Citation
PV n° 1012
En cause
X
Du chef de :
- assassinats
- audition Henrion Paul
Suite au dossier n° C2
02545 N94 C8 de Honsieur
l'auditeur Militaire
à Bruxelles
Ver Elst-Reul
Cejourd'hui vingt et un juin mil neuf cent
nonante-quatre, à 11 30 heures;
Nous soussigné(s) Artiges Guy, adjudant - OPJ
de gendarmerie,
en résidence à Bruxelles - Aud. Mil. RGB ROMANE)
en tenue civile, (1)
rapportons avoir entendu, en son domicile, aux date et
heures du présent
Henrion Paul, Georges, François
né à Kinshasa ( CH ) le 07.09.30
dlié aveenue des Combattans 42 à 5500 Dinant
qui nous déclare :
" Je désire m'exprimer en langue française.
J'habite au Rwanda depuis 34 ans et je demeurais
avenue des Grands Lacs à Kigali. Au moment de l'attentar
contre l'avion Présidentiel, je mettais un projet touris-
tique en route sur le Lac Muazi. Œn fai je suis pensionné.
En date du 06.04.94 je me suis rendu au Lac Muhazi.
Lors de ce déplacement, vers 1100 hrs, j'ai remarqué
la présence d'un camion militaire avec 2 jeeps. Derrière
le camion il y avait une remorque avec une bâche.
Je me suis même étonné car il était question de démilita-
risation par la MINUAR.
Il y avait une dizaine de militaires Rwandais autour
de ce camion et des jeeps. Certains militaires avec de
bérets camouflés style para-commando et la majorité
étaient en bérêts noirs ou foncés. J'ai remarqué 2 ou
3 bérêts rouges de la gendarmerie dans le lot. Deux mili-
taires portaient des housses en toile kaki en bandouillère
Ces housses avaient de larges bretelles. J'ai pensé à des tubes de
canons sans recul vu le diamètre. Une chose m'a frappé, c'est que ces
militaires, noirs, avaient le bérêt incliné dans le sens contraire à la
normale. L'insigne de bérêt Rwandais était du mauvais côté. Je dirais
même que ces bérêts étaient portés "à la française". Je me trouvais avec
Eddy Krop de Verviers et de Benoît Ducarme de Bruxelles.
Cela se situe dans la vallée derrière le camp Kanombe.
Toujours est-il que nous avons poursuivi notre route. Un peu plus
loin, un peu avant le marché de Kabuga, j'ai remarqué un groupe de
militaires. Je n'ai pas fait attention mais Krop m'a fait remarquer
par la suite que les militaires avaient remis une batterie anti-aérienne
à Kabuga... Cela l'avait étonné vu qu'on avait annoncé un désarmenent
des armes lourdes par la MINUAR. Le soir, au retour de notre déplacement
soit vers 1930 hrs, j'ai remarqué que les militaires précités étaient
encore dans les environs des points précités. Ii faisait noir et nous
n'avons pas prêté plus d'attention.
Vers 2000 Hrs je suis arrivé à Kigali et j'ai remarqué que des mili-
taires préparaient leurs barrages habituels. D'habitude ils mettaient
ces barrages en place vers 2200 hrs
Vers 2020 hrs, j'étais à domicile et j'ai vu une grande lueur du côté
de l'aéroport. J'ai entendu au même moment 2 explosions persque simulta-
nées. J'ai pensé à une explosion d'un réservoir de l'aéroport. Ce n'est
que vers 2045 hrs que j'ai été prévenu par le Dr Sebiziga Aloïs, qui
habitait près du Cercle Sportif, que l'avion Présidentiel avait été
abattu. Il m'a signalé que du côté de Kanombe et derrière Masaka et de
Remera, les interahamwe avaient commencé à tuer, en compagnie de la
Garde Présidentielle.
Le colonel E.R. Benda Sabin ( parti MDR ) m'a confirmé la chose. J'ai
aussi appris que derrière le camp de Kanombe on tuait Lout ce qui
vivait.
J'ai pris contact avec la famille Kanyarengwe ( leader FPR ) car je
pressentais un grand danger pour eux. J'ai caché cette famille et dans
les jours suivants, avec l'aide du Colonel Rusatira ( ESM ) j'ai pu
faire évacuer cette famille le lundi 11.04.94. L'ambassadeur Belge
Swinnen m'a confirmé la mise en lieu sûr de la famille Kanyarengwe.
Pour ma part j'ai été menacé par des FAR ( Garde Présidentielle ) dans
un blindé. Ils ont tenté de rentrer chez moi mais je les ai mis en
joue. Ils sont ensuite partis.
Pour ce qui est de l'assassinat des 10 paras, le Dr Sebiziga m'a
...
... ainsi que d'autres Ministres. Le Dr Sebiziga m'a dit aussi que les
militaires avaient arrêté les casques bleus qui les protégeëient. Je ne
sais plus situer cela dans le temps mais je prévenais le Dr Thiry
(UNAMIR) qui logeait près de chez moi ( Vitamine base ) qui lui prévenait
le Col Marchal. Au moment de l'info relative aux casques bleus Belges,
j'ai prévenu un adjoint du Dr Thiry vu que ce dernier avait été arrêté et
désarmé par les FAR.
Le Dr Sebiziga m'a prévenu que des soldats Belges avaient été xxx
massacrés. Je pense qu'il m'a dit cela le 08.04.94 après que les
interahamwe aient jeté des têtes coupées dans sa parcelle. Ils lui
criaient d'attendre, que cela allait être son tour...
Je voudrais ajouter que mon boy a fait l'objet d'une tentative de
recrutement par les CDR. On voulait lui donner 500 Frs Rw par semaine,
5 litres d'essence et une machette, pour commettre des attentats. Mon
boy a refusé et a été battu presqu'à mort. J'ai retrouvé mon boy dans un
cachot de la gendarmerie à Kicukiro. Mon boy m'a précisé qu'il devait
participer aux tueries et me liquider le moment venu.
Je précise que j'ai appris par mon boy qu'un autobus de l'ONATRACOM a
déposé des caisses et des armes en vrac ( AK 47 ), des ballots de machettes
des caisses de grenades, chez un responsable CDR de Gikondo, soit " Husi...
(au dessus du marché de Gikondo à Gatenga ) J'ai prévenu le Dr Thiry
qui a prévenu le Col Marchal.
J'ai eu la visite d'un lieutenant flamand du 1 Para qui est venu noter
les renseignements à ce sujet.
Je voudrais aussi parler de Norbert Dubois. Cet homme jouait les
espions pour le Président. Je me souviens d'un jour où je lui faisais
remarquer que la radio RTLM appelait constamment à liquider tous les
Tutsis. Dubois m'a répondu que c'était de la bonne propagande et que
le Président aurait dû faire cela depuis longtemps !... Pour Dubois,
du fait que j'avais des contacts avec le FPR, me plaçait dans une position
de "traitre". Norbert Dubois était toujours le conseiller dans les
sales coups. Il est mêlé dans le coup d'Etat contre Kayibanda en 1973.
Je sais qu'il a assisté à des exécutions sommaires de Tutsis par l'Adju-
Rwagafilita, devenu colonel par la suite. Dubois était un peu l'éminence
grise du Président.
Pour RILM je peux témoigner que Georges Ruggiu appelait les milices à
tuer chacun son Belge, ceci après l'attentat. Avant il en appelait
essentiellement à "écarter" puis à liquider" les Tutsis. Ces "conseils"
étaient répétés à longueur de journée.
J'ai aperçu Ruggiu au début de son séjour au Rwanda, en fin 1993, ...
... mais je n'ai jamais eu contact avec lui.
À votre demande je confirme que j'ai remarqué des militaires Français
en février 94 je crois à Kigali. C'était d'anciens militaires qui
normalement auraient dû être partis en décembre 93 lors de l'arrivée
du Bn FPR à Kigali. Ces militaires sont soit restés, soit revenus
mais en début d'année 94 ils étaient toujours en civil, par groupes de
3 où 4 à Kigali.
Ce que je peux encore dire c'est que j'ai appris du FPR, ici en
Belgique, qu'un groupe de militaires Français, Gouadelupéens, venus
de Bangui par le Zaïre, était encerclé par le FPE au Rwanda dans la
région de Kibuye - Gitarama. Je suppose dans que l'opération menée
actuellement par la France est de sortir son personnei de ce ghetto.
J'ai aussi été averti que Séraphin Rwabukumba ( demi-frère d'Agathe
Habyarimana et frère d'Elie Sagatwa ) - AKAZU - est chargé d'une mission
en Belgique de faire taire ceux qui "parlent de trop ".
Je me souviens avoir averti la MINUAR de la volonté Rwandaise de
faire la " nuit des longs couteaux " pour liquider l'opposition le
23.03.94, J'avais été averti par le Dr Sebiziga. Des armes, machettes
et grenades avaient été distribuées à la population dans ce but. J'étais
sur la liste des gens à liquider. Les massacres n'ont pas eu lieu ce
jour-là.
Le col E.R. Benda Sabin m'a dit qu'il y avait eu des "accrochages"
(tirs) entre le camp de Kanombe et le Résidence Présidentielle dans
les minutes oui ont suivies l'attentat.
(après lecture, persiste et signe dans notre carnet de renseignement!
Renseïgnements
- nous joignons au présent, un plan établi par Henrion, représentation
de l'endroit où il a observé des militaires Runadsi le journée du
06.04.94 ainsi que deux feuillets d'anotations de sa main.