahison de Human Rights Watch
néanmoins en 1999 que les tueurs étaient des « dizaines
de milliers » [49].
Il s’agit d’une estimation très basse, dont HRW n’a
jamais démordu jusqu’à l’heure actuelle. Cela manifeste
un entêtement certain, compte tenu des estimations plus
récentes de spécialistes occidentaux allant d’environ
200.000 à plus de 400.000 auteurs [50], et surtout
du travail effectué de 2002 à 2012 par les juridictions
spéciales dédiées au jugement des présumés auteurs
d’actes de génocide : les tribunaux « gacaca » [voir cidessous]. HRW n’a jamais pris en compte les données
qui démontrent que ces « dizaines de milliers » ne
représentent qu’une fraction du nombre réel des auteurs
du génocide des Tutsi rwandais.
Un autre procédé « minimisant » utilisé par HRW
consiste à voiler la question de la participation massive
au génocide en parlant seulement d’« accusés », comme
dans le rapport 2008 de HRW « La loi et la réalité ».
Ici, HRW aborde la question de la justice post-génocide
presque exclusivement en termes de la régularité des
procédures légale pour « les accusés », plutôt qu’en termes
de « nombre de participants au génocide poursuivis en
justice » Malgré une [seule] phrase du rapport qui note
que les organisateurs du génocide ont mobilisé « des
centaines de milliers de personnes » à divers niveaux de
participation [51], le rapport ignore systématiquement
la réalité d’un nombre massif d’auteurs bien réels et
pleinement coupables. Le même rapport, long de 109
pages, n’utilise le mot « victime » qu’une seule fois.
L’agonie des victimes et des survivants, le fardeau de
la culpabilité porté par les auteurs, et le défi quotidien
58
III « Contentez-vous de juger quelques génocidaires...
pour les uns et les autres de vivre côte à côte sont rendus
pratiquement invisibles.
Le discours de HRW fonctionne ainsi, apparemment
délibérément, non pour « nier » le génocide en tant que tel,
mais certainement pour réduire son ampleur et l’actualité
de ses conséquences d’une manière qui convient mieux
à la vision et aux prescriptions politiques que HRW
promeut pour le Rwanda d’après le génocide.
2. Réduire l’importance de la justice
post-génocide
De 1999 à 2011, l’importance attribuée par HRW à la
justice et à la répression du génocide au Rwanda a décru :
d’abord qualifiée d’« essentielle, », ensuite d’« importante,
mais sans être une panacée », sa valeur finit par être
indéterminée.
Dans le chapitre intitulé « De la justice et de la
responsabilité » qui clôt l’ouvrage de 1999, Aucun
témoin ne doit survivre, HRW déclarait qu’une justice
rétributive était une réponse absolument essentielle au
génocide de 1994, tout en donnant à cette affirmation une
tournure particulière :
« La justice doit s’exercer en matière de génocide,
d’assassinats politiques et des autres violations des
droits de l’homme au Rwanda en 1994. Les coupables
doivent être punis et empêchés d’infliger tout dommage
supplémentaire. Les innocents doivent être blanchis
des présomptions injustes sur leur culpabilité... Sans
justice, il ne peut y avoir de paix au Rwanda, ni dans la
59
La trahison de Human Rights Watch
région environnante. Cette vérité, largement reconnue
en 1994, est devenue encore plus évidente dans les
quatre années qui ont suivi : les insurgés, dont certains
responsables du génocide de 1994, et des soldats de
l’APR tuent et vont continuer à tuer des civils jusqu’à
ce qu’ils soient convaincu qu’un tel recours est futile
et coûteux... Établir la responsabilité individuelle
des Hutu est aussi la seule façon de diminuer la
stigmatisation de la culpabilité collective de tous les
Hutu. » [52]
Il y a bien sûr deux autres raisons pour lesquelles la
justice est essentielle, que HRW omet de mentionner :
d’abord pour témoigner le respect dû aux victimes
du génocide, et ensuite pour fournir une mesure de
consolation aux survivants.
Dans ce même chapitre du livre Aucun témoin ne doit
survivre, les survivants font deux furtives apparitions :
Les rescapés sont d’abord mentionnés pour souligner
l’importance de ne pas attribuer une culpabilité collective
aux Hutu, et pour noter que « de façon assez remarquable,
certains Rwandais qui ont souffert énormément
reconnaissent la nécessité d’équité et d’honnêteté
dans le jugement des auteurs présumés » [on notera ici
l’insinuation équivoque que la plupart des rescapés ne
partageraient pas cette exigence]. Pour étayer son propos,
HRW cite une survivante victime de viol :
« Tous les Hutu n’avaient pas la rage au cœur... je
ne peux pas dire que tous les Hutu ont tué . Il y a une
différence entre “Hutu” et “assassin”. »
60
III « Contentez-vous de juger quelques génocidaires...
Lorsque la figure du rescapé est utilisée pour la seconde
fois, les survivants apparaissent comme des tricheurs :
« Certains survivants ont appris à exploiter le
système à leur avantage et à demander des dommagesintérêts à des accusés qui n’ont jamais fait du mal » [53].
S’il l’avait voulu, HRW aurait pu trouver des preuves
abondantes et des anecdotes poignantes soulignant que
la justice, même si sa recherche est un processus risqué
et traumatisant, était une mesure cruciale de consolation
pour les survivants, et que le nombre de survivants
du génocide qui a reçu des « dommages » au titre de
réparation est infinitésimal [54].
Il convient de noter ici aussi que HRW estime qu’il
est tout aussi important de rendre justice pour des délits
mineurs que pour les crimes de génocide, et établit une
équivalence morale entre les homicides de civils par
des « insurgés, dont certains responsables du génocide
de 1994 » et par l’APR [l’armée gouvernementale sous
commandement du FPR] qui combattait l’insurrection.
Nous reviendrons sur ces questions dans la partie V cidessous.
En 2002, les deux ‘dirigeants’ de HRW responsables
du dossier Rwanda à cette époque [Kenneth Roth et
Alison Des Forges] ont publié un court essai intitulé
Justice or Therapy qui utilisait un langage fort sur
l’importance de la justice et de la punition :
« …c’est précisément à un moment d’atrocités...
qu’une politique de procès et de punition est
essentielle. »
61
La trahison de Human Rights Watch
Pour réfuter la proposition d’Helena Cobban de
limiter la justice rétributive en faveur d’une action de
réconciliation et de thérapie à l’égard des auteurs du
génocide de 1994, Kenneth Roth et Alison Des Forges
soutiennent l’argument suivant :
« les tueurs ne sont pas les malheureuses victimes
de la grippe génocidaire. Ils sont les auteurs délibérés
d’actes immoraux. Les traiter comme s’ils n’étaient pas
plus coupables que des enfants qui refusent de porter
des manteaux et vont attraper froid est à la fois erroné
et dangereux. Erroné, car c’est porter profondément
atteinte aux victimes... dangereux parce qu’il signale
à l’attention d’autres potentiels criminels de masse
qu’ils n’encourent aucun châtiment, tout au plus, des
séances de thérapie communautaires. » [55]
Ce qui est surprenant, c’est que ces mots sont formulés,
non pas pour soutenir l’effort du Rwanda à l’époque de
créer un mécanisme de justice hybride [les tribunaux
gacaca, dont il sera question ci-dessous] qui obligerait les
auteurs du génocide à rendre des comptes d’une manière
qui permettrait à la fois d’en finir avec l’impunité et de
promouvoir la réconciliation, mais plutôt pour réfuter
une vaine alternative thérapeutique [la proposition de
Cobban était en fait plus nuancée], qui n’était pas une
option sérieuse dans le monde réel. Il est également
remarquable que cette réfutation a été la dernière fois
où HRW a soutenu que les procès et la sanction des
génocidaires de 1994 étaient essentiels.
En 2004, dans un essai coécrit par Alison Des Forges
et un ancien membre du personnel HRW nommé Timothy
Longman [56], l’importance accordée à la justice avait
62
III « Contentez-vous de juger quelques génocidaires...
décru. Établir la responsabilité des génocidaires y était
réduit à n’être simplement qu’« une étape importante
dans la reconstruction sociale du Rwanda [on notera ici
l’omission du mot « politique »] ... Mais les procès ne
sont pas une panacée ... » – en particulier, pour les deux
auteurs, parce que le gouvernement élu du Rwanda en
2003 manquait de légitimité du fait de l’interdiction du
MDR, et parce que le système gacaca était unilatéral, en
limitant ses compétences aux crimes de génocide et en
excluant les crimes de moindres importances commis par
le FPR.
Dans deux volumineux rapports ultérieurs consacrés à
la justice rwandaise publiés en 2008 et 2011 [57], HRW
n’attribue plus aucun niveau particulier d’importance,
qu’il soit absolu ou mitigé ou encore moindre, à la question
de la justice post-génocide. Une certaine lumière sur
l’évolution de la pensée de HRW sur cette question est
fournie par les commentaires adressés par Alison Des
Forges à Sanford Unger en Février 2009, lorsque Unger,
président du « Goucher College », essayait d’élucider
si un émigré rwandais qu’il avait embauché [Léopold
Munyakazi] était un réfugié de bonne foi ou un génocidaire
fugitif. Unger rapporte la conversation comme suit :
« Je ne pense pas que vous avez un problème ici, m’at-elle rassurée. Elle fit une pause, et sembla presque
revenir sur sa pensée : “Nous ne pourrons peut-être
jamais être fixés de manière certaine sur la culpabilité
ou l’innocence, me dit-elle. Pendant le génocide
rwandais, il y a des gens qui n’ont pas dormi pendant
tant de jours d’affilés qu’ils sont devenus psychotiques.
Ils ont tué certains de leurs voisins une journée, et en ont
63
La trahison de Human Rights Watch
sauvé d’autres le lendemain. Beaucoup de Rwandais,
dit-elle, ne seront peut-être jamais exactement sûrs de
ce qu’ils ont fait pendant cette période de folie. Ils ont
fait ce qu’ils avaient à faire pour survivre”. » [58]
Les points évoqués ci-dessus sont utiles pour
comprendre comment HRW arrive à sa véritable position
concernant l’effort de justice nécessaire à la suite du
génocide des Tutsi : il devrait être très limité en ce qui
concerne les auteurs rwandais, et il est tout à fait inutile en
ce qui concerne les complices étrangers. Naturellement,
HRW ne soutient pas explicitement cette thèse.
Cependant, elle est la conclusion logique et inéluctable de
la plupart de ce que HRW dit publiquement de manière
explicite, et des priorités évidentes de son activité de
plaidoyer.
3. Condamnation des juridictions gacaca :
ne jugez que quelques génocidaires
HRW a exprimé ce commandement en condamnant
avec dérision les tribunaux gacaca créés par le Rwanda
pour gérer la justice relative aux crimes de génocide, en la
taxant d’ « outil de répression » et de « forum pour régler des
vendettas personnelles ou faire taire les voix dissidentes ».
[59] Pour autant, HRW est loin d’étayer sa condamnation
des gacaca, et n’a jamais mis en avant une solution alternative
réaliste qui pourrait tenter de régler le problème posé par le
nombre massif de Rwandais impliqués dans le génocide. On
ne peut que conclure que HRW aurait préféré l’impunité
pour la grande majorité des auteurs [60].
64
III « Contentez-vous de juger quelques génocidaires...
Dans le système gacaca mis en en place de 2002 à
2012, 170.000 « personnes intègres » ont été élues par les
communautés locales pour exercer la fonction de juge dans
12.000 tribunaux communautaires, aux travaux desquels
presque tous les adultes rwandais ont participé en tant
que prévenu, plaignant, ou témoin. Ces tribunaux gacaca
ont jugé un peu plus d’un million de suspects, incriminés
dans environ deux millions d’affaires pénales relatives au
génocide [réparties en trois catégories]. Parmi celles-ci, 1,3
millions de cas de « catégorie 3 » étaient relatives au pillage
et autres infractions contre les biens des victimes. Les 638
080 cas restants étaient relatifs à des meurtres, des viols et
des agressions, dont 60 552 affaires ont été classées comme
crime de catégorie 1 [meneurs et violeurs] et 577 528 cas ont
été dans la catégorie 2 [auteurs ou complices d’homicide
volontaire et auteurs d’agressions qui n’ont pas entraîné la
mort]. Les taux de condamnation les plus élevés concernent
les cas de pillage de la catégorie 3 [1,27 millions, soient
96% de condamnations prononcées]. Dans ces affaires
la peine légale, mais généralement non appliquée, est la
restitution des biens aux victimes. Viennent en second
rang les cas relevant de la catégorie 1 qui concernent les
meneurs, [53 426 condamnations, soit 88 %] et ensuite les
affaires de catégorie 2, impliquant des tueurs et agresseurs
« de bas niveau » [361 590 condamnations, soit 63 %]. [61]
Les procès gacaca d’un million de suspects pendant plus
de dix ans ont coûté au Rwanda et aux différents bailleurs
de fonds étrangers environ 50 millions de dollars, soit une
moyenne de 50 $ par suspect, ce qui contraste de manière
dramatiquement saisissante avec la situation du TPIR, dont
le jugement de 70 personnes pendant plus de 17 ans aura
coûté une somme de l’ordre de 2 milliards de dollars, soit
65
La trahison de Human Rights Watch
une moyenne de plus de 20 millions de dollars par suspect.
Le gouvernement rwandais n’a pas encore publié
les données qui montreraient combien de personnes
[par opposition au nombre d’affaires] ont été jugées
et condamnées dans chacune des trois catégories
pénales. Cependant, les 415 016 cas qui ont abouti à
des condamnations dans les catégories meurtrières 1 et
2 indiquent que le nombre de génocidaires condamnés
par les tribunaux gacaca est très probablement supérieur
à 200.000. Les juridictions ordinaires du Rwanda
ont par ailleurs prononcé plusieurs milliers d’autres
condamnations, tandis que des dizaines de milliers
d’autres auteurs de crime n’ont pu être jugés du fait de
leur décès ou parce qu’elles ont fui leur pays.
Au terme de sa mission, lorsque le système gacaca a été
clos mi 2012, 18 ans après le génocide, quelque 40.000
personnes étaient encore détenues en prison pour faits
de génocide, tandis que 20.000 autres purgeaient leur
peine au dehors dans des camps de travail et de service
d’intérêts communautaires [TIG] répartis à travers le
pays [62]. Les peines ont été très légères au regard de
la gravité des crimes commis, surtout pour ceux qui ont
avoué. L’impunité a été évité dans une large mesure, mais
la réconciliation et la réintégration ont clairement primé
sur le châtiment. En considérant les suspects comme
individuellement responsables, le reste de la population
rwandaise est resté libre de toute charge implicite de
responsabilité pénale.
Les tribunaux gacaca du Rwanda représentent la
première tentative de justice globale après un génocide
dans l’histoire du monde. HRW n’a que très peu
66
III « Contentez-vous de juger quelques génocidaires...
contribué aux études approfondies sur les gacaca pendant
que ces juridictions étaient en activité. Il a juste signalé en
passant, son scepticisme hostile, dans ses deux ouvrages
analysant la justice rwandaise en 2004 et 2008 [63].
La vétérante des spécialistes du Rwanda, Alison
Des Forges, s’est montrée sévèrement critique dans un
discours prononcé en novembre 2007, au cours duquel
elle aurait déclaré :
« il est difficile de dire que gacaca, en tant que mécanisme
judiciaire, est aujourd’hui crédible et sera perçu comme
tel. [...] On dirait un bar qui ferme à minuit, où on se
presse pour le dernier verre : les accusations pleuvent,
des personnes acquittées sont de nouveau accusées. C’est
inquiétant. C’est un train qui dévale à toute allure la
colline sans personne qui le dirige. [...] » [64]
Le directeur exécutif de HRW, Kenneth Roth se
montre encore plus dérisoire, dans une déclaration publiée
en avril 2009 [n’est-ce pas cruel ?] pour coïncider avec la
semaine annuelle de deuil pour le génocide du Rwanda :
« [...] ironiquement, c’est le génocide qui a fourni
au gouvernement une couverture pour la répression.
[...] L’un des outils de répression a été la gacaca. L’élan
initial était compréhensible : les prisons rwandaises
étaient surpeuplées avec des dizaines de milliers de
génocidaires présumés et aucune perspective de les juger
dans un délai raisonnable par tribunaux ordinaires du
pays. Les tribunaux gacaca fournissaient un moyen rapide,
sinon informel de traiter ces cas. En théorie, les membres
de la communauté devraient savoir qui avait ou n’avait pas
été impliqué dans le génocide, mais en réalité, le manque
d’implication des professionnels du droit ont laissé les
67
La trahison de Human Rights Watch
procédures ouvertes à la manipulation. Aujourd’hui, 15
ans après le génocide, les gens en sont encore à saisir les
gacaca en accusant leurs voisins de connivence, ce qui
suggère que gacaca s’est transformé en un forum pour le
règlement des vendettas personnelles ou pour faire taire
les voix dissidentes. » [65]
La première étude substantielle des gacaca par HRW,
intitulé Justice compromise, [66] n’aura été publiée qu’en
mai 2011. Elle peut être comprise comme une tentative de
justifier les insultes de Roth et de préempter une opinion
internationale positive pour cette forme de justice lorsque
le processus gacaca tirait à sa fin. Cette étude ne peut
pas être prise pour une évaluation juste et équilibrée de
ce que le Rwanda avait réalisé. Voici quelques-unes des
raisons de cette affirmation :
HRW s’accroche à son chiffre de « dizaines de milliers »
d’auteurs de crime, en dépit du fait que les tribunaux
gacaca ont rendu des verdicts de culpabilité dans des
centaines de milliers d’affaires criminelles.
HRW se targue spécieusement de sa rigueur analytique
en vantant dans une section « méthodologie » les « plus de
350 » cas, qu’il a suivis durant 2000 jours d’observation
de procès dans les quatre régions du Rwanda — alors
qu’il s’agit d’un échantillon minuscule du million de
personnes impliquées dans les quelque deux millions
d’affaires traitées par les gacaca. HRW ne divulgue par
ailleurs aucune information sur la méthode et les critères
qui l’ont conduit à se concentrer sur ces cas précis. [67]
Il est douteux que HRW dise toute la vérité sur les cas
qu’il choisit de critiquer. Ces cas sont en même temps trop
peu pour être représentatifs et trop nombreux pour être
68
III « Contentez-vous de juger quelques génocidaires...
analysés individuellement ici, mais prenons un exemple.
L’affaire hautement symbolique du missionnaire
belge « Père Blanc » Guy Theunis [le seul européen à
avoir comparu comme accusé devant un tribunal gacaca]
est un cas que HRW a été particulièrement désireux de
défendre : HRW l’a mis en avant dans deux rapports, pour
dépeindre Theunis comme innocent, un prêtre, militant
des droits de l’homme et journaliste victime des autorités
rwandaises pour des raisons vénales ou politiques.
Mais HRW supprime une énorme quantité d’éléments
à charge avérant que Theunis était personnellement
et idéologiquement intimement lié à de nombreux
Rwandais qui ont joué des rôles de premiers rangs dans
le génocide, et qu’il fut très actif dans le soutien de leur
cause avant, pendant et après le génocide [68].
Presque chacune des vingt « recommandations » que
HRW adresse aux autorités rwandaises dans son rapport
sur la gacaca sont en faveur des personnes accusées
de génocide. Une seule [plus d’aide aux victimes de
viol] est en faveur des victimes. Cette disproportion
n’aurait de sens que si dans son ensemble le processus
gacaca avait été abusivement rétributif et entaché de
corruption, ce que HRW reste loin de démontrer avec
son échantillon hautement sélectif, et qui n’est d’emblée
pas plausible si l’on compare la magnitude du génocide
de 1994 et la magnitude de la punition prononcée par les
gacaca, qui aboutit à ce que moins de 60.000 personnes
restent détenues en prison ou dans des camps de service
communautaire 18 ans après l’événement.
HRW choisit de minimiser le problème du « ceceka »,
c’est-à-dire de la conspiration du silence entre les auteurs
69
La trahison de Human Rights Watch
de crimes et leurs familles et amis [qui sont beaucoup plus
nombreux que les rescapés du génocide dans les collines
rwandaises], tandis que des études plus équilibrées des
gacaca voient la conspiration du « ceceka » comme un
problème majeur. [69]
HRW n’accorde qu’une attention superficielle à la
question de la restitution des biens et du dédommagement
des survivants du génocide, et consacre en effet plus
d’attention à l’illégitime recherche de « gains personnels »
[pages 109-110] qu’à la question de la spoliation des
droits des survivants [page 80]. Il n’aborde pas non plus
la question de l’aide des Nations Unies aux survivants,
qui ont été minimes depuis 1994 [70].
Alors que mener jusqu’au bout et aussi exhaustivement
que possible l’instruction des dossiers individuels via les
gacaca constituait le seul moyen d’échapper à l’attribution
d’une culpabilité collective des « Hutu » – ce qui, on
l’a vu plus haut, était une priorité pour HRW – cette
organisation choisit d’insinuer, dans son rapport de 2011,
que les gacaca ont plutôt renforcé l’idée de culpabilité
collective. HRW affirme ici que parce que « seuls les
Tutsis peuvent être des victimes dans le système gacaca
et généralement seulement les Hutus peuvent être les
criminels. », [71] gacaca a renforcé le lien terme à terme
entre « Hutu » et « auteur de crime ». Cet argument est
absurde, étant donné que c’est le génocide lui-même qui a
posé la question de culpabilité collective, à laquelle seuls
des procès individuels pouvaient fournir une réponse.
Ni le texte de ce rapport de 144 pages, ni ses 624
notes ne font la moindre référence aux nombreuses études
et sondages rwandais évaluant le processus gacaca, son
70
III « Contentez-vous de juger quelques génocidaires...
impact et les points de vue des Rwandais impliqués,
dont la tonalité globale est beaucoup plus positive que les
observations anecdotiques des interlocuteurs choisis de
Human Rights Watch. [72]
HRW a présenté son rapport intitulé « Justice
Compromise » lors d’une réunion à Kigali où les
commentaires étaient censés rester confidentiels.
Dans une situation, très rare de la part d’un diplomate,
d’opposition publique à HRW, l’ambassadeur néerlandais
s’est élevé pour exprimer sa déception devant le caractère
tendancieux du rapport. [73]
4. Lutte contre le transfert et l’extradition
des présumés coupables vers le Rwanda
Comment se positionne HRW vis-à-vis des résultats
internationaux en matière de poursuite des responsables
du génocide, dans un contexte où des centaines de leaders
notoires du génocide ont pu fuir le lieu du crime, et où
la plupart ont depuis 1994 trouvé en Afrique, en Europe
et en Amérique du Nord un refuge où ils ne sont pas
inquiétés ?
Les campagnes de HRW concernant le traitement
par la communauté internationale des personnes
présumées coupables de génocide résidant en dehors du
territoire rwandais ont été cohérentes avec son opinion
radicalement négative de la gouvernance et de la justice
rwandaise. Mais elles ne sont pas cohérentes avec un
engagement réel à ce que rendent des comptes à la justice
plus qu’un nombre insignifiant de présumés génocidaires.
71
La trahison de Human Rights Watch
HRW a été très actif, via la publication de son rapport
de 2008 « La loi et la réalité » et la présentation de ses
mémoires d’« amicus curiae » [74] devant le TPIR
et devant un tribunal britannique, pour soutenir les
démarches des prévenus rwandais soupçonnés de crime
de génocide évitant leur transfert ou leur extradition vers
le Rwanda par le TPIR ou par les tribunaux nationaux, au
motif qu’ils n’auraient pas bénéficié d’un procès équitable
sur le territoire rwandais. [75]
Ces efforts ont d’abord été couronnés de succès.
À la fin de 2008, le TPIR a rejeté la première requête
du Procureur du TPIR pour le transfert au Rwanda de
plusieurs suspects inculpés par le TPIR. Au début de
2009, suivant l’exemple du TPIR, la cour du RoyaumeUni a annulé l’approbation d’un tribunal de rang inférieur
d’une demande rwandaise d’extradition de quatre
personnes soupçonnées de génocide qui auraient été
impliquées dans des milliers d’assassinats dans les quatre
districts qu’elles gouvernaient. HRW a suggéré qu’elles
soient jugées au Royaume-Uni sur des accusations
moindres d’assassinat ou torture, ou de génocide si le
Royaume-Uni acceptait de modifier ses lois pour rendre
cela possible. Sans surprise, rien ne s’est passé et les
quatre inculpés continuent de profiter du statut de réfugié
au Royaume-Uni [76].
Le plaidoyer de HRW contre le transfert ou
l’extradition vers le Rwanda fut un facteur dans ces
décisions. Cependant, il est important de noter que le
TPIR a rejeté les charges plus lourdes produites sous forme
de mémoires d’amicus curiae par HRW contre le système
judiciaire rwandais – accusant par exemple, les tribunaux
72
III « Contentez-vous de juger quelques génocidaires...
rwandais de n’être pas indépendants et impartiaux et de
ne pas respecter la présomption d’ innocence, et alléguant
que les personnes transférées risquaient la torture ou des
conditions inhumaines de détention. Le TPIR a rejeté
la demande de transfert pour des raisons beaucoup plus
étroites. L’une concernait l’ambiguïté entre deux lois
rwandaises statuant sur la possibilité pour une personne
reconnue coupable de génocide d’être condamnée à la
réclusion à perpétuité avec isolement cellulaire, ce que le
TPIR considère comme un châtiment exceptionnellement
cruel. L’autre portait sur la possibilité de problèmes pour
obtenir le témoignage de témoins de la défense se méfiant
d’être arrêtés au Rwanda pour génocide, négationnisme,
ou l’idéologie du génocide, ou de perdre le statut de
réfugié en dehors du Rwanda s’ils s’y rendaient. [77]
Depuis mi-2011, le vent a tourné. En Juin 2011, en
réponse aux mesures rwandaises prises pour répondre
aux deux préoccupations exprimées par le TPIR en
2008, le TPIR a commencé à approuver les transferts
vers le Rwanda. Suite à cette « bénédiction » par
le TPIR du système judiciaire rwandais, plusieurs
tribunaux nationaux au Canada et en Europe, ainsi que
la Cour européenne des droits de l’homme ont approuvé
l’extradition de suspects de génocide au Rwanda. La
décision de 2011 du TPIR, qui a été une victoire pour
les droits humains, s’est imposée en dépit des objections
renouvelées et toujours radicales de HRW. [78]
73
La trahison de Human Rights Watch
5. Occultation du problème de l’impunité
des suspects de génocide en fuite
HRW semble considérer que la création du TPIR
en Novembre 1994 constitue une action suffisante pour
respecter l’obligation de la communauté internationale à
rendre la justice après le génocide de 1994 — même si
le TPIR a été conçu pour juger seulement un très petit
nombre d’organisateurs [le TPIR a inculpé quelque
90 personnes qui ne sont pas toutes, en fait, de « gros
poissons », et aura finalement jugé quelque 70 personnes
avant sa fermeture]. Compte tenu de la vision de Human
Rights Watch selon laquelle le TPIR doit rester le
maître d’œuvre des affaires concernant les personnes
soupçonnées de crime de génocide qu’il a inculpées, il
serait logique que HRW veille à ce que le TPIR puisse
effectivement mettre la main sur ces suspects.
Mais HRW n’a rien fait depuis 1995 pour faire pression
sur les pays récalcitrants pour qu’ils s’acquittent de leur
obligation légale de traquer et de saisir les Rwandais
suspects de génocide inculpés par le TPIR, dont dix
sont toujours en fuite [comme par exemple, le présumé
financier du génocide Félicien Kabuga, soupçonné de
se cacher au Kenya grâce aux soutiens politiques dont
il jouirait dans ce pays, et le commandant de la Garde
présidentielle Protais Mpiranya, qui bénéficierait d’une
situation similaire au Zimbabwe] [79].
HRW n’a pas non plus exercé la moindre pression sur
la France pour qu’elle donne suite à l’engagement qu’elle
a pris devant le TPIR en février 2008 de juger les deux
accusés que le TPIR a confiés à la justice française [le
74
III « Contentez-vous de juger quelques génocidaires...
père Wenceslas Munyeshyaka et l’ancien préfet de la
province de Gikongoro Laurent Bucyibaruta, inculpé
par le TPIR en 2007 et résidant en France depuis 1994,
arrêtés puis relâchés respectivement en 1995 et 2000 par
les autorités françaises – mais jamais traduits en justice,
malgré les obligations de la France envers le TPIR et
la condamnation de l’État français pour la lenteur de sa
procédure par la Cour européenne des droits de l’homme.
[80] HRW ne s’est pas non plus dérangé pour applaudir
les occasions où des pays ont procédé à des arrestations
pour le TPIR.
En attendant, les prévenus inculpés par le TPIR ne
sont qu’une infime partie du nombre total de suspects
du génocide rwandais qui restent en dehors du Rwanda.
Parmi ce nombre total figurent des personnalités notoires
qui sont accusées d’avoir joué des rôles importants dans
le génocide, dont les adresses sont connues des autorités,
notamment en France, en Belgique et aux Pays-Bas, et dont
beaucoup font l’objet d’un mandat d’arrêt international
émis par Interpol. [81] HRW a clairement fait savoir qu’il
ne voulait pas que ces suspects soient extradés vers le
Rwanda. Mais HRW veut-il en contre-partie que leur
pays d’accueil respecte leurs obligations en vertu de la
Convention sur le génocide de 1948 d’arrêter et juger ces
suspects eux-mêmes ? HRW a applaudi et a contribué au
jugement et à la condamnation de quatre fugitifs rwandais
en Belgique en 2001. Mais, depuis lors, HRW n’a ni
appuyé les poursuites devant les tribunaux nationaux,
ni applaudi les rares cas où une telle poursuite a eu lieu.
En dépit de ses ressources relativement somptueuses,
HRW ne s’est pas non plus joint à d’autres organisations
75
La trahison de Human Rights Watch
moins importantes engagées dans le suivi et l’alerte aux
autorités nationales de la présence de nombreux suspects
de génocide vivant dans sa propre arrière-cour aux ÉtatsUnis, ou dans les pays dans lesquels HRW a des bureaux .
6. Oubliez les complices étrangers :
la France et l’Église catholique
À propos des responsabilités étrangères dans
l’accomplissement du génocide de 1994, HRW déclarait
ceci en 1999 :
« ... Les dirigeants étrangers dont l’inaction a
contribué à l’ampleur et la durée de la catastrophe
feront probablement seulement face au jugement de
l’histoire et de l’opinion publique. [...] À l’exception
des plaintes contre les ex-ministres Delcroix et Claes
en Belgique, aucun effort n’a été fait pour tenir les
décideurs personnellement et légalement responsable
d’avoir refusé de mettre fin à l’extermination. Les
chercheurs doivent continuer à essayer d’aller au-delà
des confessions générales, relativement indolores des
dirigeants politiques pour analyser les décisions prises
par les individus, de sorte que ces personnes puissent
au moins être contraintes de reconnaître publiquement
leur responsabilité, si ce n’est devant une cour de
justice. C’est seulement de cette façon que nous
pouvons espérer influencer les décideurs à l’avenir de
ne plus jamais abandonner un peuple à l’hécatombe
génocidaire. » [82]
Cette déclaration de 1999 et le comportement ultérieur
de HRW méritent plusieurs commentaires :
76
III « Contentez-vous de juger quelques génocidaires...
Tout d’abord, HRW a très facilement jeté l’éponge
sur la question de la responsabilité juridique relative aux
manquement au devoir de protection des victimes du
génocide de la part des officiels étrangers alors au pouvoir
[83].
Deuxièmement, HRW a omis de mentionner et ce
faisant a dédouané les responsables étrangers, notamment
en France, sur lesquels pèsent des soupçons beaucoup
plus graves de complicité active dans le génocide.
Troisièmement, HRW a omis de mentionner qu’un
nombre conséquent de chercheurs français travaille
activement depuis 1994 pour établir et dénoncer la
complicité des responsables français dans le génocide,
c’est-à-dire pour parvenir exactement à ce que HRW
nomme « le seul moyen » de faire des progrès sur
l’obligation de ne pas abandonner les victimes de
génocide. Ce groupe de chercheurs français qui s’est
étoffé au cours des vingts dernières années est toujours à
l’œuvre aujourd’hui. [84] HRW n’a jamais mentionné, et
encore moins pris part et soutenu, leur campagne.
Quatrièmement, en 2007 et 2011, deux commissions
d’enquête rwandaise ad hoc ont produit deux
volumineux rapports largement documentés, le premier
sur « l’implication de l’État français dans la préparation et
l’exécution du génocide perpétré au Rwanda en 1994 »,
et le deuxième sur « les causes, les circonstances et les
responsabilités de l’attentat du 06/04/1994 » contre
l’avion du Président Habyarimana. [85] La lecture
de ces rapports est essentielle pour comprendre les
responsabilités et les exigences de la justice afférentes
au génocide. HRW n’a jamais reconnu ni le contenu ni
77
La trahison de Human Rights Watch
les implications de ces rapports comme, par exemple, la
nécessité de poursuivre les enquêtes et d’entamer des
poursuites judiciaires contre les personnalités françaises
et rwandaises impliquées.
Établir et faire reconnaître le rôle joué par les
responsables politiques et militaires français aux
côtés des génocidaires en 1994 constitue un des plus
importants défis moraux et politiques pour le principe de
la responsabilité dans l’histoire française du XXe siècle.
Ces responsables sont accusés d’avoir prêté assistance
à la préparation du génocide, d’avoir couvert et peut-être
aidé les activateurs du déclenchement de son étape initiale,
[l’attentat contre l’avion du Président Habyarimana],
d’avoir prêté main forte aux génocidaires y compris
en participant directement à une partie des massacres,
d’avoir armé les forces génocidaires avant, pendant et
après le génocide, d’avoir soutenu les organisateurs
de l’extermination en participant à la formation du
« gouvernement intérimaire » au début du génocide,
d’avoir donné aux auteurs une légitimité politique durant
le génocide, d’avoir assisté les criminels dans leur fuite
et leur regroupement dans l’Est du Congo, d’avoir aidé
la campagne de propagande du mouvement Hutu-Power
après le génocide, et avoir accordé l’asile à de nombreux
fugitifs notoires du génocide.
La teneur de ces accusations représente une énorme
atteinte aux droits humains au Rwanda. Depuis 1995,
HRW n’a exercé aucune pression sur les autorités
françaises pour que soit abordées ces questions de
complicité, que ce soit sur le plan politique ou judiciaire.
Le travail de nombreux chercheurs étrangers et
78
III « Contentez-vous de juger quelques génocidaires...
rwandais [86] montre également que le génocide de 1994
soulève de graves questions quant aux responsabilités
du Vatican et plus généralement de l’Église catholique,
y compris via la participation de membres du clergé
catholique à des actes de génocide, la mise en place de
filières d’évacuation et de refuges sûrs pour des suspects
de génocide en fuite, et le soutien de la campagne de
propagande du mouvement Hutu Power. HRW n’a jamais
exercé aucune pression sur le Vatican ou sur d’autres
institutions de l’église catholique pour faire face à leurs
responsabilités vis-à-vis du Rwanda .
79
IV
« Admettez que vous ne valez
pas mieux qu’eux »
1. Accusations en miroir
et équivalences morales
« Les accusations en miroir » – c’est-à-dire les actes
qui consistent à accuser son adversaire des crimes qu’on
s’apprête à commettre, qu’on commet ou qu’on a déjà
commis – ont été au cœur de la stratégie de la propagande
Hutu Power dans la préparation, la mise en œuvre, et
les phases de déni du génocide de 1994. HRW qui avait
reconnu ce phénomène quand il analysait la propagande
Hutu Power pendant le génocide dans Aucun témoin ne
doit survivre publié en 1999 [87], semble l’avoir oublié
par la suite.
En tant qu’observatoire et organisation de défense des
droits de l’homme, HRW a pour vocation d’identifier et
de faire sanctionner les violations du droit international
humanitaire par toutes les parties en conflit. Il s’agit
81
La trahison de Human Rights Watch
évidemment d’une mission légitime et nécessaire du point
de vue des droits humains.
Mais vouloir traiter de manière impartiale les violations
de toutes les parties – et aucune des parties en conflit n’en
est exempte quel que soit le contexte – comporte aussi
des risques d’analyse, notamment ceux de ne pas voir la
forêt cachée par les arbres au premier plan, d’occulter les
ressorts d’un conflit, d’établir une équivalence morale
là où elle n’existe pas, ou de projeter, comme Deborah
Lipstadt le dit, une « équivalence immorale » [l’exemple
le plus couramment cité étant la tentative des extrémistes
de droite allemands pour assimiler le bombardement de
Dresde par les alliés et l’extermination nazie des juifs à
Auschwitz]. [88] Le lien entre un constat de « violations
commises des deux côtés », la déduction : « les deux
parties sont mauvaises », et l’opportunisme politique
des spectateurs, peut être encore plus caricatural. Je
me souviens très bien comment, au printemps 1993, le
secrétaire d’État Warren Christopher, à la veille de son
témoignage au Congrès où il voulait résister à la pression
de reconnaître qu’un génocide était en cours contre
les Musulmans de Bosnie, a pressé son personnel pour
obtenir des témoignages sur les crimes de guerre commis
par les victimes [89].
Le défi d’éviter d’attribuer abusivement une
équivalence morale est particulièrement difficile lorsque
l’on pose comme principe, à l’instar de HRW, que toutes
les victimes ont le même statut :
« Les États ont le devoir de reconnaître le génocide
et les crimes de masse similaires, mais ne devraient pas
reconnaître les crimes de masse de manière sélective,
82
IV « Admettez que vous ne valez pas mieux qu’eux »
en privilégiant certaines victimes et en en ignorant
d’autres... » [90]
Appliquée rétroactivement, la position de HRW
signifierait que non seulement les responsables allemands
et japonais, mais aussi Truman, Churchill et une foule
de responsables alliés auraient été jugés pour crimes de
guerre après la Seconde Guerre mondiale. Ils auraient
dû répondre à une série de charges, comprenant
l’incrimination de massacre aveugle de centaines de
milliers de civils dans les campagnes de « bombardements
pour susciter la terreur », d’utilisation inutile des armes
nucléaires, de détention et d’utilisation de prisonniers
de guerre pour le travail forcé longtemps après la fin
de la guerre, ou de complicité de déportation brutale
et souvent mortelle de millions de civils allemands de
toute l’Europe de l’Est vers l’Allemagne après la guerre.
Il se peut qu’il y aurait quelque chose de valable dans
ce scénario hypothétique, si seulement il avait existé
quelque pouvoir supérieur en ce bas monde pour tenir
ces procès – mais cela n’aurait sans doute aucunement
aidé à obtenir que l’Allemagne et le Japon reconnaissent
leurs responsabilités dans la Seconde Guerre Mondiale.
En tout cas, dans le monde tel qu’il est, la vision de
l’Olympe de HRW est un scénario qui ne s’applique
pas aux grandes puissances occidentales, mais seulement
aux acteurs des pays les plus faibles, ce qui soulève une
autre série de questions sur l’existence de principes à
géométrie variable.
On peut se demander si une approche « équilibrée »
peut vraiment être politiquement neutre ; il est certain
que cela doit être très soigneusement réfléchi dans une
83
La trahison de Human Rights Watch
situation où la partie génocidaire tente d’accuser son
adversaire de ses propres crimes.
Dans le cas concret du Rwanda, les risques en matière
d’analyse de l’approche « équilibrée » semblent avoir
dévoyé les rapports et campagne d’information de HRW
dès le début, au moment où cette organisation s’était
associée à d’autres groupes de défense des droits de
l’homme pour former la « Commission Internationale
d’enquête sur Les Violations des Droits De l’Homme
au Rwanda depuis le 1er Octobre 1990 », qui a mené
des investigation au Rwanda en Janvier 1993 et publié
un rapport de 102 pages au mois Mars suivant. Pour
plusieurs membres de cette commission, il était évident
que le Rwanda était alors à un stade précoce de génocide.
HRW a rejeté cette évaluation prémonitoire, œuvré pour
écarter le mot « génocide » du rapport rendu public en
Mars, et protesté en coulisse [via un appel téléphonique
de Kenneth Roth à William Schabas] lorsque les autres
participants publièrent un communiqué de presse
mentionnant le mot « génocide ». [91]
Depuis le génocide de 1994, HRW s’est empressé,
plus qu’il n’a fait preuve d’une prudence appropriée,
de reprendre des allégations non fondées ou faiblement
documentées qui renforcent les points clés de la stratégie
Hutu-Power « d’accusations en miroir », alléguant par
exemple, que le FPR est co-responsable du génocide
contre les Tutsi, et que le massacre systématique ou même
le projet de génocide des Hutu était la finalité politique
du FPR.
84
IV « Admettez que vous ne valez pas mieux qu’eux »
2. Diabolisation du FPR par petites touches
HRW procède dans ce sens en composant par petites
touches de pinceau successives un portrait accablant du
FPR, comme le montreront les exemples ci-dessous.
HRW ne va pas aussi loin que les propagandistes
du Hutu-Power et quelques autres virulents critiques
du FPR qui condamnent le retour des exilés rwandais
par les armes au Rwanda en 1990 sous l’égide du FPR
comme illégitime ou même criminel. HRW a cependant
insinué que ce retour était illégitime, en le qualifiant
d’« invasion » et en déclarant qu’il était « soi-disant »
motivé par la volonté gagner le droit au retour des réfugiés
tutsi rwandais. [92]
HRW n’a pas non plus été aussi loin que les
propagandistes du Hutu-Power qui condamnent les
accords d’Arusha en 1993 [dont le coup d’État opéré
par la fraction Hutu Power en avril 1994 ainsi que le
génocide qui a suivi visaient à empêcher l’application,
puisque ces accords auraient jeté les bases d’une société
démocratique et civique plutôt qu’une société fondée
sur une une politique raciale]. Cependant, HRW s’est
abstenu en 1993-1994 de louer ces accords ou d’appuyer
leur mise en œuvre ; dans son rapport de 1999 Aucun
témoin ne doit survivre, HRW n’avait rien à dire sur le fait
que ces accords reflétaient les aspirations démocratiques
et pacifiques de nombreux Rwandais, et non seulement
les objectifs politiques du FPR. [93]
Dans le même temps, HRW a tenu le FPR pour coresponsable de l’échec des Accords d’Arusha, sans
apporter la moindre justification de cette allégation.
85
La trahison de Human Rights Watch
HRW a également jugé qu’en 1994 les seuls « bons »
Rwandais étaient ceux qui étaient sans armes, sans
expliquer pourquoi il amalgamait comme « méchants » les
auteurs du génocide et le FPR. [94]
HRW a également jugé, apparemment sur le seul
fondement de sa propre « expertise » militaire, que la
stratégie du FPR en avril-juillet 1994 visait uniquement
à parvenir à une victoire militaire plutôt que de sauver la
vie des Tutsi rwandais. [95] Ce faisant, HRW relaie la
rhétorique Hutu-Power qui allègue que Kagame a sacrifié
les Tutsi dans le but de conquérir le pouvoir.
Parfois, les coups de pinceau de HRW sont plus larges.
3. Soutien au rapport Gersony,
et pressions sur le TPIR pour juger
les dirigeants du FPR
En septembre 1994, Robert Gersony, consultant
américain pour le Haut Commissariat des Nations Unies
pour les réfugiés [HCR] a présenté à Kigali devant des
représentants du HCR, de l’ONU, de pays occidentaux
et les nouvelles autorités rwandaises, sous forme
d’exposé oral de notes préparatoires d’un rapport, sa
thèse selon laquelle les forces du FPR avaient commis des
massacres systématiques de 25.000 à 45.000 Rwandais
hutu au cours des derniers mois. Il fondait cette thèse
sur ses entrevues pendant une tournée de cinq semaines
au Rwanda, dans les camps de réfugiés établis dans l’est
du Congo et en Tanzanie. L’affirmation de Gersony fut
rejetée par les autorités rwandaises, qui ont accepté de
86
IV « Admettez que vous ne valez pas mieux qu’eux »
coopérer à une enquête de vérification ; elle fut accueillie
avec un fort scepticisme par les représentants de l’ONU et
des pays occidentaux, qui soupçonnèrent Gersony d’avoir
été dupé lors de ses entretiens guidés par les dirigeants du
Hutu Power local. En lieu et place d’un approfondissement
complémentaire permettant de valider ou invalider
définitivement l’affirmation de Gersony, il s’ensuivit une
nouvelle enquête partielle menée sous l’égide de l’ONU
et des responsables occidentaux, et avec la coopération
des autorités rwandaises, qui ne trouva aucune preuve
permettant de corroborer les allégations de Gersony.
Toutefois, une fuite dans la presse occidentale médiatisa
l’allégation initiale de Gersony, et le HCR décida d’agir
comme si elle était valide en suspendant temporairement
les rapatriements en provenance des camps — mais aussi
en annulant la finalisation du rapport Gersony. Ainsi
naquit une « légende urbaine ». [96]
Dans son rapport de 1999 Aucun témoin ne doit
survivre, HRW déclare : « Bien que nos recherches
signale [« indicates » dans le texte original] qu’il y ait
eu des meurtres considérables de civils par les forces du
FPR pendant cette période, y compris des massacres et
des exécutions, nous avons trop peu de données pour
confirmer ou réviser les estimations [de Gersony] » [97].
[Notez l’utilisation du mot vague « signale »]
Au cours des années suivantes, HRW a transformé
les estimations contestées de Gersony en quelque chose
doté de beaucoup plus d’autorité, tel que : « Le Haut
Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés a
estimé que le nombre de victimes se situe entre 25.000 et
45.000 d’Avril à Août 1994 ». [98]
87
La trahison de Human Rights Watch
Dans plusieurs rapports, HRW a cherché à étayer la
thèse de Gersony en citant l’accusation portée en Juin
1998 par un émigré rwandais à Nairobi nommé Seth
Sendashonga selon laquelle le FPR aurait tué quelque
60.000 personnes entre Avril 1994 et Août 1995.
HRW présentait Sendashonga comme un ex-membre
du FPR ayant exercé comme ministre de l’Intérieur
dans le gouvernement rwandais mis en place après le
génocide en 1994-95, soit comme une source interne
crédible. Mais HRW omet de mentionner les facteurs
qui mine la crédibilité de Sendashonga, par exemple,
le fait qu’il avait contesté les allégations de Gersony en
Septembre-Octobre 1994, qu’il existait des allégations
selon lesquelles un facteur qui aurait précipité la rupture
entre Sendashonga et le FPR et la décision du premier
à s’envoler à destination de Nairobi aurait été l’échec
de sa tentative de protéger son frère de l’arrestation
sur accusation de génocide, et le fait que Sendashonga
préparait, en 1998, une déstabilisation armée du
gouvernement rwandais. [99]
Jamais, dans son utilisation du « rapport Gersony »,
HRW n’a fait mention de l’intensité avec laquelle
les observateurs avertis étrangers ont contesté ses
conclusions, à l’époque au Rwanda. HRW n’a pas non plus
mentionné la nature controversée de travaux antérieurs
de Gersony sur des questions similaires au Mozambique,
que d’autres chercheurs étrangers ont critiqué comme
« manquant de méthode critique » et « apparemment
partiaux et politiquement orientés. » [100]
À partir de 2002, se fondant sur la thèse de Gersony
et sur les propres recherches qu’elle revendique, HRW
88
IV « Admettez que vous ne valez pas mieux qu’eux »
a pressé plusieurs fois le TPIR pour qu’il juge les crimes
de guerre et crimes contre l’humanité présumés des forces
du FPR au Rwanda en 1994. La conviction de longue
date de HRW est que ces crimes étaient connus et du
moins tolérés à un niveau très élevé du FPR, c’est-à-dire,
que des personnalités de haut rang y étaient impliquées, y
compris Paul Kagame [101]
Le procureur du TPIR, qui est responsable devant le
Conseil de sécurité des Nations unies, a toutefois choisi
de ne pas poursuivre ces crimes ; il a, au contraire, choisi
de transférer certaines affaires liées aux crimes présumés
du FPR à la juridiction rwandaise. Malgré toutes ses
tentatives de pression sur le TPIR aux fins de poursuivre
le FPR, il n’existe aucune preuve que HRW [ou qui que ce
soit d’autre] ait pu présenter devant le TPIR des éléments
de preuves concrets, probants et utilisables concernant
des crimes du FPR qui justifieraient des poursuites du
TPIR. [102]
4. Soutien aux actes d’accusation
frauduleux des juges Bruguière et Merelles
En 2008, HRW a exprimé son approbation de deux
actes d’accusation étrangers à l’encontre du Président
rwandais Paul Kagame et de plusieurs de ses proches
pour des crimes extrêmement graves. Le premier, émis
en novembre 2006 [après plusieurs années de fuites
préliminaires dans les médias] par le juge français JeanLouis Bruguière, accusait Paul Kagame et neuf officiers
supérieurs de l’APR d’avoir abattu l’avion du président
Habyarimana le 6 Avril 1994 et d’avoir ainsi « provoqué »
89
La trahison de Human Rights Watch
le génocide. Le second, publié en février 2008 par le
juge espagnol Andreu Fernando Merelles, accusait Paul
Kagame et 40 officiers supérieurs de l’APR d’être les
instigateurs d’un large éventail d’infractions, allant du
meurtre de certains missionnaires espagnols au génocide
contre les Hutu. [103]
HRW a déclaré que « Certaines parties des arrêtés
français et espagnols semblent s’appuyer sur des enquêtes
sérieuses et être bien fondées. D’autres parties ne sont pas
complètement étayées par les informations présentées.
Certaines informations contenues dans l’arrêté espagnol,
comme par exemple les chiffres d’environ 40 000 civils
tués par des soldats de l’APR en février 1993, semblent
inexactes. Les juges dans les deux affaires poursuivent
leurs enquêtes et doivent évaluer d’autres informations de
la façon la plus critique et systématique possible. » [104 ]
HRW a renforcé cette approbation en appelant
les gouvernements à travers le monde à montrer leur
attachement à la primauté du droit et à respecter leurs
obligations en vertu du système de mandat d’arrêt
européen Interpol en procédant aux arrestations selon les
mandats d’arrêt mentionnés dans deux actes d’accusation.
[Chose que HRW n’a jamais fait concernant les mandats
d’arrêts d’Interpol sur la base des actes d’accusation
rwandais.]
Au lieu de louer les actes d’accusation Bruguière et
Merelles comme « s’appuyant sur des enquêtes sérieuses »,
il aurait été beaucoup moins fantaisiste de la part de
HRW, de les condamner comme des fraudes judiciaires
flagrantes et incompétentes pour lesquelles les deux juges
devraient être tenus responsables. L’acte d’accusation
90
IV « Admettez que vous ne valez pas mieux qu’eux »
Merelles, qui est une compilation « copier-coller » de
documents de propagande Hutu-Power de l’époque
du régime d’Habyarimana, et de la même mouvance en
émigration dans la période post-génocide, complétée
par des témoignages de rumeur et ouï-dire follement
invraisemblables, reste toujours exécutoire à ce jour mais
est largement ignorée par la communauté internationale.
L’ordonnance Bruguière est basée sur les allégations
de condamnés pour génocide par le TPIR et sur des
allégations, par la suite désavouées ou discréditées, de
la part d’une série de témoins, dont le plus important,
Abdul Joshua Ruzibiza, s’est avéré être un menteur en
série. L’acte d’accusation Bruguière a subi un processus
d’effondrement progressif depuis son émission ; le coup
de grâce lui a été porté début 2012 lorsque le successeur
de Jean-Louis Bruguière, Marc Trévidic et le juge
Nathalie Poux, ont rendu public un rapport d’expertise
légale [que Bruguière n’avait jamais ordonné] déterminant
de façon concluante que les missiles qui ont abattu l’avion
de Habyarimana ont été tirés à partir d’une zone sous le
contrôle complet de la propre garde présidentielle de
Juvénal Habyarimana. [105]
Ceci revient, de la part des juges Trévidic et Poux,
à formellement annuler l’acte d’accusation Bruguière
[ses mandats d’arrêt avaient été annulés avant même la
publication du rapport d’expertise] – et peut-être même
à présenter des excuses au gouvernement rwandais pour
le coup de pouce que le rapport Bruguière a apporté à la
propagande Hutu-Power, et pour l’atteinte à la réputation
du Rwanda qu’il a engendré depuis plus d’une décennie,
ainsi qu’à délivrer de nouveaux actes d’accusation contre
91
La trahison de Human Rights Watch
les suspects qui pourraient être identifiés dans l’attentat
contre l’avion [certains chercheurs français spéculent que
des militaires au sein de l’armée de Habyarimana auraient
pu être aidés par des agents officiels ou officieux français]
et contre les fonctionnaires et chercheurs français et qui
ont contribué de concert à établir l’acte d’accusation
Bruguière.
La fausseté des actes d’accusation Bruguière et
Merelles était sans doute assez évidente dès le départ pour
tous ceux qui les lisaient avec un esprit ouvert et avaient
un minimum d’expertise sur le Rwanda dans les années
1990. L’acte d’accusation Bruguière, qui relayait les
accusations portées depuis 1994 par les chefs militaires
du génocide, a été le plus gros coup de la propagande
Hutu-Power depuis le génocide. HRW n’a pas encore
commenté son effondrement, et encore moins loué les
militants français des droits humains qui font pression
sur les autorités françaises pour que la vérité soit faite sur
cette question.
5. Promotion du rapport Mapping
des Nations Unies
Après le « rapport Gersony » et les actes d’accusation
Bruguière et Merelles, le document non-rwandais le plus
récent suggérant une équivalence morale entre les auteurs
du génocide des Tutsi de 1994 et le FPR est le « Rapport
du Projet Mapping des Nations-unies, daté d’août 2010.
[106] Préparé par une équipe de chercheurs anonymes,
[107] le Rapport Mapping vise à documenter 617 cas de
crimes de masse par divers groupes armés en RDC au
92
IV « Admettez que vous ne valez pas mieux qu’eux »
cours de la période 1993-2003, sur la base de deux sources
par incident, dont l’une est une source écrite émanant
d’une entité locale ou étrangère, et l’autre une source orale
locale. Le rapport ne précise pas si les sources locales
indiquent être des témoins directs ou par ouï-dire de
l’incident en question. Les sources écrites sont identifiées
par le nom de l’entité responsable, et les sources orales
sont anonymes. Les notes du rapport montrent que des
ONG comme Human Rights Watch et Amnesty et une
kyrielle d’ONG catholiques et de groupes missionnaires
[dont plusieurs sont notoirement favorables à la cause du
Hutu Power] sont particulièrement bien représentées
parmi les sources écrites. Le rapport ne précise pas les
critères utilisés pour établir l’indépendance réciproque
des deux sources pour chaque incident ou la crédibilité
des deux. Sur la base de ces sources, le rapport constate
– parmi beaucoup d’autres choses, mais ce constat a
bien sûr monopolisé les médias – que des « dizaines
de milliers » de personnes ont été délibérément tuées
entre 1996 et 2003 par l’armée rwandaise et ses alliés
rebelles congolais [l’AFDL], que le rapport accuse
d’être responsables de crimes de guerre, de crimes contre
l’humanité, et peut-être même de génocide contre « une
partie » de la population Hutu en RDC. [Les auteurs se
devaient de préciser « une partie » parce que les autorités
rwandaises en 1996 avaient rapatrié et réinséré dans la
société rwandaise la grande majorité de la population
rwandaise hutu des « camps de réfugiés » de l’est du
Congo.]
Du fait que le Rapport du Projet Mapping donne si
peu d’informations sur ses auteurs et ses sources, et qu’il
93
La trahison de Human Rights Watch
se fonde sur des critères de preuves si faibles, accepter sa
vision de ce qui s’est passé en RDC de 1993-2003 ressort
d’un acte de foi plutôt que d’un jugement rationnel fondé
sur des informations concrètes et transparentes. [108]
La thèse du Rapport Mapping selon laquelle les forces
rwandaises et ses alliés congolais ont peut-être commis
un génocide, c’est-à dire tenté de détruire « en partie »
les Hutu congolais et rwandais qu’ils rencontraient,
[109] est beaucoup trop grave pour être validée par un
rapport construit avec une si faible exigence de preuves
et une argumentation si ténue. La manière dont le rapport
a été divulgué aux médias français sous forme de projet
suggère [même pour les analystes qui respectent le
travail de ses auteurs] que les auteurs ont voulu rendre
politiquement difficile à leurs supérieurs de l’ONU de
supprimer la référence à un éventuel génocide dans le
rapport final. [110] En l’occurrence, cette référence a été
considérablement édulcorée dans le rapport final, mais
elle est restée.
HRW, qui savait déjà en 2009 que le Rapport du
Projet Mapping évoquerait « le génocide », [111] s’est
saisi de ce rapport et l’a promu au rang de document
d’une importance vitale induisant un impératif pour
l’action judiciaire. [112] [Notez que la responsabilité
qui, pour HRW, avait perdu son caractère essentiel en ce
qui concerne le génocide reconnu des Tutsi du Rwanda,
se retrouve ici promue au rang d’« importance vitale »
à propos d’une allégation douteuse de génocide en
République démocratique du Congo].
HRW appelle en octobre 2010 à la création d’un
tribunal « hybride » en RDC impliquant la justice
94
IV « Admettez que vous ne valez pas mieux qu’eux »
congolaise et internationale pour engager des procédures
de justice à l’encontre de suspects non précisés, congolais
ou étrangers, avec la participation de juges et procureurs
étrangers siégeant aux côtés d’un personnel judiciaire
congolais, comme garanti contre toute « ingérence
politique ». [113] Les avancées sur ce front ont été bien
faibles depuis cette proposition, et il sont peu susceptibles
de progrès ultérieurs.
Cependant, qu’un organe de l’ONU ait publié un long
rapport suggérant [le fait que c’est de manière ténue est
ici politiquement non-pertinent] que le gouvernement
rwandais après le génocide pourrait avoir commis un
génocide contre les Hutu a remplacé l’acte d’accusation
Bruguière comme thème de propagande de premier ordre
pour les groupes Hutu-Power émigrés comme le FDU/
RDR, qui le promeuvent comme « démonstration » de
la validité de leur accusation de longue date de « double
génocide ».
6. Tenir Kagame responsable de tout
nouveau génocide contre les Tutsi rwandais
Une autre occasion où HRW s’est fait la chambre
d’écho irresponsable aux « accusations en miroir » – cette
fois-ci prospective – des auteurs du génocide de 1994
mérite attention.
Dans sa déclaration d’avril 2009 intitulée « La
puissance de l’horreur au Rwanda », le Directeur Exécutif
de HRW Kenneth Roth maintient que le président
rwandais Paul Kagame exploite le génocide de 1994
95
La trahison de Human Rights Watch
comme couverture pour masquer la répression menée par
les tribunaux gacaca et la criminalisation de l’idéologie
du génocide. Roth conclut sa déclaration comme suit :
« Toutefois la stratégie de Kagame manque de
prévoyance et elle est dangereuse. Il prétend bâtir
une société dans laquelle les citoyens sont seulement
des Rwandais, et non des Tutsi ou des Hutu, mais sa
répression de la société civile signifie que les chemins
permettant de forger des liens alternatifs entre les gens
sont limités. Cela augmente la probabilité que dans
des moments de tension les Rwandais en reviennent
à leur identité ethnique, comme cela arrive si souvent
dans les sociétés répressives. Le défi pour les dirigeants
mondiaux, quinze ans après le génocide du Rwanda, est
de surmonter le sentiment de culpabilité et de regarder
au-delà de la paix imposée pour convaincre Kagame et
son gouvernement de bâtir les fondations d’une stabilité
plus organique et durable. Le meilleur moyen d’empêcher
un nouveau génocide est d’insister pour que Kagame
cesse de manipuler le précédent.. »
Plusieurs aspects remarquables de la pensée de
Kenneth Roth se dévoilent ici. Le premier est l’amalgame
fait entre ceux qu’il présume être les cibles des tribunaux
gacaca et des lois contre l’idéologie génocidaire et la
notion plus large de « société civile ». Un deuxième est le
raisonnement selon lequel débattre avec les négationnistes
du génocide peut être une occasion de « forger des liens ».
Un troisième est l’idée que les gens spontanément « en
reviennent à leur identité ethnique » dans les moments
de tension, comme si l’idéologie extrémiste fondée sur la
polarisation ethnique et le leadership politique n’étaient
96
IV « Admettez que vous ne valez pas mieux qu’eux »
pas essentiels dans ce processus. Mais le plus remarquable
de tous est la dernière phrase, où Roth semble bien
vouloir dire, d’une manière détournée mais claire, que
si un nouveau génocide contre les Tutsi du Rwanda
survenait, ce serait la faute de Kagame.
Tenir la victime potentielle d’un futur génocide pour
responsable de son sort n’est pas inédit dans les annales
de l’idéologie génocidaire, mais c’est indubitablement
une nouveauté radicale pour la pensée humanitaire
internationale.
97
La trahison de Human Rights Watch
98
Conclusion
Je pensais du bien de Human Rights Watch à l’époque
où cette organisation s’appelait Helsinki Watch et
axait son action sur l’Europe de l’Est ; j’étais alors au
service diplomatique américain qui faisait de même. J’en
pensais encore du bien, la première fois que j’ai lu Aucun
témoin ne doit survivre avant d’arriver au Rwanda en
2008. Mais plus j’en apprenais sur le Rwanda, moins
je faisais confiance à HRW. Ce qui m’a ouvert les yeux
de façon définitive a été la campagne de HRW en
faveur de la participation du parti FDU/RDR aux
élections rwandaises de 2010. Quelque chose qui tourne
sérieusement mal dans une institution qui voudrait qu’un
parti politique fondé par les dirigeants d’un génocide soit
autorisé à retourner sur les lieux du crime. C’est d’autant
plus dangereux quand cette institution a le pouvoir
d’influencer la politique occidentale. J’ai donc examiné
de plus près le discours de HRW sur le Rwanda dans son
ensemble. J’ai conclu que la synthèse qui résume le mieux
ce discours est celle qui est constituée par les consignes
qui structurent cet essai : « laissez les parties génocidaires
revenir », « n’interdisez pas leur idéologie », « ne jugez
que quelques responsables », et « admettez que vous
ne valez pas mieux qu’eux ». J’espère que ma synthèse
ouvrira d’autres yeux .
99
La trahison de Human Rights Watch
Les lecteurs qui penseront « Mais ce n’est pas
possible ! » pourraient vouloir examiner d’autres preuves
actuelles démontrant que HRW et des groupes similaires
peuvent se comporter de manière bien étrange [112]
ainsi que le bilan historique passablement accablant des
intellectuels occidentaux au sujet de l’Afrique. [113].
D’autres lecteurs pourraient bien se demander « Mais
que dire des vrais péchés du régime de Kagame ! » Le
gouvernement rwandais post-génocide a certes commis
de graves violations des droits humains, à la fois sur son
territoire et en RDC, et il est regrettable qu’il n’ait pas
fourni d’informations plus détaillées sur le comportement
de ses forces armées au Rwanda au lendemain du
génocide et plus tard en RDC, et sur ses propres efforts
pour juger les responsables de telles violations. Toutefois,
les données concernant ces violations sont polluées par la
masse énorme de désinformation et de propagande hostile
– dans laquelle HRW a joué un rôle de premier plan – de
sorte que l’ampleur de ces violations et leurs motivations
sont très difficiles à mesurer. Reconnaître que HRW a
perdu ses repères éthiques et analytiques sur le Rwanda
n’implique pas de considérer comme irréprochable le
gouvernement rwandais post-génocide. Il s’agit plutôt
d’une étape incontournable pour évaluer le vrai degré de
responsabilité qui peut être attribué à ce gouvernement.
Enfin, la plupart des lecteurs sont certainement
en quête d’une explication plausible pour expliquer
pourquoi l’organisation de défense des droits humains
la plus prestigieuse et la plus influente en Occident a
pensé et agi ainsi avec le Rwanda. Un certain nombre
d’hypothèses viennent à l’esprit. Cependant, je n’ai pas
100
Conclusion
eu l’occasion de m’entretenir avec les responsables de
la politique de HRW sur leurs motivations, et j’ai donc
choisi de ne pas spéculer à ce stade. J’ai, cependant, posé
ce qui devrait être expliqué, sur la base du dossier du
discours public de HRW au cours des vingt dernières
années. Peut-être que HRW répondra à cet essai d’une
manière qui nous aidera à comprendre. En tout cas, s’il est
urgent de comprendre les motivations et les processus qui
ont conduit au comportement de HRW sur le Rwanda, il
est encore plus urgent d’y mettre un terme.
Le mensonge et la partialité politique des campagnes
de HRW contre le gouvernement rwandais après
le génocide sape la crédibilité globale de la défense
occidentale des droits humains. Ils provoquent d’énormes
dégâts en matière de dialogue entre l’Occident et le
Rwanda sur la gouvernance démocratique, l’unité et la
réconciliation nationale, la paix et la sécurité régionale.
Ils font également de HRW l’allié de facto d’une petite
frange de réactionnaires rwandais qui veulent restaurer
la gouvernance raciste qui fut à l’œuvre de 1962 à 1994,
et peut être bien les mêmes politiques génocidaires que
cette gouvernance a déjà produite en 1994.
Comment une telle trahison peut-elle être contenue,
corrigée, et empêchée pour l’avenir ?
Certaines solutions semblent peu probables, dans
le monde tel qu’il est, mais on peut toujours espérer.
HRW ne pourrait-il pas être tenu de répondre devant
une cour de justice pour sa campagne de soutien à un
parti, créé par les leaders du génocide de 1994 et lié aux
terroristes FDLR, pour qu’il réintègre la vie politique
rwandaise ? Les principaux bailleurs de fonds de HRW
101
La trahison de Human Rights Watch
ne pourraient-il pas décider de suspendre leur soutien
financier ? Le président de HRW James Hoge ne pourraitil pas demander au conseil d’administration qu’il dirige,
d’enquêter et de prendre les mesures qui s’imposent ? Ou
alors, le directeur exécutif Kenneth Roth ne pourrait-il
pas tirer les conséquences de ses actes, ou à tout le moins,
reconnaître publiquement ses responsabilités dans une
campagne sans scrupules qui porte gravement atteinte au
Rwanda ainsi qu’à la crédibilité et à l’héritage de HRW ?
D’autres solutions sont certainement réalistes. Les
décideurs occidentaux pourraient avoir le courage
de s’opposer à HRW quand il se doit, et devraient
certainement contester la position de HRW sur le
Rwanda. Les médias occidentaux pourraient renoncer à
la facilité de relayer sans critiques les rapports de HRW,
et mener des enquêtes sur les errements du comportement
de HRW comme ils le font sur d’autres institutions
puissantes. Les organisations et les groupes engagés
dans la transmission de la mémoire et la prévention des
génocides devraient examiner de près la façon dont
l’organisation phare des groupes de défense des droits
de l’homme occidentaux gère « l’affaire rwandaise ».
Les collaborateurs passés ou présents de HRW qui sont
troublés par sa malhonnêteté sur le Rwanda – et il est
difficile d’imaginer que ces personnes n’existent pas –
pourraient laisser parler leur conscience. Et, bien sûr,
tous ceux qui partagent les préoccupations exprimées
ci-dessus pourraient rendre publiques leurs propres
analyses.
102
Notes
[1.] L’œuvre pionnière et emblématique de cette
introspection est l’ouvrage de Karl Jaspers, La
Culpabilité allemande, Éditions de Minuit, 1948.
rééd. 1990, publié en Allemagne dès 1947.
[2.] L’historien français expert de l’Afrique centrale
Jean-Pierre Chrétien a produit les meilleures analyses
des soutiens extérieurs apportés au Hutu-Power. Cf.
Le Défi de l’ethnisme — Rwanda et Burundi 19901996, Karthala, 1997 [édition mise à jour en 2012] ; voir
aussi ses articles « Retour du Hutu Power » dans Le
Soir, 19 Décembre 1994, et « Le génocide du Rwanda :
un négationnisme structurel », revue trimestrielle de la
Ligue des droits de l’Homme, Hommes & Libertés
n° 151 juillet-août-septembre 2010 ; une version
développée de cet article est disponible en ligne sur le
site de la LDH-Toulon http://www.ldh-toulon.net/
spip.php?article3981
[3.] Cf. La rubrique Rwanda du site internet de HRW, et
l’article de Georgette Gagnon, Responsable de HRW
pour l’Afrique, “A Nation’s Hope Imperiled”, The
Daily Beast, 30 avril 2010.
[4.] L’histoire complète de la création du RDR en
1995 et son évolution depuis lors reste à écrire, elle
103
La trahison de Human Rights Watch
est toutefois largement documentée par les sources
suivantes que j’ai utilisées pour ma synthèse :
Jean Pierre Chrétien, Le Défi de l’ethnisme [op. cit.] ;
Tom Ndahiro, Friends of Evil, manuscrit inédit [187 p.],
et “Genocide-Laundering: Historical Revisionism,
Genocide Denial and the ‘Rassemblement Républicain
Pour la Démocratie au Rwanda’,” pp. 125-144 in Phil
Clark & Zachary Kaufman, eds., After Genocide:
Transitional Justice, Post-Conflict Reconstruction
and Reconciliation in Rwanda and Beyond, Hurst
2008 ; Wm. Cyrus Reed, “Guerillas in the Midst –
the former Government of Rwanda and the Alliance
of Democratic Forces for the Liberation of CongoZaire in Eastern Zaire,” pp 134-154 in Christopher
Clapham, ed., African Guerillas, Oxford 1998 ;
Howard Adelman & Govind Rao, eds., War and
Peace in Zaire/Congo, Africa World Press 2004, en
particulier le chapitre 3 ; Abbas Gnamo, The Role of
the Interahamwe in the Regional Conflict: the Origins
of Unrest in Kivu, Zaire, pp 85-108 ; Roger Winter,
“Lancing the Boil: Rwanda’s Agenda in Zaire,” pp
109-136, et chapitre 7 ;
Fiona Terry, “The Humanitarian Impulse: Imperatives
and Consequences,” pp. 187-252; Médecins Sans
Frontières, « Rompre le cycle : MSF appelle à
une action dans les camps de réfugiés rwandais en
Tanzanie et au Zaïre », 14 p., novembre 1994, http://
www.msf.fr, et Deadlock in the Rwandese Refugee
Crisis: Repatriation Virtually at a Standstill, 20 p., 20
juillet 1995,
http://www.doctorswithoutborders.
org”; Arnaud Royer, « L’instrumentalisation politique
des réfugiés du Kivu entre 1994 et 1996 », in André
104
Notes
Guichaoua, ed., Exilés, réfugiés, déplacés en Afrique
Centrale et Orientale, Karthala 2004, pp. 425-528 ;
Howard Adelman, “The Use and Abuse of Refugees
in Zaire, April 1996 to March 1997,” 26 pages, in
Stephen John Stedman & Fred Tanner, eds., Refugee
Manipulation: War, Politics, and the Abuse of Human
Suffering [Brookings, 2003] ; Philip Gourevitch,
We Wish to Inform You that Tomorrow We Will Be
Killed With Our Families, Picador 1999 [surtout les
pages 261-353] traduction française, Nous avons le
plaisir de vous informer que, demain, nous serons tués
avec nos familles, édition Folio, 2002 ; Marina Rafti,
“Rwandan Hutu Rebels in Congo/Zaire 1994-2006:
an Extra-territorial Civil War in a Weak State?”
in F. Reyntjens & S. Marysse, eds., L’Afrique des
Grands Lacs – Annuaire 2006 ; “The Dismantling
of the Rwandan Political Opposition in Exile,” in F.
Reyntjens, ed., L’Afrique des Grands Lacs – Annuaire
2003-2004, pp. 22-42 ; University of Antwerp,
Institute of Development Policy and Management,
The Rwandan Political Opposition in Exile: A Valid
Interlocutor vis-à-vis Kigali? 49 pages, , April 2004 ;
Pole Institute, Guerillas in the Mist: the Congolese
Experience of the FDLR War in Eastern Congo and
the Role of the International Community, 65 pages,
Goma, February 2010 ; Hans Romkema, Opportunities
and Constraints for the Disarmament and Repatriation
of Foreign Armed Groups in the Democratic Republic
of Congo – The Cases of the FDLR, FNL and ADF/
NALU, 94 pages, MDRP, World Bank, June 2007,
and The FDLR: The End in Sight, 9 pages, May 2009;
African Rights, A Welcome Expression of Intent: The
Nairobi Communiqué and the ex-FAR/Interahamwe,
105
La trahison de Human Rights Watch
88 pages, Kigali, December 2007; Rakiya Omaar, The
Leadership of Rwandan Armed Groups Abroad with
a Focus on the FDLR and RUD/URUNANA, 319
pages ; Consultancy to the Rwanda Demobilization
and Reintegration Commission, December 2008;
Report of the UN Group of Experts on the Democratic
Republic of Congo, December 9, 2009.
Plusieurs documents écrits par certains des acteurs
principaux du génocide de 1994 ont mis en lumière le
processus par lequel ils ont créé le RDR :
— “To all Field and General Officers; Subject:
Reorganization of the Rwandan Armed Forces”,
Minister of Defense Augustin Bizimana, Goma, 11
August 1994” [6 pages], Case no. ICTR-98-41,
Exhibit No. P339B, Date Admitted 4-5-2005,
Tendered by Prosecution, KO235046-KO235051
[ce document montre notamment que Bagosora a
été nommé à la tête de la commission des relations
extérieures et politiques de l’armée]
— “To the President and Prime Minister of
the Rwandan Republic, Bukavu [note: i.e., le
« gouvernement interim en exil »]; Subject: Meeting
Report; From Major General Augustin Bizimingu;
marked ‘Very Secret,’ Goma 29 September 1994,”
[47 pages], Case No. ICTR 98-41-T, Exhibit No.
P453A, Date Admitted 12-12-2006, Tendered by
Prosecution, K0041476-K0041524 [ce document
mentionne la nécessité de remplacer le « gouvernement
provisoire en exil » par une « organisation politicomilitaire dont la structure sera étudiée et proposée par
le comité des relations politiques et externes», à savoir
le comité dirigé par Bagosora]
106
Notes
— « Déclaration du Haut Commandement des FAR
à l’issue de sa réunion du 28 au 29 Avril à Bukavu », 2
pages, disponible sur http://jkanya.free.fr/declaration.
html. [dans ce document, le Haut Commandement
des FAR affirme sa fidélité au RDR au moment où
le nouveau régime rompt avec le « gouvernement
intérimaire en exil », et exige de ce dernier le transfert
de tous ses fichiers au RDR.]
— André Guichaoua dir.., Exilés, réfugiés, déplacés
en Afrique Centrale et Orientale, Karthala 2004 op.
cit., pp 891-900, Annexe 11, « Rwanda : échange de
courriers entre le Gouvernement rwandais en exil et
l’État-major des FAR au sujet de la création du RDR »
[Avril-Mai 1995] »,[ditto].
[5.] Les 8 pages du procès-verbal de la réunion de
fondation du RDR, présidé par le général Augustin
Bizimingu au « camp de réfugiés » Mugunga près de
Goma, dans l’est du Congo, ont été présentées comme
des éléments de preuve devant le Tribunal Pénal
International pour le Rwanda [TPIR], sous le titre
« Réunion du 29 mars au 3 avril 1995 : Exposé de la
situation générale, échange d’information. Rapporteur
Ntabakuze », ICTR Case no. ICTR-98-41-T, Exhibit
No. P415B, Date Admitted 25-9-2006, Tendered by
Prosecution.
[6.] Cf. African Rights & Rakiya Omaar, et Marina
Rafti, A Welcome Expression of Intent: The Nairobi
Communiqué and the Ex-FAR/Interahamwe, Kigali,
2007.
[7.] Voir African Rights and Rakiya Omaar, op. cit. ;
Hervé Deguine, Un Idéologue dans le génocide
107
La trahison de Human Rights Watch
rwandais: Enquête sur Ferdinand Nahimana, Mille
et une nuits/Librairie Arthème Fayard, 2010 ; cet
ouvrage repose en grande partie sur la stratégie de
défense infructueuse de Nahimana devant le TPIR,
mais contient quelques informations utiles.
[8.] André Guichaoua, Rwanda 1994: Les
Politiques du génocide à Butare, Karthala 2005,
p. 124 & site internet d’André Guichaoua, http://
rwandadelaguerreaugenocide.univ-paris1.fr/ annexe
111, les agendas et carnets de notes de Jean Kambanda,
pages 6 et 32.
[9.] Voir par exemple : Colonel Théoneste Bagosora,
« L’assassinat du président Habyarimana ou l’ultime
Opération du Tutsi pour sa reconquête du pouvoir par
la force au Rwanda», Yaoundé, Cameroun, 30 Octobre
1995 [37 pages], Affaire n° ICTR-98-41-T, pièce n °
P31B, présentée le 17-09-2002 ; Mouvement pour
le Retour des réfugiés et la Démocratie au Rwanda
[RDR], le Cameroun Wing, «Conseil de sécurité des
Nations Unies trompés sur le présumé « génocide tutsi »
au Rwanda,» Juin 1996 37 pages [douze collaborateurs,
dont Théoneste Bagosora, Jean Bosco Barayagwiza,
Pasteur Musabe [le frère de Bagosora] et Ferdinand
Nahimana] et «Commandement des Forces Armées
Rwandaises en exil; Dossier Tribunal international;
Contribution des FAR à la Recherche de La Vérité
sur le Drame Rwandais, La Guerre d’Octobre 1990 et
la catastrophe d’Avril 1994, document non daté, 244
pages, Affaire n ° ICTR-98-41-T, pièce no. DK81C,
date d’admission 23-9-2004, présentée par la Défense.
[10.] Hélène Dumas, « L’Histoire des Vaincus.
Négationnisme du Génocide des Tutsi au Rwanda »,
108
Notes
in « Rwanda Quinze ans après: Penser et Écrire
l’Histoire du Génocide des Tutsi », Revue d’Histoire
de la Shoah, n ° 190,
[11.] Janvier-Juin 2009, Paris, pp 298-347 ; voir aussi
Hélène Dumas, « Banalisation, révision et négation: la
« réécriture » de l’histoire du génocide des Tutsi», pp
85-102 in Esprit n° 364, mai 2010.
[12.] Voir le site internet tpirheritagedefense.org et le
blog d’Eugène Rwamucyo pour plus de détails.
[13.] Pour les articles de presse relatant l’arrestation
et la confession de l’adjoint de Mme Ingabire, voir
The New Times, Kigali, “Rwanda: Ingabire’s
assistant pleads guilty, seeks forgiveness”, édition
du 25 Mars 2010 ; “It’s Time for Human Rights
Watch to Apologize,” édition du 26 Mars 2010 et
“Ntawangundi Loses Appeal,” édition du 16 avril
2010. HRW n’a jamais abordé le sujet des implications
de la confession de Ntawangundi. HRW n’a pas non
plus rendu compte de la déclaration de Domitilla
Mukantaganzwa, secrétaire exécutif des juridictions
Gacaca, mentionnant que la mère de Victoire Ingabire,
qui a rejoint sa fille en Europe après le génocide,
avait été condamnée par contumace pour des crimes
de génocide particulièrement horribles. Voir The
New Times, “Rwanda: Ingabire’s Mother a Fugitive
Genocide Boss,” 28 Janvier 2010; “Who is Victoire
Ingabire,” 28, Juillet 2010, The Rwanda Focus, Kigali.
HRW a également ignoré les nombreuses publications
sur l’histoire du parti politique de Victoire Ingabire
dans les médias rwandais en 2010, par exemple: “A
Note Describing the Nature of Issues Raised by FDU
Inkingi and Victoire Ingabire Umuhoza,” posté sur
109
La trahison de Human Rights Watch
rwandaises.com le 10 Juin, de 2010, et Tom Ndahiro,
“Rwanda: Genocide Deniers and their Agents,” The
New Times, édition du 4 avril 2010.
[14.] Voir Richard Johnson, “Rwanda takes a strict line
on genocide denial – The U.S. should support that,”
Christian Science Monitor, 28 juin 2010.
[15.] Voir HRW, “Rwanda: Eight-Year Sentence for
Opposition Leader,”, 30 Octobre, 2012. Victoire
Ingabire a été condamnée par la Haute Cour rwandaise
le 30 octobre 2012, pour négation du génocide et
conspiration avec les FDLR en vue d’attenter à la
sécurité de l’État. Acquittée des autres charges liées
à l’idéologie du génocide, de divisionnisme, et de
soutien à des groupes armés, elle a été condamnée
à 8 ans de prison. Victoire Ingabire et le Procureur
public ont chacun fait appel de cette décision devant
la Cour suprême du Rwanda, la première dans l’espoir
d’obtenir la révision de sa condamnation, le second
pour établir la réalité des charges concernant les chefs
d’inculpation non retenus en première instance et
réclamer une peine plus lourde. Le procès en appel de
Victoire Ingabire, s’est ouvert 25 mars 2013. Notes du
chapitre 2 « Les FDLR depuis 1994 »
[15.] HRW & Fédération Internationale des Ligues des
Droits de l’Homme, Leave None to Tell the Story,
1999, 789 pages [édition française, Aucun témoin ne
doit survivre, Karthala] L’index de ce livre ne fait
aucune référence à la première étude de référence du
génocide par l’ONG, African Rights, Death, Despair
and Defiance, London, 1995 [1201 pages], version
remaniée et augmentée de la première édition parue en
Septembre 1994. Cette omission est peut-être liée au
110
Notes
fait que la fondatrice d’African Rights a été expulsée
de HRW pour s’être opposée à l’intervention militaire
américaine en Somalie fin 1992.
[16.] Cf. Hans Romkema, op. cit. ; voir également les
sites internet du RDR et de la CPI. Après avoir
refusé d’enregistrer plusieurs centaines de témoins
pour des raisons de manque de ressources, la CPI a
finalement abandonné sa plainte contre Mbarushimana
pour défaut de preuves. Voir à ce sujet, l’article du
15 Juillet, 2011 de Redress, “Hundreds of Victims
Prevented From Participating in Crucial Court
Hearings due to Lack of Resources at the International
Criminal Court.” Concernant les crimes présumés
de Mbarushimana en 1994 et avec les FDLR, lire
Rakiya Omaar, “The Leadership of Rwandan Armed
Groups Abroad, op. cit., pp. 187-191; African Rights
& Redress, “The Wider Implications of the Arrest
of Callixte Mbarushimana in Paris,” 12 Octobree
2010; et “Rebel Leader Accused of Genocide Lives
in France, Washington Post, 24 January, 2010. Les
maintes échapées de Mbarushimana à l’encontre de
poursuites judiciaires sont un exemple emblématique
de l’irresponsabilité occidentale dans le traitement des
suspects du génocide de 1994.
[17.] HRW, “Rearming With Impunity: International
Support for the Perpetrators of the Rwandan
Genocide,” May 1995.
[18.] Mis à part un écho discret de l’appel aux arrestations
dans le rapport de HRW publié en octobre 1997
“What Kabila is Hiding,” et les encouragements aprèscoup pour les arrestations de hauts dirigeants FDLR
en Europe en 2011-2012.
111
La trahison de Human Rights Watch
[19.] Par exemple, HRW, “Democratic Republic of
Congo - You Will Be Punished – Attacks on Civilians
in Eastern Congo,” Décembre 2009, 183 pages.
[20.] Voir HRW, “DR Congo: Arrest Laurent Nkunda for
War Crimes, February 1, 2006 ; HRW, “Democratic
Republic of Congo: You Will Be Punished,” op. cit;
and Simone Schlindwein, “How FDLR President
Ignace Murwanashyaka pulled the strings in the
Congo war from Germany without problems,” pp 5063 in Guerillas in the Mist: The Congolese experience
of the FDLR war in Eastern Congo and the role of
the international community, Pole Institute, Goma,
February 2010.
[21.] HRW, communication écrite au Comité International
de développement du parlement du RoyaumeUnis [United Kingdom Parliament’s International
Development Committee], 23 Juin 2011.
[22.] Romkema, “End in Sight,” op. cit. ; Lars Waldorf,
“Transitional Justice and DDR: the Case of Rwanda,”
International Center for Transitional Justice, June
2009 ; and Rwanda – Report of the National Summit
on Unity and Reconciliation 26 October 2002, p. 107.
[23.] Romkema, “End in Sight” op. cit. et communication
personnelle ; cf également les données de la MONUC
[actuelle MONUSCO] concernant la démobilisation
et le rapatriement des FDLR/ex-FAR et autres
combattants rwandais, 2002-2012. Les données de
la MONUSCO montrent que 10721 combattants
rwandais présents au Congo furent démobilisés et
rapatriés au Rwanda entre début 2002 et mi-Février
2012. À en juger par les données MONUSCO pour
112
Notes
certaines années et pour les groupes armés spécifiques
[tels les FDLR, CNDP, etc], la grande majorité de
ces Rwandais étaient des FDLR. Les données de la
MONUSCO montrent que 3259 combattants FDLR
ont été démobilisés et renvoyés chez eux entre le début
de l’année 2009 et fin Novembre 2011.
[24.] Voir Romkema & Waldorf, op. cit.
[25.] IRIN News “Analysis: Rebel Leader’s arrest just
one step in fight against impunity in DRC,” 21 Octobre
2010. Curieusement, les propos confiés par Van
Woutenberg à IRIN News apparaissent également
dans le rapport de HRW publié en décembre 2009
“You Will Be Punished”, op. cit., où ils sont prêtés à un
diplomate occidental anonyme.
[26.] Voir les commentaires du Représentant spécial
du secrétaire général de l’ONU pour la RDC Alan
Doss, dans “Alan Doss: HRW Attack on MONUC
‘Shortsighted’”, publié par le Washington Times, du
28 décembre 2009 et dans les lettres d’ Alan Doss
adressées à HRW et Oxfam le 28 Avril 2009, publiée
en ligne par ReliefWeb Report le 30 avril 2009.
[27.] voir HRW, “Obeying the Rules of War?” 2001 pp.
7-10 & “Democratic Republic of Congo ‘You Will
Be Punished’,” op. cit., qui tente de donner l’image
la moins négative possible des FDLR, de la manière
suivante [extrait original suivi de notre traduction] :
“The FDLR are a predominantly Rwandan Hutu armed
group that uses military force to seek political change
and greater representation for Hutu in Rwanda. Some
of the FDLR leaders are believed to have participated
in the genocide in 1994 and the group has important
113
La trahison de Human Rights Watch
ideological links to the former [sic] Hutu Power
movement…The vast majority of these combatants did
not participate in the genocide since they were too
young at the time to have played a role.” [p. 29]
« Les FDLR sont un groupe armé rwandais à
prédominance Hutu qui recourent à la force militaire en
vue d’obtenir un changement politique et une meilleure
représentation des Hutu au Rwanda. Certains des
dirigeants FDLR sont soupçonnés d’avoir participé au
génocide en 1994 et ce groupe entretient d’importants
liens idéologiques avec l’ancien [sic] mouvement Hutu
Power [...] La grande majorité de ces combattants n’a
pas participé au génocide, car ils étaient trop jeunes
pour avoir pu y jouer un rôle. »
Pour une description plus réaliste de la direction
des FDLR et de ses liens d’origine avec le génocide
de 1994, voir Romkema et Omaar, op. cit., et en
particulier les portraits des dirigeants FLDR brossés
par Omaar, pages 61-160 dans “The Leadership of
Rwandan Armed Groups Abroad With a Focus
on the FDLR and RUD/URUNANA.” Ceuxci démontrent clairement que les dirigeants des
FDLR ont un agenda bien plus sinistre que l’objectif
« d’obtenir un changement politique et une meilleure
représentation des Hutu au Rwanda ».
[31.] HRW, Briefing Paper “Preparing for Elections:
Tightening Control in the Name of Unity” [16 pages],
Mai 2003.
[32.] Concernant les massacres de 1963-1964 et la
menace proférée par Kayibanda, voir Paul Rutayisire,
« Les Mécanismes de l’exclusion des Tutsi », in
114
Notes
Africa Review of Books/Revue africaine des livres,
Septembre 2005 ; African Rights, Go, If You Die,
Perhaps I Will Live – a Collective Account of
Genocide and Survival in Murambi, Gikongoro, AprilJuly 1994, Avril 2010 213 pages, [lire en particulier pp.
14-19, « Christmas 1963 :The First Major Rehearsal »]
; Josias Semujanga et al, Le Manifeste des Bahutu et la
diffusion de l’idéologie de la haine au Rwanda [19572007], Éditions de l’Université Nationale du Rwanda,
2010 ; Denis-Gilles Vuillemin, « Les massacres des
Tutsi du Ruanda sont la manifestation d’une haine
raciale soigneusement entretenue », Le Monde, édition
du 4 Février 1964 ; texte disponible sur site Web
du chercheur français Jacques Morel, de même que le
texte du discours Kayibanda, menaçant les Tutsi de
génocide, tel que publié à l’époque par la revue du
ministère des Affaires étrangères du Rwanda, Rwanda
carrefour d’Afrique n° 31, mars 1964. HRW a noté que
Bagosora, considéré comme le « cerveau » du génocide
de 1994, s’est inspiré du discours de Kayibanda.
Cependant, HRW s’appuie sur une version caviardée
de ce discours publiée par le régime Habyarimana en
1990 pour nier, à tort, que Kayibanda ait menacé les
Tutsi de « la fin totale précipitée » de leur « race ».
Voir Aucun témoin ne doit survivre, op. cit. p. 106,
[désormais abrégé : Aucun témoin...] Dans sa version
non censurée 1964, la menace de Kayibanda explicite :
« A supposer par impossible que vous veniez à
prendre Kigali d’assaut, comment mesurer le chaos
dont vous seriez les premières victimes ? Je n’insiste
pas : vous le devinez, sinon vous n’agiriez pas en séides
et en désespérés ! Vous le dites entre vous : “Ce serait
115
La trahison de Human Rights Watch
la fin totale et précipitée de la race tutsi”. Qui est
génocide ? »
[33.] Dans l’ouvrage Aucun témoin ne doit survivre,
HRW n’attribue au MDR-Power qu’un soutien
mineur au génocide des Tutsi du Rwanda. En revanche
Jean-Paul Kimonyo, dans Un génocide populaire, [535
pages, Karthala, Paris, 2008] démontre que le MDRPower a joué un rôle majeur dans le génocide.
[34.] Voir les documents rwandais suivants : « Rapport
de la Commission Parlementaire sur les Problèmes
du MDR,” Kigali, Avril 2003, 47 pages ; « Rapport
de la Commission Parlementaire Extraordinaire mise
en Place le 20 Janvier 2004, chargée d’examiner les
Massacres Commis a Gikongoro et analyser l’idéologie
du génocide et ceux qui la propagent partout dans le
pays », Kigali, 2004, 156 pages ; Sénat du Rwanda,
Rwanda : Idéologie du génocide et stratégies de
son éradication. Kigali, 2006, 337 pages ; IRDP,
[Institut de Recherche et de Dialogue pour la Paix],
Le Négationnisme du Génocide des tutsi: Évolution,
Expressions, Mécanismes de Lutte, Décembre 2008,
165 pages.
[35.] Sur Joseph Sebarenzi, lire HRW, 2003 Briefing
Paper, op. cit. ; HRW “Rwanda: From the Search for
Security to Human Rights Abuses”, avril 2000 ; voir
la version de Sebarenzi dans son texte God Sleeps in
Rwanda, Simon and Schuster, 2009 ; sur Bizimungu,
lire Stephen Kinzer, A Thousand Hills: Rwanda’s
Rebirth and the Man who Dreamed It, John Wiley &
Sons, 2008, pp 220-226 et International Crisis Group,
“Rwanda at the End of the Transition: A Necessary
116
Notes
Political Liberalization,” Novembre 2002, pages 12 &
30-31; voir également le texte de l’entretien accordé
par Bizimungu à Jeune Afrique, n°2112, 3-9 Juillet
2001.
[36.] La loi et la réalité : Les progrès de la réforme
judiciaire au Rwanda, disponible en ligne :
http://www.hrw.org/fr/reports/2008/12/10/la-loiet-la-r-alit
[37.] Pour un bref aperçu des différences entre les ÉtatsUnis et d’autres pays en matière de liberté d’expression,
voir Michael Ignatieff, ed, American Exceptionalism
and Human Rights, Princeton University Press,
2005 ; see also Ronald J. Krotoszynski, Jr., The
First Amendment in Cross-cultural Perspective: A
Comparative Analysis of the Freedom of Speech,
New York University Press, 2006; Ivan Hare & James
Weinstein, eds., Extreme Speech and Democracy,
Oxford 2009 ; et les arrêts de la Cours suprême en
la matière, par exemple, sur l’affaire Brandenburg vs
Ohio [1969] et Virginia vs Black [2003].
On pourra consulter en français : G. Haarscher, « Liberté
d’expression, blasphème, racisme : essai d’analyse
philosophique et comparée, Working Papers du Centre
Perelman de philosophie du droit, n°2007/1, mis en ligne le
24 juin 2007, http://www.philodroit.be ; M. Rosenfeld,
« La philosophie de la liberté d’expression en Amérique...
» ; Amélie Robitaille-Froidure, La liberté d’expression
face au racisme, L’Harmattan, 2012 ; L. Pech, « Conflits
entre différentes conceptions de la liberté d’expression sur
Internet : vers l’imposition d’une lex americana en matière
de lutte contre le discours raciste et négationniste ? »,
Légipresse, n°188 , II, 2002, p. 5-10 [9].
117
La trahison de Human Rights Watch
Pour un panorama de la variété et la substance des
approches européennes en matière de restriction
des libertés d’expression et d’association, voir
Conseil de l’Union européenne, Décision-cadre
2008/913/JAI du Conseil du 28 novembre 2008 sur
la lutte contre certaines formes et manifestations de
racisme et de xénophobie au moyen du droit pénal ;
Wikipedia , « Les lois contre le déni de l’Holocauste
» ; Commission européenne pour la démocratie par le
droit [ Commission de Venise ], Lignes directrices
sur l’interdiction et la dissolution des partis politiques
et mesures analogues , le Conseil de l’Europe, 41e
session plénière, Venise Décembre 10-11- 1999 ; et
site internet de l’Office allemand pour la protection de
la Constitution [confirmation en 1952 de l’interdiction
des partis se réclamant de l’héritage nazi, du parti
national socialiste du 3e Reich, confirmation de
l’interdiction du Parti communiste allemand en 1956,
et de l’interdiction de 24 organisations d’extrême
droite de 1992 à 2010].
Pour connaître les restrictions à la liberté d’ expression
et d’association en Afrique, voir Matthias Basedau,
Matthias Bogaards, Christof Hartmann and Peter
Niesen, “Ethnic Party Bans in Africa: a Research
Agenda,” German Law Journal vol 8, no. 6, 2007;
Anika Becher and Matthias Basedau, “Promoting
Peace and Democracy Through Party Regulation?
Ethnic Party bans in Africa,” German Institute of
Global and Area Studies [GIGA] Working Paper n°.
66, January 2008; Anika Moroff, “Ethnic Party Bans in
East Africa from a Comparative Perspective,” GIGA
Working Paper no. 129, April 2010; Benjamin Reilly,
118
Notes
Per Nordlund, and Edward Newman, “Political
Parties in Conflict-Prone Societies: Encouraging
Inclusive Politics and Democratic Development,”
United Nations University Policy Brief, no. 2, 2008.
[38.] HRW, La loi et la réalité, 2008 , op. cit. p. 45
http://www.hrw.org/sites/default/files/reports/
rwanda0708frweb_0.pdf
[39.] HRW, Germany for the Germans:’ Xenophobia and
Racist Violence in Germany,” 1995, 54 pages.
[40.] Frédéric Schauer, op. cit., p. 43
[41.] Voir Deborah Lipstadt, Denying the Holocaust:
The Growing Assault on Truth and Memory, Penguin
1994; and Robert Kahn, Holocaust Denial and the
Law: A Comparative Study, Palgrave MacMillan
2004.
[42.] Voir le blog de Deborah Lipstadt , article publié 16
Juillet 2007.
[43.] Voir site internet de la Cour européenne des droits
de l’homme [CEDH].
[44.] Il convient de noter qu’il existe une étude
scientifique qui examine les lois rwandaises contre
le divisionnisme et l’idéologie du génocide dans
le contexte du modèle allemand de « démocratie
militante » post-seconde guerre mondiale. L’auteur
de cette étude trouve que ces lois sont appliquées
d’une manière manipulatrice et répressive — parce
qu’il s’appuie sur l’évaluation par HRW des partis
d’opposition exclus. C’est ainsi que les intellectuels
occidentaux en s’appuyant sur les opinions des uns
et des autres peuvent, parfois, par inadvertance, créer
119
La trahison de Human Rights Watch
une chambre d’écho à de faux récits sur le Rwanda.
Voir Peter Niesen, “Political Party Bans in Rwanda
1994-2003: three narratives of justification”, in
Democratization, vol. 17, no. 4, August 2010, pp 709729 ; pour un phénomène similaire, voir aussi Zachary
Pall, “Light Shining Darkly: Comparing Post-Conflict
Constitutional Structures Concerning Speech and
Association in Germany and Rwanda,” Columbia
Human Rights Law Review, Vol. 42.1, Fall 2010.
[45.] Pour des exemples de critiques par HRW de
la clémence et du sentiment de culpabilité des
gouvernements occidentaux envers le gouvernement
rwandais voir Aucun témoin ne doit survivre, 1999
p. 737 et l’article de Kenneth Roth “The Power of
Horror” 2009.
[46.] Voir Richard Johnson, “The Pin-Stripe Approach
to Genocide”, pp. 65-73 dans Stjepan Mestrovic, Ed,
Meštrović, ed., The Conceit of Innocence, Texas,
A&M University Press, 1997. Pour des exemples
de fonctionnaires français blâmant les victimes au
Rwanda, voir le site www.france-turquoise.fr.
[47.] À partir d’une étude se fondant sur la comparaison
des données de la population locale avec les données du
recensement, une estimation prudente est que les Tutsi
ont été sous-estimés de 40% dans le recensement de
1991. Sur ce point, voir Marijke Verpooten, « Le coût
en vies humaines du génocide rwandais: une analyse
détaillée de la province de Gikongoro », I.N.E.D./
population, 2005/4 — vol. 60, pp 331-367, disponible
sur la toile à l’adresse suivante : http://www.cairn.
info/revue-population-english-2005-4-page-331.htm
120
Notes
[48.] Ministère des Collectivités locales, « Le décompte
des victimes du génocide : Rapport final. Rwanda,
Kigali, Novembre 2002 [32 pages]
[49.] Voir HRW, Aucun témoin..., pp. 15-16 et p. 260
; Alison Des Forges et Timothy Longman, “Legal
Responses to Genocide in Rwanda”, pp 49-68
dans Eric Stover & Harvey M. Weinstein, eds, My
Neighbor, My Enemy: Justice and Community in the
Aftermath of Mass Atrocity, Cambridge University
Press 2004 et HRW, “Rwanda: Justice Compromised,
The Legacy of Rwanda’s Community-Based Gacaca
Courts,” 2011, p. 13.
[50.] Voir Scott Strauss, The Order of Genocide: Race,
Power and War in Rwanda, Cornell University Press,
2006, et Omar McDoom, « The Micro-Politics of
Mass Violence: Authority, Security, and Opportunity
in Rwanda’s Genocide », Thèse de doctorat, 2008,
London School of Economics [Toute ma reconnaissance
à M. Mc Doom, d’avoir partagé avec moi le premier
chapitre de sa thèse, dans l’attente d’une prochaine
publication].
[51.] Voir HRW, « La loi et la réalité, Les progrès
de la réforme judiciaire au Rwanda »,2008,p13,
http://www.hrw.org/sites/default/files/reports/
rwanda0708frweb_0.pdf Notes du chapitre IV. [2]
Réduire l’importance de la justice après-génocide
[52.] HRW, Aucun témoin ne doit survivre, p.736
[53.] Ibid, p. 748 et 760.
[54.] Pour une approche de ces questions qui est plus
empathique et fondée sur la réalité de terrain, voir
African Rights, Rwanda: La preuve assassinée.
121
La trahison de Human Rights Watch
Meurtres, attaques, arrestation et intimidation des
survivants et témoins, Avril 1996 [105 pages], et
Survivors and Post-Genocide Justice in Rwanda –
Their Experiences, Perspectives and Hopes, [132
pages], publié par les deux ONG African Rights et
Redress en Novembre 2008.
[55.] HRW, Kenneth Roth & Alison Des Forges, “Justice
or Therapy?”, Boston Review. [Eté 2002].
[56.] Alison Des Forges et Timothy Longman, “Legal
Responses to Genocide”, op. cit.
[57.] HRW, Leave None to Tell the Story, 1999 et Justice
compromise, 2011.
[58.] Sanford Unger, “Leopold’s Ghost: How one man’s
mysterious past upended a college’s sense of purpose
and its president’s sense of its liberal mission,” New
York Magazine, 22 Juillet, 2012 , New York Magazine,
Juillet 22, 2012. Pour en savoir plus sur le rôle d’Alison
Des Forges dans l’affaire Munyakazi, consulter “Doubt:
A professor, a genocide and NBC’s quest for a primetime hit,” The New Republic, du 12 Août 2009. Des
perspectives supplémentaires sur les interventions de
HRW et de son expert vétéran Alison Des Forges
sur les questions de la justice rwandaise peuvent être
trouvées dans African Rights, Antoine Sibomana and
his Supporters: Burying the Truth in the Name of
Human Rights, 91 pages., septembre 1997.
[59.] Kenneth Roth, « La puissance de l’horreur », 11 avril
2009. Texte disponible sur le site de HRW http://
www.hrw.org/fr/news/2009/04/11/la-puissancede-l-horreur-au-rwanda
[60.] En effet, dans une conversation avec Phil Clark [un
122
Notes
éminent expert occidental des gacaca ], un membre
du personnel de HRW n’a pas hésité à affirmer que
l’amnistie aurait été préférable aux procès gacaca.
[Communication personnelle de Clark].
[61.] Administration rwandaise des Gacaca, “Summary
of the Report Presented at the Closing of Gacaca
Courts Activities”, Kigali, Juin 2012.
[62.] Concernant le nombre de personnes condamnées
pour génocide toujours en prison, voir Hirondelle
News Agency, “Rwanda: 40.000 genocide convicts in
jails”, 29 Février 2012 ; pour le nombre de personnes
condamnées effectuant un service communautaire
[TIG] , voir The New Times, 2 Août 2011, qui a
rapporté que sur 60.000 personnes inscrites dans
le programme TIG à la date de 2010, 37.000 avaient
purgé leur peine entre 2010 et mi-2011, tandis que
16.000 personnes purgeaient des peines de TIG a la
date d’ août 2011.
[63.] Alison Des Forges & Timothy Longman, 2004 op
cit, et HRW, « La loi et la réalité ... », 2008, op. cit.
[64.] Voir Hirondelle News Agency, « Belgique/Justice
— Critiques sur les gacaca lors d’un colloque à
Bruxelles », 27 Novembre 2007.
http://
www.hirondellenews.com/fr/tpirrwanda/170gacaca/11659-271107-belgiquejustice-critiquessur-les-gacacas-lors-dun-colloque-a-bruxelles5456
Alison Des Forges intervenait dans le cadre d’un
colloque organisé par l’EURAC [Réseau Européen
pour l’ Afrique Centrale ] au Parlement européen .
[65.] Kenneth Roth, “The Power of Horror”, , op. cit.
[66.] HRW, Justice compromise. L’héritage des tribunaux
123
La trahison de Human Rights Watch
communautaires gacaca, mai 2011, 144 pages.
http://www.hrw.org/sites/default/files/reports/
rwanda0511frwebwcover_1.pdf
[67.] Comme Phil Clark le dit, « Les commentateurs des
droits de l’homme ont critiqué les gacaca dès le début,
arguant qu’ils transgressent les normes d’un procès
équitable et encouragent la corruption et l’ingérence
politique au niveau de la communauté. Ces critiques
de Human Rights Watch, Amnesty International et
d’autres ont été grossièrement exagérées et sont basées
sur un échantillon très sélectif des pires cas de gacaca. »
Voir Phil Clark, “The Legacy of Rwanda’s Gacaca
Courts,” Think Africa Press,, le 23 Mars , 2012 et
How Rwanda Judged Its Genocide, Africa Research
Institute, avril 2012]
[68.] HRW défend Theunis dans son rapport de 2008, La loi
et la réalité..., op. cit. pp 60-62 et dans son rapport de 2011,
Justice compromise..., op. cit [pp. 99-100] ; Theunis se
défend lui-même dans Mes soizante-quinze jours de prison
à Kigali, Karthala, Paris, 2012. Mais voir aussi Gérard
Prunier, The Rwanda Crisis, Columbia University Press,
1997, p. 250; Jean-Damascène Bizimana, « Les Attaques
médiatiques du Père Theunis Contre le Rwanda , ou La
Poursuite de la Stratégie génocidaire et négationniste », en
ligne le 28 Mars 2012, sur Rwandaresponds.org ; Antoine
Mugesera, « Un négationnisme tombe dans l’impunité :
le Cas du Père Theunis », 24 pages, téléchargé à partir
d’Internet, le 11 Avril 2012 ; Jean-Paul Gouteux, « Le rôle
de l’Église au Rwanda », La Nuit Rwandaise, n° 1, 7 Avril
2007, et African Rights, Father Wenceslas Munyeshyaka:
In the eyes of the survivors of Sainte Famille, 96 pages , avril
1999.
124
Notes
[69.] HRW, Justice compromise, op. cit. p. 84-85 ; pour
une vue plus claire du problème de « ceceka » et son
impact, consulter Penal Reform International [PRI],
Le règlement du contentieux des infractions contre
les biens commises pendant le génocide : le point
sur l’exécution des ententes et des condamnations
à réparation, août 2009, p. 39, et également PRI, Le
jugement des infractions contre les biens commises
pendant le génocide : le contraste entre la théorie de la
réparation de la réalité socio-économique du Rwanda,
juillet 2007, p. 70.
[70.] Sur ces questions, voir Redress, “Access to
Reparations for Survivors of the 1994 Genocide”,
17 Août 2011 ; Survivors Fund [SURF] and Redress,
“Survivors’ concerns over imminent closure of gacaca
courts need to be addressed,” 15 Juin 2012, et de
Survivors Fund [ SURF], 20 janvier 2013, déclaration
sur les Nations-Unies et le Rwanda, qui relève que,
malgré une série de résolutions pieuses de l’Assemblée
Générale des Nations Unies depuis 2004, les dépenses
des agences de l’ONU pour les survivants au Rwanda
ont totalisé seulement 250000 $ depuis 1994, soit
moins d’un dollar par survivant.
[71.] HRW « Justice compromise », op. cit. p. 126.
[72.] Voir, par exemple, les trois rapports publiés par la
Commission Rwandaise pour l’Unité nationale et la
Réconciliation : The Causes of Violence After the
1994 Genocide [2008], Social Cohesion in Rwanda:
an Opinion Survey – Results 2005-2007 [2008],
et plus particulièrement, Rwanda Reconciliation
Barometer [2010], en particulier les pages 63-73 sur la
justice transitionnelle.
125
La trahison de Human Rights Watch
[73.] Un journaliste d’un journal ougandais semble avoir
transgressé le caractère ‘off the record’ voulu par
HRW ; il cite l’ambassadeur néerlandais comme suit:
« 350 cas représentent un petit nombre de cas pour
fonder une conclusion sur les Gacaca par rapport
aux nombreux cas traités par ces tribunaux ... Le
titre et la date du rapport ne sont pas appropriés ...
Il arrive à un moment où le gouvernement a promis
d’évaluer les juridictions Gacaca et d’examiner les cas
litigieux. Je le trouve dur, injuste et déséquilibré ».
Le journaliste écrit également que « Étonnamment,
lorsqu’on lui a demandé si HRW avait réfléchi à une
alternative aux tribunaux Gacaca, Haskell, l’auteur
du rapport, a déclaré que les juridictions Gacaca
étaient en fait la meilleure solution pour faire face au
défi auquel le Rwanda était confronté » Voir Magnus
Mazimpaka , “Human Rights Watch under scrutiny
over controversial Gacaca report”, The Independent
[Kampala], 11 Juin 2011.75. L’Amicus curiae
littéralement « ami de la cour » est une notion juridique
anglo-américaine, admise en droit international,
désignant la faculté attribuée à une personnalité ou
à un organisme, non directement lié à une affaire, de
pouvoir offrir des informations et assister une cour. Les
informations sont fournies sous la forme d’un mémoire,
appelé « amicus » dans ce cas. L’opportunité d’admettre
ces informations est à la discrétion de la cour. Conçue,
à l’origine, comme une procédure exceptionnelle,
pour éviter les erreurs et pallier les insuffisances de
procédure par une exposition impartiale de la loi ou par
un avancement d’arguments légaux, l’amicus curiae est
désormais souvent utilisée par des groupes d’intérêts
pour donner leur avis et s’imposer comme acteur de la
126
Notes
procédure sur une question en litige, en introduisant
par exemple dans la procédure la préoccupation des
implications des décisions de justice.
[74.] Ndt. L’Amicus curiae littéralement « ami de la cour »
est une notion juridique anglo-américaine, admise en
droit international, désignant la faculté attribuée à
une personnalité ou à un organisme, non directement
lié à une affaire, de pouvoir offrir des informations
et assister une cour. Les informations sont fournies
sous la forme d’un mémoire, appelé « amicus » dans
ce cas. L’opportunité d’admettre ces informations est
à la discrétion de la cour. Conçue, à l’origine, comme
une procédure exceptionnelle, pour éviter les erreurs
et pallier les insuffisances de procédure par une
exposition impartiale de la loi ou par un avancement
d’arguments légaux, l’amicus curiae est désormais
souvent utilisée par des groupes d’intérêts pour donner
leur avis et s’imposer comme acteur de la procédure
sur une question en litige, en introduisant par exemple
dans la procédure la préoccupation des implications
des décisions de justice.
[75.] Voir TPIR chambre III, 3 Janvier 2008, Le Procureur
contre Fulgence Kayishema, « Case No. ICTR-200167-I, Brief of Human Rights Watch as amicus curiae
in opposition to Rule 11 bis transfer », 23 pages ; HRW,
« Royaume-Uni : Le gouvernement devrait poursuivre
quatre Rwandais accusés de participation au génocide. Un
procès au Royaume-Uni est préférable à l’extradition »
[Londres, le 1er novembre 2007], 2 p., en ligne http://
appablog.wordpress.com/2007/11/03/royaume-uni-legouvernement-devrait-poursuivre-quatre-rwandaisaccuses-de-participation-au-genocide/
127
La trahison de Human Rights Watch
[76.] Pour une critique acerbe des représentations erronées
du tribunal britannique relative à la justice rwandaise,
et du rôle de HRW dans celles-ci, voir Phil Clark et
Nicola Palmer, “The International Community Fails
Rwanda Again”, Oxford Transitional Justice Research
Working Paper Series, 5 mai 2009, 2 pages.
[77.] Voir William A. Schabas, “Anti-Complementarity:
Referral to National Jurisdiction by the UN
International Criminal Tribunal for Rwanda,” pp 2960 in Max Plank Yearbook of UN Law, vol 13, 2009.
[78.] Voir chambre d’appel du TPIR désignée en vertu
de l’article 11 bis, le Procureur contre Jean Uwinkindi,
Affaire n° ICTR -2001-75- R11bis : Décision du
procureur relative à la requête de la République du
Rwanda aux fins de renvoi. On notera que HRW ne
tient pas compte de cette décision judiciaire du TPIR
et continue de décrier le « manque d’indépendance
de la justice » au Rwanda, par exemple dans HRW,
« Lettre au vice président de la Banque Mondiale
pour la Région Afrique concernant le Rwanda », 5
Septembre 2012, en ligne, http://www.hrw.org/fr/
news/2012/09/05/rwanda-lettre-au-vice-pr-sidentde-la-banque-mondiale-pour-la-r-gion-afriqueconcern
Notes de la partie IV. [5] Occultation du problème de
l’impunité des suspects de génocide en fuite
[79.] Concernant l’état d’avancement des poursuites de
génocidaires rwandais et leur déferrement à la justice,
voir le Rapport de La FIDH & de Redress, Encourager
une approche européenne en matière de responsabilité
face au génocide, aux crimes contre l’humanité, aux
128
Notes
crimes de guerre et à la torture — La compétence
extra territoriale et l’Union européenne. Avril 2007
[85 pages] – Ce rapport fait suite à la conférence
organisée par la FIDH et Redress à Bruxelles les 20
et 21 novembre 2006 intitulée « Réponses nationales
et internationales aux graves crimes internationaux :
Favoriser une approche européenne ». En ligne, résumé
en français du rapport exécutif http://www.fidh.org/
IMG/pdf/resume_executif_fr.pdf : et rapport complet
en anglais ; Redress et African Rights, Extraditing
Genocide Suspects from Europe to Rwanda – Issues
and Challenges – [Acte de la conférence organisée
par Redress et African Rights au Parlement de
Belgique, 1er Juillet 2008, [60 p.] – Les pages 52 à 60
donnent un aperçu des poursuites contre les rwandais
suspects de génocide en Europe ; Southern Africa
Litigation Centre et Redress, Closing the Impunity
Gap: Southern Africa’s Role in Ensuring Justice for
the 1994 Genocide in Rwanda – Moving Beyond
the Tribunal’s Completion Strategy and Residual
Mechanism, 2012, [104 p.] ; et Rakiya Omaar,
Accountability for the Rwandan Genocide – Where
Does Africa’s Responsibility Lie? Open Society
Initiative for Southern Africa [osisa.org], 7 Mars 2012.
[80.] Voir African Rights et Redress, Deux rwandais
suspects de génocide devant la justice française,
Bruxelles/ Kigali/ Londres, 20 février 2008, en ligne :
http://www.redress.org/downloads/news/0802-20%20Deux%20rwandais%20suspects%20
de%20genocide.pdf ; pour plus de détails sur les
manquements et de la France dans les procédures à
l’encontre des deux suspects, voir le site de l’ONG
129
La trahison de Human Rights Watch
française CPCR : « Collectif des Parties Civiles pour
le Rwanda ».
[81.] Consultez le site Web d’Interpol pour la liste rouge
des rwandais suspects de génocide.
[82.] HRW, Aucun témoin ne doit survivre, op. cit., p.
737 et 769.
[83.] Et en effet, aucun décideur occidental n’a été tenu
légalement responsable de la faillite de la protection
de la population tutsi au Rwanda. Toutefois, en ce qui
concerne les massacres perpétrés à l’École Technique
Officielle des Pères Salésiens – ETO – de Kigali en avril
1994 [mis en scène dans le film britannique de 2005
Shooting Dogs], au cours desquels plusieurs milliers de
personnes ont été immédiatement abattus après que les
troupes belges de l’ONU eurent retiré leur protection,
des veuves survivantes ont porté plainte en Belgique en
2004 contre le gouvernement de la Belgique et les trois
officiers belges commandant le détachement. Voici les
seuls articles pertinents relatifs à cette plainte que j’ai
trouvé sur internet : « Procès Contre l’ Etat Belge »,
La Libre Belgique du 9 Septembre 2010 ; « Massacre
à l’ ETO : un procès sur le fond » La Libre Belgique
octobre 2011 ; « Génocide rwandais : la Belgique
avait décidé d’évacuer ses Casques Bleus », dépêche
AFP du 9 Décembre ] ; ils rapportent qu’en 2010, un
tribunal belge avait finalement accepté de poursuivre les
trois officiers , et prévu une audience sur le fond pour
Octobre 2011. C’est une histoire triste : les officiers
inculpés ne faisaient « qu’obéir aux ordres », l’affaire a
traîné pendant des années, et n’a suscité qu’un intérêt
public apparemment minime en Occident. HRW n’a
pas commenté.
130
Notes
[84.] Parmi ces chercheurs français et militants des
droits de l’homme et leurs œuvres on peut citer :
Pascale Krop, Le Génocide Franco-africain: faut-il
juger les Mitterands, J.C. Lattes, Novembre 1994;
Agir Ici et Survie, Dossiers Noirs de la politique
française au Rwanda: la France choisit le camp du
génocide, l’Harmattan, 1996 ; Mehdi Ba, Rwanda:
Un génocide français, l’Esprit Frappeur, 1997 ; JeanPierre Chrétien, Le Défi de l’Ethnisme, Karthala,
1997; Jean-Paul Gouteux, Un Génocide Secret
d’Etat : La France et le Rwanda 1990-1994, éditions
sociales, 1998 ; Michel Sitbon, Un Génocide sur la
Conscience, l’Esprit Frappeur, 1998 ; Monique Mas,
Paris-Kigali 1990-1994, l’Harmattan 1999; Benjamin
Sehene, Le Piège Ethnique, éditions Dagorno, 1999 ;
et depuis 1999: Patrick de Saint Exupery, Complices
de l’Inavouable: La France au Rwanda, éditions des
Arènes, 2004 ; contributeurs à la revue annuelle La
Nuit Rwandaise ; Boubacar Boris Diop, Odile Tobner,
and François-Xavier Verschave, Négrophobie, Les
Arènes 2005; Jean-François Dupaquier, L’Agenda du
Génocide: Le Témoignage de Richard Mugenzi, exespion rwandais, Karthala, 2010; Bruno Boudiguet,
Françafrique 2012: La bombe à retardement, Aviso,
2012; Laure de Vulpian & Thierry Prungnaud, Silence
Turquoise : Rwanda 1992-1994, Responsabilités
de l’Etat Français dans le Génocide des Tutsi, Don
Quichotte, 2012; Les travaux d’ Hélène Dumas,
Catherine Coquio, Maria Malagardis et, pour la
recherche les plus approfondie et exhaustive, Jacques
Morel, La France au Cœur du Génocide des Tutsi,
L’Esprit Frappeur, 2010, 1500 pages. Voir également
le travail de la “Commission d’Enquête Citoyenne”
131
La trahison de Human Rights Watch
depuis 2004, du Collectif des Parties Civiles pour le
Rwanda, de l’association AIRCRIGE, and les sites
internet de l’association France Rwanda Génocide et
Izuba Éditions.
[85.] Rapport de la Commission Mucyo, Kigali, août
2008, 414 pages, et Rapport de la Commission
Mutsinzi, Kigali, le 20 Avril 2009, 186 pages et
annexes 107 pages ; vous pouvez aussi consulter Philip
Gourevitch, “The Mutsinzi Report on the Rwandan
Genocide,” sur son blog du New Yorker, à la date 8
Janvier 2010.
[86.] Voir African Rights, “Open Letter to his Holiness
the Pope John-Paul II”, 12 pages, 13 May 1998, et “Open
Letter to the His Holiness the Pope John-Paul II on the
Occasion of the 10th Commemoration of the Genocide
in Rwanda”, 4 pages, 2 avril 2004; Jean-Damascène
Bizimana, L’Église et le Génocide au Rwanda : les
Pères Blancs et le Négationnisme, l’Harmattan 2001;
Christian Terras & Mehdi Ba, Rwanda – l’Honneur
Perdu de l’Église, Ed. Golias, 1999; Jean Paul
Gouteux, Un Génocide Sans Importance: La France et
le Vatican au Rwanda, Ed. Tahin party, 2007; Faustin
Rutembesa, Jean-Pierre Karegeye and Paul Rutayisire,
eds., Rwanda, L’Église Catholique à l’épreuve du
génocide,” Ed. Africana, 2000; Léon Saur, Influences
parallèles. L’Internationale démocrate chrétienne au
Rwanda, Ed. Luc Pire, Bruxelles, 1998 ; Léon Saur,
Le Sabre, la machette et le goupillon. Des apparitions
de Fatima au génocide rwandais, ed. Mols, 2004.
[87.] HRW, Aucun témoin ne doit survivre, op. cit., pp
65-66, 70, 80, 171, 227, 256, 649, voir aussi Kenneth L.
Marcus, “Accusation in a Mirror,” Loyola University
132
Notes
Chicago Law Journal, 43 [2012] pp. 357-393.
[88.] Lipstadt , op. cit., p. 85 .
[89.] Richard Johnson, “Pin-Stripe Approach”, op. cit.
[90.] HRW, La loi et la réalité, op. cit. 2008 , p. 43.
[91.] Communication personnelle de William Schabas ;
voir également Fred Grunfeld & Anke Huijboom,
The Failure to Prevent Genocide in Rwanda: The
Role of Bystanders, Koninklijke Brill NV, Leiden,
The Netherlands, Koninklijke Brill NV, Leiden,
Pays-Bas, 2007. page 70, où les auteurs stipulent : « Le
communiqué de presse émis par la Commission à l’issue
de sa visite était intitulé « génocide et crimes de guerre
au Rwanda ». Mais par la suite, après les délibérations
au sein de la Commission, une position plus équivoque
a été adoptée. Le rapport final affirmait que certains
membres du groupe d’enquête considéraient que des
actes de génocide avaient été commis, mais n’a pas pris de
position ferme sur ce point . Une des personnes qui s’est
strictement opposée à l’utilisation du mot «génocide»
était le représentant de HRW. Selon lui, le terme était
trop rigoureux pour faire valoir que les événements
du Rwanda équivalaient à un génocide. Mais William
Schabas, le représentant du Centre International
des Droits de la Personne et Développement de la
Démocratie, était convaincu que ce qui se passait
au Rwanda remplissait les critères de l’article 2 de
la Convention sur le génocide de 1948. Selon lui,
l’intention de détruire les Tutsi en tant que groupe était
évidente et équivalait à un génocide. Le rapport de la
Commission a été largement diffusé, mais l’attention
internationale qui lui fut accordée a été minime. »
133
La trahison de Human Rights Watch
NDE. Le compromis trouvé entre rédacteurs du
rapport et l’ambiguïté de la mouture finale du rapport
final de la commission internationale de 1993 s’incarne
sous cette forme : « Certains juristes estiment que le
nombre de tués est un élément d’importance pour que
l’on puisse parler de génocide. Les chiffres que nous
avons cités, certes considérables pour le Rwanda,
pourraient, aux yeux de ces juristes, rester en-deçà du
seuil juridique requis. [p. 51] L’horreur de la réalité
observée par la Commission estompe en fin de compte
l’importance du débat juridique sur la qualification de
génocide. De nombreux Tutsis, pour la seule raison
qu’ils appartiennent à ce groupe, sont morts, disparus
ou gravement blessés ou mutilés ; ont été privés de
leurs biens; ont dû fuir leurs lieux de vie et sont
contraints de vivre cachés ; les survivants vivent dans
la terreur. » [p. 91]
Un autre membre de la Commission, le Français Jean
Carbonare, a exprimé la même inquiétude prémonitoire
que William Schabas lors d’une intervention
émouvante à la télévision française [disponible sur
YouTube, http://www.ina.fr/video/CAB93005500.
HRW, par contre, a poursuivi sa voie, en publiant
son propre rapport de 28 pages en Juin 1993, intitulé
Beyond the Rhetoric: Continuing Human Rights
Abuses in Rwanda. Ce rapport présentait une critique
« équilibrée » du régime Habyarimana et du FPR [en
accusant les deux côtés de « substituer des paroles à
l’action dans le domaine des droits de l’homme » et de
« rechercher un avantage politique de cette tragédie
humaine » [p. 26], sans aucunement alerter de ce qui
allait arriver. La position de HRW ne variera pas
134
Notes
dans son dernier rapport avant le génocide, Arming
Rwanda: the Arms Trade and Human Rights Abuses
in the Rwandan War, de Janvier 1994 [38 pages],
publié pourtant après que le Rapporteur spécial de
l’ONU Ndiaye eut de nouveau soulevé la question du
génocide dans un rapport d’août 1993.
[92.] HRW, « Beyond the Rhetoric. Continuuing
Human Rights Abuses in Rwanda », 2 Juin 1993,
p. 3. Disponible en ligne: http://www.hrw.org/
sites/default/files/reports/RWANDA936.PDF
[93.] Les rapports précités de HRW datés de Juin
1993 et de janvier 1994 mentionnent les « Accords
d’Arusha » mais ne se prononcent pas sur leur valeur
ni n’appellent à leur mise en œuvre. Il en va de même
dans le rapport de HRW de 1999, Aucun témoin ne
doit survivre, [voir l’analyse de la teneur des Accords
pages 123-126].
[94.] Voir l’interview d’Alison Des Forges avec PBS
Frontline pour son programme « Ghosts of Rwanda »
du 1er octobre 2003, où elle dit au sujet des Accords
d’Arusha :
« Nous étions tous fondamentalement naïfs, je pense, en
omettant d’apprécier à quel point certaines personnes
aux deux extrêmes étaient insatisfaits de cet accord
de paix, et étaient déterminés, en quelque sorte, à
tout bouleverser pour leur propre but. » Des Forges
ne précise pas comment le FPR aurait bouleversé les
Accords d’Arusha , que Habyarimana avait finalement
lui-même accepté de cesser de bloquer juste avant il
soit été assassiné le 6 Avril 1994. En réponse à une
question « Y avait-il des bons, y avait-il des méchants ? »
Des Forges dit : « Les bons étaient ceux qui n’avaient
135
La trahison de Human Rights Watch
pas d’armes , et les méchants sont ceux qui avaient des
fusils et des machettes. » Elle ajoute que la convention
sur le génocide établit une distinction juridique entre
le génocide commis par les uns et les crimes de guerre
et crimes contre l’humanité qu’elle impute au FPR,
et que donc « il n’y a pas d’équivalence des crimes ».
Néanmoins, elle laisse subsister l’idée que les auteurs
du génocide et le FPR en arme étaient « les méchants ».
Interview disponible en ligne : http://www.pbs.org/
wgbh/pages/frontline/shows/ghosts/interviews/
desforges.html
[95.] HRW, Aucun témoin ne doit survivre, op. cit.,
page 698.
[96.] Pour le « rapport Gersony » voir l’entrée Wikipedia
et ses liens ; pour les critiques de sa véracité, voir
[le Représentant spécial de l’– ONU au Rwanda à
l’époque]] Shaharyar Khan, The Shallow Graves of
Rwanda, I.B. Taurus, 2001, pp. 51-62, et l’étude de
l’attache militaire américain au Rwanda à l’époque,
William Odom, Journey, Journey Into Darkness:
Genocide in Rwanda, Texas A&M 2005, pp. 173-177 ;
des informations complémentaires sur les tactiques
de désinformation utilisées par les génocidaires
concernant les thèmes abordés par Gersony peuvent
être trouvées dans Colette Braeckman, Rwanda :
Histoire d’un Génocide, Fayard 1994, pp 290-292
, sur la base des rapports de l’ONG Médecins Sans
Frontières décrivant le contrôle serré exercé par les
dirigeants du Hutu Power sur ce que la population des
« camps de réfugiés » pouvaient dire aux étrangers.
[97.] HRW, Aucun témoin ne doit survivre, op. cit.
p. 16.
136
Notes
[98.] Voir par exemple, HRW, Lettre au Procureur
général du TPIR Hassan Jallow en réponse à sa lettre
concernant les crimes commis par le FPR, 2009
[99.] Voir HRW, Aucun témoin ne doit survivre, op. cit. p.
16. et La loi et la réalité, op. cit. p. 89 ; Jean Damascène
Bizimana, « La Vérité pour Le Rwanda » [5 pages],
non daté ; Gérard Prunier, Africa’s World War –
Congo, the Rwandan Genocide, and the Making of a
Continental Disaster, Oxford University Press, 2009,
pp 365-368, et Faustin Kagame, « Gérard Prunier
et son invasion ratée du Rwanda [Analyse] », 5 Avril
2010, [6 pages]. En 1998, Sendashonga fut rejoint par
le leader MDR « modéré » Faustin Twagiramungu
[qui fut le premier Premier ministre du gouvernement
rwandais après le génocide, en 1994-95] en vue de la
création d’un parti d’opposition en dehors du Rwanda
appelé « Forces de Résistance pour la Démocratie »,
que Sendashonga voulait transformer en mouvement
armé.
En 1998, Twagiramungu — une source tout aussi
‘crédible’ que Sendashonga — était arrivé jusqu’à dire
que le FPR avait tué plus de 300.000 Hutu en 199495. En 2002, Twagiramungu qui était auditionné
comme témoin de la défense au procès d’Elizaphan
Ntakirutimana, [qui sera par la suite reconnu coupable
de génocide] déclara que le génocide n’avait été, en
aucune façon, ni planifié, ni dirigé contre les Tutsi.
HRW n’a jamais eu de commentaires sur les errements
politiques depuis 1995 de ce principal leader de l’aile
« modérée » du MDR.
[100.] Voir Jean Pierre Chrétien, Le Défi de l’Ethnisme,
2012, page 204 et les œuvres qui y sont citées : Michael
137
La trahison de Human Rights Watch
Radu, The New Insurgencies. Anticommunist guerillas
in the third world, New Brunswick, Transaction
Publishers, 1990, pp 185-187, et M. Cahen, « De la
guerre civile à la plebe: la Renamo du Mozambique »,
p. 74, in Y. Guillaud & F. Letang, eds, Du social hors la
loi. L’anthropologie analytique de Christian Geffray,
Marseilles, IRD, 2009. Texte disponible en ligne
sur : http://horizon.documentation.ird.fr/exl-doc/
pleins_textes/ed-09-10/010045688.pdf
[101.] HRW, Aucun témoin ne doit survivre, p. 734-35..
[102.] Pour la position de HRW, voir : HRW, « Rwanda :
rendre la justice à toutes les victimes », 12 Août 2002 ;
« Conseil de sécurité: Garantir que les réformes de
gestion n’ébranlent pas le TPIR. Les principaux groupes
de défense des droits de l’homme exhortent le Conseil de
sécurité », 8 août 2003 ; « Lettre au Procureur du TPIR
en ce qui concerne la poursuite des crimes du FPR », 26
mai 2009 ; « Rwanda: Le Tribunal pénal international
pour le Rwanda risque d’encourager une « justice des
vainqueurs », 1er Juin 2009 ; « Lettre au Procureur
général » du TPIR Hassan Boubacar Jallow en réponse
à sa lettre concernant le jugement des crimes commis
par le FPR, » 14 août 2009 ; Rwanda : Les travaux du
Tribunal incomplets »,17août 2009 ; Pour la position
du TPIR, voir : Procureur du TPIR Hassan Boubacar
Jallow « Lettre à Kenneth Roth de Human Rights
Watch », le 22 Juin 2009,disponible enligneàl’adresse :
http://rwandadelaguerreaugenocide.univ-paris1.fr/
wp-content/uploads/2010/01/Annexe_129.pdf ; et
« Mon Entretien avec Tim Gallimore, ancien porteparole du procureur du TPIR », 6 pages, à http://
foreignpolicyblogs.com/2011/05/27.
138
Notes
[103.] La traduction française non officielle du texte
originel espagnol de l’acte d’accusation Merelles,
peut être trouvée en ligne : www.gerald.foci.net/
acte-accusa-esp1.htm; le texte de l’acte d’accusation
Bruguière est disponible en ligne sur le site www.
lanuitrwandaise.org/.../023-ordonnance]
[104.] HRW, La loi et la réalité, 2008, op. cit. p.
101 ; HRW n’omet de mentionner ici aucune des
nombreuses étrangetés de l’acte d’accusation rédigé
par le juge Jean-Louis Bruguière, et beaucoup d’autres
« informations » manifestement fausses dans l’acte
d’accusation Merelles, comme par exemple, l’allégation
selon laquelle le FPR a tué 321 726 personnes au
Rwanda en 1994-95.
[105.] Il ne semble pas exister d’analyse non-rwandaise de
l’acte d’accusation Merelles en anglais ou en français.
Il est exposé, de manière convaincante comme une
reprise de la propagande Hutu Power dans un rapport
au Parlement rwandais dirigé par Jean Damascène
Bizimana : Analyse Critique des Conclusions
d’Enquêtes Rendues par les Juges Bruguière et
Merelles, 40 pages, Kigali le 15 mai 2008, et dans une
étude réalisée par Tom Ndahiro, « Merelles, le juge
espagnol passible de poursuite, 10 pages, traduite de
l’anglais et publiée par la Revue La nuit Rwandaise n°
6, 7 avril, 2012.
De multiples travaux ont été publiés en français sur les
vices de forme, la motivation politique et le processus
d’effondrement de l’acte d’accusation Bruguière.
Parmi les chercheurs français et belges, voir Jacques
Morel & George Kapler, « Un juge de connivence ?
Analyse de l’ordonnance de soit-communiqué du
139
La trahison de Human Rights Watch
juge Bruguière mettant en cause Paul Kagame pour
l’attentat du 6 avril 1994 à Kigali, 43 pages, La
Nuit rwandaise, n°1, 7 avril 207 ; Michel Sitbon, « A
propos de l’attentat Contre Juvénal Habyarimana »,
pp. 417-453., La Nuit rwandaise, n° 3, 7 avril 2009,
et Un attentat français ? Edition Aviso, 2012, p.159 ;
Jacques Morel, La France au cœur du génocide des
Tutsi, ed. Izuba & l’Esprit Frappeur 2010, JeanPierre Perrin, « Paul Barril, « l’Affreux », pp. 52-63
dans la revue XXI, n° 10, printemps 2010, ainsi que
les œuvres de Colette Braeckman, Maria Malagardis,
Jean-François Dupaquier, Mehdi Ba et le site http://
rwandagrandemanip.wordpress.com/. Voir également
les travaux des chercheurs rwandais, Jean Damascène
Bizimana, « Analyse Critique », op. cit., et le Rapport
Mutsinzi de 2009 précité. Pour le plus récent épisode
de l’effondrement de l’acte d’accusation Bruguière,
consulter Reuters, “French probe exonerates Rwanda
leader in genocide”, 10 janvier 2012; CNN, “Report:
rebels cleared in plane crash that sparked Rwandan
genocide,” 11 janvier 2012; Linda Melvern, “Rwanda:
At Last We Know the Truth,” The Guardian, 10
janvier 2012 ; Andrew Wallis, “Rwanda: A Step
Toward Truth,” posted January 21, 2012 on www.
opendemocracy.net ; Medhi Ba, Attentat du 6 avril
1994 : La faillite des « experts », La Nuit rwandaise
n° 6, 7 avril.
[106.] République démocratique du Congo 19932003 — Rapport du Projet Mapping concernant les
violations les plus graves des droits de l’homme et du
droit international humanitaire commises entre mars
1993 et juin 2003 sur le territoire de la République
140
Notes
démocratique du Congo, Août 2010, 554 pages.
[107.] Anonyme sauf pour le chef d’équipe Luc Côté, qui
s’est manifesté publiquement le lendemain de la ‘fuite’
du projet de rapport au journal français Le Monde, pour
alléguer que ce que « les troupes rwandaises tutsi »
ont fait aux Hutu en RDC en 1996-97 était « la même
chose » qui a été fait aux Tutsi du Rwanda en 1994.
Voir dépêche AFP du 27 Août 2010, « La boucherie
congolaise ressemble au génocide au Rwanda ».
[108.] Voir aussi la série de critiques dans “Official
Government of Rwanda Comments on the Draft UN
Mapping Report on the DRC”, 23 pages, ministère
des Affaires étrangères, transmis à l’Office du Haut
Commissaire aux Droits de l’Homme le 30 Septembre
2010 et Jean Damascène Bizimana, “Fautes et carences
juridiques du Rapport Mapping de l’ONU sur les
violations commises en République Démocratique du
Congo de 1993-2003”, Kigali, 9 Décembre 2010 ; Voir
également « Perdus dans la forêt. Une interprétation
réaliste du Rapport des Nations Unies sur le Congo »
Traduction française de l’article en Allemand de
Dominic Johnson « Vermisst im Urwald » paru dans
le quotidien Allemand Taz le 8 août 2008 http://cec.
rwanda.free.fr/documents/trad-taz-perdus-dansla-foret.pdf . Article originel en allemand disponible
à l’adresse suivante : http://www.taz.de/1/archiv/
digitaz/artikel/?ressort=au&dig=2010%2F08%2F
28%2Fa0160&cHash=611ab50687
[109.] Le rapport avance que les Hutu congolais et rwandais
constituent un seul « groupe ethnique », ce qui rend plus
facile de spéculer qu’ils étaient la cible d’un génocide,
mais serait probablement nouveau pour eux.
141
La trahison de Human Rights Watch
[110.] Voir Jason Stearn, “UN Mapping Report Leaked:
Crime of genocide against hutu center of controversy”,
publié le 26 Août 2010, sur son site internet Congo Siasa.
[111.] Voir Philip Gourevitch, “Rwanda Pushes Back
Against U.N. Genocide Charges”, 4 pages, publié le
27 Août 2010, sur le site The New Yorker.
[112.] Voir HRW, « RD Congo : Rapport de l’ONU expose
des crimes graves », 1er octobre 2010, en ligne : http://
www.hrw.org/fr/news/2010/10/01/rd-congo-unrapport-de-l-onu-r-v-le-des-crimes-graves; « RD
Congo: Questions et réponses sur le rapport de
mapping des Nations Unies sur les droits humains », 1er
Octobre 2010 ; Disponible en ligne : http://www.
hrw.org/fr/news/2010/10/01/rd-congo-questionset-r-ponses-sur-le-rapport-de-mapping-des-nationsunies-sur-les-d ; HRW, « RD Congo: Il faut donner
suite au rapport du Projet Mapping de l’ONU », 1er
octobre 2010, en ligne : http://www.hrw.org/fr/
news/2010/10/01/rd-congo-if-faut-donner-suiteau-rapport-du-projet-mapping-de-l-onu, ; Voir
également sur le site de HRW, l’interview de Reed
Brody, « L’ONU fait des rapports depuis 15 ans, mais
les atrocités se répètent », article Reed Brody, “Identify
the Congo killers and bring them to justice”, [reprise
d’un article de The Guardian, et HRW, “DR Congo:
Prosecute Atrocities Exposed by UN”, 10 octobre
2011.
[113.] Voir HRW, « RD Congo : Il faut poursuivre en
justice les auteurs des atrocités mises en lumière par
l’ONU », le 10 octobre 2011. http://www.hrw.org/
fr/news/2011/10/10/rd-congo-il-faut-poursuivre-enjustice-les-auteurs-des-atrocit-s-mises-en-lumi-re-pa
142
Notes
[114 ]Kenneth Roth « La puissance de l’horreur au
Rwanda », The Los Angeles Times 11 avril 2009.
Article disponible sur le site de HRW : http://www.
hrw.org/fr/news/2009/04/11/la-puissance-de-lhorreur-au-rwanda
[115.] Voir les entrées de Wikipedia « critique de HRW »
et « critiques d’Amnesty » ; site NGO Monitor
[notamment sur l’analyse de Kenneth Roth des menaces
iraniennes contre le peuple israélien] ; Voir également
l’échange entre 17 organisations des droits des femmes
et HRW intitulé “Women and Islam: An Exchange
with Kenneth Roth of Human Rights Watch” dans
The New York Review of Books [NYRB], 22 mars
2012 ; Gita Sighal “Statement on Leaving Amnesty
International” dans le NYRB, 13 Mai, 2010 ; et
Stephen Kinzer, “End human rights imperialism” The
Guardian, 31 décembre 2010.
[116.] Voir, par exemple: Thomas Mc Carthy, Race,
Empire and the Idea of Human Development,
Cambridge University Press 2009 ; Paul Gilroy,
Against Race: Imagining Political Culture Beyond the
Color Line, Harvard University Press 2000 ; Edward
Said, L’Orientalisme. L’Orient créé par l’Occident,
préface de Tzvetan Todorov, traduction de Catherine
Malamoud, ed. Original, Orientalism, 1978, Le Seuil,
1980, [rééd. augm., 2003], 392 pages et Culture et
Impérialisme, Fayard/Le Monde Diplomatique, 2000,
555 p., traduction de Paul Chemla [ed originale Culture
and Imperialism, 1993] ; Achille Mbembe, Sortir de
la Grande Nuit: Essai sur l’Afrique décolonisée, La
Découverte 2010; Catherine Coquio, ed., Retours du
Colonial ? Disculpation et Réhabilitation de l’Histoire
143
La trahison de Human Rights Watch
Coloniale, l’Atalante 2008; Adame Ba Konare, ed.,
Petit Précis de Remise à Niveau sur l’Histoire Africaine
à l’Usage du Président Sarkozy, La Découverte 2008;
Makhily Gassama, ed., L’Afrique Répond a Sarkozy:
Contre le Discours de Dakar, Philippe Rey 2008;
Boubacar Boris Diop, Odile Tobner, and FrançoisXavier Verschave, Négrophobie, op. cit. ; MichelRalph Trouillot, Silencing the Past: Power and the
Production of History, Beacon Press, 1995 ; Sven
Lindqvist, Exterminez toutes ces Brutes, [traduction
d’Alain Gnaedig], Les Arènes, Paris, 2007 .
144
Izuba Editions
Déjà parus
La chanson de l’aube, Vénuste Kayimahe, 2014
Faire face au négationnisme du génocide des Tutsi,
Josias Semujanga & Jean-Luc Galabert (dir.), 2013
Les Enfants d’Imana, Jean-Luc Galabert, 2012
En co-édition avec l’Esprit Frappeur
La France au coeur du génocide des Tutsi,
Jacques Morel, 2010
La Nuit Rwandaise. L’implication française dans le
dernier génocide du XX siècle, Jean-Paul Gouteux, 2004
Revue en co-édition avec l’Esprit Frappeur
La Nuit rwandaise n°1, 7 avril 2007
La Nuit rwandaise n°2, 7 avril 2008
La Nuit rwandaise n°3, 7 avril 2009
La Nuit rwandaise n°4, 13 mai 2010
La Nuit rwandaise n°5, 7 avril 2011
La Nuit rwandaise n°6, 7 avril 2012
La Nuit rwandaise n°7, 7 avril 2013
La Nuit rwandaise n°8, 7 avril 2014
A paraître
Une vie au Rwanda, parmi tant d’autres
Eugénie Mukamugema, 2014
Pour sortir de la guerre dans l’est de la RDC.
Changer les imaginaires, Kä Mana, 2014
Rwanda 1896-1959. La destruction d’une nation
Antoine Mugesera, 2014
Rwanda 1959-1962. La révolution manquée
Antoine Mugesera, 2014
Dans la nuit la plus noire se cache l’humanité.
Récit des justes du Rwanda
Jacques Roisin, 2014
Musenyeri Aloizi Bigirumwami
Bushayija Bugabo Antoni, 2014
Le si long crime de génocide contre les Tutsi du
Rwanda, Ladislas Sezibera, 2014
1ère classe Léon Elbaz. Mort pour la France
Jacques Deckel, 2014
Izuba éditions
http://www.izuba.info
edition@izuba.info
4 allée du Lt Lucien Lafay
314000 Toulouse