Fiche du document numéro 35653

Num
35653
Date
Vendredi 20 mai 1994
Amj
Auteur
Fichier
Taille
5300292
Pages
3
Urlorg
Titre
Note - Objet : Entretien du Directeur des Affaires Africaines et Malgaches avec M. Twagiramungu (19.05.94)
Nom cité
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Nom cité
Nom cité
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Mot-clé
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Cote
N° 1365/DAM ; MAE 4185TOPO (244-246)
Source
Fonds d'archives
Type
Document diplomatique, TD
Langue
FR
Citation
(940520A)
MINISTERE REPUBLIQUE FRANCAISE
DES
AFFAIRES ETRANGERES Paris, le 20 MAI 1994

DIRECTION DES AFFAIRES
AFRICAINES ET MALGACHES

LE DIRECTEUR

N°1365/DAM

NOTE

Objet : Entretien du Directeur des Affaires Africaines et
Malgaches avec M. TWAGIRAMUNGU. (19.05.94).



De l'exposé de M. TWAGIRAMUNGU, les principaux points
suivants peuvent être retenus :

1°) Ce sont surtout les bénéficiaires du "régime MRND"
(dans le parti, l'armée, l'administration...) qui ont cherché à
faire obstacle, dès le début, aux négociations avec le FPR,
puis, plus tard, à la mise en oeuvre des accords d'Arusha. Les
extrémistes dans l'entourage du Président Habyarimana ont usé
de toutes les manoeuvres dilatoires possibles pour empécher la
mise en place des nouvelles institutions. L'armée n'a jamais
été d'accord pour céder 40 % en son sein au FPR, car cette
mesure aurait entraîné de nombreuses démobilisations. Le
gouvernement aurait du expliquer les accords et chercher à
convaincre. Il a, au contraire, prêché la haine “contre les
Tutsi aidés par l'Ouganda".

2°) L'archarnement observé depuis le 7 avril contre les
politiciens de l'opposition s'explique par le refus des plus
durs du MRND d'accepter le partage du pouvoir. L'objectif
était de décapiter l'opposition. Les massacres n'ont été
nullement spontanés. Ils ont été planifiés depuis longtemps. Le
Ministre de la défense distribuait des armes aux milices. Le
Général Dallaire en avait d'ailleurs été dûment informé en
temps opportun.

3°) ; S'agissant de l'attentat contre le Président
Habyarimana, le Premier Ministre désigné a observé que, dès la
nuit du 6 au 7 avril, certains éléments de l'armée rwandaise
(le Colonel Bagasora Directeur du Cabinet du Ministre de la
Défense en particulier) ont eu un comportement très douteux, et
ont refusé de suivre les conseils du représentant du SG des


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Nations-Unies qui leur recommandait de prendre contact avec le
Chef du gouvernement légitime traitant celle-ci de "femme
maudite" (Mme Agathe UWILINYIMANA). Ils ont empéché cette
dernière de s'exprimer à la radio, et sont allés prendre
contact avec ceux qui devaient, par la suite, former le
gouvernement intérimaire que l'on connait. Ce gouvernement
était illégal: sa constitution non conforme aux accords
d'Arusha qui étaient devenus la loi fondamentale du pays. Une
enquète internationale pour identifier les auteurs du crime
était indispensable. Il était injuste et insultant d'accuser la
Belgique.

M. Twagiramungu à souligné qu'il était d'accord avec les
déclarations du fils du Président Habiarimana selon lesquelles
Son père, de son vivant, réussissait à contenir les
extrémistes. Il avait malheureusement été, d'une certaine
façon, prisonnier de ces derniers.

4°) M. Twagiramungu à salué la position du Ministre qui
avait parlé de génocide. Il a expressement demandé l'aide de
notre pays pour la mise en place d'un tribunal pour juger les
initiateurs des massacres et leurs complices. Il était
important d'éviter la tentation, si justice n'était pas faite,
d'actes de vengeance à l'avenir.

5°) En ce qui concerne la MINUAR renforcée, le Premier
Ministre désigné a indiqué qu'il acceptait une force de
caractère humanitaire, et la création de zones de sécurité pour
protéger notamment les personnes déplacées. Cette force devait
avoir, aussi, pour mission de repousser les attaques des
milices. Elle devait assurer et protéger le passage de l'aide
alimentaire car, il y avait un risque que celle-ci soit
confisquée par les milices.

6°) Pour mettre fin aux hostilités, il fallait qu'une
forte pression s'exerce sur les belligéreants. Dans le passé
les efforts de la France avaient été appréciés car le peuple
rwandais ne voulait pas être pris d'assaut par le FPR. Dans la
phase actuelle, un gouvernement excluant le FPR était
inconcevable. Il devait y avoir partage du pouvoir avec lui. Ni
l'armée rwandaise seule, ni le FPR seul ne pouvait apporter une
solution. Le cessez le feu et la mise en place des institutions
prévues dans les accords d'Arusha étaient nécessaires. Il
fallait faire accepter aux militaires rwandais de discuter avec
le FPR. Au sein de cette armée Rwandaise tous les décideurs
n'étaient pas des extrémistes. La France qui connaissait les
militaires non-extrémistes pouvait-elle identifier quelques
interlocuteurs possibles et les influencer dans ce sens ? Bien
sûr c'etait délicat, Mais il fallait le faire. Le FPR, de son
côté, devait comprendre que la victoire militaire totale
n'était pas possible. L'armée rwandaise semblait décidée à
poursuivre les massacres aussi longtemps que les combats avec
le FPR se poursuivaient.


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7°) En réponse à diverses questions, M. Twagiramungu, a
répondu qu'il y avait effectivement des liens étroits entre les
forces armées rwandaises et les milices. Ces dernières
pouvaient être évaluées à environ 6 à 8000 pour l'ensemble du
territoire rwandais. Non, pour l'heure le FPR n'était pas prêt
à négocier. Il poursuivait ses objectifs militaires. Sans doute
la prise de Kigali. S'agissant d'un sommet régional, il s'est
interrogé sur son efficacité. Il préférait des contacts
diplomatiques bilatéraux. Et puis l'Ouganda et la Tanzanie
estimaient que le Chef d'Etat du Zaire avait été incapable de
mettre de l'ordre dans son propre pays. Que pourrait-il faire
d'utile au Rwanda ? Par ailleurs, il n'avait pas d'indications
précises sur les armes qui seraient acheminées au Rwanda en
provenance du Zaire.

— Il souhaitait que la France et la Communauté
internationale apportent un soutien aux modérés qu'il fallait
"reconstituer".

— Il ne voyait pas, au stade actuel, quelle action précise
engager pour obtenir le cessez le feu. Il était surtout
important à ses yeux que le FPR ait l'illusion d'un succès sur
le terrain de manière à ce que la négociation politique puisse
reprendre en vue de l'application des accords d'Arusha.

M. Twagiramungu s'est déclaré satisfait de ce premier
contact avec les autorités françaises et a exprimé son entière
disponibilité pour d'autres rencontres dans les tout prochains
jours./.

J.M. de La SABLIERE
DESTINATAIRES : — CABINET DU MINISTRE :
M. de VILLEPIN
M. EMIE

Mme LOISEAU-DUCOULOMBIER

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