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PARMI LES MORTS-VIVANTS DE BISESERO.
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par Michela Wrong
685 Mots
01 Juillet 1994
15:55 GMT
Reuters - Les actualités en français
Français
(c) Reuters Limited 1994.
BISESERO (RWANDA), 1er juillet, Reuter - La nouvelle de l'arrivée des
Français court de colline en colline.
Peu à peu, des centaines de Tutsis, hommes, femmes, enfants, presque
tous grièvement blessés, véritables morts-vivants, surgissent de leurs
cachettes et se dirigent péniblement, en pitoyables cortèges, vers la
clairière où les commandos de marine ont établi leur camp.
En volant au secours de civils tutsis menacés par des miliciens hutus
dans la région de Bisesero, dans le sud-ouest du Rwanda, les hommes de
l'opération Turquoise se rendent compte de l'énormité de la tâche qui
les attend.
Ici, dans ces vallons boisés à 30 km au sud de la ville de Kibuye, les
"commandos-marine", des hommes préparés aux missions les plus
difficiles, ont pris sous leur protection un groupe de 150 villageois
terrifiés.
Mais les heures ont passé et ce sont des dizaines, puis des centaines
de civils, l'air hagard, qui se sont dirigés vers la clairière.
Au crépuscule, le flot n'est toujours pas tari. Des vieillards au
visage émacié transportent des blessés sur leur dos. D'autres blessés
arrivent en boitant, les uns appuyés sur des bâtons, les autres
soutenus par un parent ou un ami.
Les vêtements en lambeaux, les pieds nus, ces réfugiés qui viennent se
placer sous la protection des Français portent presque tous d'horribles
blessures.
Des femmes ont le visage tailladé à coups de machette. Une fillette de
quatre ans n'a plus qu'une main. Un gamin de 10 ans a été blessé par
une grenade. Sa plaie qui suppure est terrible à voir.
Depuis des semaines, ils se cachent dans des ravins, des carrières et
des écoles abandonnées, sans nourriture, sans soins, ne dormant presque
pas. La gangrène a fait des ravages.
Pourtant, aucune plainte. Ils attendent en silence, plein d'espoir et
de reconnaissance, d'être évacués par hélicoptère. Déjà le seul fait
d'être ici, parmi les soldats français, est un soulagement, confie l'un
d'eux.
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"Notre premier jour de paix"
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Quelques heures auparavant, les commandos français avaient découvert
des Tutsis blessés sur le point d'être attaqués par des miliciens
hutus. A quelques centaines de mètres, devant des maisons en cendres,
le sol était jonché de cadavres.
Des jeunes Hutus se rassemblaient au sommet d'une colline voisine,
attendant de toute évidence le départ des soldats français pour
continuer leur "besogne".
Mais les commandos restent et demandent des renforts. Bientôt, une
cinquantaine de soldats et des tireurs d'élite prennent position sur un
plateau balayé par le vent, les armes braquées vers les miliciens.
Une quarantaine de blessés, les plus gravement atteints, sont évacués
par hélicoptère vers le camp de Nyarushishi, plus au sud. Mais au fur
et à mesure que les Tutsis arrivent - ils sont maintenant 500 - les
soldats comprennent qu'il leur faudra s'installer pour la nuit.
Jusqu'ici, les ordres consistaient à localiser les groupes de civils
menacés et de tenter d'empêcher la poursuite des massacres. Rien sur
l'établissement de camps ou de zones de protection permanentes. Il faut
improviser.
Les soldats français estiment qu'il y environ 2.000 Tutsis encore
cachés dans les collines. Des cadavres jalonnent les routes. "On n'a
pas eu le temps de les enterrer", explique un villageois dont la femme
et les cinq enfants ont été massacrés. "Chaque jour, nous étions
attaqués. Il n'y a pas eu un seul moment de répit. C'est notre premier
jour de paix, et nous vous remercions", ajoute-t-il.
Des combattants tutsis du Front patriotique du Rwanda se seraient
infiltrés dans la région. Mais de toute évidence, les blessés de
Bisesero sont des civils, armés simplement de lances, de bâtons et de
machettes. "Il n'y a pas de FPR ici, rien que des Tutsis qui ont peur",
affirme l'un des réfugiés.
Une version contestée par le sous-préfet de Kibuye, Fabien Gashongore,
un Hutu: "Ce ne sont pas des personnes déplacées. Ce sont des rebelles
qui attaquent les gens et les villages". /GK
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