Fiche du document numéro 35543

Num
35543
Date
Mercredi 14 octobre 1998
Amj
Auteur
Fichier
Taille
8185871
Pages
3
Titre
Note à l'attention de Monsieur le Ministre - Objet : Mission parlementaire d'information sur le Rwanda - Mardi 13 octobre 1998. Auditions complémentaires du Colonel Cussac, du Colonel (ER) Maurin et du Lieutenant-Colonel de Saint-Quentin
Nom cité
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Mot-clé
Cote
SHD GR 1993 Z 169:3 (449-447)
Source
Fonds d'archives
Type
Note
Langue
FR
Classification
CD
Declassification
Min. Def. N° 001287 du 19 MAR 2021
Citation
Les entretiens se sont déroulés à l'Assemblée Nationale, dans le bureau de Bernard CAZENEUVE, en
présence d'Anne FRAGO, conseillère à l'Assemblée Nationale et du Général MOURGEON, chef de la
cellule Rwanda. Les personnes auditionnées ont été entendues les unes à la suite des autres.

Les Colonels CUSSAC et MAURIN ont répondu aux questions de Bernard CAZENEUVE pendant près
d'une heure et demie. Le Lieutenant-Colonel de SAINT-QUENTIN a été interrogé de manière plus brève
(environ 45 minutes).

- Audition du Colonel CUSSAC, ancien Attaché de Défense et ancien chef de la MAM (juillet
1991 - avril 1994), COMOPS Noroît (juillet 1991 - décembre 1993, hormis février et mars
1993)

Après avoir rappelé qu'il se trouvait à Paris le mercredi 6 avril 1994 au moment de l'attentat contre
l'avion du Président HABYARIMANA, le Colonel CUSSAC a révélé deux faits dont il n'avait pas fait
part lors de son audition du 6 mai 1998 :

+ Avant de retourner au Rwanda, il a rencontré, dans la matinée du vendredi 8 avril 1994, en présence
du Colonel BENTEGEAT, le Général QUESNOT, Chef de l'Etat-Major particulier de la Présidence
de la République. Ce dernier lui a précisé les deux point principaux de sa mission : assurer la
protection des ressortissants français (à ce moment-là, il n'était pas encore question d'évacuation) et
essayer de déterminer les causes de l'attentat.

Après être revenu à Kigali (le samedi matin), il a ordonné par radio au Lieutenant-Colonel de
SAINT-QUENTIN d'effectuer une troisième mission ("vraisemblablement samedi après-midi") sur
les lieux de l'attentat. Le Lieutenant-Colonel de SAINT-QUENTIN, qui s'était déjà rendu sur place
deux fois et avait également pour objectif d'assurer l'évacuation d'une partie de la famille du Président
HABYARIMANA, n'a trouvé aucun indice sur les causes du crash de l'avion présidentiel.

Les autres points abordés ont porté sur :

- L'attentat du 6 avril 1994 :". Même si je n'exclus pas la piste des extrémistes hutus [..] mon intime
conviction est que l'attentat a été réalisé par le FPR.. [l'implication de la MINUAR] ne me paraît pas
possible". Par ailleurs, le Colonel CUSSAC a expliqué que le pilote de l'avion du Président rwandais lui
avait dit quelques temps avant l'attentat que son appareil ne comportait pas de boîte noire et ne disposait pas de leurres lui permettant d'éviter les tirs de missiles.

- La présence de la DGSE au Rwanda de janvier à avril 1994 : Officiellement, la DGSE quitte le
Rwanda en décembre 1993 avec les derniers éléments de l'opération Noroît. "Mais cela ne veut pas dire
qu'officieusement" elle n'était pas là. Ainsi, le 8 avril 1994, dans l'avion le ramenant à Bujumbura, le
Colonel CUSSAC a reconnu "deux personnes de la DGSE"

- L'assassinat des Adjudants-Chefs DIDOT et MEYER : Selon le Colonel CUSSAC, les deux soldats
français ont été assassinés pour des raisons "géographiques" ("is logeaient dans une zone FPR") et
professionnelles (l'Adjudant-Chef DIDOT était responsable des transmissions de la MMC).

L'orateur a d'autre part réfuté les allégations du rapport belge selon lesquelles l'Armée française aurait
mis en place une mission d'écoute au Rwanda en février 1994.

A son retour, le Colonel CUSSAC a vu l'Amiral LANXADE, le Colonel DELORT et le Général
HUCHON. "C'est dans un bureau de la MMC, qu'avec le Colonel MAURIN nous avons rédigé un
dernier document qui était une sorte de rétrospective des événements des derniers jours [..] Il est
évident que dans le cadre de relations hiérarchiques … le Général HUCHON a eu un exemplaire de ce
document".

Bernard CAZENEUVE a rappelé que cela contredisait les propos du Général HUCHON qui avait
affirmé ne plus avoir "à connaître de ces affaires" à cette Époque.


2. - Audition du Colonel MAURIN (ER), adjoint de l'Attaché de Défense, chef du DMAT et
conseiller du Chef d'Etat-Major des FAR d'avril 1992 à avril 1994

Les questions posées par Bernard CAZENEUVE ont principalement porté sur :

- Le rôle du Lieutenant-Colonel de SAINT-QUENTIN : Le Colonel MAURIN a souligné que si le
Lieutenant-Colonel de SAINT-QUENTIN avait reçu son autorisation pour se rendre par deux fois sur le
lieu de l'attentat, il ne lui avait pas donné en revanche "d'instructions particulières". Il a confirmé que le Lieutenant-Colonel de SAINT-QUENTIN s'était rendu à une troisième fois dans la résidence du
Président HABYARIMANA (où l'avion s'est écrasé) et expliqué que cette dernière mission avait pour
but l'évacuation de membres de la famille HABYARIMANA (la liste de ces personnes avait été établie
par Madame HABYARIMANA et remise par l'Ambassadeur MARLAUD). Cette tentative s'avéra vaine
Car toutes les personnes concernées avaient déjà pris la fuite.

- L'attentat du 6 avril 1994 : Le Colonel MAURIN a exprimé "la conviction profonde" que l'attentat
avait été réalisé par des "professionnels" constituant "un bras armé par le FPR". Le Colonel MAURIN a
par ailleurs précisé n'avoir reçu aucune instruction visant à enquêter sur l'attentat.

- L'assassinat des Adjudants-Chefs MEYER et DIDOT : Le vendredi 8 avril à 10 h 00 du matin, le
Colonel MAURIN leur a donné l'ordre de "fout démonter" et de partir. À midi, les deux soldats étaient
toujours en place. À partir de 14 h 00, l'intervenant a perdu tout contact radio. Le patron de l'hôtel
MERIDIEN lui a appris vers 17 h 00 que "le couple DIDOT s'était fat rafalé par le FPR".

Les corps ont pu être récupérés grâce à l'aide de trois officiers sénégalais de la MINUAR.

- La présence de la DGSE au Rwanda de janvier à avril 1994 : "Je n'en sais rien... Je me doute bien
qu'il y a eu du monde..." Le Colonel MAURIN a par ailleurs ajouté que l'Armée française n'avait pas mis
en place un service d'écoute au Rwanda en février-mars 1994.

- L'entraînement des milices rwandaises par l'Armée française : Interrogé sur le rôle joué par deux
soldats français (Gérard GRATADE et Denis ROUX), le Colonel MAURIN a répondu que pour lui ces
deux militaires n'avaient pas dépassé le cadre de la mission qui leur avait été définie.

De retour à Paris, le Colonel MAURIN a rencontré l'Amiral LANXADE, le Général HUCHON ("On lui
a raconté tout ce qu'on a fait... CUSSAC et moi, on était ses enfants..") et le ministre de la coopération
de l'époque, Michel ROUSSIN (en octobre 1994, "après la sortie du livre de Colette BRAECKMAN, il
m'a demandé de lui dire les yeux dans les yeux que je n'étais pour rien dans l'attentaf").

3. - Audition du Lieutenant-Colonel de SAINT-QUENTIN, conseiller technique pour les activités
de la 3ème dimension auprès du bataillon parachutiste rwandais (11 août 1992 - 12 avril 1994)

Essentiellement interrogé sur l'attentat du 6 avril 1994, l'intervenant a confirmé les propos qu'il avait
tenus lors de sa première audition (26 mai 1998).

S'il a reconnu être retourné une troisième fois dans la résidence du Président HABYARIMANA, il a
précisé que ce n'était pas pour fouiller les débris de l'épave de l'avion mais pour évacuer une partie de la
famille HABYARIMANA (Je suis retourné une fois à la résidence mais pas sur les lieux du crash")
Le Lieutenant-Colonel de SAINT-QUENTIN n'a par contre pas exclu que "des officiers français aient pu
retourner le dimanche sur les lieux de l'attentat".

Revenu à Paris, le Lieutenant-Colonel de SAINT-QUENTIN a vu "à plusieurs reprises et de façon
informelle" le Général HUCHON ainsi que des officiers de la MMC.

En octobre 1994, à l'initiative du Général HUCHON, il a rencontré, en compagnie du Colonel MAURIN,
Michel ROUSSIN afin de confirmer de vive voix à ce dernier que les soldats français n'étaient pour rien
dans l'attentat du 6 avril 1994.

Tout au long de ces trois auditions, Bernard CAZENEUVE a essayé d'obtenir des informations sur une
note chronologique, non signée et annotée, remise par la MMC (voir annexe). Cette fiche, sur laquelle
Bemard CAZENEUVE avait déjà demandé des renseignements au Général HUCHON lors de son
audition complémentaire du 5 août 1998, tend à montrer la responsabilité du FPR dans l'attentat du
6 avril 1994.

Aucun des trois orateurs ne s'est déclaré en mesure de fournir le moindre élément d'information. Le
Lieutenant-Colonel de SAINT-QUENTIN a "solennellement" affirmé n'avoir pour sa part jamais envoyé
de télex ou de message, contrairement à ce que pourraient laisser croire les annotations situées dans la
marge de la note.

Il convient par ailleurs de signaler le mauvais état des relations entre Bernard CAZENEUVE et le
Général HUCHON. Le rapporteur semble notamment persuadé que l'ancien Chef de la MMC lui
ment.
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fgtquery v.1.9, 9 février 2024