Fiche du document numéro 35847

Num
35847
Date
Janvier 2010
Amj
Auteur
Fichier
Taille
233279
Pages
33
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Titre
Annexe 66 : Les versions des événements du 6 au 9 avril 1994, selon Mathieu Ngirumpatse et Édouard Karemera
Nom cité
Nom cité
Nom cité
Type
Rapport
Langue
FR
Citation
Annexe 66 : Les versions des événements du 6 au 9 avril 1994, selon
Mathieu Ngirumpatse et Édouard Karemera

66.1 Les versions évolutives de Mathieu Ngirumpatse.............................................................. 2
1.1 Le plaidoyer édifiant à usage public (La Tragédie rwandaise : l’autre face de
l’histoire, sans date)............................................................................................................... 2
1.2 La version avec des « erreurs » (déposition, prison de Bamako, 15-17 juin 1998) ........ 6
1.3 « C’est la vérité » [ ?] (déposition de Mathieu Ngirumpatse, procès Bagosora et alii,
TPIR, 5 juillet 2005).............................................................................................................. 8
66.2 La mise en place du Gouvernement intérimaire selon Édouard Karemera (déposition
d’Édouard Karemera, procès Karemera et alii, 19 mai 2009, p.17-22 et p. 25-29) ................. 29

Commentaires
Mathieu Ngirumpatse a livré au fil des années plusieurs compte rendus des événements de
la nuit du 6 au 7 avril et des jours qui suivirent. Le premier, sans date, est un document public
de large distribution écrit apparemment au cours de l’année 1996 avant le nettoyage des camps
de réfugiés au Zaïre opéré par l’APR au cours des mois de septembre et octobre parallèlement
au démarrage de l’offensive contre le régime zaïrois menée conjointement avec l’Alliance des
forces démocratiques pour la libération du Congo (AFDL), mouvement suscité par les autorités
rwandaises. Le second reprend un témoignage livré à des enquêteurs du TPIR les 15, 16 et 17
juin 1998 alors qu’il était incarcéré à la prison de Bamako, le troisième est un extrait de sa
déposition du 6 juillet 2005 dans le procès du colonel Bagosora à Arusha.
La première version consiste en un plaidoyer prodomo où il propose un bilan personnel, ô
combien honorable et « politiquement correct », destiné à ses divers partisans ou détracteurs de
la communauté hutu réfugiée au moment même où il se voyait écarté du jeu politique par deux
initiatives qui mettaient fin de facto à l’existence du MRND officiel. L’une, pilotée par des
membres réfugiés en Belgique associés au commandement militaire rescapé installé au Zaïre,
prétendait tourner la page en se dotant d’un nouveau sigle, le RDR, Rassemblement pour le
retour et la démocratie au Rwanda, sous la direction de gens « non souillés ». L’autre initiative
prenait ouvertement ses distances avec les anciens dirigeants et tentait, sous la présidence de
l’ex-ministre de la Défense, James Gasana, une ouverture vers d’autres militants avec la
création d’un mouvement intitulé Rwanda pour tous. La seconde version, déposition libre à des
enquêteurs du TPIR en prélude à son transfert au centre pénitentiaire d’Arusha, comporte,
reconnaît-il, « des erreurs ». Effectivement, elle apparaît tellement « allégée » et confuse
qu’elle en devient, au sens propre, incroyable : Mathieu Ngirumpatse n’a rien fait, n’a rien vu
et tient quelques propos tout à fait extravagants (par exemple sur Marcel Gatsinzi décrit
comme un « sous-officier » promu chef d’état-major). Lors de sa comparution dans le procès
Bagosora en 2005, il prétend, à l’inverse, « dire la vérité » et expose des faits, soigneusement
sélectionnés, avec une rigueur et une précision surprenantes en revendiquant alors une
mémoire d’une fiabilité exceptionnelle.

66.1 Les versions évolutives de Mathieu Ngirumpatse
1.1 Le plaidoyer édifiant à usage public
« Pendant les trois jours, l’absence d’autorité fut totale et même après la mise en place du
gouvernement intérimaire, certaines régions restèrent incontrôlables pendant longtemps. (…)
Le Premier ministre, A. Uwilingiyimana, le président de la Cour constitutionnelle,
J. Kavaruganda, ainsi que d’autres autorités furent emportées par les événements,
probablement la nuit du 6 au 7 avril ou au courant du 7 avril 1994. Le résultat fut que l’État
était décapité. Seule l’armée restait en tant que force organisée, mais suffisamment divisée par
la communauté étrangère, qui voyait dans cette situation une occasion unique d’imposer sa
solution. Personne ne pouvait donc prendre l’initiative politique pour sortir le pays de
l’impasse et renouer le dialogue avec le FPR. Cela était d’ailleurs impossible. En effet, presque
deux ou trois jours avant l’assassinat du président, tous les responsables du FPR ont quitté
Kigali clandestinement avec la complicité de la Minuar et sont retournés à Mulindi1. (…)
C’est sans doute la situation désastreuse du moment qui poussa les FAR à convoquer les
partis politiques. Je reçus donc une communication du ministère de la Défense, m’invitant à
m’y rendre d’urgence. Le Haut Commandement nous informa que les FAR étaient débordées,
que les partis politiques devaient se concerter, mettre en place un gouvernement en vue de
reprendre le contrôle de la population, arrêter les massacres et les règlements de compte et
relancer les négociations avec le FPR.
La réunion des partis politiques pour la mise en place du nouveau gouvernement
(…) Ce dont je suis certain, c’est que les partis qui étaient au Gouvernement, à savoir le
MRND, le MDR, le PL, le PSD et le PDC étaient présents. Dans nos interventions, nous fîmes
valoir le fait que le pays était en grand désordre, que seule l’armée était capable de maîtriser la
rue et de mettre fin à la situation chaotique qui régnait. Les partis politiques demandèrent donc
aux militaires d’assumer momentanément la direction du pays : remettre de l’ordre et appeler
les civils lorsque la population se serait calmée. Les officiers du Haut Commandement ne
semblèrent pas convaincus, mais promirent de consulter l’assemblée des officiers et de nous
donner la réponse le lendemain.
Le 8 avril, nous n’avons donc formé aucun gouvernement, puisque le principe n’était pas
encore admis et les partis étaient réticents d’assumer cette responsabilité dans de telles
circonstances. Le soir, les officiers se réunirent pour débattre de la proposition des partis
politiques. L’avis des officiers fut que dans l’environnement international du moment, un
gouvernement militaire ne serait pas apprécié ni admis. Dans cette période où le multipartisme
au Rwanda avait atteint un degré appréciable, il ne fallait pas reculer et adopter un régime
militaire. À contre cœur, les partis politiques acceptèrent de former un gouvernement. Mais des
questions capitales se posaient. Quelle serait la loi applicable, puisque la Constitution de 1991
et les Accords d’Arusha constituaient la Loi fondamentale ? Qui deviendrait chef de l’État ?
1

Il s’agit d’une affirmation erronée. J’ai eu moi-même l’occasion de rencontrer au cours de la journée du 6 avril,
à une réunion à l’ambassade de Suisse à Kigali, Rose Kabuye et Jacques Bihozagara [dirigeants du FPR] et je me
suis entretenu à plusieurs reprises avec Seth Sendashonga, qui était au CND afin que nous fixions un programme
de travail pour la semaine à venir dans le cadre de la mission que j’effectuais alors au Rwanda. Quant à Patrick
Mazimpaka, il était en déplacement à la réunion de Dar es-Salaam. J’ajouterai que lors d’entretiens ultérieurs
avec Seth Sendashonga celui-ci me rappela sa surprise - et son indignation - devant le fait qu’il avait
effectivement toujours été dit que la vie des personnalités dirigeantes du FPR ne pouvait être exposée au CND en
cas de risques majeurs et qu’elles devaient alors être rapatriées d’urgence sur Mulindi.

Qui serait nommé Premier ministre ? De quel parti viendrait-il ? Fallait-il s’en tenir aux 5
partis déjà au Gouvernement ? Fallait-il inviter le FPR ? C’était impossible de le trouver,
d’autant plus qu’il venait de dénoncer les accords d’Arusha en optant pour la guerre totale. De
longues heures furent donc consacrées à trouver des réponses à la fois politiques et juridiques
aux problèmes soulevés.
a) La désignation du Chef de l’État et la loi applicable.
Le problème de la loi applicable était la clé de toutes les questions que l’on se posait. Il fallait
savoir en vertu de quel texte les partis politiques allaient former un gouvernement et en vertu
de quel critère le président et le Premier ministre seraient désignés. Les Accords d’Arusha ne
furent pas pris en considération pour plusieurs raisons.
- Nul ne savait où se trouvait le Premier ministre désigné [Faustin Twagiramungu, note
AG]. En outre, son conflit avec son propre parti n’avait pas été résolu et Monsieur Kambanda
occupait actuellement le devant de la scène. Monsieur Nsengiyaremye, que la population
rendait et rend toujours responsable d’avoir renforcé le FPR, se terrait sous la protection de
l’Armée2. Il est du reste curieux de constater qu’il accuse allègrement l’armée rwandaise,
malgré la protection qui lui fut assurée jusqu’à la dernière minute. Des officiers supérieurs de
l’Armée ont été frappés et humiliés par la population, parce qu’ils ne voulaient pas abandonner
Nsengiyaremye à la vindicte populaire. Affirmer qu’il était dans les intentions de l’Armée
d’éliminer tous les leaders de l’opposition relève d’une machination. L’opposant qui avait
humilié les FAR, c’était Monsieur Nsengiyaremye et c’est lui qui a bénéficié de la plus grande
protection. Oui. Si la population avait pu l’atteindre nul n’aurait répondu de sa vie. Ses
relations avec le peuple sont si mauvaises qu’il ne peut oser mettre les pieds dans les camps de
réfugiés.
- Il n’était pas dans les intentions du FPR de former un gouvernement avec les partis politiques.
II venait de dénoncer les accords et d’opter pour la solution militaire. Comme signalé plus
haut, les responsables civils du FPR avaient tous quitté Kigali avant l’assassinat du président. Il
n’y avait donc pas d’interlocuteur possible. Même les représentants des Nations unies parlaient
de dialogue entre les forces militaires parce qu’ils savaient très bien que les forces politiques
du FPR étaient absentes et qu’il n’y avait plus de gouvernement rwandais.
- Les dispositions des Accords d’Arusha ne pouvaient être respectées, du fait de l’absence du
Chef de l’État, du Premier ministre et du président de la Cour Constitutionnelle. Aucune
autorité prévue par ces textes ne pouvait les mettre en mouvement. C’est pourquoi après une
longue discussion, les participants optèrent pour la Constitution de 1991 qui, dans ses
dispositions, indiquait la voie à suivre pour remplacer le Chef de l’État en cas de décès,
d’empêchement définitif ou de démission. Il est en effet stipulé que le président de
l’Assemblée nationale remplace le président et que les élections sont organisées dans un délai
de trois mois. À l’unanimité, les partis politiques décidèrent d’appliquer cette disposition
constitutionnelle. Il fallait donc convaincre le Docteur Sindikubwabo, président de
l’Assemblée, d’assumer les fonctions de Chef de l’État. Je fus désigné pour conduire la
délégation qui devait le lui demander. Après beaucoup d’hésitations, il admit que c’était une
dure épreuve, mais qu’il était prêt à assumer ces responsabilités, malgré les difficultés que cela
représentait dans la période où nous étions.3 Il convient donc de noter que Monsieur
2

Ayant été attaqué le 12 mars 1994 à Kigali, Dismas Nsengiyaremye se replia effectivement à Gitarama où il se
préoccupait essentiellement de sa sécurité.
3
Ces propos sont formellement contredits par le colonel Marcel Gatsinzi qui indique que Théodore
Sindikubwabo avait été informé à Butare de la proposition de Théoneste Bagosora et des dirigeants du MRND
par le doyen des ministres du MRND, André Ntagerura, en fin de matinée du 7 et que telle fut la raison de son
rapatriement sous escorte militaire à Kigali dans l’après-midi du 7 : « Dans l’après-midi, vers 14 heures, j’ai
appris que la situation était meilleure et j’ai décidé de partir. Entre temps, le président de l’Assemblée nationale
(CND) avait été contacté par le doyen des ministres qui était un MRND pour lui demander de devenir président

Sindikubwabo ne fut pas choisi principalement en tant que membre du MRND, mais de par sa
qualité de président de l’Assemblée Nationale. La désignation du Chef de l’État facilitait les
autres problèmes. Il eût été difficile de mettre ce gouvernement sur pied si le Docteur
Sindikubwabo avait refusé. II restait la question des trois mois après lesquels devaient être
organisées les élections générales. Tout le monde fut d’accord que les Accords d’Arusha
devaient être mis en application. Les participants donnèrent donc au Chef de l’État et au
Gouvernement le mandat de poursuivre le processus d’Arusha, d’approcher le FPR et la
Communauté Internationale pour résoudre cette question avant trois mois. Contactés, les
représentants de la Communauté Internationale à Kigali esquivèrent. Le FPR opta pour la
guerre.
b) La désignation du Premier ministre et des autres membres du Gouvernement.
Persuadés que dans un délai de trois mois il y aurait une solution politique, les partis politiques
n’estimèrent pas nécessaire de modifier le protocole d’entente signé entre les partis politiques
en 1992. Ils respectèrent donc la distribution prévue par ce protocole et invitèrent le MDR à
désigner le Premier ministre. Le souci était de garder l’esprit de la transition, du partage et de
ne pas procéder aux bouleversements inutiles pour une si courte période. Le MDR désigna Jean
Kambanda et les différents partis furent invités à désigner les ministres. Au regard des partis
politiques, ce nouveau gouvernement n’était pas différent du précédent. Seules les personnes
ont changé, mais les partis sont restés les mêmes.4
Il faut retenir que dans la tête des acteurs, il s’agissait d’une solution provisoire. Le
Gouvernement devait restaurer la paix et l’autorité de l’État et poursuivre les discussions avec
le FPR. Les événements prirent une tournure différente. Il serait pourtant injuste d’accuser les
partis politiques d’avoir voulu s’écarter des Accords d’Arusha et marginaliser le FPR.
C’est le 9 avril que ce Gouvernement prêta serment. Il n’eut pas le temps de ramener le calme à
partir de Kigali. En effet, pourvu d’armes lourdes sophistiquées dont il ne disposait pas
jusqu’alors le FPR se mit à tirer des obus sur l’Hôtel des Diplomates où était hébergé le
Gouvernement. Celui-ci fut obligé de déménager sur Gitarama d’où il envoya des missions de
pacification à travers tout le pays. (…)
N’en déplaise aux détracteurs et aux parrains du FPR, le Gouvernement formé était bel et bien
légitime et légal au regard de la loi et du souhait des partis politiques. Il reçut le soutien des
Forces armées, de la population, des professeurs d’université, etc. Il déplaisait certes aux
puissances étrangères, qui ne s’attendaient pas à une telle réaction. (…)
L’opinion publique induite en erreur par la propagande médiatique a accusé le Parti MRND
d’avoir planifié et dirigé les massacres. Outre ce qui a été dit au sujet de la Jeunesse
Interahamwe, il me semble essentiel de démentir cette accusation que je considère comme
gratuite. Elle va dans le sens de culpabiliser le parti et ses membres en vue de renforcer le
pouvoir et la crédibilité du FPR.
intérimaire. » (déposition du colonel Marcel Gatsinzi, ministère de la Justice, Kigali, PV 0142, 16 juin 1995, p.
3). Propos confirmés par courriel le 12 septembre 2006 : « Mr Sindikubwabo connaissait bien les dispositions de
la Constitution de 1991, ou il était précisé que le président la République est remplacé dans ses fonctions en cas
d’empêchement, par le président du Conseil national de développement (CND), qui était l’Assemblée nationale.
Donc, il rejoignait Kigali en connaissance de cause, sachant bien qu’il allait devenir président intérimaire. Lui et
Ntagerura doivent s’être consultés ou en ont parlé quand ce dernier lui a demandé d’aller à Kigali. Autrement,
Sindikubwabo serait resté à Butare aussi longtemps que les activités officielles étaient suspendues par un
communiqué de Kigali appelant tous les Rwandais à se confiner chez eux. »
4
Il me semble très important de souligner à cette étape du récit, que toutes les décisions dont il a été question
jusqu’alors ont été suggérées, débattues, rédigées et entérinées par les seuls « chefs des partis » et que le seul
parti en mesure d’aligner sa direction habituelle fut le MRND au travers de son trio Ngirumpatse, Karemera et
Nzirorera qui avait bénéficié d’un round d’avance et eu la possibilité de se concerter le 7 avec ses ministres tous
rassemblés à l’ambassade de France. Voir annexe 80. [Note A. Guichaoua]

a) Aucune réunion n’a été tenue par le parti MRND en ce moment, pour de simples raisons de
sécurité et de disponibilité. J’ai signalé que dès le 7 avril 1994 au matin, j’ai reçu dans ma
résidence un grand nombre de personnes qui y sont venues, en croyant qu’il y avait plus de
sécurité. Il est vrai que j’étais sur la liste noire du FPR, mais j’habitais à proximité d’un poste
de gendarmerie. Cela offrait la sécurité d’un côté parce que personne ne pouvait s’introduire
dans cette localité pour commettre des crimes, mais aussi cet endroit comportait beaucoup de
dangers parce que le FPR voulait s’emparer de ce poste de gendarmerie ainsi que supprimer le
Comité directeur du MRND. C’est pourquoi dès le 8 avril 1994, l’Armée commença à évacuer
les habitants de ce secteur. Ma famille et les personnes qui s’étaient réfugiées chez moi furent
obligées de se rendre en ville. Les déplacements étaient tellement difficiles qu’il eût été
imprudent de ma part de convoquer le Comité directeur pour tenir une réunion. Monsieur
Édouard Karemera, premier Vice-président, victime d’une tentative d’agression de la part des
infiltrés du FPR, avait été obligé d’abandonner sa résidence et de venir chez moi où comme je
l’ai signalé, il y avait une relative sécurité, à cause de la proximité de la gendarmerie. Monsieur
Ferdinand Kabagema, deuxième Vice-président, qui habitait à Kimihurura avait été enfermé
dans le secteur attaqué par le FPR dès la chute de l’avion présidentiel. J’eus des contacts avec
lui le 7 avril, mais après les communications furent coupées. C’est par miracle qu’il réussit à
s’échapper de l’étau du FPR. Il était impossible pour lui de se rendre dans une réunion
quelconque. Monsieur Joseph Nzirorera, Secrétaire national, habitait en face du Parlement où
logeait précisément le bataillon du FPR. Il avait été l’objet d’attaques de ce bataillon même
avant l’assassinat du président. Il a été nécessaire de l’évacuer sous forte escorte, avant que sa
maison ne soit dynamitée par le FPR. D’ailleurs ma maison, ainsi que celle de Karemera
subirent le même sort. Le Parti n’a donc tenu aucune réunion. C’était du reste normal, dans la
mesure où compte tenu des circonstances, nous estimions que c’est l’armée qui devait prendre
les commandes, car la guerre avait repris dès la nuit du 6 avril 1994. L’État-Major des FAR
avait demandé à la population de rester à la maison. Le MRND ne se serait pas permis de
violer cette consigne. Même pour nous rendre dans la réunion des partis politiques, nous avons
été obligés de circuler dans les véhicules militaires conduits par des militaires avec une
escorte ;
b) En mettant le Gouvernement en place, l’Armée et les partis politiques voulaient une instance
politiquement responsable. Ce gouvernement reçut entre autres, le mandat de mettre fin à
l’anarchie et de discuter avec le FPR. Le MRND est un parti parmi tant d’autres. Il ne pouvait
se substituer à un gouvernement constitué par cinq partis politiques. »

1.2 La version avec des « erreurs »
« C’est donc le directeur de cabinet qui m’a appris la mort du président, il m’a dit : “On ne
sait pas s’il est mort, mais l’avion a été abattu” (…). Quelque temps après, il y a eu un
communiqué militaire qui invitait les gens à garder le calme et à rester dans la maison. Étant
civil, je suis resté à la maison.
Le lendemain aussi je suis resté à la maison (…). Mais ça a coïncidé par le fait aussi que
j’avais reçu un téléphone de la ville. Je crois que c’est un militaire qui a dit qu’il fallait qu’on
se rende en ville. Mais je lui ai dit que je ne pouvais pas venir. Que je ne pouvais pas moi
prendre ma voiture et rouler en ville. Or, j’ai vu arriver quelque temps après une camionnette
avec des militaires dessus. On nous a embarqués. Et (…) on nous a dit qu’il fallait absolument
aller en réunion. Qu’il y avait d’autres chefs des partis, j’étais pas le seul. On a amené les
autres... Je crois que la réunion a eu lieu au ministère de... attendez, à l’École supérieure
militaire. J’ai l’impression. Au ministère de la Défense d’abord ! (…) Alors les militaires nous
ont exposé la situation...
- Qui a présidé la réunion ?
- C’est le colonel Bagosora. Parce qu’il était conseiller du ministre de la Défense, le ministre
de la défense n’était pas là. Mais il y avait d’autres officiers, il y avait Rusatira, il y avait
Ndindiliyimana, pratiquement ils étaient là tous. Alors, on nous dit que compte tenu de la
situation, il fallait mettre un autre gouvernement en place. Que le Président était mort, que la
situation était dramatique, que les gens s’entretuent, qu’il fallait mettre un gouvernement en
place pour mettre fin à cela. (…) Alors, je me rappelle que moi j’ai pris la parole. J’ai dit que
compte tenu de la situation, les civils n’étaient pas à même d’arrêter les désordres et les
massacres qui étaient en train de se faire. J’ai dit que les militaires devraient prendre la
situation en main. On ne (inaudible) à un gouvernement civil que quand ils auront calmé toute
la situation, contrôlé la situation. Et j’estimais personnellement que c’était la meilleure voie.
Les civils de l’opposition étaient complètement inexpérimentés, c’est d’ailleurs l’une des
raisons qui fait qu’on est arrivé là. (…) Mais le fait est que les militaires nous ont dit qu’ils
hésitaient beaucoup à faire, compte tenu de la situation internationale, qu’ils n’accepteraient
certainement pas un régime militaire. Ah, j’ai dit que ce n’était pas un régime militaire, que
c’était une situation exceptionnelle qui exigeait qu’ils prennent la situation en main, qu’ils
mettent de l’ordre dans le pays et qu’après ils invitent les civils à former un gouvernement qui
irait discuter avec le Front patriotique, (inaudible) continuer la mise en place des accords
d’Arusha. Ça n’a pas marché. Ils nous ont dit en réalité qu’ils allaient se concerter et qu’ils
allaient nous répondre. Je crois qu’ils nous ont répondu le lendemain. (…) Alors, je crois qu’ils
ne se sont pas entendus, d’ailleurs ce qui prouve qu’ils ne se sont pas entendus, c’est que peu
après ils ont nommé chef d’état-major le général Gatsinzi qui était encore sous-officier à
Butare. Et c’est lui qui, pendant ce temps, a assuré les fonctions de chef d’état-major. Jusqu’au
mois de mai ou au mois de juin, je ne me rappelle pas très bien. (…) [La nuit du 6 au 7] J’ai
essayé de téléphoner au collègue vice-président de notre parti, monsieur Kabagema qui est
mort, j’ai parlé avec lui, je lui ai dit d’essayer de sortir parce que c’était difficile, il m’a dit :
"C’est impossible, je ne peux pas sortir pour le moment parce que ça tirait de tous les côtés, à
côté de chez lui. Sinon, je ne me rappelle pas avoir pris un autre contact, parce que ça ne m’est
pas venu tellement dans l’esprit, les autres je les ai rencontrés dans la réunion.
- Et le deuxième vice-président ?
- Karemera ? Je vous ai dit qu’il était à la maison, il a rejoint à la maison aussi, après la mort
du président.
- Il a quitté chez lui pour venir chez vous ?
- Oui.

- Je crois que c’est le 7 au soir. C’est ce que je suis en train de dire...
- Ah, oui. (…) Entre temps, je... quand on a mis le gouvernement en place comme je vous l’ai
expliqué, nous les gens du parti, nous avons préféré nous effacer. Parce que nous avions des
représentants à l’intérieur du gouvernement, il y avait une armée, il n’y avait pas de place pour
les chefs des partis. Nous, particulièrement au MRND, nous avions des raisons particulières de
ne pas nous mettre en avant parce qu’on nous avait reproché que nous voulons jouer toujours le
jeu le plus fort, que nous ne voulons pas laisser les autres diriger, les autres commander. (…)
Mais moi, depuis que je suis entré dans cette réunion où on a formé le gouvernement, je ne suis
plus rentré chez moi, je ne suis même plus sorti. Parce que j’avais conscience d’être un homme
recherché des deux côtés, je vous le dis ! Je vous l’ai dit : des deux côtés. Donc, je ne pouvais
pas commettre une imprudence. »

1.3 « C’est la vérité » [ ?]
(déposition de Mathieu Ngirumpatse, procès Bagosora et alii, TPIR, 5 juillet 2005)
« Q. Est-ce que vous pouvez indiquer si dans la nuit du 6 au 7 avril, vous avez eu un
contact avec le colonel Bagosora ?
R. Oui, oui, il m’a téléphoné.
Q. Est-ce que vous pouvez indiquer vers quelle heure aurait eu lieu cet appel ?
R. Ça doit être après minuit. Je ne peux pas être très précis, il y a beaucoup d’années qui
ont passé, mais ça devait être après minuit.
Q. Est-ce que vous pouvez indiquer l’heure de cet appel... excusez-moi... précisément...
Est-ce que c’est vous qui avez appelé le colonel Bagosora ou c’est lui qui vous a
appelé ? Pour qu’il n’y ait pas de malentendu.
R. Non, non, c’est lui qui m’a appelé.
Q. D’accord. Est-ce que vous pouvez indiquer la raison de son appel ?
R. Il m’a dit qu’il souhaiterait rencontrer la direction du MRND le lendemain matin.
Q. Est-ce qu’il vous a précisé la raison de cette demande ?
R. Non.
Q. Qu’avez-vous répondu au colonel Bagosora ?
R. J’ai dit que j’aimerais bien... nous aimerions bien venir, mais que les conditions de
sécurité ne nous permettaient pas de nous déplacer jusqu’en ville.
Q. Est-ce que vous pouvez indiquer, dans ce cas-là, ce que vous a dit le colonel Bagosora
suite à votre remarque ?
R. Ah ! Oui, il a dit... il a dit immédiatement qu’il allait envoyer une escorte le matin.
Q. Est-ce que vous pouvez indiquer à la Chambre, à ce moment, qui dirigeait le MRND ?
R. Oui, j’étais le Président du MRND à l’époque.
Q. Est-ce que vous pouvez indiquer si vous étiez seul Président ou bien il y avait d’autres
responsables nationaux du MRND ?
R. Ah non, il y avait un comité ; il y avait un comité. Si vous voulez la composition, je
peux vous la donner. J’étais... J’assurais la présidence du comité ; Édouard Karemera,
il était premier vice-président ; Ferdinand Kabagema, il était deuxième vice-président ;
et Joseph Nzirorera était secrétaire national.
Me CONSTANT :
Je précise que Édouard Karemera, c’est le numéro 8 ; Ferdinand Kabagema est le
numéro 5 ; et Joseph Nzirorera est le numéro 16.
Q. Est-ce que vous pouvez indiquer à la Chambre ce que vous avez fait après l’appel
téléphonique du colonel Bagosora ?
R. Oui, j’ai avisé les autres membres du comité, j’ai téléphoné à Karemera, j’ai téléphoné
à Nzirorera, j’ai téléphoné à Kabagema pour les informer de la demande du colonel
Bagosora de se trouver au Ministère de la défense le lendemain matin.
Q. Et que vous ont répondu les autres membres du comité du MRND ?
R. Karemera et Nzirorera étaient d’accord, mais Kabagema m’a dit qu’il ne pouvait pas
se déplacer, compte tenu de la situation de son habitation. Il m’a dit que son quartier
avait été encerclé par le FPR et qu’il ne pouvait pas en sortir.
Q. Est-ce que vous avez souvenir du nom du quartier de Monsieur Kabagema
Ferdinand ?
R. C’est Kacyiru, plus précisément de la maison de la caisse hypothécaire.
Q. Est-ce que vous vous êtes effectivement rendu au MINADEF, comme vous l’avait
demandé le colonel Bagosora ?
R. Oui.

Q.
R.

Q.
R.

Q.
R.
Q.
R.
Q.
R.
Q.
R.
Q.
R.
Q.
R.
Q.
R.
Q.
R.
Q.
R.
Q.
R.
Q.

Est-ce que vous pouvez indiquer dans quelles conditions vous avez été amené à vous
rendre au MINADEF ?
Très tôt, vers 6 heures du matin, il y a un véhicule qui est arrivé avec une escorte et
que... j’ai envoyé chercher Karemera, et puis, Joseph est parti par ses propres moyens.
Donc, on a envoyé l’escorte effectivement vers 6 heures... à 6 heures du matin à peu
près, et l’escorte est allée chercher Karemera qui habitait un peu plus loin... chez moi,
et quand il est revenu, on a pris le chemin de la ville.
Je vais vous demander quelques précisions : Vous avez dit... Vous avez parlé d’une
escorte ; est-ce que vous pouvez décrire celle-ci ?
Oui, le véhicule d’abord : C’était un pick-up double cabine. Il y avait, bien sûr, un
chauffeur militaire, il y avait deux autres militaires devant, à côté du chauffeur,
Karemera et moi, on nous a placés au milieu, dans la deuxième cabine, et dans le bac,
à l’arrière, il y avait d’autres militaires.
Est-ce que c’est... cela signifie que c’était exclusivement des militaires qui
composaient cette escorte ?
Oui.
D’accord. Pour une bonne compréhension aussi, vous avez parlé de Monsieur Édouard
Karemera et vous avez indiqué qu’il était votre voisin, si j’ai bien compris ; c’est
exact ?
Oui, c’est exact. (…)
Je vous demandais... Quand le Président vous a demandé la précision, je vous
demandais à combien de mètres se trouvait le domicile de Monsieur Karemera
Édouard par rapport au vôtre ?
Environ 300 mètres.
Est-ce que vous pouvez indiquer combien de temps a pris le trajet entre votre domicile
et le MINADEF ?
Oh, 15 à 20 minutes. Ça fait à peu près 9 kilomètres — 15 à 20 minutes.
Est-ce qu’il y avait... Est-ce qu’il y a eu des incidents lors de ce trajet ?
Non, aucun incident.
Est-ce que vous avez souvenir de barrières, qu’elles soient de nature militaire ou
civile ?
Aucune.
On peut le savoir par déduction de ce que vous avez déjà dit, mais est-ce que vous
pouvez préciser approximativement votre heure d’arrivée au MINADEF ?
On est arrivés quelques minutes avant 7 heures, quand même, 6 h 45, 7 heures moins
dix, quelque chose comme ça. (…)
Vous dites que quand vous avez vu le colonel Bagosora, vous... Monsieur Nzirorera
n’était pas encore arrivé. Est-ce que vous pouvez situer dans le temps le moment
donné où va arriver Monsieur Nzirorera ?
Peut-être 7 heures... 7 heures du matin.
Est-ce que vous pouvez indiquer à la Chambre, entre le moment donné où vous êtes
salués par le colonel Bagosora et l’arrivée de Monsieur Nzirorera, où êtes-vous et que
se passe-t-il ?
On était assis au salon, on était en train de parler pendant que le colonel Bagosora
travaillait, en attendant Joseph Nzirorera.
Au moment donné de l’arrivée de Joseph Nzirorera, qu’est-ce qui s’est passé ?
On n’a pas commencé tout de suite, parce que je crois qu’on attendait encore une
personnalité ; c’est le général Ndindiliyimana qui est arrivé quelque cinq ou
10 minutes après.
Quand vous dites « cinq ou 10 minutes après », c’est après...

R.
Q.
R.
Q.
R.
Q.
R.

Q.

R.
Q.
R.
Q.
R.
Q.
R.

Q.
R.
Q.
R.

Q.

Après 7 heures. (…)
Est-ce que vous pouvez préciser, après l’arrivée du général Ndindiliyimana, que se
passe-t-il précisément ?
Oui, le colonel Bagosora a pris la parole pour nous informer de l’objet de notre
présence au Ministère de la défense.
Est-ce que vous pouvez préciser quand même, pour qu’il n’y ait pas de malentendu,
premièrement, qui, finalement, participe à cet entretien ? Et deuxièmement, où se
situe-t-il exactement ?
L’entretien se situe toujours dans le salon de Bagosora, et puis y participent : Le
colonel Bagosora, Édouard Karemera, Joseph Nzirorera, le général Ndindiliyimana et
moi-même.
Je vous remercie. Vous dites que le colonel Bagosora a pris la parole. Est-ce que vous
pouvez indiquer ce qu’il aurait dit, ou de mémoire ou précisément ?
Je ne peux pas être très précis, à un mot près, mais il nous a dit que le soir, la nuit... la
nuit — plus précisément la nuit —, il avait rencontré le Représentant spécial du
Secrétaire général des Nations Unies, Monsieur Jacques-Roger Booh-Booh, et qu’il lui
avait dit de chercher la direction du MRND pour choisir un autre président qui
« remplaçait » le Président Habyarimana qui était décédé.
Quand vous dites que le colonel Bagosora a rencontré le Représentant spécial JacquesRoger
Booh-Booh, et que celui-ci... c’est celui-ci qui lui a dit, à Bagosora, de chercher le
MRND ou c’est l’inverse ? Pour que ce que soit bien compréhensible.
Non, non, c’est le Représentant du Secrétaire général qui avait demandé à Bagosora de
trouver... de chercher le comité du MRND pour la nomination d’un nouveau Président
de la République.
Est-ce que c’est la seule chose que vous a dit Bagosora, lors de son intervention ?
Apparemment, oui.
D’accord. Est-ce qu’à ce moment-là, quelqu’un d’autre a pris la parole ?
Moi... Moi, j’ai pris la parole. J’ai pris la parole pour lui répondre... Je ne sais pas si je
dois continuer ou si vous avez une question entre-temps ?
Non, c’est parfait. Je vous propose d’indiquer ce que vous auriez dit lors de votre
intervention et je vous remercie de respecter parfaitement l’ordre de mes questions.
J’ai pris la parole pour lui dire que déjà, le comité exécutif du MRND n’était pas au
complet puisqu’il manquait le deuxième vice-président ; je lui ai également dit que le
choix du Président de la République — du chef de l’État — ne relevait pas de la
compétence du comité exécutif, mais bien du Congrès national, et que nous nous
trouvions dans l’incapacité de réunir environ les 400 congressistes à Kigali, vu les
conditions de sécurité qui régnaient dans le pays, et à Kigali en particulier.
Quand vous dites... vous parlez de Congrès national, vous parlez de congrès de qui ?
Du MRND... C’est le Congrès du parti MRND.
Et quand vous parlez de la question de la sécurité qui ne rendait pas possible la
réunion de ce Congrès, est-ce que vous pouvez être plus explicite ?
Oui, parce qu’il y avait d’abord des coups de feu à travers la ville, et puis, le chef de
l’État venait
de mourir, et puis, nous ne pouvions pas prendre le risque de convoquer 400 personnes
à Kigali si nous n’étions pas sûrs, d’abord, qu’ils trouveraient un endroit où tenir la
réunion et qu’ils obtiendraient une sécurité suffisante. C’est une grande responsabilité
de réunir 400 personnes pour ça en ces temps-là... en ce moment.
Est-ce que cela signifie que vous décliniez l’invitation de Monsieur Jacques-Roger
Booh-Booh, faite par l’intermédiaire du colonel Bagosora ?

R.
Q.
R.
Q.
R.
Q.
R.
Q.
R.
Q.
R.
Q.
R.
Q.
R.
Q.
R.
Q.
R.
Q.
R.
Q.
R.
Q.
R.
Q.
R.

Bien sûr, c’était non seulement physiquement mais également juridiquement
impossible, légalement impossible. Mais nous étions prêts à réunir le Congrès dans le
cas où la sécurité serait assurée, bien entendu.
D’accord. Est-ce qu’après votre intervention, il y a eu d’autres personnes qui soient
intervenues à cette réunion ?
Oui, mes deux collègues : Édouard Karemera et Joseph Nzirorera, ils sont intervenus
et ils ont soutenu le point de vue que je venais d’exprimer.
Est-ce que le dernier participant, le général Ndindiliyimana, s’est exprimé lors de la
réunion, à votre connaissance ?
À ma connaissance, non.
Après votre intervention et celle des deux autres membres du comité exécutif du
MRND, que s’est-il passé au cours de la réunion ou, éventuellement, qu’a dit le
colonel Bagosora suite à votre refus ?
Oui, il nous a dit que, de toute façon, il était pressé, qu’il avait une... un rendez-vous
avec l’Ambassadeur des États-Unis à 9 heures à la résidence de l’ambassadeur ; c’est
assez loin du centre-ville.
Pour être plus précis. Concernant le refus que vous exposiez à la demande qu’avait
transmise par son intermédiaire le Représentant spécial, est-ce qu’il vous a fait un
commentaire ? Est-ce qu’il vous a dit quelque chose ?
Il n’a pas fait beaucoup de commentaires, il a dit qu’on allait en discuter... il allait en
discuter avec les autres. Et c’est tout.
D’accord. Excusez-moi d’être précis, mais quand vous dites qu’il allait en discuter
avec les autres, est-ce que vous pouvez préciser de quels autres il s’agissait ?
Parce qu’il est directeur du cabinet du Ministère de la défense, je présume qu’il parlait
des cadres du Ministère de la défense ou de l’armée. Il n’a pas été précis.
D’accord. Est-ce que vous avez vu le colonel Bagosora quitter le MINADEF, puisque
vous parliez du fait qu’il devait aller à une réunion.
Oui, il est parti avant nous. Il est parti vers 8 h 30.
Vous aviez dit que la réunion avait commencé un peu après 7 heures, et vous dites
qu’il est parti à 8 h 30 ; est-ce que ça sous-entend que la réunion a duré environ une
heure et demie ?
À peu près, oui. Parce que, quand je dis cela, je résume, mais quand on discute, ça
prend un peu plus de temps que le résumé que je suis en train de faire.
Est-ce que vous avez souvenir de ce qu’a fait aussi le général Ndindiliyimana ?
Après ?
Après la réunion.
Non.
Est-ce que vous pouvez nous indiquer ce que vous-même vous avez fait après le
départ du colonel Bagosora ?
Nous, nous sommes restés au Ministère de la défense à bavarder en attendant que
notre escorte revienne. Parce qu’entre-temps, elle avait reçu une autre mission, et nous
devions rentrer à la maison — Édouard Karemera et moi-même du moins.
Est-ce que vous pouvez indiquer vers quelle heure cette escorte serait revenue, si elle
est revenue ?
Oh, vers 10 heures, un peu après 10 heures, quelques minutes après 10 heures.
Et avec cette escorte, vous-même, vous avez fait quoi ?
Quand elle est arrivée, nous sommes rentrés. Nous sommes retournés à Kicukiro.
Excusez-moi, mais pour les besoins du procès-verbal, quand vous dites « nous », vous
parlez de qui ?
D’Édouard Karemera et moi-même.

Q.

Le troisième membre du comité exécutif dont vous avez fait état qui était présent,
Monsieur Joseph Nzirorera, est-ce que vous pouvez préciser ce qu’il aurait fait si vous
le savez ?
R. Il est resté en ville, mais je ne sais pas chez qui il s’est rendu.
Q. Vous savez qu’il n’est pas rentré à son domicile ?
R. Non, il n’est pas rentré à son domicile.
Q. Vous en connaissez la raison ?
R. C’est des raisons de sécurité. Son domicile se trouvait dans le point de mire du Conseil
national de développement ou logeait le bataillon du FPR, et il n’a pas... il n’a pas
estimé très prudent de retourner.
Q. Toujours, et pour en terminer avec cette journée du 7 avril, est-ce que vous avez eu
d’autres contacts ou avec le colonel Bagosora ou avec une autorité militaire, au cours
de cette journée ?
R. Pas au cours de la journée, seulement le soir. Le soir. Le soir, il y a un officier qui a
téléphoné, un officier que je n’ai pas pu identifier, qui m’a dit qu’il renverrait l’escorte
pour nous chercher en vue de retourner au Ministère de la défense, le 8. Mais il a
téléphoné le 7.
Q. Est-ce que, lorsque vous avez eu cet officier, il vous a indiqué pourquoi il envoyait à
nouveau une escorte ?
R. Non, non, il n’a pas dit la raison. Il a dit qu’il va envoyer l’escorte pour que nous nous
rendions encore une fois au Ministère de la défense.
Q. Est-ce que c’est vous personnellement qui avez eu cette personne au téléphone ?
R. Oui.
Q. Vous avez dit « dans la soirée », est-ce que vous arrivez à situer dans le temps ?
R. Pas vraiment. Je crois que ce serait présomptueux de ma part d’indiquer une heure
correcte.
Q. Est-ce que cette escorte est effectivement arrivée ?
R. Elle est arrivée mais pas aussi tôt que le 7, elle est arrivée vers 9 heures.
Q. Est-ce que c’était une escorte...
M. LE PRÉSIDENT :
Q. Monsieur le Témoin, comme nous le faisons avec tous les témoins, vous pouvez avoir
des... Comme on l’a remarqué avec tous les témoins, il peut vous être difficile de vous
souvenir des événements qui se sont produits il y a 11 ans, mais est-ce que vous
pouvez nous donner une indication de l’heure où il y a eu cet appel téléphonique de
cet officier ? Donnez-nous une heure approximative.
R. C’est en début de soirée. Ce n’était pas très tard la nuit, ce n’était pas pendant la
journée, mais c’est en début de soirée.
Q. Est-ce que cela veut dire 19 heures, 20 heures, 21 heures ?
R. Avant. Avant 20 heures.
Q. Très bien. Je vous remercie. Et le nom de l’officier qui a appelé, est-ce que vous vous
souvenez de l’identité de cette personne ?
R. Non, non, il ne m’a pas décliné son nom.
Me CONSTANT :
Monsieur Ngirumpatse, il faudrait que l’on fasse un gros effort — surtout moi,
d’ailleurs — pour ne pas parler trop vite, parce que les scripts ont beaucoup de mal à
nous suivre.
R. O.K.
Q. Ma précédente question, avant les demandes du Président — dont je remercie
Monsieur le Président —, visait à savoir : Est-ce que l’escorte qui est venue le matin
était du même type que l’escorte qui était venue vous chercher la veille ?

R.
Q.
R.
Q.
R.
Q.
R.
Q.
R.
Q.
R.
Q.
R.
Q.
R.
Q.
R.
Q.
R.
Q.
R.
Q.

R.

Q.
R.

Q.

Oui, c’était le même type. Je ne peux pas préciser si c’est le même véhicule, mais
c’était la même configuration.
Il s’agissait d’une escorte militaire ?
Oui.
Est-ce qu’elle a fait le même parcours que la veille concernant votre voisin ?
Non. Cette nuit-là, Monsieur Karemera et sa famille avaient dormi chez moi. Donc,
quand le véhicule est arrivé, je n’ai pas été obligé de l’envoyer chez Édouard
Karemera parce qu’il était resté chez moi cette nuit, avec sa famille.
Est-ce qu’il y a une raison à ce que Monsieur Karemera ait dormi chez vous ?
Oui, il y a... son quartier était un peu plus exposé que le mien. Et puis, en mettant nos
gardes ensemble, on gagnait en nombre de protection et en protection plus efficace.
Pour être précis, quand vous parlez « d’exposé », vous parlez de quoi précisément ?
Un peu plus isolé que moi. Moi, j’étais sur la grand-route ; lui, il était sur une petite
route secondaire, à l’intérieur du quartier.
Est-ce que, pendant le trajet de votre domicile au MINADEF, il y a eu des incidents ?
Non, aucun incident.
Est-ce que vous arrivez à situer approximativement l’heure de votre arrivée au
MINADEF ?
Oh... Je ne sais pas, après 9 heures, 9 h 30 peut-être, je ne sais pas exactement. Je me
rappelle pas exactement, mais c’est après 9 heures.
Quand vous êtes arrivé au MINADEF, donc accompagné d’un autre membre du
comité exécutif, que s’est-il passé ?
Nous avons bien sûr rencontré le colonel Bagosora encore une fois. Il nous a dit que
les politiciens devaient se réunir et essayer de trouver une solution politique à la
question qui se posait, au vide institutionnel qui se posait.
Excusez-moi de revenir et de vous demander des précisions : Vous avez rencontré le
colonel Bagosora où, à ce moment-là ?
Toujours à son bureau ; à son bureau au Ministère de la défense.
Dans un lieu en particulier ou vous ne vous en souvenez pas ?
Non, je crois qu’il nous a trouvés au salon, comme d’habitude.
D’accord. Est-ce que vous n’étiez que deux ?
Non, Joseph Nzirorera était déjà arrivé. Quand nous sommes arrivés, nous l’avons
trouvé là-bas. Nous étions donc trois.
Quand le colonel Bagosora vous a dit que les politiciens devaient se réunir pour
trouver une
solution au vide institutionnel, est-ce qu’il s’est exprimé, comme la veille, au nom de
Jacques-Roger Booh-Booh, en son nom personnel ou au nom de qui que ce soit ?
Non, il pensait… — d’ailleurs, je crois que son idée a été explicitée par un
communiqué par après —
il disait que le haut commandement et le comité de crise de l’armée souhaitaient que
les politiciens prennent leurs responsabilités en matière politique.
Est-ce qu’à partir de cette déclaration du colonel Bagosora, vous-même ou les autres
participants
aux réunions, est-ce que vous avez réagi ?
Oui, nous avons réagi, nous lui avons dit que quand on parle de politiciens, ce n’est
pas le MRND.
Le Gouvernement rwandais était composé de cinq partis politiques. Nous avons donc
dit que nous étions prêts à prendre nos responsabilités, à condition que les autres partis
politiques soient présents.
Et qu’est-ce que le colonel Bagosora a répondu à votre remarque ?

R.
Q.

Il a dit qu’il allait les chercher.
Et donc, après qu’il vous ait dit qu’il allait les chercher, qu’est-ce qui s’est passé : Il
vous a quitté où il est resté avec vous ?
R. Non, il n’est pas resté avec nous, parce que compte tenu de la tournure des
événements, nous avions une réflexion à faire ; parce que c’est bien d’amener les
partis politiques dans cette réunion, mais qu’est-ce qu’ils allaient faire, les partis
politiques ? Alors, nous sommes restés à réfléchir à une solution légale et
constitutionnelle.
Me CONSTANT :
Excusez-moi... Excusez-moi, je ralentis le rythme.
R. Je vous en prie.
Me CONSTANT :
Q. Quand vous dites « nous devions réfléchir », vous parlez de qui ?
R. Je parle de Karemera, Nzirorera et moi-même. Nous étions les seuls... À ce moment,
nous étions les seuls à être au Ministère de la défense.
Q. D’accord. De votre point de vue et, éventuellement, du point de vue de vos deux
camarades de parti, quelle était la situation politique, juridique ce 8 avril, quand vous
êtes au MINADEF ?
R. Au 8 avril, je dois dire que le vide institutionnel s’était même aggravé, puisque le
Premier Ministre n’était plus : Agathe Uwilingiyimana n’était plus.
Q. Vous aviez appris le décès du Premier Ministre dans... par quel moyen ?
R. Je me rappelle pas si c’est un communiqué de Radio Rwanda ou un autre média, mais
on a appris... Le 8, tout le monde était au courant, quand même, qu’elle était décédée.
Q. Est-ce que vous aviez des informations particulières concernant les conditions de sa
mort ?
R. Non.
Q. Est-ce que vous saviez qu’elle était morte de mort naturelle ou qu’elle avait été
assassinée ?
R. Non, les médias ont dit qu’elle était morte seulement, on n’a pas dit « assassinée », je
n’ai pas entendu ce terme.
Q. Vous avez indiqué que vous avez commencé une réflexion, est-ce que vous pouvez
nous préciser combien de temps elle a pris et est-ce que, éventuellement, de cette
réflexion, vous avez eu des conclusions dans votre réunion à trois ?
R. À trois, nous sommes arrivés à la conclusion qu’il fallait chercher la solution dans la
Constitution du 10 juin 1991. C’est cette Constitution qui règle la succession du
Président en cas d’empêchement, de décès, etc.
Q. Pourquoi faisiez-vous le choix, dans votre réflexion, de vous référer à la Constitution ?
R. Oui, juridiquement parlant, lorsque Booh-Booh parlait de désigner un Président de la
République, je crois qu’il y a un élément des Accords d’Arusha qui lui a échappé...
des éléments qui lui ont échappé. Premièrement, les Accords d’Arusha n’avaient pas
prévu le décès du Président avant la mise en place des institutions de transition.
Deuxièmement, c’est vrai que le MRND devait présenter deux candidats, mais à
l’Assemblée nationale de transition qui n’existait pas. Il y avait donc, juridiquement,
un blocage certain ; c’est pourquoi nous avons dit : Étant donné que les Accords
d’Arusha n’excluent pas l’application de la Constitution de 91, autant recourir à cette
solution. Et c’est ce que... c’est la conclusion à laquelle nous sommes arrivés.
Q. D’accord. Excusez-moi de vous demander un certain nombre de précisions : Vous
avez indiqué qu’il était prévu que le MRND présente deux candidats qui devaient être
présentés devant l’ANT.
R. M-hm.

Q.
R.
Q.

Excusez-moi, ça avait été prévu dans quoi, pour que ce soit clair ?
Dans les Accords d’Arusha. Dans les Accords d’Arusha.
Et vous avez parlé de blocage ; vous voulez dire que ce processus ne pouvait pas être
appliqué ?
R. Oui, puisqu’il n’y avait pas d’Assemblée nationale de transition, elle n’existait pas.
Seul le Président de la République avait prêté serment.
Q. Est-ce que vous pouvez aussi préciser à la Chambre : Est-ce que les Accords d’Arusha
ne remplaçaient pas la Constitution ?
R. Non. Non, les Accords d’Arusha n’ont pas abrogé la Constitution. Les Accords
d’Arusha et la Constitution de 91 constituaient tous les deux la loi fondamentale ; la
Constitution « ne pouvait ne pas » être appliquée que si elle était contraire aux
Accords d’Arusha.
Q. Pouvez-vous préciser donc, à la Chambre, que préconisait la Constitution de 91 dans
le cas de la disparition du chef d’État ?
R. Oui, la Constitution prévoyait, en cas de disparition du chef de l’État ou
d’empêchement d’exercer ses fonctions, le Président du Conseil national de
développement… — qui correspond au parlement ou à l’Assemblée nationale — le
Président remplace le chef de l’État empêché ou décédé, jusqu’à l’élection d’un
nouveau chef de l’État. C’est donc... Il assure l’intérim du chef de l’État jusqu’à
l’élection du nouveau.
Q. Pour qu’on soit précis : Est-ce que le CND — le Conseil national de développement
— existait encore à ce moment ?
R. Oui, il existait. Les Accords d’Arusha ne lui donnaient pas le droit de légiférer, mais il
n’était pas dissous.
Q. Donc, cela signifie qu’à vos yeux, le CND — et donc son président — avait une
réalité juridique ?
R. Oui.
Q. À l’issue de cette réflexion, est-ce que vous pouvez nous dire combien de temps elle a
duré, votre réflexion avec vos deux camarades de parti ?
R. Pas vraiment très longtemps, parce que les choix étaient complètement limités, vous
comprenez, les choix entre les solutions étaient complètement limités. Ça n’a pas pris
beaucoup de temps. Donc, ça a duré, je ne sais pas moi, un quart d’heure, 20 minutes ;
je ne sais pas.
Q. Est-ce que le colonel Bagosora a participé à votre réflexion ?
R. Non.
Q. Est-ce que... Est-ce que le colonel... Excusez-moi, je reformule ma question. Est-ce
qu’à la suite de cette réflexion, vous et vos deux camarades de parti, qu’est-ce que
vous avez fait ?
R. Nous nous sommes résolus à aller voir le Président du Conseil national de
développement pour le mettre au courant de la situation politique et juridique qui se
posait, en l’invitant de se préparer à assumer ses responsabilités en tant que Président
du Parlement.
M. LE PRÉSIDENT :
Précisons bien les choses ici.
Q. La réunion à MINADEF a commencé à 9 h 30, selon vous ; c’est cela ?
R. Un peu avant. Un peu avant, Monsieur le Président.
Q. Ensuite, le colonel Bagosora est parti à quel moment ?
R. Ah non, mais c’est plutôt la date précédente, c’est le 7 qu’il nous a quittés, à 8 h 30.
Sinon, le 8, il était dans son bureau. Mais on n’a pas discuté avec lui. Il nous a dit... Il
nous a communiqué ce que les politiciens doivent faire, nous lui avons dit d’aller

Q.
R.

Q.
R.
Q.
R.
Q.
R.

chercher les autres partis politiques et puis, on n’a plus été en contact avec lui, enfin,
du moins, dans cette portion de temps. Quand nous étions en train de discuter, il
n’était pas avec nous.
Oui, j’avais compris cela, Monsieur le Témoin. Je voulais savoir à quel moment vous
n’étiez plus avec lui et à quel moment cette discussion de 20 minutes a pris fin. Quand
est-ce que vous l’avez vu pour la dernière fois dans cette matinée du 8 avril ?
Non, c’est pas pour la dernière fois, on l’a revu quand il est allé chercher les partis
politiques ; il est allé chercher les partis politiques, mais il est revenu. Donc, ce jourlà, ça ne veut pas dire qu’il est parti pour de bon : Il est allé chercher les partis
politiques, mais il est revenu dans son bureau.
Oui. Je crois que nous avons un petit problème de communication. Tout d’abord, vous
êtes ensemble et, ensuite, il part. Quand est-ce qu’il est parti ?
Il est parti vers 9 h 30, pour chercher... 9 h 30, pas à une minutes près, mais c’est vers
cette période-là, pour chercher les partis politiques.
Et quand est-ce que vous l’avez revu ensuite ?
Ça doit être entre... peut-être après 11 heures.
Et où l’avez-vous revu, approximativement, après 11 heures ?
Nous étions revenus au Ministère de la défense. Après avoir parlé avec le Président du
Parlement, nous sommes revenus au Ministère de la défense.

M. LE PRÉSIDENT :
Très bien.
Nous allons laisser Maître Constant poser des questions sur la réunion et, ensuite, nous
allons reprendre tout ce qui a trait à Monsieur Bagosora.
Me CONSTANT :
D’accord, Monsieur le Président. Je vais essayer... Je comprends l’impatience et je la
remercie — la Chambre — de « savoir », mais je vais essayer d’aller point par point
pour que ce soit clair.
Q. Une demande de précision : Quand vous quittez Bagosora ou, plus exactement, quand
Bagosora s’en va, vers 9 heures et demie, est-ce que vous le voyez quitter le
MINADEF ? Est-ce que vous avez souvenir de ça ?
R. Non, je n’ai pas un souvenir précis, je n’ai pas une image précise de son départ. Mais
le fait est que nous trois, nous étions à part, en train de discuter. Je ne peux donc pas
dire que j’ai vu son véhicule partir, mais nous nous sommes séparés vers cette heurelà.
Q. Nous reprenons le fil, à savoir la fin de votre réflexion. Et vous m’aviez indiqué que
vous aviez décidé d’aller voir le Président du CND. Est-ce que vous pouvez indiquer à
la Chambre où se trouvait le Président du CND ?
R. Oui, Monsieur le Président. Le Président du CND habitait près du Ministère de la
défense. Ce n’était pas loin, c’était quelque part... quelques mètres. D’ailleurs, nous
sommes allés à pied.
Q. Pour les besoins du procès-verbal, est-ce que vous pouvez indiquer le nom du
Président du CND ?
R. C’est le docteur Théodore Sindikubwabo.
Me CONSTANT :
C’est le numéro 19 sur la liste.
Q. Vous êtes donc allé au domicile du Président du CND. Et il était présent ?
R. Oui. Il était à la maison.
Q. Et si je comprends bien, vous avez eu un entretien avec lui.

R.
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Bien sûr.
Est-ce que vous pouvez nous indiquer ce qui se serait passé dans cet entretien ?
Nous lui avons exposé la situation politique et juridique, légale qui se posait au pays,
et nous l’avons invité à assumer… — comme je l’ai dit, d’ailleurs — à assumer ses
responsabilités en tant que Président du Parlement.
Excusez-moi — puisque nous avons l’honneur de votre présence et qu’après, il n’y ait
pas de malentendus : Quand vous dites « nous sommes allés et nous lui avons dit »... ?
Je suis parti avec Édouard Karemera et Joseph Nzirorera, toujours — à trois.
La réunion avec le Président du CND s’est tenue entre vous trois et lui ou il y avait
d’autres personnes ?
Il n’y avait personne d’autre.
Est-ce que vous pouvez indiquer ce que le Président du CND vous a répondu ?
Bien sûr, il a hésité, il nous a d’abord demandé si la solution que nous proposons est
légale et que... s’il allait bénéficier du soutien dans ses fonctions. C’est la question
qu’il nous a posée.
Et qu’est-ce vous lui avez répondu ? Quand je dis « vous », je parle de vous et de vos
deux camarades ?
Sur le plan légal et juridique, nous lui avons assuré — donc, tous les trois — que la
position était légale, qu’elle était constitutionnelle et qu’elle n’était pas critiquable.
Et sur le deuxième aspect que posait le Président du CND ?
Sur le deuxième aspect, naturellement, on a fait appel à sa compréhension, que nous
étions trois, mais que nous avions la présomption que le parti n’allait pas opposer une
résistance à cela.
Et finalement, quelle a été la position de... du Président du CND ?
Il a accepté.
Est-ce que vous pouvez situer dans le temps le moment donné où se termine cet
entretien entre vous trois et le Président du CND ?
Ça a duré à peu près une heure. Je crois que nous sommes remontés vers le Ministère
de la défense vers 11 heures.
Quand vous arrivez au Ministère de la défense, vous avez indiqué déjà que vous aviez
vu le colonel Bagosora, est-ce que vous pouvez nous indiquer dans quel contexte ça se
passe et qu’est-ce qui se passe à ce moment-là ?
Je crois savoir… Si ma mémoire ne me trahit pas, je crois savoir qu’il y a quelques
représentants des partis politiques qui étaient arrivés. Alors, le colonel Bagosora
nous... a mis à notre disposition une salle de réunion ; nous nous sommes rendus làbas.
Est-ce que vous avez eu une autre discussion, à ce moment-là, avec le colonel
Bagosora ?
Non.
O.K. Est-ce que… Quand vous avez été dans cette salle de réunion, est-ce qu’à un
moment donné, il y a une réunion qui a commencé ?
Oui, on... on s’est partagé le travail. On s’est dit : Pour mettre en place un Président de
la République et un Gouvernement, il faut un texte ; et le texte, on a désigné un groupe
pour le rédiger. Mais on a dit aussi : « Si le Président, puisqu’il a accepté, on ne va pas
l’encombrer dans la préparation du discours, il faut qu’il y ait un groupe qui prépare
son discours d’intronisation. » Nous nous sommes donc divisés en deux groupes pour
commencer.
Alors, préalablement à votre division en deux groupes, est-ce que vous pouvez
préciser, à ce moment-là, qui se trouve présent ? Est-ce que vous avez le souvenir de
cela ?

R.
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Oui, je crois que le parti... le MDR était présent, le Parti libéral, et peut-être le Parti
démocrate chrétien. Il y manquait, en fait, le Parti social démocrate.
Excusez-moi, est-ce que vous pouvez — si vous en avez souvenir — vous rappeler de
qui représentait le parti MDR ?
Oui, cela je me rappelle bien, il s’agit de Froduald Karamira et Donat Murego.
Le parti PL, est-ce que vous avez souvenir ?
Je me rappelle de Mugenzi seulement. Je ne sais pas si les autres… Je n’ai pas
souvenance des autres. Mais Mugenzi, oui.
Avez-vous souvenir de la représentation du PDC ?
Oui, il y avait Célestin Kabanda. Et il y avait d’autres, mais...
Pour les besoins du script : « Kabanda », c’est le numéro 6 ; « Karamira », c’est le
numéro 7 ; « Mugenzi » c’est le numéro 10 ; et « Murego » c’est le numéro 11.
Est-ce qu’il y a eu une discussion, ou immédiatement vous êtes partis en deux
groupes ?
Oui, il y a eu une petite discussion ; on a informé les autres sur les résultats de notre
entretien avec le Président du Conseil national de développement.
Quand vous dites « on a informé », vous parlez de qui ?
Je parle toujours d’Édouard Karemera, Joseph Nzirorera et moi-même, parce que nous
étions les seuls à connaître la position du Président du Parlement.
Cette première partie — si je comprends bien — de votre rencontre, est-ce que vous
pouvez arriver à la situer dans le temps ? À quel moment donné elle commence ?
Ça doit être entre 11 heures et midi. Je ne peux pas être précis en ce qui concerne les
heures ; c’est tellement compliqué avec le temps qui passe... qui a passé.
D’accord. Est-ce que vous pouvez indiquer, à part les représentants des partis
politiques, est-ce qu’il y avait d’autres personnes ?
Non, non.
Est-ce qu’il y avait — excusez-moi d’être précis — des militaires présents ?
Aucun.
Vous nous avez indiqué qu’il y a, à un moment donné, une division en deux groupes ;
est-ce que vous pouvez nous dire que… où se situent ces deux réunions qui ont lieu à
ce moment-là ?
Le colonel Bagosora nous avait... avait mis à notre disposition une salle de réunion,
mais ce dont je ne me rappelle pas… je ne crois pas qu’il nous ait donné de... La salle
était suffisamment grande, de façon à ce qu’un groupe travaille sans déranger l’autre.
Et comment « aboutit », à ce moment-là, les deux groupes de travail ?
Vers 13 heures, nous sommes allés pour la mise en commun du travail accompli.
Et est-ce que vous pouvez préciser quelles avaient été les conclusions de ces deux
groupes de travail ?
Oui, pour le discours, il n’y a pas de problème, il n’y a pas de conclusion. En fait, ils
avaient à composer un texte qui, certainement, n’était pas encore terminé. Mais ce qui
était urgent, c’était la mise en place des institutions. Et nous... En discutant, nous
avons décidé de prolonger le protocole additionnel de juillet 93 qui, lui-même, était la
prolongation du protocole d’avril 92, qui créait le gouvernement multipartite.
Excusez-nous. Pour que nous soyons précis, vous parlez de « protocole de 92 qui a
créé le gouvernement multipartite » ; est-ce que vous pouvez préciser à la Chambre de
quoi il s’agit ?
En 92, il y a eu une négociation entre les partis politiques, et cette négociation a
débouché sur la formation d’un gouvernement composé de plusieurs partis — cinq
plus exactement : Le MRND, le MDR, le PL, le PSD — c’est le Parti social

démocrate — et le Parti démocrate chrétien — le PDC. Et le Premier Ministre de ce
gouvernement devait être issu... il devait venir du MDR ; et c’est ce qui s’est passé.
Me CONSTANT :
Avec l’autorisation du Président, est-ce que Monsieur Matemanga ou Madame Ben
Salimo peuvent distribuer un document ?
Q. Pendant qu’on est en train de distribuer ce document, Monsieur Ngirumpatse, est-ce
que vous pouvez indiquer à la Chambre : Concernant ce protocole de 1992, est-ce
qu’il organisait la répartition des pouvoirs, et s’il le faisait, il le faisait entre qui —
cette répartition des pouvoirs ?
R. C’est entre les partis politiques, bien sûr. Le protocole a distribué les postes
ministériels aux différents partis, mais il appartenait aux partis de désigner les
titulaires de ces portefeuilles.
Q. Est-ce que vous voulez dire par là que c’étaient les partis qui désignaient les
ministres ?
R. Oui. Exactement.
Q. Vous avez dit, par ailleurs, que votre projet était...
Est-ce qu’on pourrait en remettre un au témoin, parce que ça me permettrait
d’avancer ? Merci.
(Le greffier d’audience s’exécute)
Monsieur Ngirumpatse, vous avez un document devant vous ; est-ce que vous pouvez
dire si vous le connaissez ou non ?
R. Oui, je le connais, celui-ci.
Q. Est-ce que vous pouvez indiquer à la Chambre de quoi il s’agit ?
R. C’est précisément le protocole du 7 avril 92, qui créait le gouvernement de transition.
D’ailleurs, il s’intitule Protocole d’entente entre les partis politiques appelés à
participer au gouvernement de transition.
Q. Pourquoi le terme « transition » ?
R. Parce qu’on ne peut pas se partager les postes ministériels comme ça, sans élection.
On pensait qu’on passerait par une transition, et puis organiser les élections ; parce
qu’on ne peut pas… on ne peut pas se partager le pays de cette manière pour toujours ;
il faut bien les élections, un jour.
Q. Parfait. Vous avez indiqué tout à l’heure — je reprends votre terme — que le second
groupe de travail, à part celui qui s’occupait du discours du Président, vous avez dit :
« Ce qui était urgent, c’était la mise en place des institutions. Et en discutant, nous
avons décidé de prolonger le protocole additionnel de juillet 93 qui, lui-même, était la
prolongation du protocole d’avril 92. » Est-ce que ça signifie qu’il y avait donc un
précédent à ce que vous alliez faire et ce que vous proposiez en 1994 ?
R. Bien sûr. En juillet 93, le MDR a décidé de changer de Premier Ministre… a décidé de
changer de Premier Ministre. Donc, en discutant entre les partis et… on a dit : « Nos
intérêts ne sont pas lésés.
Si vous changez de Premier Ministre, c’est votre problème, vous pouvez le faire. »
C’est en ce moment-là, en juillet 93, que Madame Agathe Uwilingiyimana a été
nommée Premier Ministre.
Me CONSTANT :
Avec l’autorisation du Président, je demande de distribuer un deuxième… deuxième
document.
Q. Excusez-moi, Monsieur Ngirumpatse, vous voulez dire que le fait que le MDR décide

R.
Q.

de changer de Premier Ministre était de sa responsabilité en tant que parti ?
La personne, oui. Mais le principe, principe de changement, il devait consulter les
autres ; et c’est ce qu’il a fait.
Je vous soumets un second document et je voudrais que vous puissiez le consulter,
nous dire si vous le connaissez et, dans ce cas-là, nous dire de quoi il s’agit.

(Le greffier d’audience s’exécute)
R.
Q.
R.

Q.
R.
Q.
R.
Q.
R.
Q.
R.
Q.
R.

Q.
R.
Q.
R.
Q.
R.
Q.
R.
Q.

Oui, je reconnais ce document. D’ailleurs, je vois que je l’ai signé aussi.
Oui. Est-ce que vous pouvez indiquer à la Chambre de quel document il s’agit ?
C’est un protocole additionnel au protocole d’entente entre les partis politiques qui
participent au gouvernement de transition mis en place le 16 avril 1992. Ce protocole
a été établi du fait qu’il fallait accorder au gouvernement de transition le temps de
terminer les négociations avec le FPR — trois mois. C’est pourquoi, tout à l’heure, je
parlais du protocole de juillet 93.
D’accord.
Donc, c’est celui qui vient après celui-ci.
Est-ce que cela signifie qu’il y avait donc deux précédents : Avril 93 — le document
que nous avons là — et juillet 93 ?
Absolument.
Modification du protocole de 92.
Oui, absolument. Oui. Ce n’était pas nouveau. Ce n’était pas un phénomène nouveau.
Quand vous avez terminé cette réflexion dans les deux groupes de travail et que vous
vous êtes réunis, est-ce que vous pouvez indiquer à la Chambre ce qui s’est passé par
la suite ? Et si j’ai bien compris, nous sommes aux environs de 13 heures ?
Oui.
C’est bien ça ?
Nous avons rédigé le texte après nous être entendus sur le principe, et puis ceux qui
étaient présents ont commencé à signer. Mais les participants, ils ont dit que ce
protocole ne pouvait pas entrer en vigueur tant qu’il y a un parti qui n’était pas encore
présent — c’est le Parti social démocrate qui n’était pas encore présent.
Vous voulez parler d’un parti qui avait déjà signé les protocoles ?
Intérieur.
Mais pourquoi vous estimiez qu’il n’y avait pas de validité au nouveau protocole s’il y
avait un parti qui manquait ?
Nous ne voulions pas d’exclusion. Ça crée toujours des problèmes quand il y a des
exclusions.
Et donc, à partir du moment donné où vous avez constaté qu’il manquait un parti,
qu’est-ce qui s’est passé ?
Nous avons demandé au colonel Bagosora de les trouver coûte que coûte, parce que
nous ne pouvions pas... ce protocole ne pouvait pas entrer en vigueur si les membres
de ce parti ne sont pas là.
Alors, à quel moment donné vous faites ce constat et « que » vous faites appel au
colonel Bagosora ?
Je ne sais pas. Peut-être vers 15 heures, entre 14 h 30 et 15 heures. Je ne sais pas
exactement.
Je ne me rappelle pas exactement, mais ça doit être dans cette fourchette.
Et est-ce que vous pouvez indiquer à la Chambre : Est-ce que vous décidez de vous
déplacer de là où vous êtes vers le colonel Bagosora, ou vous le faites appeler ?
Comment ça se passe, concrètement ?

R.

Je crois que nous avons envoyé quelqu’un pour lui dire ça — je crois —, mais je ne
me rappelle pas de qui il s’agit.
Q. D’accord. Et vous avez souvenir de ce que le colonel Bagosora a répondu ?
R. Il a accepté d’aller les chercher. Il est allé les chercher, parce qu’ils sont arrivés par
après, à une heure que je pourrais pas préciser, mais ils sont arrivés quand même.
Q.
Quand vous dites qu’« ils sont arrivés », est-ce que vous avez souvenir de qui est
arrivé ?
R. Je crois que c’est François Ndungutse et Hyacinthe Rafiki.
Me CONSTANT :
« C’est » le numéro 14 et 17.
Vous pensez que ce sont les seuls qui sont arrivés ou ce sont les seuls dont vous vous
souvenez ?
R. Non. Non, c’est les seuls dont je me souviens. Je ne voudrais pas abuser des papiers
qui se trouvent devant moi pour évoquer des souvenirs parce que j’ai lu. Je dis ce…
mes souvenirs, pas ce que j’ai lu.
L’INTERPRÈTE ANGLAIS-FRANÇAIS :
Maître, nous pensons que, une fois de plus, les sténographes attirent votre attention sur
la pause.
Me CONSTANT :
O.K. Merci d’attirer mon attention et je vous présente mes excuses.

Q.
R.

Q.
R.
Q.
R.
Q.
R.
Q.
R.
Q.
R.
Q.

Donc, on va re-ralentir à nouveau, Monsieur le Témoin.
Quand cette délégation est arrivée, est-ce que vous pouvez indiquer à la Chambre ce
qui s’est passé ?
Cette délégation a donné son accord de principe au protocole que nous avions
élaboré… que les autres partis avaient élaboré, mais ils ont mis... Ils ont signé aussi,
mais ils ont mis une réserve ; ils ont dit : « Nous devons consulter nos instances
dirigeantes pour avaliser notre signature. » Parce qu’ils étaient membres du bureau
politique, mais ils n’étaient pas dans le comité directeur. Mais ils ont signé, avec
réserve.
Est-ce que… Cette partie, c’est-à-dire les discussions avec le PSD et l’ensemble de ces
problèmes, se déroule où encore ?
Dans la même salle. Dans la même salle où nous étions avant.
Est-ce qu’à ce moment-là, le colonel Bagosora est avec vous ?
Non.
D’accord. Une question : Normalement, l’objectif — vous nous avez dit —, c’est de
compléter le vide institutionnel ?
(Signe affirmatif du témoin)
Vous avez indiqué la question du président, vous avez indiqué la question du
fondement juridique ; est-ce que vous pouvez nous indiquer aussi ce qu’il en est
concernant le gouvernement ?
Oui. Un gouvernement, il faut un Premier Ministre — du moins, si l’on s’en tient à la
Constitution de 1991, il faut un Premier Ministre. Nous avons invité le parti MDR —
qui doit fournir le Premier Ministre — « de » désigner un candidat.
D’accord. Et qu’est-ce que le parti MDR a fait ?
Ah ! Il nous a dit que ce serait Kambanda qui serait désigné. Et je crois qu’ils sont
allés le chercher.
Est-ce que vous avez souvenir si ceci a fait l’objet d’une négociation entre les partis

R.
Q.
R.

Q.
R.

Q.
R.
Q.
R.
Q.
R.

Q.
R.
Q.
R.
Q.
R.
Q.
R.

Q.
R.
Q.
R.

politiques ?
Non. C’était naturel.
Est-ce que vous pouvez indiquer à la Chambre, mis à part le poste de Premier
Ministre, ce qu’il en a été des autres postes de ministres ?
Au sein du MRND, nous n’avons pas changé, nous avons reconduit l’équipe qui était
en place. Nous avons dit : « Du moment que ce gouvernement n’est pas appelé à
durer, c’est inutile de changer. » Nous avons reconduit la même équipe qui était en
place.
Et concernant les autres délégations ?
Les autres, je crois que comme le PSD a changé, et puis le MDR a changé quelques
éléments aussi… Oui, les autres, ils ont changé. En fait, le PDC aussi n’a pas changé,
parce que le ministre du PDC, c’était Monsieur Ruhumuliza ; il a été maintenu dans
son poste.
Une question : Est-ce que c’est à ce moment-là que sont désignés les ministres ?
Oui. Oui, bien sûr.
O.K. Est-ce que lors de cette désignation des ministres… Ce que je veux comprendre :
Est-ce que chaque ministre fait l’objet d’un débat de tous les partis politiques ?
Non.
Est-ce que vous pouvez expliquer exactement comment ça se passe ?
Chaque parti politique a donné sa liste. Nous n’avons pas discuté sur les individus,
pour la bonne raison qu’il y avait une présomption de sérieux de la part des partis
politiques. Et puis, d’autre part, pour les circonstances du moment, le temps ne
permettait pas de se perdre dans des discussions stériles.
Est-ce que lors de ces discussions ou, exactement, de cette information concernant les
ministres, est-ce qu’il y avait que les partis politiques ou il y avait des militaires
aussi ?
Au moment de la discussion ?
Oui, sur l’annonce des différents portefeuilles ministériels.
Au cours de notre réunion ?
Oui.
Non, non, non, il n’y avait pas de militaires. Il n’y avait aucun militaire ; c’étaient
seulement les politiciens civils.
Est-ce que la discussion s’est limitée au problème institutionnel ou elle a abordé les
questions politiques ?
Le plus urgent, c’était le problème institutionnel. Nous n’avons pas discuté d’autres
questions politiques, sauf assigner une mission à ce gouvernement, parce qu’on ne
peut pas former un gouvernement sans lui assigner une mission précise. Ça, nous
« avons » fait.
Et vous pouvez indiquer concernant ce point : Est-ce que ça a abouti à un accord
concernant les missions confiées à ce gouvernement ?
Oui, à l’unanimité.
Et vous pouvez indiquer à la Chambre ce qu’il en a été ?
Oui. Je ne vais pas reproduire les mêmes termes que le protocole ; c’est assez difficile
mais — pardon — je vais vous donner l’esprit du texte.
La première mission de ce Gouvernement, c’était de restaurer la sécurité des
personnes et des biens. C’était la première mission.
La deuxième, c’était de reprendre contact avec le Front patriotique rwandais pour la
mise en place des institutions de transition, conformément aux Accords d’Arusha,

dans un délai ne dépassant pas six semaines — ça faisait un mois et demi à peu près.
Troisième mission : Essayer d’alléger la misère des affamés et des personnes
déplacées de guerre. Parce que je dois rappeler que, près de Kigali, il y avait à peu
près un million de déplacés de guerre qui vivaient dans les camps et qui n’avaient pas
de nourriture.
Ce sont les trois missions que nous avons confiées à ce gouvernement intérimaire.
M CONSTANT :
Monsieur le Président, avec votre autorisation, j’ai un dernier document à distribuer.
e

(Le greffier d’audience s’exécute)
Q.
R.

Q.
R.
Q.
R.
Q.
R.
Q.
R.
Q.
R.
Q.

R.

En attendant que vous ayez ce document, Monsieur Ngirumpatse, est-ce que vous
pouvez préciser à la Chambre : À l’issue de la réunion, qu’est-ce qui se passe ?
À l’issue de la réunion, nous avons demandé d’aller tenir informés... informés le
comité de crise et les autres personnalités qui le souhaitaient des conclusions. Donc,
les partis politiques se sont rendus à l’École supérieure militaire pour exposer les
conclusions auxquelles ils avaient abouti.
Est-ce que vous pouvez indiquer dans quelles conditions ou par quels moyens les
personnes présentes à la réunion MINADEF se rendent à l’École supérieure militaire ?
Je n’ai pas un souvenir précis, mais j’ai l’impression que nous sommes partis dans les
véhicules quand même, parce que la distance est un peu... est un peu plus étendue. Et
puis, la situation commençait à se détériorer un peu.
Qui vous a informé que le comité militaire de crise se trouvait à l’École supérieure
militaire ?
Ah, c’est le colonel Bagosora, bien sûr. Il nous a dit que la réunion se tiendrait là-bas,
que d’ailleurs c’est la seule salle sécurisée et qui pouvait contenir beaucoup de monde.
Est-ce que vous avez souvenir de l’heure où vous quittez le MINADEF pour vous
rendre à l’ESM ?
17 heures, peut-être. Il faisait encore clair quand nous sommes allés à...
Donc, avant le coucher du soleil ?
Avant le coucher du soleil. Soyons un peu plus modestes, parce que les heures
précises, c’est toujours... ça trahit toujours.
Est-ce que vous avez le document qui a été distribué devant vous ? Est-ce que vous
pouvez nous dire si vous le connaissez et de quoi il s’agit ?
Oui, c’est bien le protocole du 8 avril 1994.
Je voudrais que nous puissions voir un certain nombre de termes concernant le
contenu de ce protocole. Je voudrais que vous lisiez, éventuellement à haute voix —
ou si vous voulez, je le fais —, je voudrais votre commentaire sur l’article 2 : « Les
parties signataires du présent protocole conviennent de procéder d’urgence au
remplacement du Premier Ministre décédé. Le candidat Premier Ministre présenté sera
soumis au Président de la République par intérim pour nomination. »
Je voudrais avoir votre commentaire, parce qu’il semble qu’à ce moment-là, quand
vous signez, il y a un candidat mais qui ne soit pas encore agréé comme Premier
Ministre ?
Ah, bien sûr, parce qu’il ne suffit pas que le parti désigne un Premier Ministre, il faut
que le chef de l’État accepte. C’est lui qui le nomme Premier Ministre ; c’est la raison
de cette disposition. C’est constitutionnel.

Q.

R.

Q.
R.
Q.

R.
Q.
R.

Q.
R.
Q.

R.

Q.

Et concernant l’article 3, il est indiqué : « Dès sa nomination, le Premier Ministre se
concertera avec les partis politiques signataires pour établir la liste des titulaires des
portefeuilles ministériels. » Et l’article précise que ceci doit se faire dans les deux
jours. Or, tout à l’heure, vous nous aviez dit qu’il y avait déjà des ministres de
nommés. Est-ce que vous pouvez nous expliquer aussi ce point ?
Ah, il est dit : « Portefeuille ministériel dévolu à chaque parti. » J’aimerais bien que
cette partie ne soit pas oubliée, parce que c’est très important.
Le Premier Ministre pouvait refuser l’une ou l’autre candidature. Mais la différence
avec la question que vous m’aviez posée précédemment, c’est de se demander si les
partis politiques pouvaient refuser. Non. Le Premier Ministre, oui, mais il ne l’a pas
fait.
Mais le point sur lequel vous avez insisté : « Titulaire des portefeuilles ministériels
dévolus à chaque parti », c’est conformément à ce que vous disiez à propos du
protocole de 92 ?
Précédent, oui.
Concernant l’article 4, je voudrais lire le petit « b » et avoir votre commentaire. Donc,
il est indiqué que : « Les parties signataires se sont mis d’accord pour assigner au
gouvernement à mettre en place la mission suivante... — il y a un petit « a » que je ne
développe pas, mais le petit « b » indique : Poursuivre les discussions avec le Front
patriotique rwandais pour la mise en place des institutions de la transition à base
élargie dans un délai ne dépassant pas six semaines. » Est-ce que... Tout à l’heure,
vous m’avez fait état de discussions avec le Front patriotique rwandais qu’il fallait
mettre en place, est-ce que c’était à ceci que vous vous référiez ?
Oui, bien sûr, oui. J’ai dit que je n’allais pas reproduire terme pour terme, mais c’est
bien ça.
D’accord. Une question encore sur ce protocole. Nous sommes le 8 avril. Il est un fait
établi que la veille, la guerre a recommencé. Est-ce que, par ce protocole, il y a
l’énonciation d’une volonté ou non ?
Ah, oui, bien sûr ! Il y a la volonté d’arrêter la guerre et de reprendre les négociations
avec le Front patriotique pour la mise en place des institutions de la transition à base
élargie ; en d’autres termes, pour l’application intégrale des Accords d’Arusha. C’est
ça, la signification.
Pour en terminer sur ce protocole, est-ce que vous avez connaissance d’une analyse
faite par le service juridique des Nations Unies concernant le processus juridique que
les partis politiques ont mis en place le 7 avril, le 8 avril ?
Oui, je suis au courant de cette analyse, je l’ai lue, mais je ne l’ai pas dans mes
documents ici. Mais je l’ai lue, oui.
Est-ce que vous pouvez... C’est une pièce connue par la Chambre mais,
éventuellement, je peux vous la présenter si vous n’en avez pas souvenir. Mais de
manière très sommaire, est-ce que vous pouvez, à votre souvenir, dire ce que dit cette
analyse juridique ?
Cette analyse juridique, en gros, dit que compte tenu du décès du Président, à part la
mise en place de l’Assemblée nationale de transition, les Accords d’Arusha ne sont
pas applicables, et qu’une autorité intérimaire est peut-être mieux indiquée pour
reprendre la discussion en ce sens, dans le sens d’aller dans les Accords d’Arusha.
Mais l’analyse précise très bien que la solution est légale et constitutionnelle, et c’est
d’ailleurs dans cette analyse qu’on dit qu’il faut retourner à la Constitution de 1991,
que cette Constitution est applicable, elle est parfaitement applicable.
D’accord.

Me CONSTANT :
Pour le souvenir de la Chambre, j’indique que le témoin évoque la pièce D. NT 117.
Q. Est-ce que vous avez un commentaire à faire sur le fait que les Nations Unies
considèrent que ce qui s’est passé le 8 avril était légal ?
R. Oui, bien sûr. Les Nations Unies, du moment que le Conseil juridique donne son avis
et que Kofi Annan l’envoie à Dallaire à Kigali, c’est... en fait, c’est l’inviter à mettre
en application la... le conseil juridique (sic) du conseil juridique des Nations Unies.
Q. Oui. Je voudrais en terminer en évoquant deux points. Le premier : Est-ce que vous
pouvez nous dire qui était présent à l’École supérieure militaire quand vous vous y
rendez ?
R. Oui. Il y avait Sindikubwabo, bien sûr, le Président intérimaire ; je crois que
Kambanda était arrivé aussi. Mais il y avait aussi, à part les membres des partis
politiques... les représentants des partis politiques, il y avait aussi beaucoup
d’officiers, des officiers de l’état-major, des officiers... Pour beaucoup, on ne les
connaissait pas, on connaissait quelques-uns, mais ils étaient nombreux, ils étaient là.
Rusatira était là, Ndindiliyimana était là ; il y avait beaucoup, beaucoup d’officiers.
Q. Vous en avez cité deux. Rusatira, vous voulez parler du colonel Léonidas Rusatira ?
R. Oui, exactement.
Q. Qui était directeur de l’École supérieure militaire ?
R. « Militaire ». Il n’était pas encore général à l’époque, il a été promu général après.
Q. Vous avez parlé du général Ndindiliyimana.
R. Oui.
Q. Vous voulez parler du chef d’état major de la Gendarmerie ?
R. Exactement.
Q. D’accord. Est-ce que vous avez souvenir d’autres militaires ?
R. Non, désigner les noms comme ça, c’est très difficile, c’est un milieu assez retiré,
assez fermé. Je ne peux pas... Il y avait certainement des gens que je connais, mais
d’emblée, comme ça, je n’arrive pas à mettre des noms sur les figures.
Q. Est-ce qu’il y avait des représentations... des représentants de la communauté
internationale ?
R. Oui, le général Dallaire.
Q. Vous voulez parler du général Dallaire de la MINUAR ?
R. Le commandant de la MINUAR, oui.
Q. D’accord.
R. Je ne suis pas certain si le colonel Marchal était là... Marchal était là — le
commandant du bataillon belge. Je ne suis pas certain, je ne peux donc pas confirmer
ça.
Q. Est-ce que vous pouvez préciser ce qui s’est passé à ce moment-là, c’est-à-dire quand
vous arrivez avec les représentants des partis politiques à la réunion à l’École
supérieure militaire ?
R. J’ai été chargé de présenter les conclusions sur lesquelles nous étions arrivés. Et après
la présentation, les gens, ils ont applaudi, ils ont approuvé pratiquement sans
discussion.
Q. Est-ce qu’il y a eu, du côté des militaires, quelqu’un qui a pris la parole, avant ou
après vous ?
R. Peut-être le général Ndindiliyimana, mais pour remercier seulement. Il n’a pas... Il ne
s’est pas perdu dans des considérations politiques. Il a remercié du... le travail
accompli.
Q. D’accord. Vous nous avez dit qu’apparemment, tout le monde a approuvé et a
applaudi. Je voudrais qu’on soit plus précis sur ce point : Est-ce qu’il y a des gens qui

R.
Q.
R.
Q.
R.
Q.
R.
Q.
R.
Q.
R.

Q.
R.
Q.
R.
Q.

R.

Q.
R.

ont protesté contre le fait qu’on ne trouvait qu’une tendance politique dans ce
gouvernement ?
Je n’ai pas entendu ça.
Est-ce que vous avez souvenir que le représentant de la communauté internationale ait
estimé, à ce moment-là, que ce gouvernement n’était pas légitime ?
Non plus. Il n’a rien dit.
Est-ce que vous pouvez indiquer à la Chambre vers quelle heure s’est terminée cette
réunion ?
Ça devrait être vers... entre 19 h 30 et 20 heures.
Est-ce vous avez souvenir de la présence du colonel Bagosora à l’École supérieure
militaire ?
Oui, bien sûr.
Est-ce que vous avez souvenir qu’il serait intervenu ?
Non.
Je voudrais savoir, Monsieur Ngirumpatse : Est-ce que c’est la première fois que,
devant une juridiction ou une autorité judiciaire ou policière, vous avez eu l’occasion
de vous exprimer sur ces deux jours, à savoir le 7 et le 8 avril ?
Je sais que j’ai... J’ai fait une déclaration aux enquêteurs du TPIR à Bamako, mais
dans des circonstances sur lesquelles je reviendrai, parce que les conditions
d’arrestation, d’interrogatoire, de menace, de saisie de tous les papiers, y compris les
passeports de ma fille et de ma femme, m’avaient mis dans une situation intenable.
Je voudrais ajouter autre chose : J’ai été arrêté sur simple lettre du Procureur Muna au
Ministre malien de la justice. Le Procureur Muna, il est venu me voir deux jours après
mon arrestation, j’étais encore à l’École de gendarmerie. Je lui ai posé la question de
l’acte d’Accusation, il m’a dit qu’il l’apporterait le lendemain. Je ne l’ai plus revu. J’ai
vu l’Acte d’accusation le 29 août 1988 (sic), donc soit à peu près trois mois après.
J’étais donc dans des conditions tout à fait désastreuses pour faire une déclaration
cohérente et raisonnable.
Monsieur Ngirumpatse, est-ce que vous pouvez préciser pour la Chambre quand vous
avez été arrêté à Bamako au Mali ?
Le 5 juin 1998.
Est-ce que vous avez souvenir des jours où vous avez été amené à faire des
déclarations dont vous avez parlé, dans des conditions désastreuses ?
Oui, ça doit être le 15, le 16 et le 17 juin.
D’accord. Est-ce qu’entre le 5 et le 15, c’est-à-dire la période où vous avez fait vos
déclarations,
est-ce que vous pouvez indiquer à la Chambre les conditions dans lesquelles vous avez
été traité, incarcéré, emprisonné ?
Oui, j’ai d’abord été emprisonné dans l’École de gendarmerie à Bamako, puis j’ai été
transféré à la prison centrale. Mais la plupart des choses pour lesquelles je me battais,
la légalité de l’arrestation, l’acte d’accusation, la restitution des papiers de mon épouse
et de ma fille, cela, je n’ai pas obtenu. J’ai dû, par après, batailler avec le Procureur
général du Mali pour les remettre. Puis il a accepté de bon cœur. Mais c’étaient des
conditions extrêmement déstabilisantes.
O.K. Est-ce que pendant les 10 jours où vous avez eu cette situation, vous aviez un
avocat ?
Non. Il est vrai qu’on m’a dit que je peux choisir un avocat, mais compte tenu de ma
situation psychologique de déstabilisation, je me suis dit : De toute façon, sans acte
d’accusation, l’avocat, qu’est-ce qu’il vient faire là-dedans ?

Q.
R.

D’accord. Dans les déclarations — et je me contente de parler de ces journées du 7 et
du 8 avril —
et par rapport à aujourd’hui, est-ce qu’il y a des différences ?
Sans doute. Même si je n’ai pas ma déclaration de Bamako sous la main, mais sans
doute, il y a des différences résultant des conditions que je viens de vous dire,
notamment en ce qui concerne le colonel Bagosora. Il semble… — je n’ai pas le
texte — il semble que j’ai répondu comme ça, que je ne l’avais pas rencontré, mais je
vais expliquer pourquoi.

À l’époque, Bagosora... le colonel Bagosora, c’était l’homme à qui l’on imputait
l’assassinat du Président. Je crois que les faits, l’histoire ont prouvé le contraire
actuellement. C’est à lui qu’on imputait la planification, enfin, des massacres et du
génocide pour certains — je... je n’ai pas à choisir parmi ces termes. Si vous ajoutez à
cela que j’avais réclamé un acte d’accusation que je n’ai jamais eu de la part du
Procureur lui-même, qui ne voulait pas, qui m’a menti, il m’a littéralement menti,
alors je me suis dit : Il ne faut pas que je continue à raconter des histoires, parce que
les gens, apparemment, ils cherchent une accusation à mettre dans mon dossier
puisqu’ils n’ont rien... n’avaient rien. Et les faits ont prouvé que j’avais peut-être été
inspiré de ne pas continuer puisque l’Acte d’accusation a été confirmé par la Juge
Pillay le 29 août 1998.
Q. Donc, si je comprends bien, dans votre déclaration faite à Bamako dans les conditions
que vous venez de nous décrire, vous n’avez pas fait état de vos contacts avec le
colonel Bagosora, à votre souvenir ?
R. Je crois avoir dit quelquefois que je ne l’ai pas rencontré, mais je crois que cette
déclaration aussi est assez floue. Il y a beaucoup de passages incompréhensibles, il y a
beaucoup de passages, même dans les transcripts, qui sont illisibles et qui rendent des
idées tout à fait incompréhensibles. Donc, il se pourrait que je l’aie dit, mais je n’ai
pas la déclaration sous les yeux.
Q. Est-ce que vous pouvez préciser à la Chambre à quel moment donné vous dites la
vérité ? Est-ce que c’est aujourd’hui ou en août 98 à Bamako ?
R. J’ai déjà dit la vérité au Juge Bruguière ; il y avait un représentant du Procureur dans
la salle. Ce n’est pas maintenant que je commence à dire la vérité, c’est maintenant
que je dis la vérité parce que j’ai confiance dans la Chambre, j’avais confiance dans le
travail du Juge Bruguière, mais compte tenu du mensonge et des conditions dont
j’avais été victime, je n’avais plus confiance du tout dans les services du Procureur
Muna.
Me CONSTANT :
Monsieur le Président, la Défense du colonel Bagosora a fini son interrogatoire principal.
Monsieur Mathieu Ngirumpatse, je vous remercie. (…)
6 juillet 2005
M. LE PRÉSIDENT :
Avec ces précisions-là, quoi qu'
il en soit, quelle est votre réponse ?
R. Ma réponse est qu’en tant que délégation du parti, nous n'
avions pas à rencontrer le
Premier Ministre, parce que le Premier Ministre avait un Gouvernement. Nous ne
pouvions pas nous inscrire dans le cadre d'
un gouvernement légalement constitué. Si
nous sommes venus, ce n'
est pas de notre propre initiative. Nous sommes venus
écouter les souhaits des Nations Unies qui nous demandaient simplement une chose :

Remplacer le Président de la République. Et nous nous sommes tenus à ça.
M. WHITE :
Q. Voyez-vous, Monsieur le Témoin, je vous ai montré une carte sur laquelle vous avez
indiqué le… l'
itinéraire que vous avez utilisé pour vous rendre au domicile de
Sindikubwabo ; c’est le même itinéraire que vous avez utilisé ce jour suivant. Vous
avez dit que cela ne prend que deux minutes. Alors, lorsque vous avez eu cette réunion
avec le colonel Bagosora dans la matinée du 7 avril 1994, vous saviez que le Premier
Ministre du pays, représentant le Gouvernement, ne se trouvait même pas à deux
minutes de vous, si vous aviez besoin de la consulter, n’est-ce pas ?
R. J'
ai déjà répondu à cette question.
Q. Vous saviez qu'
elle avait un téléphone ?
R. Je ne le connaissais pas.
Q. Mais vous saviez que les bureaux du MINADEF avaient un téléphone ?
R. Mais bien sûr ! Mais l'
objet de ma présence au Ministère... de notre présence au
Ministère de la défense n'
était pas de discuter avec le Premier Ministre. Et nous
n'
avons pas pris l'
initiative de cette réunion. On nous a appelés pour nous informer des
souhaits des Nations Unies. Nous avons discuté de cette question, nous sommes partis.
Nous aurions pu continuer peut-être la... comment dirais-je… l'
évolution de la
situation si nous avions été en mesure de remplir ce qu'
on nous a demandé. Or, je...
J'
ai déjà dit à la Chambre que nous n'
étions pas en mesure de faire ce qu'
on nous a
demandé.
Q. Donc, vous soutenez que le Premier Ministre n'
avait pas du tout fait l'
objet des
discussions que vous avez eues dans la matinée du 7 avril 1994 ? (…)
Q. Oui, je voudrais obtenir des précisions : Vous n'
êtes pas absolument certain de l'
heure
du début de la réunion et de l'
heure de la fin de la réunion ?
R. Non, non, mais là, je suis certain, certain à cent pour cent.
Q. Pourquoi êtes-vous si sûr à cent pour cent, comme vous le dites ?
R. Pourquoi ne le serais-je pas ? Ma mémoire est bonne, même si je peux oublier
certaines choses. Si je me lève à 6 heures du matin pour aller quelque part, c'
est qu'
il y
a une raison spéciale. Si on me téléphone vers minuit pour aller dans une réunion, c'
est
qu'
il y a quelque chose de spécial ; ça, c'
est des choses qu'
on ne peut pas oublier. (…)
Q. N'
est-il pas vrai que la seule et l'
unique fois où vous avez dit à quelqu'
un que vous
avez pris part à la réunion du 7 avril 1994, c'
est ici devant la Chambre, vous n'
en avez
jamais parlé ?
R. Il se pourrait que je n'
en aie jamais parlé. Il se pourrait.
Q. Vous vous souvenez qu’hier, vous avez dit que vous avez donné une déclaration à
certains enquêteurs du TPIR mais que, dans ce que vous avez dit, il y avait des erreurs,
n'
est-ce pas ?
R.
Oui, j'
ai… j’ai… J’ai même protesté. »

2. La mise en place du Gouvernement intérimaire selon Édouard Karemera
(déposition d’Édouard Karemera, procès Karemera et alii, 19 mai 2009, p. 17-22 et
p. 25-29)
« Q. Monsieur le Témoin, pouvez-vous nous parler maintenant des conditions de mise en
place du gouvernement intérimaire ?
R. Mais c’est une question vaste. Je ne sais pas si vous m’autorisez cette fois-ci à faire le
narrateur. Je vais essayer d’être laconique, sans être lacunaire, comme vous l’avez si
bien dit hier.
La mise en place du gouvernement intérimaire — et je commence par là — a été
effectivement une surprise pour le FPR et pour ceux qui le soutenaient ; ils étaient
puissants et nombreux. Mais le fait que nous ayons réussi à mettre en place ce
gouvernement est probablement le plus grand crime que nous ayons commis parce que
personne ne pouvait imaginer qu’après avoir passé six mois — six longs mois — à
négocier pour mettre en place le gouvernement de transition à base élargie, que
la communauté internationale nous avait aidé à négocier et à « partager le gâteau » —
disons le mot —, entre les différents protagonistes FPR, MRND, les forces
démocratiques de changement, les petits partis qu’on appelait les partis alimentaires,
tout ça… après avoir passé six mois donc à négocier ça, à pouvoir nous mettre
d’accord avec le Président en place, personne ne pouvait imaginer qu’on puisse mettre
en place ce gouvernement dans les conditions où nous nous trouvions le 8 avril 1994.
Alors, qu’est-ce qui s’est passé ? Il s’est passé que le 7, quand le colonel Bagosora
nous a communiqué la suggestion (inaudible) du Représentant du Secrétaire général
de l’ONU, Monsieur Roger Booh-Booh, nous lui avons dit que le MRND n’avait pas
de problème à désigner, parmi ses militants, celui qui pourrait remplacer le Président
Habyarimana, comme c’était prévu dans les Accords de paix d’Arusha.
Mais nous avons fait remarquer au colonel Bagosora qui était avec le général
Ndindiliyimana d’ailleurs que nous ne pouvions pas décider à la place du congrès, que
c’était le congrès…
et c’est Mathieu qui parlait puisque c’est lui le président... c’était lui le président parce
que, maintenant, le parti a été dissout. Il a répondu à ces deux officiers que le MRND
n’avait pas de problème, sauf celui de la sécurité et qu’il n’était pas possible, en l’état,
de réunir le congrès et de proposer le candidat pour remplacer Habyarimana. Nous lui
avons dit que ce qui était urgent, c’était le rétablissement de l’ordre parce que
l’insécurité régnait mais aussi les inquiétudes étaient sur toutes les figures, y compris
sur les figures des militaires qu’on voyait là-bas.
Nous lui avons dit : « Écoutez, si vous parvenez à maintenir la situation tranquille, à
rétablir l’ordre, nous, nous allons faire vite pour proposer quelqu’un. »
Alors, ils se sont retrouvés… et comme je le disais tout à l’heure, ils se sont retrouvés
à 10 heures avec tous les chefs militaires à l’École supérieure militaire et la décision
qui a été prise, c’était qu’effectivement, les militaires devaient s’occuper de la sécurité
du pays et que les politiques devaient se réunir d’urgence pour voir comment combler
le vide créé par l’assassinat du Président.
Et dans l’après-midi du 7, vers 17 heures ou 16 h 30, je ne me souviens pas très bien,

en tout cas, le communiqué qui est sorti, qui a été publié et signé par le colonel
Bagosora, je crois, vers 17 heures, indiquait que les militaires responsables de secteurs
militaires s’étaient réunis et avaient suggéré ou pris la décision… — je ne sais pas
comment le dire pour traduire exactement ce qui était la préoccupation des gens —
que ces militaires réunis, donc, avaient convenu qu’ils allaient s’occuper de la
sécurité, d’abord, et qu’ils demandaient instamment aux responsables des partis
politiques composant le gouvernement — le gouvernement en place, je veux dire —
de se réunir d’urgence pour voir comment remplacer le... combler le vide créé par
l’assassinat du Président.
Dans la soirée du 7, Bagosora qui était le directeur de cabinet du Ministre de la
défense a téléphoné une fois de plus à Mathieu, et cette fois-ci, nous étions ensemble
chez lui — chez Mathieu, puisque je m’étais déplacé déjà de chez moi — et il lui a
annoncé que la même escorte qui nous avait pris le matin et ramenés l’après-midi
viendrait nous chercher le lendemain à 6 h 30 pour nous retrouver encore au Ministère
de la défense avec les autres responsables des partis politiques qui ne participaient pas
au gouvernement, c’est-à-dire le MDR, le PL, le PSD, le PDC et le MRND, bien sûr.
Et comme promis, à 6 heures, 6 h 30, l’escorte est arrivée, nous sommes partis de chez
Mathieu, nous nous sommes rendus au Ministère de la défense, c’est-à-dire en centreville. Et arrivés là-bas — nous avons été les premiers à arriver, je me souviens très
bien —, nous avons commencé à discuter entre nous, Joseph, Mathieu et moi parce
que notre collègue, Kabagema était toujours bloqué à Kacyiru, sa zone de résidence
avait été attaquée et encerclée par le FPR déjà depuis le 7, donc, il n’avait pas pu...
depuis la nuit du 6, je veux dire, il n’avait pas pu sortir de là.
Donc, nous avons échangé rapidement entre le président du MRND, le secrétaire
national et moi-même et nous nous sommes dit : « Puisque nous allons nous réunir
avec les autres responsables des partis pour former le gouvernement, il faut qu’il y ait
le Président d’abord. » Et c’est comme ça que nous avons décidé, rapidement, de nous
transporter tous les trois de l’autre côté de la route — moi, je vois, évidemment, les
gens ici ne connaissent pas les lieux —, mais le Ministère de la défense était dans un
bâtiment qui était juste en face de la résidence du Président Sindikubwabo.
Donc, nous avons traversé la route, et nous nous sommes « transportés » chez lui. Il
avait appris la nouvelle... — Sindikubwabo, je veux dire — avait appris la nouvelle en
étant... en se trouvant chez lui, à Butare. Il avait appris la nouvelle de l’assassinat du
Président dans la nuit du 6 au 7, et le 7, justement, il s’était « transporté », comme par
hasard, à Kigali pour suivre de près parce que c’était la troisième personnalité de la
République. Donc, en tant que responsable, il ne pouvait pas faire autrement, je crois.
Nous nous sommes donc retrouvés chez lui. Mathieu lui a exposé la raison de notre
déplacement. Il lui a dit que nous allions rencontrer les autres chefs de partis, que la
situation nous demandait de mettre en place le gouvernement, et que la situation
juridique était telle qu’on ne pouvait pas... non, la situation sécuritaire, je veux dire,
était telle qu’on ne pouvait pas… contrairement à ce qu’avait suggéré le Représentant
du Secrétaire général, le MRND ne pouvait pas, dans l’immédiat, proposer de candidat
pour remplacer Habyarimana, et que nous pensions former un gouvernement
intérimaire, mais qu’il fallait que le Président du CND, c’est-à-dire le docteur
Sindikubwabo assure l’intérim pendant cette période.

Le Président nous a posé deux questions. La première, était la question d’ordre
juridique. Il a posé la question de savoir si ce que nous allions faire était légal et nous
lui avons répondu que c’était la seule solution compte tenu des dispositions en vigueur
à l’époque, la loi fondamentale qui avait été adoptée sous sa présidence parce que la
ratification de l’Accord de paix d’Arusha qui intégrait l’accord de paix et la
Constitution du 16... du 10 juin… dis-je, du 10 juin 1991 avait été faite par le CND
dont il était le Président. Donc, il était lui-même au courant de l’impasse dans laquelle
nous plaçait l’assassinat du Président avant que et le parlement et le gouvernement
aient été mis en place.
Alors, il a dit : « Si juridiquement vous m’assurez que ce que nous faisons est légal, il
reste à me rassurer sur le plan politique. Est-ce que, si je prends la responsabilité
d’assurer l’intérim de Président de la République, votre parti, le MRND, va me
soutenir dans cette action ? »
Le président du MRND, Mathieu Ngirumpatse, lui a donné toutes les assurances dont
il avait besoin. Et le Président Sindikubwabo nous a dit qu’il était d’accord, qu’il ne
pouvait pas fuir ses responsabilités parce que la situation était celle-là.
Nous avons fait le chemin inverse, et nous sommes retournés au Ministère de la
défense où nous avons trouvé déjà les représentants des autres partis, notamment les
représentants du MDR, c’était Donat Murego le secrétaire général du MDR, c’était
Frodouald Karamira qui était le deuxième
vice-président du MDR, je crois.
Pour le Parti libéral, il y avait le président, Monsieur Mugenzi Justin, et il y avait la
secrétaire générale du Parti libéral, Madame Ntamabyaliro Agnès. Les deux étaient, à
l’époque, déjà au gouvernement de Nsengiyaremye.
Pour le PSD, il n’y avait personne.
Pour le PDC, nous avons trouvé le Ministre Ruhumuliza qui habitait à côté du
Ministère de la défense, il était là-bas.
Et pour le MRND, il y avait Mathieu Ngirumpatse, Joseph Nzirorera et moi-même.
Nous nous sommes mis directement à la tâche. Et je voudrais, pour ne pas l’oublier,
dire que Bagosora n’a fait que nous faciliter les déplacements parce qu’on ne pouvait
pas se déplacer, mais il n’a pas participé... à aucun moment, il n’a participé à ces
délibérations. Il avait mis à notre disposition la salle de réunion du Ministère de la
défense, et c’est dans cette salle-là que nous nous sommes organisés pour nous
partager les tâches.
Je me souviens du risque que j’ai pris. Et je vais le dire parce que c’est la vérité : j’ai
pris le risque d’aller jusqu’à mon cabinet qui se trouvait juste en face de la Banque de
Kigali — ceux qui connaissent Kigali voient où c’est. Et quand je suis arrivé là-bas,
puisque c’était non seulement en face de la Banque de Kigali, mais c’était juste à côté
de la présidence, et la présidence avait essuyé énormément de tirs qui avaient déjà
soufflé les vitres dans mon cabinet en face de la présidence. Et quand je suis allé làbas, c’était pour chercher les deux documents essentiels qu’il nous fallait pour voir

dans quelle mesure nous pouvions légalement amender le protocole et pouvoir mettre
en place ce gouvernement intérimaire.
Donc, j’ai été à mon cabinet trouver le Journal officiel — hier, je l’avais pris avec
moi, aujourd’hui, je ne l’ai pas. Mais c’est le seul document avec le code… le tome 1,
code 0, qui contenait la Constitution. Ce sont les seuls documents que j’ai pris du
Rwanda. Je les ai pris de mon cabinet parce que pour procéder à l’amendement du
protocole et pour vérifier si ce que nous faisions était légal, il ne suffisait pas de le
dire, il fallait, effectivement, le démontrer aux participants à cette réunion parce que ce
n’était pas nécessairement acquis, tout le monde ne comprenait pas la gravité de la
situation que nous vivions.
Et j’assume, j’assume que j’ai été effectivement chercher l’Accord de paix d’Arusha
et que nous l’avons interprété ensemble. Nous n’avons pas trouvé de solution autre
que celle-là que nous avons appliquée, c’est-à-dire de pas attendre la mise en place du
gouvernement de transition à base élargie au FPR que nous essayions de mettre en
place depuis six mois, sans y parvenir. Nous avons opté pour la mise en place d’un
gouvernement intérimaire qui ne doit pas être confondu avec le gouvernement qui était
prévu dans les Accords de paix d’Arusha.
Nous l’avons mis en place parce que nous pensions que le FPR avait assassiné le
Président en sachant pertinemment que la situation allait être bloquée et qu’il allait
faire valoir, comme argument, que n’ayant plus d’interlocuteur parce qu’il n’y a plus
de gouvernement, il n’y a pas de Président... Et entre-temps… je suis vraiment peiné
de le dire aussi, entre-temps, ce n’est pas le Président seulement qui est mort, le
Premier Ministre Madame Agathe Uwilingiyimana avait été tuée entre-temps,
le Président de la Cour constitutionnelle a été tué entre-temps, certains ministres ont
été tués, et nous le savions… Quand nous nous réunissions là-bas, nous ne savions pas
jusqu’à quel niveau les... nous ne savions pas tous ceux qui avaient été tués, mais les
informations qui circulaient, on disait à la radio... on sentait que c’était une situation
difficile, mais on devait faire quelque chose ; on a fait ce qu’on a pu. Et c’est la
solution qu’on a trouvée.
Donc, on a dit : on met en place un gouvernement intérimaire, on lui donne, comme
mandat, premièrement, de négocier avec le FPR la mise en place du gouvernement de
transition avec la participation du FPR ; deuxième mandat, c’est de gérer la situation
de crise ; et le troisième point de son mandat, c’était de penser aux personnes en
détresse et de leur porter secours. C’est tout ce qu’on a décidé.

Q.

R.

Et je ne sais pas si avec ça j’ai fait le tour de la question, mais si vous pouvez peut-être
cibler, je pourrais encore m’expliquer davantage.
Je vous remercie.
Je pense que vous avez fait le tour de la question. Alors, le gouvernement intérimaire
est mis en place, si je ne m’abuse, le 9 avril, et dès le 12 avril, vous quittez Kigali.
Pouvez-vous nous expliquer les raisons ?
Ça, c’est une longue histoire parce que même aujourd’hui, il y a des gens qui étaient
dans le cortège quand nous avons quitté l’Hôtel des Diplomates... Parce que ce que je
ne vous ai pas dit, mais qui est important, c’est que quand nous avions fini ces
délibérations, que nous nous sommes retrouvés à l’École supérieure militaire pour

rencontrer le Président Sindikubwabo, nous avons constaté que l’insécurité était totale.
Le chef d’état-major par intérim, qui se trouve actuellement être le Ministre de la
défense du Rwanda… Le général Gatsinzi Marcel, c’était lui le chef d’état-major par
intérim après l’assassinat, avec le Président, du général Nsabimana Déogratias.
Le chef d’état-major, donc, qui, par ailleurs, était notre connaissance… il nous
connaissait, il était particulièrement un proche de Mathieu, nous a interdit de retourner
à Kicukiro.
Il a dit : « Je ne prends pas sur moi la responsabilité de vous laisser retourner à
Kicukiro, parce que si vous retournez là-bas, c’est vous envoyer à... vous laisser
retourner là-bas, c’est vous envoyer à la mort. »
Il nous a consignés à l’Hôtel des Diplomates, qui est à côté du Ministère de la défense,
de l’École supérieure militaire, bref, qui est au centre-ville. C’était l’hôtel où... C’est
dans cet hôtel, dis-je, que nous avons été consignés, et nous n’avons pas été les seuls
parce qu’entre-temps, les partis avaient annoncé les ministres qui étaient retenus pour
entrer dans le gouvernement intérimaire. Et comme les gens se faisaient tuer dans tous
les quartiers, aussitôt prononcés les noms des ministres retenus par le Premier Ministre
désigné, Kambanda Jean, le général Gatsinzi — à l’époque, il était colonel —
a dépêché des militaires pour aller chercher dans les quartiers tous ces candidats
ministres dans la nuit même, et ils nous ont rejoints à l’Hôtel des Diplomates.
Donc, nous sommes restés là-bas, dans la nuit du 8. Nous sommes restés là-bas le 9.
Ils ont prêté serment. Nous sommes restés là-bas le 10. »

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fgtquery v.1.9, 9 février 2024