Fiche du document numéro 4118

Num
4118
Date
Vendredi 12 octobre 1990
Amj
Auteur
Fichier
Taille
114047
Pages
2
Titre
Selon Kigali, les paysans tués étaient des rebelles
Sous titre
Exactions rwandaises et zairoises. Encore un témoignage horrifiant
Page
1, 9
Nom cité
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Mot-clé
Source
Type
Article de journal
Langue
FR
Citation
KIGALI

De notre envoyée spéciale

Hier, le témoignage d'un réfugié rwandais en Ouganda annonçant le massacre d'un millier de civils par l'armée rwandaise avait été formellement démenti par le président lui-même. Mais, aujourd'hui, la position du gouvernement rwandais a sensiblement évolué. Il reconnaît qu'il y a bien eu des massacres, mais en nie la responsabilité.

Il y a effectivement sur le terrain des centaines de cadavres, a précisé, hier soir, le ministre des Affaires étrangères, mais ce serait ceux de rebelles habillés en paysans. En effet, a précisé Casimir Bizimungu, nous nous trouvons face à une situation de guérilla.

Pour lui, l'ennemi, rodé à ces pratiques, n'hésite pas à s'infiltrer dans la population, se faisant passer pour de simples paysans. Or, une attaque a eu lieu, près de Muvumba, qui vit s'affronter à coup de mortiers les forces rwandaises et rebelles, l'armée régulière faisant beaucoup de dégâts dans les rangs adverses. Les dépouilles laissées sur place ne sont donc pas celles de paysans rwandais, mais plutôt celles de rebelles habillés en paysans.

Enfin, a achevé le ministre, ces rebelles ne reculent devant rien. Ils sont capables de prendre des paysans en otage et de les utiliser comme boucliers pour les faire massacrer par l'armée régulière.
La position du gouvernement rwandais laisse pourtant songeur. Comment reconnaît-on un paysan tué par des balles rwandaises d'un rebelle déguisé en paysan et tué par les mêmes balles? La question risque de rester ouverte.

Mais, depuis vingt-quatre heures, la situation militaire a aussi évolué dans le Nord-Est. Le camp militaire de Gabiro, que l'armée rwandaise avait repris mercredi, est de nouveau aux mains des rebelles.

Durant la nuit de mercredi à jeudi, a-t-on appris à Kigali de source militaire sûre, les Rwandais ont préféré laisser le camp inoccupé plutôt que subir une très dangereuse attaque nocturne, le camp étant situé dans une cuvette. Les rebelles l'ont donc occupé, et, en fin d'après-midi, de très violents combats de reconquête opposaient toujours les militaires rwandais aux occupants.
Toujours dans la nuit de mercredi à jeudi, une autre attaque a eu lieu également dans la région du Mutara, mais plus à l'ouest, entre Ngarama et Nyagatare. Toujours d'après cette même source militaire, l'armée rwandaise en est sortie victorieuse et l'ennemi aurait subi de lourdes pertes: plusieurs dizaines de morts. Un stock d'armes de 26 pièces, dont une mitrailleuse monotube antiaérienne, a été saisi.

Sans être expert en matière militaire, on ne peut que s'interroger sur la tactique adoptée par l'armée rwandaise. Pourquoi reprendre, au prix de violents combats, le camp de Gabiro pour l'abandonner la nuit suivante et recommencer la même offensive le lendemain? Ici aussi, on ne peut que s'interroger.

Dans le même temps, à Kigali, l'ambassadeur de Belgique, Johan Swinnen, déployait une activité diplomatique intense. Il a d'abord rencontré, hier matin, le président Habyarimana, à qui il avait demandé une audience urgente pour lui faire part des souhaits et exigences du gouvernement belge.
Il a d'abord réclamé que toute la lumière soit faite sur les massacres qui se seraient déroulés dans le Nord-Est. Toujours au nom du gouvernement belge, il a exigé que les organismes humanitaires, dont la Croix-Rouge, aient libre accès et droit de visite aux détenus emprisonnés à Kigali. Pour la première fois, il a insisté sur l'importance capitale que la Belgique attache au respect des droits de l'homme. L'ambassadeur a ensuite expliqué que la Belgique souhaitait que le conflit soit réglé de manière pacifique et que notre pays était prêt à contribuer à la recherche de solutions dans un cadre international ou régional.

Lors d'une réunion des corps diplomatiques avec le ministre des Affaires étrangères, M. Swinnen a appris que ces exigences seraient satisfaites au moins en ce qui concerne l'accès du CICR (Comité international de la Croix-Rouge) aux prisons. Dès lundi, ou peut-être même avant. D'autre part, le problème de la surpopulation des centres de détention devrait bientôt être réglé. Le président Habyarimana a en effet décidé d'accélérer la procédure de grâce de 6.000 détenus qu'il avait accordée à l'occasion de la récente visite du pape au Rwanda.

VÉRONIQUE KIESEL

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