Fiche du document numéro 35544

Num
35544
Date
Jeudi 25 juin 1998
Amj
Auteur
Fichier
Taille
7960417
Pages
3
Titre
Note à l'attention de Monsieur le Ministre - Objet : Réunion de la Mission parlementaire d'information sur le Rwanda. Jeudi 25 juin 1998 [Audition du général Heinrich, directeur du renseignement militaire, du préfet Jacques Dewatre, directeur de la DGSE, et du général Delort, COMOPS Noroît]
Nom cité
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Nom cité
Nom cité
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Mot-clé
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Cote
SHD GR 1993 Z 169:3 (452-450)
Source
Fonds d'archives
Type
Note
Langue
FR
Classification
CD
Declassification
Min. Def. N° 001287 du 19 MAR 2021
Citation
** Page 1 **
MINISTERE DE LA DEFENSE

LE CHARGE DE MISSION
auprès du Chef adjoint du Cabinet civil Paris, le 25 juin 1998
chargé des Relations avec le Parlement

NOTE

à l'attention
de Monsieur le Ministre



OBJET : Réunion de la mission parlementaire d'information sur le Rwanda.
Jeudi 25 juin 1998

La mission d'information à procédé aux auditions non publiques du Général HEINRICH du Préfet
DEWATRE et du Général DELORT.

Outre le Président étaient notamment présents : Pierre BRANA : Jacques DESALLANGRE : René
GALY-DEJEAN : François LAMY : François LONCLE : Jacques MYARD : Jean-Bernard
RAIMOND : Michel VOISIN.

Dans une très brève intervention, le Général HEINRICH a expliqué que les moyens d'investigation à la
fois humains et techniques dont disposait la DRM au Rwanda lui avaient permis de bénéficier
d'informations "d'un très bon niveau” sur l'évolution de la situation dans ce pays de juin 1992 à
décembre 1993 (fin de l'opération Noroit). L'intervenant a souligné que les renseignements recueillis ont été régulièrement transmis aux autorités politiques et militaires. Il a également précisé qu'après le mois de décembre 1993 les informations obtenues avaient été d'une qualité moindre.

Les questions posées par les parlementaires ont porté sur :
- L'attentat du 6 avril 1994 : "On n'a jamais été sûr de rien, aucune certitude. sauf que ce sont des
SAM/16. mais de là à savoir qui a tiré...". L'orateur a souligné qu'il n'avait pas été possible de faire des investigations sur place.

Les photographies transmises par la Mission militaire de Coopération: Le Général HEINRICH a déclaré "ne plus avoir d'éléments en tête". La MMC avait servi d'intermédiaire. Il a suggéré que l'on interroge l'attaché de défense.

- L'appartenance de l'Adjudant-Chef DIDOT à la DRM : Après avoir déclaré qu'il ne donnerait "jamais
le nom de quelqu'un qui a travaillé pour la DRM", l'intervenant a précisé qu'"à sa connaissance
l'Adjudant-Chet DIDOT n'avait pas appartenu à la DRM.
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- Les effectifs, l'armement et la formation des combattants FPR : L'orateur a expliqué que le FPR
disposait de SAM16 et qu'"on avait mis en garde notre armée de l'air". S'il s'est par ailleurs déclaré
surpris par la qualité et l'intelligence des actions conduites par le FPR" (infiltrations, pénétrations puis blocage des principaux axes), il a néammoins souligné qu'il n'y a jamais eu de preuve de l'encadrement de soldats FPR par des militaires étrangers.

- La recherche de renseignements en Ouganda : Le Général HEINRICH a affirmé que la DRM n'avait
pas envoyé d'agent en Ouganda.

- Les méthodes d'archivage de la DRM : Le Général HEINRICH pense que les notes de synthèse ont pu
être conservées. Il se montre en revanche beaucoup plus sceptique en ce qui concerne les notes
d'informations quotidiennes.

- La série d'attentats perpétrés au Rwanda en 1992-1993 : la distribution d'armes par le gouvernement
rwandais à des milices civiles : la livraison d'armes au Rwanda après avril 1994 : le déclenchement de
l'action des troupes du FPR avant l'attentat du 6 avril : faute d'information, l'intervenant a déclaré ne pas être en mesure de répondre à ces questions

Audition du Préfet Jacques DEWATRE, Directeur de la DGSE

En introduction, le Préfet DEWATRE a affirmé que la DGSE répondait aux priorités du gouvernement
"telles qu'il nous les fixe" et qu'en aucun cas elle ne pratiquait l"auto-orientation".
L'évolution de la situation dans la région des Grands Lacs ne constituant pas une priorité pour les autorités politiques, il a expliqué que la DGSE n'avait jamais eu de membre permanent au Rwanda avant le 20 juin 1994.


A partir du déclenchement de l'opération Turquoise, un agant de la DGSE "travaillant uniquement sur zone FPR" a été mis à la disposition du génaral Lafourcade. L'intervenant a précisé que la DGSE avait travaillé de manière clandestine en utilisant des "moyens techniques". Il a ajouté qu'elle avait "traité" des sources très proches des autorités politiques locales (par exemple une personne de l'entourage de Paul KAGAME pendant toute l'opération Turquoise).

A propos de l'attentat du 6 avril 1994 le Préfet DEWATRE a précisé que la DGSE avait pu envoyer quelqu'un "sur place" le 8 avril.

Il a reconnu que le missile retrouvé "portait un numéro [...] se rapprochant d'une série de missiles détenus par l'armée ougandaise à une lettre près." Il a néanmoins souligné qu'on ne possédait pas de preuve permettant d'identifier l'auteur de l'attentat.

L'orateur a par ailleurs expliqué que si la DGSE avait "toujours écrit que l Ouganda aidait
logistiquement le FPR [...], la présence d'unités ougandaises sur le terrain n'avait jamais été constatée".
De même. bien que de l'armement libyen ait transité par l'Ouganda (cf. une note de la DGSE du 30 mai
1991). il n'existe "aucune preuve" d'une aide directe de la Libye au FPR.

Répondant aux questions des membres de la mission. le Préfet DEWATRE a approfondi un certain
nombre de points :

L'attentat du 6 avril 1994: L'intervenant refuse de trancher entre la piste du FPR et celle des
extrémistes hutus. Il n'accorde néanmoins "aucun crédit" à la thèse mettant en cause l'armée belge.

À propos des photographies transmises par la MMC, il a affirmé qu'elles "ne viennent pas de la DGSE. Nous sommes très sceptiques sur la sortie soudaine de ces photos".

Le Préfet DEWATRE a également déclaré qu'il lui semblait "qu'en février 1991 un missile de ce type
avait été récupéré par l'armée Rwandaise et présenté à l'attaché de Défense de l'époque”
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Pour ce qui regarde la liste des missiles sol-air en dotation de l'armée ougandaise, l'intervenant n'a pas donné les sources ayant permis d'établir une telle liste. Il a simplement précisé que les renseignements ne dataient pas de 1994 mais avaient été obtenus récemment: la note a été écrite en janvier 1998 à la suite des déclarations du Professeur Filip REYNTJENS, selon lesquelles les services de renseignements militaires britannique, belge et américain lui avaient affirmé que les deux missiles sol-air ayant servi à abattre l'avion de Président rwandais provenaient d'un lot saisi en février 1991 par l'armée française en Irak et acheminé en France. Le Préfet DEWATRE a également ajouté que les services de ces trois pays avaient nié être à l'origine de ces informations.

Il a par ailleurs souligné "qu'on a su très vite par Dassault que l'avion n'avait pas de boîte noire”.

- Le rôle exact du capitaine BARIL sur la scène rwandaise:après avoir affirmé avec force "qu'on essaie de traitre [un tel type de personnage] avec la cuillère La plus longue possible”, le Préfet DÉWATRE a
déclaré de manière quelque peu elliptique que “le Capitaine BARIL connaissait très bien Madame
HABYARIMANA ainsi que Jean-Pierre HABYARIMANA. Après l'opération Amarylis et jusqu'en août
1994 il n'était pas très loin d'eux..."


- L'équipage de l'avion du Président HABYARIMANA ne travaillait pas pour la DGSE et ne lui a fourni
aucun renseignement.

Le Préfet DEWATRE a par ailleurs démenti qu'un officier de la DGSE ait piloté un hélicoptère d'attaque
au Rwanda.


Audition du Général Dominique DELORT, COMOPS Noroît (février - mars 1993).


Le Général DELORT a rappelé qu'il avait été envoyé au au Rwanda par l'Amiral LANXADE à la suite "de
l'écroulement des FAR" devant l'offensive générale lancée par le FPR en février 1993. Sa mission
première était d'assurer la sécurité des ressortissants français (récupération et exfitration des Français se trouvant à Ruhengeri : protection de l'ensemble des ressortissants vivant au Rwanda).

"Parti pour quelques jours". le Général DELORT est en définitive resté 50 jours au Rwanda. "La
bascule" a eu lieu le 20 février lorsque lui a été communiqué l'ordre d'assurer la protection des
ressortissants français et étrangers "sur place". Renforcées à partir du 21 février, les troupes françaises vont également assurer un rôle de "conseil" auprès des FAR en évitant tout engagement direct : "le combat des FAR n'était pas le nôtre". Pour ce qui le concerne, l'intervenant a déclaré qu'il avait un entretien presque quotidien avec le Chef d'Etat-Major des FAR.

Le rétablissement progressif des FAR et la signature d'un cessez-le-feu ont permis le désengagement
rapide des forces françaises dès la fin du mois de mars.

Répondant aux questions des parlementaires. le Général DELORT a décrit de manière très détaillée le
dispositif militaire mis en place. Il a notamment expliqué qu'il avait installé des points de contrôle à l'entrée de la ville de Kigali. En attendant que la gendarmerie rwandaise soit en mesure d'assurer le relais, ces postes de contrôle furent occupés, pendant 24 ou 36 heures, par des soldats français.

Le Général DELORT a également précisé qu'il avait reçu à deux reprises la visite d'un officier américain, le Colonel "MARLEY". Ce dernier, attaché à l'équipe africaine du département d'Etat, semblait être "le traitant" du Général KAGAME.

Jean-Christophe LE MINH
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