Attention : ce document exprime l'idéologie des auteurs du génocide contre les Tutsi ou se montre tolérant à son égard.
Citation
- 94 Section première
Du meurtre et de ses diverses espèces
311. — L’homicide commis avec l’intention de donner la mort est
qualifié meurtre; il emporte la peine d’emprisonnement à perpétuité.
...
CHAPITRE VIII
DES IMPUTATIONS DOMMAGEABLES ET DES INJURES
...
393. — Quiconque aura manifesté, par une diffamation ou une injure
publique, de l’aversion ou de la haine envers un groupe de personnes
appartenant, par leur origine, à une race, ou une religion déterminée, ou
commis un acte de nature à provoquer cette aversion ou cette haine, sera
puni d’un emprisonnement d’un mois à un an et d’une amende n’excédant
pas cinq mille francs, ou de l’une de ces peines seulement.
ANNEXE III
Au paragraphe 17 de ses motifs ([2004] 1 R.C.F. 3), le juge Décary, de la Cour d’appel
fédérale, a reproduit le texte du discours de M. Mugesera traduit en français par
M. Kamanzi, puis traduit en anglais à partir de la version française. La numérotation
a été ajoutée pour faciliter la consultation.
DISCOURS PRONONCÉ PAR LÉON MUGESERA LORS D’UN MEETING
DU M.R.N.D. TENU A KABAYA LE 22 NOVEMBRE 1992.
Notre Mouvement, longue vie [. . .]
Que le président Habyarimana ait longue vie [. . .]
Que nous les Militants du Mouvement ici réunis, nous ayons longue vie.
1.
Militants de notre Mouvement, comme nous sommes tous ici réunis, je
pense que vous saisirez le sens du mot que je vais vous adresser. Je vous
parlerai de quatre points seulement. Dernièrement, je vous ai dit que
nous avons refusé le mépris. Encore aujourd’hui, nous le refusons. Je
n’y reviendrai plus.
- 95 2.
Quand je considère la foule immense constituée par nous tous ici réunis,
il est clair que je devrais omettre de vous parler du premier point à traiter
car j’allais vous demander de vous méfier des coups de pied du M.D.R.
agonisant. Cela est le premier point. Le deuxième point sur lequel je
voudrais que nous échangions des idées, est qu’il ne faut pas que nous
nous laissions envahir. Que ce soit ici où nous nous trouvons, que ce soit
aussi à l’intérieur du pays. Cela est le deuxième point. Le troisième
point dont je voudrais vous entretenir est également un point important
à savoir la manière dont nous devons nous comporter pour que nous nous
protégions contre les traîtres et contre ceux qui veulent nous porter
préjudice. Ce par quoi je vais justement terminer, c’est cette manière
dont nous devons nous comporter.
3.
Le premier point donc, que je voudrais vous soumettre, est ce point
important que je voudrais porter à votre connaissance. Comme M.D.R.,
P.L., F.P.R. ainsi que le fameux parti appelé P.S.D. et même le P.D.C.
s’agitent ses (sic) jours-ci. Sachez pourquoi ils s’agitent et ils s’agitent
dans le but de porter atteinte au Président de la république, à savoir, lui
le Président de notre Mouvement mais cela ne leur réussit pas. Ils
s’agitent contre nos Militants; sachez la raison pour laquelle ces
agitations sont en train de se produire : en fait, lorsque quelqu’un va
mourir, c’est qu’il a déjà en lui la maladie!
4.
Le voleur Twagiramungu s’est présenté à la Radio en sa qualité de
Président du parti, et c’est lui qui en avait fait la demande, pour y aller
parler contre la C.D.R. Mais il y fut terrassé par cette dernière. Après
qu’elle l’y eut terrassé, dans tous les taxis, partout à Kigali, des Militants
du M.D.R., du P.S.D., ainsi que les complices des Inyenzi, ont été
profondément humiliés, jusqu’à en devenir presque morts! Et même
Twagiramungu lui-même, a complètement disparu. Il ne s’est même plus
montré dans le bureau où il travaillait! Je vous assure que le parti de cet
homme s’est couvert de honte : tout le monde a eu peur et ils ont failli en
mourir!
5.
Étant donné donc que ce parti ainsi que ceux-là qui partagent ses
opinions sont des complices des Inyenzi, quelqu’un de parmi eux du nom
de Murego à son arrivée à Kibungo, a pris la parole pour dire : « Nous
autre (sic), nous descendons des Bahutu et effectivement nous sommes
des Bahutu ». On lui répondit : « Puisses-tu perdre par la mort tes frères!
Dis-donc, de qui tiens-tu ces propos relatif (sic) aux Bahutu? » Ils se
fâchèrent jusqu’à en devenir presque morts!
6.
C’est alors que le Premier Ministre du nom, dit-on, de je ne sais pas s’il
faut dire Nsengashitani (Je-prie-Satan) ou (Nseng) Iyaremye
(Je-prie-le-Créateur) s’est mis en route vers Cyangugu pour aller
empêcher aux Bahutu de se défendre contre les Batutsi qui posaient des
mines contre eux. Vous avez entendu cela à la Radio. Alors on l’a raillé,
vous l’avez vous-même entendu, et il a perdu la tête, lui et tous les
Militants de son parti, ainsi que ceux des autres partis qui partagent ses
opinions. C’est à ce moment où ces gens venaient d’essuyer un tel revers
[. . .] vous avez entendu vous-mêmes que le Président de notre parti, Son
- 96 Excellence le Général-Major Habyarimana Juvénal a pris la parole à son
arrivée à Ruhengeri. L’« Invincible » s’est présenté solennellement,
tandis que les autres-là disparaissaient sous terre! Dans leurs agitations,
ces gens étaient presque morts de s’agiter, car ils avaient appris que tout
le monde, y compris même ceux qui se réclamaient d’autres partis, étaient
en train de les quitter pour revenir dans notre parti, grâce au discours de
notre Chef.
7.
Leurs coups de pied menaceraient le plus averti. Néanmoins, étant donné
notre nombre, je me rends compte que nous sommes si nombreux qu’ils
ne pourraient pas trouver où les donner : ils perdent leur temps!
8.
C’est donc là le premier point. Le M.D.R. et les partis qui partagent ses
opinions sont en train d’agoniser. Évitez leurs coups de pied. Comme
je l’ai constaté, même un coup d’ongle ne pourra vous effleurer!
9.
Le deuxième point dont j’ai décidé de vous entretenir, c’est de ne pas
vous laisser envahir. À tout prix, vous quitterez ces lieux en emportant
avec vous cette parole, à savoir ne pas vous laisser envahir. Dis-donc, toi
homme, toi père ou mère ici présents, si quelqu’un vient un jour
s’installer dans ton enclos et y défèque, accepteras-tu encore réellement
qu’il y revienne? Cela est tout à fait interdit. Sachez que la première
chose importante [. . .] vous avez vu ici nos frères de Gitarama. Leurs
drapeaux, c’est moi qui les ai distribués lorsque je travaillais au siège de
notre Parti. Partout à Gitarama, on les a hissés. Mais, quant (sic) tu
viens de Kigali, que tu continues d’avancer pour pénétrer dans Kibilira,
plus aucun drapeau du M.R.N.D. ne s’y trouve : on les a descendus!
Quoi qu’il en soit, vous le comprenez vous-mêmes, les prêtres nous ont
appris de bonnes choses; notre Mouvement aussi est un Mouvement pour
la paix. Cependant, il faut qu’on sache que, pour notre paix, il n’y a pas
d’autre moyen de l’avoir que de se défendre soi-même. Certains ont cité
l’adage suivant : « Qui veut la paix prépare toujours la guerre ». C’est
ainsi donc que, dans notre Préfecture de Gisenyi, c’est la quatrième ou
cinquième fois que j’en parle, ce sont eux qui ont agi les premiers. Il est
écrit dans l’Évangile que si l’on te donne une gifle sur une joue, tu
offriras l’autre pour qu’on tape dessus. Moi, je vous dis que cet Évangile
a changé dans notre Mouvement : si on te donne une gifle sur une joue,
tu leur en donneras deux sur une joue et ils s’effondreront par terre pour
ne plus reprendre leurs esprits! Ici donc, plus rien de se (sic) qui
s’appelle leur drapeau, plus rien de se (sic) qui s’appelle leur bonnet, plus
rien même de se (sic) qui s’appelle leur Militant ne doit venir sur notre
sol pour y prendre la parole; je veux dire dans tout Gisenyi, sur toute son
étendue!
10.
(Un proverbe) dit : « L’(hyène) mange les autres mais lorsqu’on va le
manger elle se fait amère »! Qu’ils sachent qu’un homme en vaut un
autre; notre enclos aussi (parti) ne se laisse pas non plus envahir. Sachez
donc que se laisser envahir est interdit. Il y a également une autre chose
dont je voudrais vous parler au sujet de « ne pas se laisser envahir » et
que vous devez refuser car ce sont des choses effrayantes. Notre aîné
Munyandamutsa vient de vous dire ce qu’il en est en ces mots : « Nos
Inspecteurs actuellement au nombre de cinquante-neuf à travers le pays
- 97 viennent d’être chassés. Dans notre Préfecture de Gisenyi il y en a huit.
Dites-moi, chers parents ici réunis, avez-vous jamais vu, je ne sais pas si
elle est encore une mère de famille, avez-vous jamais vu donc cette
femme qui dirige le Ministère de l’Éducation, venir elle-même savoir que
vos enfants ont quitté la maison pour aller faire étude ou retourner à
l’école? N’avez-vous pas entendu qu’elle a dit que désormais plus
personne ne retournera à l’école? Et maintenant elle s’en prend aux
éducateurs! Je voulais porter à votre connaissance qu’elle les a
convoqués à Kigali pour leur dire qu’elle ne veut plus entendre qui que
ce soit dire qu’un Inspecteur-éducateur s’est fait inscrire dans un parti
politique ». Ils lui ont répondu : « Quitte d’abord ton parti parce que
toi-même tu es Ministre et tu te trouves dans un parti politique et alors
nous suivrons ton exemple ». Elle y est encore! Vous avez entendu
également à la Radio que ces jours elle insulte même notre Président!
Avez-vous jamais entendu une mère aller proférer des injures
publiquement? Ce que je voudrais donc vous dire ici, et c’est la vérité,
ce n’est pas un doute pour dire que ce serait ceci ou cela, c’est qu’il y
aurait, paraît-il, parmi eux des gens qui se seraient comportés d’une
manière légère. Ils sont poursuivis pour leur appartenance au M.R.N.D.,
vous l’avez entendu? Ils sont poursuivis pour leur appartenance au
M.R.N.D. Franchement, accepterons-nous qu’ils viennent nous envahir
pour nous arracher au M.R.N.D. et nous prendre nos hommes?
11.
Je vous demande de mener deux actions très importantes. La première
est que vous écriviez à cette femme éhontée qui profère des injures
publiquement et sur les antennes de notre Radio à nous tous les rwandais.
Que, vous lui écriviez pour lui faire savoir que ces éducateurs, qui sont
des nôtres, sont irréprochables quant à leurs mœurs et comportements et
qu’ils s’occupent avec soin de nos enfants; qu’il faut que ces éducateurs
continuent d’éduquer nos enfants et qu’il faut qu’elle s’amende. Cela est
la première action que je vous demande de mener. Et alors vous
signeriez tous massivement : le papier ne manquera absolument pas. Si
vous attendez quelques jours sans qu’elle réponde, environ sept jours
seulement, car vous enverrez la lettre confiée à quelqu’un pour la faire
parvenir à destination afin qu’il sache qu’elle l’a reçue, s’il se passe donc
sept jours sans qu’elle réponde et qu’elle se permet de faire en sorte
qu’une autre personne vienne remplacer les Inspecteurs en place,
retenez-le bien, si elle croit qu’il peut y avoir quelqu’un qui viendra le
remplacer (l’Inspecteur), pour celui-là qui viendra [. . .] l’endroit d’où le
Ministre est originaire est le lieu appelé Nyaruhengeri, à la frontière du
Burundi, (exactement) à Butare, vous demanderez à cette (sic) homme de
prendre le chemin, avec sa provision de route sur la tête, pour aller être
l’Inspecteur à Nyaruhengeri.
12.
Que tous ceux qu’elle aura nommés se retrouvent là-bas, qu’ils aillent à
Nyaruhengeri pour s’occuper de l’éducation de ses enfants. Quant aux
nôtres, ils poursuivront leur éducation par les nôtres. Ceci est encore un
point important pour lequel nous devons prendre des décisions : c’est ne
pas du tout nous laisser envahir : c’est un tabou!
13.
Une autre chose qu’on peut appeler « ne pas se laisser envahir » dans le
pays, vous connaissez des gens qu’on appelle « Inyenzi » (Cancrelats),
- 98 ne les appelez plus « Inkotanyi » (combattants tenaces), car ce sont tout
à fait des « Inyenzi ». Ces gens appelés Inyenzi ce (sic) sont mis en route
pour nous attaquer.
14.
Le Général-Major Habyarimana Juvénal, aidé du Colonel Serubuga que
vous avez vu ici présent et qui était son adjoint dans l’armée au moment
où nous avons été attaqués, (les deux) se sont levés pour se mettre à
l’œuvre. Ils ont repoussé les « Inyenzi » hors de la frontière d’où ils
étaient arrivés. Et alors ici, permettez-moi de vous faire rire! Entre
temps étaient arrivés ces gens-là qui convoitaient le pouvoir. Et après
l’avoir obtenu, ils ont pris le chemin vers Bruxelles. À leur arrivée à
Bruxelles, notez qu’il s’agit du M.D.R., du P.L. et du P.S.D., ils se mirent
d’accord pour livrer, coûte que coûte la Préfecture de Byumba. Ça c’est
une première chose. Ils se concertèrent pour décourager coûte que coûte
nos soldats. Vous avez entendu ce que le Premier Ministre en personne
a dit. Il a dit qu’ils allaient (les soldats) descendre dans les marais
(cultiver) alors que la guerre faisait rage! C’est à ce moment-là que ceux
qui avaient un moral faible parmi eux ont abandonné leurs positions et les
« Inyenzi » les ont occupées. En effet, ces derniers se sont rendus là-bas
à Byumba et eux (les soldats gouvernementaux) allèrent piller les
magasins de nos commerçants de Byumba, de Ruhengeri et de Gisenyi.
C’est d’ailleurs l’État qui devra les indemniser car c’est lui qui a créé
cette situation. Ce n’est pas un de nos commerçants (qui l’a créé) car il
ne demandait même pas de crédit! Pourquoi un crédit! Ce sont ces
gens-là donc qui nous ont poussés à nous laisser envahir. La punition de
telles personnes n’est rien d’autre : « Toute personne qui démoralisera les
forces armées du pays sur le front sera passible de la peine de mort ».
Cela est prescrit par la Loi. Pourquoi ne tuerait-on pas cet individu?
Nsengiyaremye doit être traduit en justice pour être condamné. La Loi
est là et elle est écrite. Il doit être condamné à la peine de mort comme
c’est écrit. Mais ne vous effrayez pas par le fait même qu’il soit Premier
Ministre. Vous avez entendu ces derniers temps dire à la Radio que
même des Ministres français peuvent désormais être traduits en justice!
Sera passible de peine de mort, en temps de guerre, toute personne qui
livrera une portion du sol national, ne fût-ce qu’un infime morceau.
Twagiramungu l’a dit sur les antennes de la Radio et la C.D.R. lui a réglé
son compte à la Radio. Les Militants de son (parti) ont alors perdu la
tête, imaginez-vous! Je voudrais porter à votre connaissance que cet
homme qui a livré Byumba sur les antennes de la Radio tandis que nous
tous rwandais, ainsi que tous les pays étrangers, l’entendions, cet homme
subira la peine de mort. C’est écrit; interrogez les juges, ils vous
montreront où cela se trouve, je ne vous mens pas! Sera passible de
peine de mort toute personne qui livrera ne fût-ce qu’un infime morceau
du Rwanda. Et qu’attend encore cet individu?
15.
Vous savez ce que c’est, chers parents, « ne pas se laisser envahir », ou
vous le savez. Vous savez qu’il y a au pays des « Inyenzi » qui ont
profité de l’occasion pour envoyer leurs enfants au front, pour aller
secourir les « Inkotanyi ». Ça c’est quelque chose dont vous entendez
parler vous-mêmes. Vous savez qu’hier je suis rentré de Nshili dans
Gikongoro à la frontière du Burundi, en passant par Butare. Partout on
m’a fait rapport du nombre des jeunes qui sont partis. On m’a dit : « Là
- 99 où ils passent, ainsi que celui qui les conduit [. . .] pourquoi ne sont-ils
pas arrêtés en même temps que leurs familles? » Je vous le dis donc
maintenant, cela est écrit dans la Loi, dans le livre du Code pénal : « Sera
passible de peine de mort toute personne qui recrutera des soldats en les
cherchant parmi la population, en cherchant partout des jeunes qu’elle ira
donner aux forces armées étrangères qui attaqueront la République ».
C’est écrit.
16.
Pourquoi n’arrête-t-on pas ces parents qui ont envoyé leurs enfants et
pourquoi ne les extermine-t-on pas? Pourquoi n’arrête-t-on pas ceux qui
les amènent et pourquoi ne les extermine-t-on pas tous? Attendons-nous
que ce soit réellement eux qui viennent nous exterminer?
17.
Je voudrais vous dire que maintenant nous demandons que ces gens-là
soient mis sur une liste et qu’ils soient traduits en justice pour qu’ils
soient jugés en notre présence. Au cas où il arriverait qu’ils (les juges)
refusent, il est écrit dans la constitution que « ubutabera bubera
abaturage ». En français, cela veut dire que « LA JUSTICE EST
RENDUE AU NOM DU PEUPLE ». Au cas où donc la justice n’est plus
au service du peuple, comme cela est écrit dans notre constitution que
nous avons votée nous-mêmes, c’est dire qu’à ce moment, nous autres
composantes de la population au service de laquelle elle devrait se
mettre, nous devons le faire nous-mêmes en exterminant cette canaille.
Ceci, je vous le dis en toute vérité, comme c’est écrit dans l’Évangile :
« Lorsque vous accepterez qu’en venant vous mordre un serpent reste
attaché sur vous avec votre accord, c’est alors vous qui serez anéantis ».
18.
Je vous apprends qu’il y a un jour et une nuit, — je ne sais pas si c’est
tout juste, à Kigali, un petit groupe d’hommes armés de fusils s’est rendu
dans un cabaret pour exiger de présenter des cartes. Ils placèrent ceux du
M.D.R. là-bas à part. Ceux du P.L., vous vous en doutez, ils les placèrent
là-bas à part et même ces autres-là qui se font passer pour des chrétiens,
ils les placèrent là-bas à part. Lorsqu’un membre du M.R.N.D. a exhibé
sa carte, ils l’ont immédiatement mitraillé; je ne vous mens pas, qu’on
vous le dise même à la Radio; ils ont tiré sur cet homme et se sont
éclipsés dans les marais de Kigali pour prendre fuite, après avoir déclaré
qu’ils étaient des « Inkotanyi ». Dites-moi donc, ces jeunes gens s’en
vont munis de notre carte d’identité, puis ils reviennent armés de fusils
au nom d’« Inyenzi » ou de leurs complices, pour tirer sur nous! Je ne
crois donc pas que nous accepterons qu’on tire sur nous! Qu’un
représentant local du M.D.R. ne vive plus dans cette Commune ni dans
cette Préfecture, parce (sic) c’est un complice! Les représentants de ces
partis-là qui collaborent avec les « Inyenzi », ceux qui représentent [. . .]
je vous le dis sans vous mentir, c’est que [. . .] ils ne veulent que nous
exterminer. Ils ne veulent que nous exterminer : ils n’ont pas d’autre
objectif. Et nous devrons leur dire la vérité. Moi je ne leur cache rien du
tout. L’objectif qu’ils poursuivent est bien celui-là. Je voudrais vous dire
donc que les représentants de ces partis-là qui collaborent avec les
« Inyenzi », à savoir le M.D.R., le P.L., le P.S.D., le P.D.C. et d’autres
groupuscules rencontrés ici et là, qui s’y rattachent et ne font que
vagabonder, tous ces partis, ainsi que leurs représentants doivent aller
- 100 habiter à Kayenzi chez Nsengiyaremye; ainsi nous saurons où se trouvent
ceux avec qui nous sommes en guerre.
19.
Mes frères, Militants de notre Mouvement, ce que je vous dis là n’est pas
une plaisanterie, c’est plutôt vous parler en toute vérité pour que, si un
jour quelqu’un se voit attaquer au fusil par eux, vous ne veniez pas nous
dire que nous qui représentons le parti ne vous avons pas averti (sic)!
Maintenant donc, je vous le dis pour que vous le sachiez. Et si quelqu’un
a envoyé un enfant parmi les « Inyenzi », qu’il les rejoigne avec sa
famille et sa femme pendant qu’il est encore temps, car le temps est
arrivé pour que nous aussi nous nous défendions, afin que [. . .] nous
n’accepterons jamais de mourir parce que la Loi refuse de jouer son rôle!
20.
Je vous apprends que le jour où on a fait des manifestations, le jeudi, ils
ont battu nos hommes qui ont dû se réfugier dans l’Église se trouvant en
bas du Rond-Point. Ces gens dits chrétiens du P.D.C. les ont poursuivis
et sont allés les battre dans l’Église. D’autres se sont réfugiés dans le
Centre Culturel Français. Je voudrais donc vous dire qu’ils ont
commencé à tuer. C’est tout, il en est ainsi! Ils s’attaquent aux habitations
et tuent. Maintenant, celui dont on entend dire qu’il est membre du
M.R.N.D. est battu et tué par eux; c’est ainsi que ça se passe. Maintenant
donc, il faut que ces gens qui représentent leurs partis dans notre
Préfecture prennent le chemin pour aller habiter avec les « Inyenzi »,
nous n’acceptons pas du tout que des gens qui vivent parmi nous nous
tirent dessus tout en étant à nos côtés!
21.
Un autre point important dont je voudrais vous entretenir pour que nous
ne continuions pas à nous laisser envahir : vous entendez parler des
pourparlers d’Arusha. Je n’en parlerai pas longtemps car le représentant
du Secrétaire Général (du Mouvement) en parlera d’une manière
détaillée. Mais ce que je vais vous dire c’est que les délégués dont vous
entendez dire qu’ils sont à Arusha ne représentent pas le Rwanda. Ils ne
représentent pas tout le Rwanda, et je vous le dis en toute vérité. Les
délégués du Rwanda, qui sont dits du Rwanda, sont conduits par un
« Inyenzi » qui y va pour s’entretenir avec les « Inyenzi », comme cela
se dit dans un chant que vous entendez de temps en temps, où il est dit :
« Il est Dieu né de Dieu ». De même eux, c’est « Inyenzi né d’Inyenzi
qui parle au nom d’Inyenzi ». Quant à ce qu’ils vont dire à Arusha, c’est
cela même que ces complices des « Inyenzi » vivant ici sont allés dire à
Bruxelles. Ils vont travailler à Arusha pour que tout cela soit attribué au
Rwanda alors qu’il n’y a rien qui ne soit de Bruxelles qui se passe là-bas!
Et même ce qui vient du Rwanda ne vient pas du tout de notre
Gouvernement : c’est une affaire de Bruxelles qu’ils se mettent sur la tête
pour l’emporter avec eux à Arusha! C’est donc un « Inyenzi » qui traite
avec un autre! Quant à ce qu’on appelle « pourparlers », nous ne sommes
pas contre les pourparlers. Je voudrais vous dire qu’ils ne viennent pas
du Rwanda : ce sont des « Inyenzi » qui discutent avec des « Inyenzi » et
sachez-le une fois pour toutes! En tout cas, nous n’accepteront (sic)
jamais ces choses qui proviendront de là-bas!
22.
Un autre point dont je vous ai entretenu est que nous devons nous
défendre. J’en ai parlé brièvement. Mais, je vous dis qu’il faut que nous
- 101 nous levions! On m’a chuchoté à l’oreille il y a un instant que ce ne sont
pas les parents seuls qui doivent se lever en même temps que les
enseignants au sujet du fameux problème de nos inspecteurs. Mais même
celui qui n’a pas d’enfant à l’école, celui-là aussi devrait les soutenir car
lui aussi en aura un demain ou bien il en avait un avant-hier.
Levons-nous donc tous et signons!
23.
Le deuxième point dont je vous entretiendrai est le suivant : c’est que
nous avons neuf ministres dans le présent gouvernement. De la même
façon qu’ils se sont levés pour chasser nos inspecteurs en se fondant sur
leur Ministère, qu’ils se sont levés pour chasser des enseignants des
écoles secondaires [. . .] il y a quelques jours, vous avez entendu que la
fameuse femme circulait dans les écoles. Aucun autre motif ne l’y
poussait si ce n’est que de chasser les inspecteurs et les enseignants qui
s’y trouvaient et qui n’étaient pas dans son Parti. Vous avez entendu ce
qui se fait au Minitrape : il ne n’agit (sic) pas que de détournement,
même on s’en est pris à nos travailleurs! Vous avez entendu ce qui se
passe à la Radio, ainsi que l’émission de Byumba qu’on a étouffée. Vous
avez entendu comment tout cela se passe. Je voudrais vous dire donc
qu’il faut que nous demandions à nos Ministres que eux aussi, il y a des
gens qui travaillent pour leurs partis et qui se trouvent dans nos
Ministères [. . .] Vous avez entendu parler par exemple du
Militant-Ministre Ngirabatware, qui n’est pas présent ici parce que le
pays lui a confié une mission importante. J’ai visité son Ministère jeudi.
Il y avait là-dedans une petite poignée de gens, ce n’est pas que je me
sous-estime parce que je suis dans le M.R.N.D., (une poignée de)
quelques personnes du M.R.N.D., ceux qui s’y trouvent sont
exclusivement des « Inyenzi » appartenant au P.L. et au M.D.R.! Ce sont
eux qui se trouvent dans le Ministère du Plan! Vous comprenez que si ce
Ministre disait : « Si vous touchez à nos inspecteurs, les vôtres également
je vais les liquider ». Que se passerait-il? Que nos Ministres eux aussi
secouent le sac pour que la vermine qui se trouve chez eux disparaisse
pour aller dans les Ministères des leurs.
24.
Une chose importante que je demande encore à tous ceux qui travaillent
et qui sont au sein du M.R.N.D. : « Unissez-vous! » Que celui qui est
chargé des finances, comme les autres s’en servent, lui aussi apporte
l’argent pour que nous nous en servions. Qu’il en soit de même pour
celui qui en a à son propre compte. Le M.R.N.D. le lui a donné pour
l’aider et le soutenir, afin que, lui aussi, puisse subvenir à ses besoins en
sa qualité d’homme. Comme ils ont l’intention de lui couper le cou, qu’il
l’apporte (l’argent) pour que [[nous nous défendions en leur coupions
(sic) les cous]]! Souvenez-vous que la base de notre Mouvement est la
cellule, que la base de notre Mouvement est le secteur et la Commune.
Il (le Président) vous a dit qu’un arbre qui a des branches et a des feuilles
sans avoir des racines meurt. Nos racines sont fondamentalement là-bas.
Unissez-vous encore, bien sûr vous n’êtes plus rémunérés, que nos
membres des cellules se mettent ensemble. Si quelqu’un pénètre dans la
cellule, surveillez-le du regard et écrasez-le; s’il est complice qu’il ne
puisse plus en sortir! Oui, qu’il ne puisse plus en sortir!
- 102 25.
Dernièrement, j’ai dit à quelqu’un qui venait de se vanter devant moi
d’appartenir au P.L. Je lui ai dit : « L’erreur que nous avons commise en
1959 est que, j’étais encore un enfant, nous vous avons laissés sortir ».
Je lui ai demandé s’il n’a pas entendu raconter l’histoire des Falashas qui
sont retournés chez eux en Israël en provenance de l’Éthiopie? Il m’a
répondu qu’il n’en savait rien! Je lui ai dit : « Ne sais-tu pas donc ni
écouter ni lire? Moi, je te fais savoir que chez toi c’est en Éthiopie, que
nous vous ferons passer par la Nyabarongo pour que vous parveniez vite
là-bas ».
26.
Quant à ce que je vous dis, qu’il faut que nous nous levions, nous devons
nous lever réellement. Ce par quoi je vais terminer est une chose
importante. Hier j’étais à Nshili, vous avez appris que les Barundi nous
ont calomniés, j’étais allé vérifier la vérité. Avant que je n’aille là, des
gens m’avaient dit que je n’en reviendrais pas. Que j’y mourrai. J’ai
répondu : « Si je meurs, je ne serai pas la première victime à être
sacrifiée ». À Nshili donc, on a destitué le Bourgmestre qui y était avant,
sous prétexte qu’il serait, parait-il, vieux! Qu’il aurait commencé à
travailler en 1960! Et pourtant, hier je l’ai vu, il est encore jeune homme!
Mais parce qu’il était dans le M.R.N.D., il a quitté! Ils ont voulu y mettre
un voleur; cela n’a pas marché non plus. Quand on y mit un homme
honnête, ils (la population) l’ont refusé! Aujourd’hui, cette commune
appelée Nshili est administrée par un conseiller qui, lui non plus ne sait
que faire! À cet endroit donc dit Nshili, nous y avons des forces armées
du pays qui gardent la frontière. Il y a là des gens appelés des J.D.R.,
pour la bonne raison que nos militaires nationaux sont disciplinés et ne
tirent sur personne, surtout ils ne tireraient pas sur un rwandais, sauf si
c’est un « Inyenzi », ces militaires n’ont pas su que toutes les personnes
du M.D.R. étaient devenus des « Inyenzi »! Ils ne l’ont pas su! Ceux-ci
les ont encerclés et ont arrêtés (sic) nos gendarmes, à telle (sic) point
qu’un citoyen qui n’est pas dans notre parti m’a dit personnellement :
« Ce que je souhaite c’est qu’on nous apporte les élections pour que nous
élisions un Bourgmestre. Sinon, avant qu’il ne vienne, qu’on réinstalle
provisoirement celui-là qui y était avant parce qu’à voir où en sont
arrivées les choses, il ne pourra pas remettre les citoyens sur la bonne
voie ».
27.
Chers parents, chers frères, je voudrais vous dire une chose importante
: les élections doivent avoir lieu, nous devons tous élire. Comme vous
êtes maintenant tous réunis ici, y a-t-il quelqu’un qui a donné un coup
d’ongle à un autre? On parle de sécurité. On dit que nous ne pouvons pas
élire. N’allez-vous pas à la messe dimanche? N’êtes-vous pas venus ici
au meeting? Au M.R.N.D., n’avez-vous pas élu les responsables à tous
les échelons? Ceux-là même (sic) qui le disent, ne font-il pas la même
chose? N’ont-ils pas élu? Pour ce prétexte qu’ils avancent, il n’y a
aucune raison qui nous empêche d’élire à cause de la sécurité, parce que
eux-mêmes se promènent dans le pays et les troubles qui ont lieu, ce sont
eux qui les provoquent. C’est là le mot que je voulais vous adresser : ils
nous trompent tous, même ici où nous sommes, nous pouvons élire.
28.
Deuxièmement, ils se fondent sur les déplacés de guerre se trouvant à
Byumba. Je vous (sic) voudrais vous faire savoir que personne n’est allé
- 103 demander à ces gens s’ils ne veulent pas élire. À moi personnellement
ils ont dit qu’ils avaient auparavant des conseillers paresseux, que même
certains parmi leurs Bourgmestres étaient des paresseux. Étant donné
que le Ministère qui leur porte les vivres est surveillé par un
« Inkotanyi » ou plutôt par l’« Inyenzi » Lando, celui-ci a choisi des gens
appelés « Inyenzi » et leurs complices qui sont dans ce pays et c’est à eux
qu’il a confié la mission de porter les vivres à ces gens. Au lieu de les
leur porter là-bas, ils les vendent pour aller acheter des munitions qu’ils
portent aux « Inyenzi » qui nous tirent dessus! Je voudrais vous dire
qu’ils ont dit: « On tire sur nous par dernière (sic), et vous, vous tirez sur
nous par devant en nous envoyant cette canaille nous apporter des
vivres ». Je n’ai pas trouvé de quoi leur répondre et ils ont poursuivi :
« Ce que nous souhaitons, disent-ils, c’est que parmi nous, nous puissions
élire des responsables, des conseillers, des responsables des cellules, un
Bourgemestre (sic); que nous puissions savoir que nous sommes avec lui
ici au camp, qu’il nous protège, qu’il nous cherche des vivres ». Vous
comprenez que ce que m’ont dit ces hommes et ces femmes qui ont fui
dans ces circonstances que vous entendez de temps en temps à gauche,
à droite, c’est qu’ils souhaitent eux aussi des élections; tout le pays
souhaite des élections pour qu’il soit dirigé par des braves comme cela
se passait habituellement. Comprenez donc, ce que nous devrions tous
faire, c’est cela, c’est réclamer ces élections. Pour que je puisse terminer
donc, je voudrais vous rappeler toutes les choses importantes dont je
viens de vous entretenir : la plus essentielle est de ne pas nous laisser
envahir, de peur que même ceux-là qui agonisent n’emportent personne
parmi vous. N’ayez pas peur, sachez que celui à qui vous ne couperez
pas le cou, c’est celui-là même qui vous le coupera. Je vous dis donc que
ces gens là devraient commencer à partir pendant qu’il est encore temps
et à aller habiter parmi les leurs ou aller même parmi les « Inyenzi » au
lieu d’habiter parmi nous en conservant des fusils, pour que quand nous
serons endormis, ils nous tirent dessus. Faites donc les (sic) plier bagage,
qu’ils prennent le chemin du départ, de façon que plus personne ne
revienne ici prendre la parole et que plus personne n’apporte des chiffons
prétendus être des drapeaux!
29.
Autre chose d’important, c’est que nous devons nous lever, nous lever
comme un seul homme [. . .] si quelqu’un touche à un des nôtre (sic),
qu’il ne trouve pas où passer. Nos inspecteurs n’iront nulle part. Ceux
qu’ils placeront prendront le chemin pour aller à Nyaruhengeri, chez la
Ministre Agathe, s’occuper de l’éducation de ses enfants! Retenez-le
bien! Ce par quoi je termine, c’est une chose importante : c’est les
élections. Et je vous remercie de m’avoir prêté l’oreille et je vous
remercie aussi pour le courage que vous avez, dans vos bras et dans vos
cœurs. Je sais que vous êtes des hommes, que vous êtes des jeunes filles
adultes, des pères et des mères de famille qui ne se laissent pas envahir,
qui refusent le mépris. Ayez une longue vie!
Au président Habyarimana, longue vie [. . .]
À vous, longue vie et prospérité [. . .]
- 104 Traduction en français par :
Prof. Thomas KAMANZI
Linguiste
Directeur du Centre Études Rwandaises
à l’Institut de Recherche Scientifique et Technologique (I.R.S.T.)
BUTARE — RWANDA
Pourvoi accueilli.
Procureur de l’appelant : Sous-procureur général du Canada, Montréal.
Procureurs des intimés : Guy Bertrand & Associés, Québec.
Procureur des intervenants la Ligue des droits de la personne de B’nai
Brith Canada, PAGE RWANDA et Le Centre canadien pour la justice internationale :
David Matas, Winnipeg.
Procureurs des intervenants le Congrès juif canadien, University of
Toronto, Faculty of Law — International Human Rights Clinic, et Human Rights
Watch : Goodmans, Toronto.