Automne 1990. En mission au Rwanda, le capitaine français Jorik Arteta tombe amoureux d'une jeune enseignante tutsie, Espérance, qui milite pour l'avènement de la démocratie. Bientôt, ils ont une petite fille, Aline. Mais le danger couve et, lorsque l'avion du président Juvénal Habyarimana est abattu par un missile, le 6 avril 1994, les milices hutues crient vengeance et ordonnent à la population de sortir les machettes pour assassiner en masse hommes, femmes et enfants tutsis. Alors que le meurtre s'invite partout, dans le moindre village, la moindre famille, Jorik, rapatrié avec sa compagnie, reste sans nouvelles d'Espérance et de leur enfant. De retour à Kigali, lors de l'opération Turquoise censée mettre fin au massacre, il va tout faire pour les retrouver...
Pourquoi l'auteur de « Code Lupin » et d'« Un avion sans elle », dont les enquêtes policières séduisent tant de lecteurs, a-t-il pris le risque de les immerger dans l'un des crimes les plus abominables du XX
e siècle ? «
En 1994, j'étais un jeune maître de conférences en géographie politique à l'université de Rouen, je faisais travailler mes étudiants sur la différence de traitement de ces événements par les médias français, qui mélangeaient bourreaux et victimes en parlant de 'génocides' au pluriel, et ceux de l'étranger, très critiques envers l'implication de la France, explique Michel Bussi
. Et puis ça m'énervait que des copains ne voient dans le drame du Rwanda qu'un règlement de comptes de plus entre Africains. Il fallait bien que quelqu'un s'y colle pour rétablir les faits... »
« Les gens qui lisent des romans ne sont pas forcément rebutés par les tragédies de la grande Histoire »
Choix courageux, approuvé par le journaliste Patrick de Saint-Exupéry, qui a accompagné l'auteur sur les lieux de ces crimes inouïs, au sinistre bilan de près d'un million de victimes. Avec passage obligé sur la colline de Bisesero, dernier bastion de résistance des Tutsis, cernés par les miliciens Interahamwe, et où Espérance trouve refuge avec son bébé. Avec elle, on ressent l'horreur face à la cruauté et à la haine sans limites des génocidaires hutus. Leur chasse impitoyable va la poursuivre jusque dans le camp de Goma, sous l'oeil impuissant, voire complice, des soldats français. Ici, le roi du suspense met son art du twist renversant au service de crimes réels, atroces, et surtout vérifiables. Mais ne craint-il pas d'être accusé de « légèreté » en s'emparant ainsi d'un carnage aussi dantesque ? «
Je suis un auteur populaire et je crois que les gens qui lisent des romans ne sont pas forcément rebutés par les tragédies de la grande Histoire, du moment qu'elles sont traitées par le prisme de l'histoire intime. Moi, j'ai appris à 12-13 ans la montée du nazisme, la nuit de Cristal et la Shoah à travers la série 'Holocauste', un phénomène énorme qui a bouleversé toute ma génération... » Mais l'auteur sait pertinemment qu'il avance en terrain littéraire miné. Il a donc pesé rigoureusement chaque mot de son récit aussi haletant que bouleversant. «
Parfois, on m'a dit : 'Attention, Michel, tu utilises trop le terme 'folie', alors que c'est un génocide qui a été planifié.' Effectivement, les commanditaires savaient précisément qui tuer... »
Le trouble capitaine Paul Barril, mouillé jusqu'au cou et complice des extrémistes hutus, ne va sans doute pas apprécier d'apparaître dans son livre en menteur sans scrupule. Et doit même être outré que le jury du Renaudot ait salué le roman de Michel Bussi en l'incluant dans sa première liste. Un auteur qui, on l'espère, sera justement récompensé de son audace. Quitte à faire mentir l'adage selon lequel la vérité n'a pas de prix...