Citation
À quelques mois du vingtième anniversaire du génocide rwandais, la France est sur le point de juger pour la première fois un suspect. Pascal Simbikangwa a été renvoyé mardi devant la Cour d'assises de Paris pour «complicité de génocide». Seul un appel de ses avocats pourrait désormais éviter à cet ancien militaire rwandais de faire face à la justice et à son passé.
Et le passé de Pascal Simbikangwa, 54 ans, est soupçonné d'être très lourd. Capitaine, à la tête du service central du renseignement (SCR), la police politique du régime de Juvénal Habyarimana, il est accusé d'avoir été impliqué de très près tant dans l'organisation que dans l'exécution du génocide qui, en 1994, entraîna la mort de 800.000 tutsis et opposants hutus en trois mois. Pascal Simbikangwa, surnommé «le Tortionnaire», est censé avoir été l'une des chevilles ouvrières de l'Akazu, la petite maison, un cercle de fanatiques du Hutu power au plus haut dans l'appareil d'État et véritable planificateur du massacre. Dans son réquisitoire de 80 pages, le juge d'instruction estime que ces présomptions sont étayées.
Dans l'acte d'accusation de la justice rwandaise, qui a réclamé en vain son extradition, le capitaine est présenté comme un génocidaire des plus importants, classé dans la catégorie 1, celle des meneurs. Selon Kigali, il aurait conduit des escadrons de la mort et dirigé des barrages, où les assassinats à la machette étaient courants. L'homme s'était volatilisé fin juin 1994, alors que le FPR, la rébellion tustsi, prenait le contrôle du Rwanda.
Il réapparaîtra en 2008 à Mayotte. La police démantèle alors un trafic de faux papiers et interpelle le chef du réseau, un certain David Safari Senyamuhura. Les recherches autour de ce clandestin permettent vite d'identifier Pascal Simbikangwa. Mis en examen, il est incarcéré à la Réunion puis transféré à Fresnes après une plainte du Collectif des parties civiles pour le Rwanda.
Ce procès pourrait améliorer les relations entre Paris et Kigali
L'annonce de l'ouverture prochaine de ce procès pourrait améliorer un peu les relations entre Paris et Kigali, très tendues ces derniers mois. Le Rwanda, qui digère mal, notamment, le refus de la justice française d'extrader les présumés coupables de crimes contre l'humanité, accuse régulièrement la France de protéger les derniers génocidaires. Non sans raison. La France a ainsi été condamnée par la Cour européenne des droits de l'Homme pour la lenteur de la justice, certains accusés étant poursuivis depuis 18 ans. Alors que l'Allemagne, les Pays-Bas, la Belgique ou encore le Suède ont déjà jugé des Rwandais, en France, pays pourtant très impliqué dans le dossier rwandais, aucun procès n'a encore été ouvert.
D'autres procédures en cours pourraient aboutir
Les choses pourraient cependant s'accélérer. Depuis 2012, le pôle chargé d'instruire les crimes contre l'humanité n'a fait que se renforcer. Il compte cinq magistrats et douze enquêteurs. C'est cette équipe qui a permis de déférer Pascal Simbikangwa. Ce dossier laisse espérer que d'autres procédures en cours depuis des lustres pourrait être bouclées rapidement, comme celle contre le père Wenceslas Munyeshyaka. Ce prêtre officiait au moment du génocide dans l'Église de la Sainte-Famille à Kigali. Il est accusé par le Tribunal Pénal International pour le Rwanda (TPIR) d'avoir organisé plusieurs massacres. Il est poursuivi en France depuis 1995. Le préfet de Gikongoro, Laurent Bucyibaruta, chef du comité préfectoral du mouvement interahamwe, le bras du génocide, a été, lui, arrêté en juillet 2007. Le TPIR l'accuse de génocide, de complicité de génocide, d'incitation directe et publique à commettre le génocide, d'extermination, d'assassinat et de viol.
Enfin, les parties civiles espèrent un jour voir ouvert le procès d'Agathe Habyarimana. La veuve de l'ancien président rwandais, réfugiée en France depuis avril 1994, n'a jamais répondu à la moindre question. Elle est pourtant accusée par des témoins d'être l'âme de l'Akazu, l'une des grandes inspiratrices de génocide. Elle nie. La justice devrait pouvoir trancher.