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De l'un des envoyés spéciaux de l'AFP, Michel Cariou Gisenyi (Rwanda), 8 juil
A l'ancien hôtel Méridien de Gisenyi, le réceptionniste fait désormais office d'huissier de la République. Après sa débâcle face au Front Patriotique Rwandais (FPR), le gouvernement intérimaire a replié ses quartiers dans le plus luxueux établissement de cette ville adossée à la frontière zaïroise.
Dans le hall de l'hôtel, miliciens en armes ou militaires désoeuvrés montent la garde au milieu des multiples « conseillers » du gouvernement qui répètent inlassablement le même discours. Le FPR est composé de « terroristes et d'assassins » qui n'accepteront un cessez-le-feu que pour mieux le violer, disent-ils avec la conviction du désespoir.
La communauté internationale est responsable de leurs revers militaires avec l'embargo qui a privé les Forces Armées Rwandaises (FAR) de munitions, assurent-ils, persuadés que « tout le monde » s'apprête à les « lâcher ». Et, au fil des jours et des succès du FPR, les griefs et la rancoeur contre les étrangers s'accumulent.
Pourtant, le gouvernement « hôtelier » s'attache à préserver les apparences. Les ministres, quand ils sont présents, sont toujours « extrêmement occupés ». Les forces gouvernementales ne contrôlent plus que le quart nord-ouest du pays. Les Français sont installés dans le sud-ouest. Le FPR contrôle le reste du pays. Mais la gestion de ce petit quart de Rwanda, où les milices sont omniprésentes, mobilise toute leur énergie, consent à dire sur un ton de confidence un conseiller aux fonctions mal définies.
Au bord de la piscine de l'hôtel, dont l'eau a verdi faute d'entretien, ou dans le jardin ombragé et odorant qui vient mourir sur les rives du lac Kivu, des « groupes de travail » de conseillers tiennent réunion sur réunion. Les ordres du jour sont toujours « extrêmement importants », les dossiers épais, les conciliabules à voix basse interminables et leurs conclusions « secrètes ».
Réfugiés dans des chambres devenus des bureaux provisoires, les ministres siègent eux aussi en « conseils restreints » quasi permanents qui ne sauraient être troublés. Les discussions durent des heures. Pendant ce temps, les déplacés qui fuient les zones conquises par le FPR affluent de toutes parts vers la zone gouvernementale.
De ces conversations sans fin, que ressort-il ? « Nous allons prendre des décisions », répète le ministre de l'Information Eliezer Miyitegeka sans en dire plus. Il évoque aussi « de nouvelles propositions » mais il n'a pas le texte sous la main.
Face à ce gouvernement qui ne semble plus maître que de la parole, l'hôtel s'alimente de rumeurs sur des « traîtres » qui seraient présents jusque dans la ville et sur des « défections ».
A quelques dizaines de mètres de là, soldats et miliciens boivent de la bière à longueur de journée à la terrasse du Palm Beach, apparemment indifférents à ce que pourrait vouloir dire le gouvernement intérimaire de l'hôtel Méridien.
MC/lyb/pb
tmf